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Full text of "Recherches historiques sur la ville d'Alet et son ancien diocèse"

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BIBLIOTHECA 



SUR 



\y^ 



LA VILLE D'ALET 

ET SON ANCIEN DIOCÈSE 

Ci:nK n'ALET-SUR-AUDE. 




CARCASSONNt 
hiPRiMRRif: Norvnij.n J. PARER, rik mz la Prkfecture. 'lO. 



ISW 




en 



ÉVECHE DE CARCASSONNE 



Cher Monsieur le Curé , 

Le livre que vous allez publier me semble destiné à 
acquérir une grande popularité dans notre pays. Il fait revivre 
les antiques gloires de cette petite cité d'Alet, déjà fameuse 
sous les Romains , et dans laquelle a fleuri , pendant tant de 
siècles , une célèbre colonie Bénédictine dont vous retracez 
si bien les origines, l'influence et les travaux de tout genre. 

Mais ce que vous vous êtes proposé avant tout , c'est 
d'écrire l'histoire dudiocèsed'Alct, depuis safondationjusqu à 
la Révolution française, depuis cet abbé Bénédictin sorti de 
sa cellule pour monter sur le siège épiscopal , jusqu'à Mgr 
de la Croptc de Chantérac, ce saint et courageux évoque , 
qui , pendant les jours de la Terreur , plutôt que de trahir 
sa foi , prit le chemin de l'exil et alla mourir sur la terre 
étrangère. Dans le vaste cadre que vous embrassez , vous 
faites passer sous nos yeux les principaux évêques d'Alet , 
dont quelques-uns auraient pu être si grands dans l'Eglise, 
si, par un faux rigorisme, ils n'avaient desséché les âmes , 
en leur fermant, comme vous le dites si bien, les sources 
divines de la vie. Quoi qu'il en soit, c'est une belle page 
ajoutée à l'histoire ecclésiastique de notre pays, que le 
tableau que vous faites de l'ancien diocèse d'Alet, qui, 
bien que perdu dans les montagnes et resserré dans de si 
étroites limites, a occupé une si grande place dans l'Eglise 
de France. 



Dans votre ouvrage, l'histoire des monuments religieux 
d'Alet, depuis les restes tant de fois séculaires des temples 
du paganisme jus({u'aux chefs-d'œuvre de l'art chrétien, 
n'est pas la partie la moins intéressante. La description si 
précise et si exacte que vous en faites honore votre goût et 
vos connaissances en architecture et en archéologie. A 
quels patients labeurs n'a-t-il pas fallu vous livrer pour 
compulser les documents, d'où vous avez tiré les matériaux 
de cette description et des autres parties de votre ouvrage ! 
Aussi, j'ose dire que, dans le vaste champ des recherches 
historiques, où vous avez moissonné à pleines mains, en 
ce qui regarde votre sujet, il reste peu à glaner pour ceux qui 
viendront après vous. 

Vous avez donc fait un bon livre, qui sera apprécié des 
amis de la religion et de l'art, ^'otre Histoire d'Alet, en 
retraçant un glorieux passé, appellera Tattention publique 
sur ces belles ruines dont vous êtes le gardien si intelli- 
gent et si dévoué. Le touriste et l'archcologuc, qui les 
visiteront votre livre à la main, pourront se représenter les 
merveilles d'architecture que le génie chrétien avait, en 
quelque sorte, accumulées à Alet, et auxquelles vous venez 
de donner une nouvelle vie. 

Aussi, Mgr l'Evoque, qui sait si bien apprécier les travaux 
historiques qui peuvent, comme votre livre, ajouter uli 
nouvel éclat aux anciennes gloire de son diocèse, me charge 
de vous adresser ses remercîments et ses félicitations. 
C'est de tout cœur qu'il approuve et bénit votre Histoire 
d'Alet, persuadé qu'elle vous aidera à atteindre le but si 
louable et si pieux que vous vous êtes j^'^^^P^^^ ^^ 
l'écrivant. 

Veuillez agréer, cher Monsieur le Curé, l'assurance de 
tout mon dévouement en N.-S. 

FOURNIER, Vir.'Gén. 



NOTICE 

HISTORIQUE," TOPOGRAPHIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE 



DE 



LA VILLE D'ALET 

(A.XT1DE) 

ANCIEN ÉVÊCHÉ 



CHAPITRE PREMIER. 
Description Xopograpliique cl^A.let. 



CLIMAT , PRODUCTIONS , STATISTIQUE , 
ARMOIRIES. 



La petite cité d'Alet, traversée par la route nationale 
de Paris à Mont-Louis , et par le chemin de fer de 
Carcassonne à Quillan , est située vers le milieu du 
parcours de la rivière d'Aude, au pied des premiers 
contre-forts des Pyrénées , à 9 kilomètres de la ville de 
Limoux , son chef-lieu d'arrondissement. Cette ville , 
qui remonte à la plus haute antiquité , est posée comme 
une corbeille de Heurs dans une déUcieuse vallée que 
Dieu s'est plu à enrichir de tous les dons de la nature. 
Nulle part, dans le pays qui l'environne, le Ciel ne 
s'est montré plus prodigue de ses bienfaits , ni la terre 
plus féconde dans ses produits. Aussi son nom d'Alet, 



dont l'étymologie première (Electus) veut dire lieu 
choisi j endroit privilégié, lui vient-il de sa situation 
exceptionnelle. 

Les Romains qui recherchaient avec tant de soin les 
sources thermales , appelèrent ce lieu Bourg choisi , 
Pagus Electensis , endroit de prédilegtiOxN , et il faut 
dire qu'Alet mérite , entre tous les pays , de porter ce 
nom privilégié. En effet, le charmant vallon d'Alet, si 
justement appelé le jardin du département de l'Aude, 
est abrité de toutes parts par des montagnes élevées 
de 646 à 750 mètres au-dessus du niveau de la mer, 
tandis que la ville n'est qu'à 186 mètres. Rien de plus 
pittoresque et de plus abrupte que ces montagnes qui 
protègent principalement Alet contre les vents glacés du 
Nord et du Nord-Ouest. Grâce à ces conditions climatéri- 
ques et topographiques, on y jouit en toute saison 
d'une douce température , très-favorable pour la santé 
et la végétation. 

Le sol couvert de jardins et de vergers est arrosé par 
les eaux abondantes du Théron, qui naissent à un kilo- 
mètre en amont d'Alet , et à 500 mètres en aval , on 
admire la source non moins abondante des Eaux- 
Chaudes qui fertilise les plus riches potagers. Ces terres 
privilégiées produisent les primeurs des plantes maraî- 
chères de toute espèce , et ces fruits précoces et exquis 
qui ont fait appeler Alet , comme nous l'avons dit , le 
Jardin du département de l'Aude. 

Pour compléter cette description nous devons ajouter 
que la rivière d'Aude qui baigne les murs d'Alet , les 
autres petits cours d'eau qui traversent la vallée , et dont 



le principal , le Théron , arrose au moyen d'un aqueduc 
toutes les parties de la ville , et, avec eux, les hautes 
montagnes couvertes de bois qui l'environnent , entre- 
tiennent en été , dans ce lieu béni , une fraîcheur et un 
climat tempéré qui en ont fait un refuge naturel contre 
les ardeurs de la canicule. 

Alet possède , hors des remparts , du côté du Midi , 
une belle promenade publique , complantée de mûriers 
en partie séculaires , et entourée de jardins potagers qui 
font l'admiration des visiteurs. 

Il résulte de tous ces avantages un bien-être moral et 
physique pour ses habitants dont la plupart atteignent 
un âge très-avancé , ainsi que pour les nombreux bai- 
gneurs qui fréquentent les eaux thermales pendant la 
saison d'été. Nous parlerons de ces eaux thermales dans 
un chapitre particulier qui complétera la description de 
ce pays, comblé par le Ciel de toutes sortes de bienfaits. 
Aussi la vallée d'Alet est-elle considérée par les nom- 
breux touristes qui la visitent , comme l'une des plus 
pittoresques des Pyrénées. Ses beautés riantes au milieu 
d'un site grandiose etaccidenté, ses eaux qui murmurent, 
son antique et curieuse Eglise cncastellée , où l'on trouve 
des constructions Gallo- Romaines dans le Fanum de 
Diane, et dont le clocher à moitié détruit domine la ville, 
à côté de la tour Saint-André , au milieu d'arbres pres- 
que aussi élevés que lui , rappellent en petit, la ville de 
Tivoli avec ses cascatellcs , son temple de Vesta , et la 
riche campagne Romaine, où Horace possédait une 
maison de plaisance. 

Statistique. — Le territoire de la commune d'Alet 



mesure une superficie de 3.924 hectares divisées environ 
en 5.625 parcelles. Sa population qui en 1818 n'était 
que de 950 habitants, s'élève en 1877 au chiffre de 1266, 
en y comprenant les hameaux de Véraza , de Saint- 
Salvaire et les 35 métairies disséminées sur son vaste 
territoire. La ville d'Alet renferme 907 habitants. 

Armes d'Alet. — Suivant l'usage de nos contrées, 
Alet possédait des armoiries parlantes (Alet, Aile). On 
remarque en effet deux ailes étendues qui occupent la 
principale partie de l'Ecusson. Voici la description des 
Armes d'Alet , d'après V Armoriai des Etats du Lan- 
guedoc, imprimé à Paris en 1777. 

Alet : Armes d'Azur, à une croix pattée, accotée de 
deux étoiles et posée sur une vergette , le tout d'or : la 
vergette brochante sur un vol abaissé d'argent e- 
soutenu d'une Foi de même. 

Deux palmes de sinople liées d'azur , servent d'orne- 
ment à l'écu. 




GHA.PITRE II. 



ALET, PENDANT LES PÉRIODES GAULOISE ET ROMAINE. 

Bien avant la venue de Jésus-Christ dans la nuit des 
temps, les rives de l'Aude furent occupées probablement 
par des hordes sauvages, jusqu'à l'invasion des Ibères et 
des Celtes, originaires de l'Asie, qui formaient les deux 
branches principales de la grande famille Gauloise. 

Les premiers habitants que l'histoire rencontre dans 
kl Gaule , sont les Ibères , peuple Sémite , venus par 
l'Afrique et par l'Espagne. Les Celtes ou Galls, descen- 
dants de Japhet, quittèrent l'Asie, vers l'an 2000 avant 
Jésus-Christ , et arrivèrent à leur tour dans la Gaule. 
Ils se mêlèrent aux Ibères, ou les repoussèrent au-delà 
de la Garonne, suivant les circonstances, et ils occupè- 
rent avec la Gaule les, portions de l'Espagne qui 
s'appellent encore de leur nom, Galice et Celtibérie. 



Une tribu Celte , celle des Ataciens , dont le nom 
signifie oiseau pour exprimer l'agilité de ce peuple , 
avait fixé sa demeure vers les rives de l'Aude. Elle y 
avait fondé une Cité, appelée Atax ou Atace , dont le 
nom, d'origine Celtique , passa à la rivière même qui 
l'arrosait. Des savants pensent que la tribu des Ataciens, 
habitait les terres qui s'étendent depuis Limoux 
jusqu'aux sources de l'Aude , et que la Cité d'Atax , 
cette mère-patrie des Ataciens , était édifiée sur le sol 
occupé aujourd'hui par la ville de Limoux. 

Quatre ou cinq siècles avant Jésus-Christ, les Belges, 
peuplades Cimbriques, viennent s'établir dans le Nord 
de la Gaule. Une de leur tribu plus aventureuse , les 
Tectosages, poussa jusqu'à la Garonne , et s'établit à 
Toulouse. Maitres des rives de l'Aude , les Tectosages 
fixèrent leur demeure au milieu des Celtes-Ataciens 
sous le nom de Volces-Tectosages. Il parait que ces 
peuples vécurent en paix , jusqu'à la conquête de 
Narbonne et des rives de l'Aude , par les Romains , 
plus d'un siècle avant la venue de Jésus-Christ. 

Sans parler plus longtemps des objets d'art antiques, 
des médailles celtiques , des figurines, des statues en 
pierre, trouvées dans l'intérieur et aux environs d'Alet, 
comme preuves irrécusal)les du séjour prolongé des 
premiers Gaulois dans nos contrées, et des traces qu'ils 
y ont laissées et qui ne sont pas encore complètement 
effacées, on peut citer l'existence de pierres réputées 
Druidiques non loin d'Alet, à Bacou, à Arce, à Belcastel, 
àPontils, et aussi des noms de divinités Celtiques restés 
attachés à des hameaux ou à des maisons rurales sur les 



7 — 



montagnes les plus rapprochées d'Alct, comme Bacou, 
Arce, Veraza, Grannes de Grann, divinité Celtique des 
Pyrénées, Redde ou Rennes. Le nom de Redde rappelle 
aussi une divinité Celtique : [JEreda) vient de Aer Red, 
SERPENT COUREUR Un autel dédié à ce Dieu a été décou- 
vert au pied de la montagne de Gert , près du village 
de Siradan dans les Pyrénées. (Dumège , Archéologie 
Pyrénenne , t. ii, p. 142). Quant au hameau de Bacou 
situé dans la commune d'Alet, près de la pierre Drui- 
dique de Saint-Salvaire , visitée par les touristes, nous 
en parlerons au chapitre qui lui sera consacré. 

Pendant la période Romaine, le bourg d'Alet acquit 
une certaine importance, et les Romains commencèrent 
à construire les anciens Thermes dont on voit encore les 
fondations et les piscines, abritées par des murs de deux 
mètres d'épaisseur environ. Des médailles romaines 
trouvées dans Alet et les environs, attestent le séjour du 
Peuple- Roi dans nos contrées. De plus , des débris de 
constructions qui ont été découverts à l'orient d'Alet et 
dans les potagers contigus aux Thermes, ont fait croire 
avec fondement que le bourg Gallo-Romain d'Alet 
(Pagus ElectensisJ était bâti sur la colline qui domine 
les sources Thermales. Ces constructions occupaient le 
versant Nord de cette colline, et la première zone du 
vallon qui commence à sa base, et se terminaient au 
cimetière actuel et à l'église en ruine de Notre-Dame qui 
avait occupé l'emplacement de l'ancien Temple de Diane. 

A un demi-kilomètre en aval d'Alet, on voit encore 
les ruines gigantesques du Pont-du- Diable que la légende 
dit avoir été Ijàti par une armée romaine en un jour , 



locution du pays qui veut dire avec une extrême 

CÉLÉRITÉ. 

Il est fait mention d'un petit monument bâti sur 
une roche très-escarpée, nommée le Roc de l'Ado (rocher 
de l'Aigle) un peu au-dessous du hameau de Saint- 
Salvaire, vers le couchant. Cette construction dont il 
reste des fondements et un pan de muraille de dix 
mètres d'élévation, dominait à une hauteur vertigineuse 
la profonde vallée et le torrent de La Valette. 

On voit aussi sur la montagne de Brau , dans le 
territoire d'Alet , des vestiges d'une voie romaine , 
appelée par les anciens la route de César, parce que ce 
grand conquérant l'aurait fait construire, comme le Pont- 
Vieux de Limoux. Cette voie secondaire qui établissait 
des communications .entre Toulouse et l'Espagne , était 
la continuation du tronçon qui reliait Carcassonne avec 
Limoux. De Limoux , cette voie se divisait en deux 
branches : l'une conduisait à Magrie, près delà métairie 
d'Azon, et se dirigeait vers Bouriège , en passant au 
pied de l'ancienne église de Saint- Pierre dont on aperçoit 
de loin les ruines. On l'appelle dans le pays, Saint- 
Pi erre-le-Clair, à cause de sa position sur la montagne 
élevée qui domine Magrie. L'autre (1) conduisait 
à Cornanel, puis, s'engageant au milieu, de la pente 
abrupte de Brau, le long d'un pli de terrain qui offrait 
un passage naturel, elle arrivait au sommet des mon- 



(I) Dans le Cumpoix d'Alet i)our l'année 1 TGD on l'appelle : 
« Chemin qui va de BroM h Mafjrie. » 



— 9 — 

tagnes qui forment les gorges d'Alet. Ces montagnes 
sont comme les premières assises du Pech de Brau qui 
se dresse fièrement sur leur tête. La voie romaine 
décrivant un fer à cheval, passait au pied de Brau et de 
réglise champêtre de Saint-Rome. Elle franchissait le 
ruisseau de Granes , au couchant d'Alet , suivait le 
plateau de Saint-Adrien, et après avoir longé l'ancienne 
église du Prieuré de Noals , descendait aux roches de 
Cascabel, en traversant la rivière d'Aude, sur un pont 
en pierre, à une seule arche, dont les culées sont 
encore à fleur de terre, et se continuait par Couissan 
(Couiza) du côté de Rennes, capitale du Razès, pour se 
diriger vers le Roussillon et l'Espagne. Cette voie 
romaine était appelée à Alet, la voie militaire , car elle 
servait autrefois pour le passage des troupes qui se 
rendaient en Espagne. Au-delà des roches de Cascabel 
(Beaux-Rochers) sur le plateau de Rennes , jusqu'aux 
montagnes de Saint- Just et de Saint- Joulia , on l'appe- 
lait la Jacquotte, dénomination qui veut dire probable- 
ment chemin de Saint- Jacques, à cause des nombreux 
pèlerins qui se rendaient en Espagne , au tombeau de 
saint Jacques , en suivant cette route. 

Toutes ces grandes voies de communication sont 
indiquées, soit par la présence d'anciens pavés, employés 
pour les routes par les Romains, soit par des vieux ponts 
en ruine, soit par l'existence de quelques objets d'origine 
romaine, enfouis dans le sol. 



CHAPITRE III. 

TEMPLE païen d'aLET DÉDIÉ A DIANE.^ 

Dans le chapitre précédent nous avons mentionné 
l'existence de pierres Druidiques et les noms de 
certaines Divinités Celtiques , qui demeuraient attachées 
à des hameaux situés dans le territoire d'Alet , et de ses 
environs. Ces témoignages authentiques qui se tradui- 
sent par des faits encore vivants , nous induisent à 
affirmer qu'il devait exister un culte puhlic pour honorer 
les Dieux Tutélaires de la Patrie ou du Pays, dans 
la bourg même d'Alet , qui , par sa position , son 
importance et ses habitants , était comme le chef-lieu de 
la contrée. Là , au centre du pays , devait se trouver le 
Temple principal et la demeure des Prêtres Celtes , 
nommés les Druides (1) qui se transportaient pour offrir 
les sacrifices , dans les lieux que nous venons de citer , 



(1) Les Druides, prêtres de Tentâtes, principale Divinité (iau- 
loiso. avnioni j)Our l'onclioiis principales do recueillir le irui siuré 



et dont la mission était de conserver oralement les 
traditions les plus importantes. En effet , A. Marcelin , 
(Livre xv, § 9,) nous enseigne que les Celtes d'Occident 
avaient pour règle de ne rien écrire. Les Grecs et les 
Romains , après avoir envahi Tancienne Gaule, recueil- 
lirent ces traditions de la bouche des Druides, et ce sont 
eux qui nous les ont transmises dans leurs écrits. 

On ne peut révoquer en doute Texistence d'un 
Temple paien à Alet , en l'honneur de Diane. Etait-ce 
un édifice complet , le Sacellum de la Déesse , ou 
bien une Stèle massive et carrée au faîte pyramidal , 
ayant au milieu une cavité ou niche en forme de ceintre, 
avec barreaux en fer destinés visiblement à abriter 
r Idole contre les outrages des passants ou les 
intempéries des saisons , ou bien y avait-il , aux pieds 
de la Stèle , dans l'enceinte murée dont les monuments 
religieux étaient presque toujours environnés , le Cippe 
ou Autel destiné à lui servir de base ? 

Nous n'hésitons pas à répondre d'après Thistoire 
locale et un monument authentique de l'époque , 
conservé au Musée de Toulouse , sous le numéro 207 , 



plante parasite qui nai( sur le chêne, et de remplir la terrible 
charge de sacrificateurs. 

Ils étaient revêtus d'une toge d'honneur, attachée autour des 
reins par une ceinture k Ia(juelle pendait dans un étui de peau de 
sanglier, le couteau sacré des sacrifices, Dehoul devant la pierre 
Druidicpie , objet d'effroi et de respect pour l'assistance fanaticpie , 
toujours soumise aux interprétations sanguinaires de leurs cruelles, 
«livinités , ils immolaient sans ])ilié . les iiiiiocoiilcs victimes 
désignées par le sorl. 



— 12 «s. 

et dont nous allons parler , qu'il existait à Alet , un 
véritable Temple, et non une simple colonne comme 
pour les Dieux des localités pauvres et obscures , et pour 
les divinités des routes et des carrefours. 

En effet , Alet était un lieu important sous les Celtes- 
Gaulois, les Tectosages, comme nous l'avons déjà dit. 
Ses piscines thermales étaient fréquentées par le 
Peuple-Roi, et la voie Romaine, qui conduisait dans 
le Roussillon, passait sur les hauteurs occidentales 
d'Alet,à 2 kilomètres, comme il a été dit au chapitre II. 
De plus, les riches carrières de pierre de toute 
qualité qui abondent dans son voisinage , rendaient les 
constructions faciles et peu coûteuses. L'histoire nous 
apprend encore que les peuplades des rives de l'Aude 
étaient très-superstitieuses. Enfin la tradition locale, 
qui a bien sa valeur , a toujours enseigné que la vaste 
Eglise de Notre-Dame était construite sur l'ancien 
Temple paien d'Alet. 

Toutes ces raisons démontrent jusqu'ici Tévidence 
que le Sanctuaire paien d'Alet était un véritable 
Temple, un de ces petits temples à la Romaine, 
auxquels font allusion les hagiographes chrétiens du 
IV^ et du V^ siècle , qui les désignent constamment , 
sous les noms , identiques au fond , de Fanum, de Tem- 
plum, d'Œdes, d'G^dicula. Le mot de Fanum paraît 
avoir été le nom le plus usité de ces Temples rustiques : 
Fanum Jovis , le Temple de Jupiter , qui a donné son 
nom au bourg de Fanjeaux (Aude). Une inscription de 
l'ancien Temple de Moux (Aude) faisait mention des 
revenus du Temple fcx veditu FaniJ. Sulpice-Sévère, 



— 18 — 

emploie le même terme dans la Vie de saint Martin. 
La surveillance et l'entretien de ces Temples locaux, 
appartenait , dans certains cas au moins , aux Magistrats 
du Pagus (Magister Pagi) qui décidaient de l'emploi 
des revenus. 

Apportons maintenant la preuve historique et irrécu- 
sable , de tout ce que nous avons avancé dans ce 
chapitre , au sujet du Temple paien d'Alet. 

11 existe à Toulouse , au Musée des Grands-Augustins, 
un Cippc ou Autel votif venu de la petite ville d'Alet. 
On lit sous le numéro 207 du catalogue. 

Autel en Marbre : 

Hauteur, 0,53. — Longueur, 0,38. — Corniche, cadre 
à trois fdets. — Deux rouleaux de feuilles lices. — Patcre 
à gauche ; à droite , vase à verser. 

Voici l'inscription sur la face de devant : 

MATRI DEUM \\ 
CN. POMP. PROBUS II 
CVRATOR TEM. \\ 
PLI. V. S. L. M. 

Traduction. — « A la Mère des Dieux, Cncius Pompéius 
Probus, Curateur du Temple. Juste accomplissement d'un 
vœu spontané. Les quatre lettres V. S. L. M. séparées par 
des points sont le commencement des mots : votum, solvit, 
libens, meriio. » 

La Mère des Dieux à laquelle cet Autel votif était 
dédié , se nommait Isis ou Cybèle , déesse de la Fable , 
honorée par les Egyptiens. Le nom de Cybcle lui venait 



— 14 — 

d'une montagne de la Plirygie qui était consacrée à 
son culte. 

Au sujet de ce Cippe trouvé à Alet , les Mémoires 
de l'Académie Im,périale des Sciences, Inscriptions 
et Belles-Lettres de Toulouse (5'' série, Tome m, 
1859, Page 4Ô5, note 2), s'expriment ainsi : 

« Une inscription connue et publiée depuis longtemps 
» ( elle provient de la petite ville d'Aleth , près 
)) Limoux, Aude), nous a conservé le nom du Curateur 
)) d'un Temple d'Isis , que cette petite ville possédait 
» à l'époque Romaine. » Et comme nous venons de le 
dire, il se nommait Cnéiu's Pompéius Probus. 

A la même page 405 et sous la même note 2 , on lit 
encore : « Grâce à la belle inscription découverte il y a 
» quelques années au village de Moux (Aude) et publiée 
)) peu de temps après, par M. du Mège, (4'' série, 
» Tome II, pages 51 et 52 , des mêmes Mémoires, 1852), 
» Nous savons que la surveillance et l'entretien des 
» Temples paiens chez le Peuple- Roi, appartenait, 
» dans certains cas, aux Magistrats du Pagus (Magister 
» PagiJ qui décidaient de l'emploi des revenus du 
)) Temple , et ordonnaient leb réparations ou les addi- 
» tions qui devaient y être faites. 

» Voici cette inscription : 

T. VALERIUS Se (se?) F. SENECIO {] 
P. VSVLENVS VEIENTONIS L || 
PHILEROS II 

TVP^IOIVS T. L. STABILIO || 
M. VSVLENVS M. L CHARITO || 
MAGIST. PAGI EX REDITU FANI || 
LARRASONI CELLAS FACIVND. || 
CVRAVERVNT IDEMQVE PROBAVERVNT. 



D'après les documents historiques que nous venons 
de citer, il n'y a plus de doute possible. Alet possédait 
un Temple paien qui avait un Curateur ou Administra- 
teur, lequel à la suite d'un vœu avait érigé un Cippe 
à Cybèle , dans le Temple dont il avait la garde , et 
que la tradition locale a toujours affirmé avoir été 
consacré à Diane , la déesse des forets qui couvraient 
ce pays. 

En Tabsence de tout attribut et de toute indication 
épigraphique nous n'avons pas à coup sûr la prétention 
de déterminer la forme ni l'architecture du Temple 
paien d'Alet. 

Les plus simples de ces petits monuments, ne se 
composaient que d'un toit de planches recouvert de 
tuiles , et supporté par quatre poutres fichées en terre. 
Ailleurs c'était sur deux murs de pierre ou de brique 
réunis par un mur de refend rectiligne ou circulaire, 
que reposait cette toiture. Telle est la forme sous 
laquelle se présentaient le plus souvent les Chapelles et les 
Templeslocaux dans les Pyrénées. Mais il n'était pas inter- 
dit aux Magistrats du lieu, aux Pourvoyeurs du Temple, 
surtout si le Temple était arrivé à une certaine notoriété, 
s'il avait, comme on en trouve des exemples, des 
revenus et sa caisse à lui, (Redltus, ArcaJ, d'ajouter 
quelque ornement à ce type primordial et élémentaire , 
dans les proportions et les décorations qui se modifiaient 
de lieu en lieu , suivant une foule de circonstances. 
Ici , c'était le toit de planches et de tuiles qui disparais- 
sait pour faire place à une voûte de pierre ou de béton, 
décorée intérieurement de fresques. Ailleurs on plaçait 



— 16 — 

à l'entrée deux ou quatre colonnes que couronnait un 
fronton triangulaire décoré de bas-reliefs , ou d'inscrip- 
tions monumentales. 

Le Sanctuaire semi-circulaire de l'ancienne Eglise en 
ruines de Notre-Dame d'Alet , avec sa voûte de pierre et 
de béton , et ses petites arcades gallo-romaines à l'intérieur, 
percées de fenêtres et décorées de restes de fresques , 
etc. , parait par sa forme et par son cachet original 
d'architecture reproduire quelque chose de l'antique 
Fanum de Diane. Diana-AugustcL, la divinité protec- 
trice des hauteurs boisées et des vallons solitaires, 
qui était honorée dans cette vallée retirée et cou- 
ronnée de forêts. Certains pensent que les fon- 
dements , les substructions , les arcades gallo- 
romaines, et en général tout l'intérieur de ce petit 
Sanctuaire fesaient partie de l'ancien Temple de Diane, 
adapté plus tard avec des modifications extérieures, 
aux exigeances du culte catholique, et à la forme 
extérieures des édifices chrétiens. 

L'histoire nous apprend encore, qu'à côté de la 
statue du Dieu principal qui conservait la place 
d'honneur au centre ou sous l'abside de la Cella, se 
groupaient les Cippes et les statues des Dieux assesseurs 
que les paiens honoraient pour des raisons particulières. 
D'après ces données de l'histoire , le Temple d'Alet , 
tout en étant consacré à Diane , pouvait bien renfermer, 
à une place d'honneur , le Cippe d'Isis , érigé à la suite 
d'un vœu par Cn. Pompéius Probus, et par là on 
justifie la tradition locale qui a bien sa valeur et qui 
a toujours affirmé que le Temple paien était consacré 



— 17 — 

à Diane. Enfin si Ton veut se l'aire une idée exacte de 
ces petits Temples paiens , si connus , dit l'histoire , au 
pied des Pyrénées . il faut se les représenter toujours 
environnés d'un espace gazonné ou complanté d'arbres 
(locus vellglosus), fermé lui-même par un mur de 
clôture dont on retrouve souvent les substructions 
autour des édifices anciens. Tout ce qu'il y aVait dans 
l'intérieur de cette enceinte , était regardé comme la 
propriété du Dieu , et on traitait de sacrilège celui qui 
aurait osé y commettre quelque profanation. 

Il est incontestable que ce fut souvent dans cet état 
que les Missionnaires chrétiens trouvèrent ces petits 
monuments paiens. Leurs étroites enceintes, fermées 
aussi d\m mur qui entoure souvent la plupart de nos 
églises rustiques, ne sont-elles pas elles-mêmes un 
souvenir et un débris des Locl-Sacri ? 

Presque partout ces enceintes ont été converties en 
cimetières chrétiens , que l'on trouve si souvent autour 
des Eglises, car le christianisme en transformant les 
Temples paiens, transformait aussi les lieux sacrés qui 
les environnaient et les consacrait pour la sépulture 
des fidèles. Or, à Alet, le cimetière a toujours existé 
autour de TEglise . qui a remplacé le Temple de Diane. 
Nouvelle et dernière preuve qui achève de compléter 
tout ce que nous avons dit sur le Temple paien qui 
existait à Alet sous la domination Romaine , qui 
commença 118 ans avant Jésus-Christ jusqu'en 440 ans 
après l'ère chrétienne. 



CH/VPITRE IV, 



LE TEMPLE DE DIANE A ALET , CONVERTI EN TEMPLE CHRÉTIEN , 
DKS LES PREMIERS SIÈCLES DE l'ÉGLISE. 



Nous admettons, comme un t'ait certain , Torigine 
apostolique des Eglises des Gaules qui ont reçu la Foi 
du prince des Apôtres, par Tintermédiaire des prédica- 
teurs qu'il y avait envoyés. En effet , saint Pierre , 
avant la dispersion des Apôtres, dirigea les prédicateurs 
de l'Evangile, vers les pays de l'Occident qui lui étaient 
échus en partage, et où il ne pouvait pas se rendre en 
personne , et il les choisit parmi les plus anciens 
disciples du Sauveur, dix-sept pour les dix-sept pro- 
vinces de la Gaule , et sept pour les sept provinces 
d'Espagne. A la tête de ces vingt-quatre Pontifes , se 
trouvait le célèbre docteur Maximien, du nombre des 
soixante-dix ou des soixante-douze disciples du Sauveur, 
qui se fixa à Aix, métropole delà deuxième Narbonnaise. 
Sergius Paulus, disciple des Apôtres, eut pour paiiage 



— 19 — 

Narbonno, métropole de la première Narbonnaise , et 
ainsi des autres. Du reste l'origine Apostolique des 
Eglises de France est attestée, dès le commencement , 
par des contemporains comme saint Irenée , saint 
Justin, Tertullien, etc.... Saint Irénée enseigne que 
toutes les Eglises du monde ont reçu la Foi des Apôtres 
et de leurs disciples, et il ajoute : « Ni les Eglises de la 
Germanie n'ont d'autres traditions, ni celles d'Espagne, 
ni celles qui sont parmi les Celtes , c'est-à-dire dans 
les Gaules. (1) 

L' Egli.se catholique adopta, dès le premier siècle, les 
divisions de l'Empire Romain , pour sa constitution 
hiérarchique et son gouvernement. Or cet Empire était 
divisé en douze ou quatorze diocèses , qui étaient eux- 
mêmes subdivisés en provinces avec leurs villes 
métropoles. Le diocèse des Gaules comprenait dix- 
sept provinces ({ui formèrent dix-sept provinces ecclé- 
siastiques. 

La ville de Narbonne, située dans la Gaule Nar])onnaise, 
([ui comprenait cinq provinces, parmi les dix-sept qui 
formaient le diocèse des Gaules, était la métropole de 
la première Narbonnaise. L'an 57 de Jésus-Cbrist, cette 



(I) Los loclours (jiii voudroiil connaître à fond tout ce (jui concorne 
la fondation dos Kpflisos dos Gaulos ;ui l*" siôclo, n'auront <[u'à par- 
courir les monuments inédits sur l'apostolat do sainte Mario- 
Madeleine en Provence, de l'ahbé Faillon , [)rêtre de Saint-SuIi)ico, 
les savants écrits de M<z;r Ouérin , de labljé Arhelot, archiprrire de 
Rochcchouart, et d'autres écrivains modernes ([ui ont traité ces 
matières. 



— 20 — 

grande Cité reçut la Foi de l'Apôtre saint Paul et de 
son disciple saint Paul-Serge, que l'Apôtre des nations 
établit premier évoque de Narbonne lorsqu'il allait 
prêcher l'Evangile en Espagne, dans les provinces de 
cette vaste et difficile contrée que saint Jacques n'avait 
pu parcourir. 

Naturellement le territoire de la première Narbonnaise 
forma le diocèse ecclésiastique de Narbonne, qui s'éten- 
dait jusqu'en Espagne, et dont le bourg d'Alet {Pagus 
electensis) fesait partie sous les Romains. Or Alet 
communiquait au moyen d'une voie romaine , comme 
nous l'avons dit au Chapitre II, avec Atace, plus tard 
Limoux , Carcassonne et Narbonne. A mesure que 
l'Evangile était prêché dans la première Narbonnaise , 
que les Apôtres de Jésus-Christ renversaient les idoles 
et détruisaient l'erreur avec les tables grossières sur 
lesquelles coulaient à Ilots le sang innocent , les 
successeurs de saint Paul-Serge envoyèrent des prêtres 
de l'Eglise de Narbonne, dans les villes et les bourgs 
pour y administrer les Sacrements. En effet, l'histoire 
ecclésiastique nous apprend que dans les lieux où il n'y 
avait pas d'évêque , surtout dans les campagnes, on 
établissait des Eglises secondaires ou paroissiales et on 
appelait le prêtre chargé d'y administrer les Sacrements 
aux fidèles. Pasteur spirituel ou Curé. Les Erudits 
remarquent l'existence de ces paroisses et de ces Curés, 
même dans les campagnes, vers l'an 250, ce qui suppose 
que les Eglises paroissiales avec leurs Curés, existaient 
déjà dans les villes et dans les bourgs , où il n'y avait 
pas d'Evêque. 



— '21 — 

D'après ce qui précède, nous pensons que le bourir 
d'Alet, par son importance, sa position privilégiée et la 
facilité de ses communications avec Narbonne , fut 
favorisé dès les premiers siècles, de la visite de quelque 
prêtre de l'église métropolitaine, qui convertit peu à peu 
à la Foi ses idolâtres habitants. Lorsque l'Evangile eut 
brillé aux yeux de ce peuple, que l'histoire locale et les 
faits rapportés au Chapitre III, nous apprennent avoir 
été si superstitieux , comme toutes les peuplades qui 
habitaient les rives de l'Aude , il arriva à Alet, ce qui 
eut lieu partout où les paiens se convertissaient. Lès 
chrétiens s'emparaient des Temples des faux Dieux , 
devenus déserts, et après les avoir purifiés par des 
cérémonies religieuses qui remontent aux premiers 
siècles de l'Eglise, ils en prenaient possession au nom 
de Jésus-Christ. En effet, l'histoire générale atteste qu'à 
mesure que le christianisme triomphait , les temples 
des idoles étaient en Orient , détruits et complètement 
ruinés, et, en Occident, fermés ou convertis en Eglises 
chrétiennes. C'est ce qui eut lieu dans nos contrées , à 
Uieux-Minervois , à Toulouse pour la Dalbade et la 
Daurade, qui étaient un Temple paien dédié à Minerve. 

Il fut remplacé par une Eglise dédiée à Notre-Dame , 
après l'année 399 , par révèque saint Exupère. Le 
sanctuaire de cette Eglise qui est en forme d'hémicycle, 
a été bâti en 1764. à la place du Décagone de l'ancien 
Temple (laulois. 

A Home , le l*ape Boniface \\\ fit ouvrir et purifier 
le l*anthéon, qu'il dédia à Notre-Dame et à tous l(»s 
saints Martvrs. 



— 22 — 

Les historions locaux rapportent que l'on élevait les 
premières églises chrétiennes sur les ruines des Temples 
paiens. Dans les Pyrénées en particulier, on se servait 
des matériaux que la destruction de l'édifice païen 
laissait sans emploi. Les Carlovingiens , en érijoreant 
cette pratique en loi, ne firent que sanctionner un usage 
établi depuis l'origine du christianisme dans les Gaules : 
« Nàm ubl fana destruxerat B. Martinus,statir)i ibl 
aut Eccleslas aut Monastevia constrnehat. (SuLpice- 
Sevère, in vAtà S. MartiniJ. » 

Ces débris des Temples paiens , ainsi sauvés une 
première fois, ont été utilisés à deux ou trois reprises 
dans les travaux de reconstruction ou de remaniement 
que subissaient les Eglises dans le cours des âges. 

C'est ainsi que dans certains lieux , le monument 
chrétien transformé à son insu, conservait les souvenirs 
et quelquefois l'histoire du Sanctuaire dont il avait pris 
la place. (1) 

Ce que nous venons de rapporter, daprès l'histoire 
locale , des usages des peuples des Pyrénées qui 
embrassaient la Foi, a eu lieu à Alet pour le Temple de 
Diane. Il fut consacré au culte catholique et dédié à 
Notre-Dame, sous le vocable de son Assomption. Les 
hi.storiens ecclésiastiques nous enseignent que les 
Apôtres et leurs successeurs dédiaient des Tecnples à 
Marie, pour honorer son Assomption, et ({ue les Eglises 



(1) Varies '.i'i') c\ :)')'i i\o< M( III i>i les de i Acoili'inii hnprria' • r/rs 
Sciences, etc... de Tnulouse. ô" skkik. T. 'M. 



^ n — 

placées sous ce vocalile, remontent aux premiers siècles 
du christianisme. 

Les prêtres catholiques venus de Narbonne, où l'on 
honorait aussi Marie, puisque la cathédrale de Saint-Just 
lui était primitivement dédiée, trouvèrent les Druides 
d'Alet, comme dans toutes les Gaules, dans l'attente de 
la Vierge qui devait enfanter. Et tandis que les autres 
nations paiennes ne gardaient que des lambeaux 
défigurés de la révélation primitive, nos vieilles forêts, 
Gauloises en entretenaient comme un pressentiment 
prochain qui se traduisait par le culte à la Vierge qui 
devait enfanter fFirfyini parlturm) dans la grotte 
mystérieuse de Chartres et dans toutes les Gaules. Or 
les missionnaires anciens en voyant honorer dans le 
Temple de Diane, Cybèle, la mère des faux-dieux, trou- 
vèrent naturel de su])stituer au culte de cette déesse , 
celui de la vérita])le Mère de Dieu, et c'est ainsi que 
Marie devint, sous le vocal )le de son Assomption , la 
patronne de la ( 'ité dWlet et de son antique Temple 
purifié. 

Nous avons déjà dit au Cliapitre 111, que certains 
archéologues pensaient que le Chceur s(;mi-circulaire de 
l'Eglise de Notre-Dame d'Alet pouvait bien être en 
totalité ou du moins en partie, Tantique Fanum deDiana- 
Augusta. 

En effet les anciens Temples llomains étaient fort 
petits. Ils ne renfermaient i)eii(lant les Sacrifices que 
les prêtres offrant les victimes. Les assistants se tenaient 
à Textérieur des Temples, dans les lieux sacrés ([ui les 
' uvimnnaient. Parmi ces Temples, les uns étiiient ou 



— 24 — 

fermés en forme de Rotonde, comme à Rieux-MinerTois, 
ou décagones, comme l'ancien Temple Gaulois de 
Minerve à Toulouse, qui devint l'Eglise chrétienne de 
la Daurade, ou semi-circulaire, mais toujours fermés 
aux regards du public. 

Quelle était la forme exacte du petit Fanum d'Alet ? 
Etait-il rond, semi-circulaire, décagone, octogone ou 
pentagone ? On peut répondre qu'il n'était ni rond , ni 
décagone, car les arcades Gallo-Romaines de l'intérieur 
de la Cella , constituent des pans coupés à la partie 
extérieure reconstruite à cinq pans au xr siècle, arcades 
Gallo-romaines qui reproduisent l'antique forme du 
Fanum de Diane. Mais il pouvait être octogone, et en 
l'appropriant au culte catholique on aurait démoli trois 
côtés ; il pouvait aussi n'avoir que cinq pans, comme 
nous l'admirons encore, et dans ce cas il aurait été bien 
plus facile de l'adapter aux nouvelles constructions. 

En effet, en examinant l'antique Cella de la Déesse 
dans tous ses détails, on peut conclure avec certains 
archéologues , que les cinq arcades Gallo-romaines 
faisaient partie du Temple de Diane , qui était à cinq 
pans, comme nous le voyons encore ; que la voûte 'de 
pierre et de béton a été refaite au XI'"*" siècle, aussi bien 
que tout l'extérieur et la face de devant , avec ses 
magnifiques chapitaux Corinthiens et la frise qui les 
surmonte en demi-cintre, et qui se reproduit à l'intérieur 
sur les arcades Gallo-romaines. Les religieux , nous 
le dirons au Chapitre X'" , conservèrent les restes 
de constructions i)aionacs de ce Temple chrétien, 
comme l'avaient fait leurs prédécesseurs en élevant 



— 25 — 

l'Eglise, dont on lit la dédicace en 813. Il en fut de 
même dans la vaste Eglise de rAra-Cœli, à Rome, bâtie 
sur remplacement du Temple de Jupiter Capitolin , 
au faîte du Capitole, où l'on admire des restes d'antiquité 
paienne mêlés à larchitecture du Moyen-Age. 

Sans doute , bien avant le IX" et le XP siècle, on dut 
faire à Alet, quelques constructions devant le Fanum 
de Diane, converti en sanctuaire catholique, pour abriter 
les chrétiens pendant les saints ofïices. Mais il est 
impossible de rien préciser à ce sujet. On peut seule- 
ment dire que durant les trois siècles de persécution , 
les clirétiens du vaste diocèse de Narbonne eurent plus 
ou moins à souffrir, selon l'intensité des persécutions. 
Comme dans tout l'empire Romain, nos contrées eurent 
leurs Martyrs, témoins ceux de Cannes en 300 , saint 
Aplirodise de Réziers, saint Antonin à Pamiers , saint 
Just et saint Pasteur en Espagne, saint Couatà Barcelone, 
saint Félix à Gérone, si honoré dans le canton de 
Quérigut, ancien Donaizan , dont il était le patron , 
ainsi que le titulaire de son antique église. (1) 

Après le fameux édit de Milan, par lequel Constantin 
rendit la paix à T Eglise en l'année 313 , les évêques 
des Gaules organisèrent définitivement les églises 
l)aroissiales. Bientôt parut Thérésic? Arienne , qui fit 



(1) L'église ('liam|K'lre de saint Félix, servait créirliso paroissiale 
l»our c\ui\ viliaL'^os du Donai/an : Quérigut , Carcauiérc , le Puch, 
Artigues ol Mijanès. En 1788 elle fut détruite par un incendie 
survenu |»ar acfidenl j)cnflanl la iiuil. I ,(v^ l'iiiinv^ ((uc 1 '>n noII 
encore appaitienncnf au slvle l'oinan. 



— -20 — 

tant de ravages dans le iNIidi de la Gaule , par la 
protection des rois Wisigoths qui étaient ariens. L'un 
d'eux , le fanatique Euric, faisait brûler les Eglises , 
exiler les prêtres, et chasser les évoques. Le siège 
métropolitain de Narbonne resta vingt-cinq ans sans 
pasteur , à cause de la persécution des rois Ooths , 
maitres de Narbonne. (Jrâce au zèle des prêtres des 
paroisses , le diocèse de Narbonne fut préservé des 
ravages de cette hérésie. Puis, vinrent les Priscilianistes 
et les Manichéens, dont les erreurs semblent avoir donné 
plus tard naissance à la secte des Albigeois.. 

Pendant ces temps-là , l'état monastique se déve- 
loppait dans nos contrées , et il donna naissance à ces 
grandes abbayes dont le rôle fut si considérable au 
Moyen- Age. 



(^M) 



CHAP1TI{E V. 



FONDATION DE T/AHUATK D ALET 



Nous devons raconter dans les cliapitres suivants les 
origines et les f^doires de rAl)l)aye d'AIet, du titre de 
Sainte-Marie, et de l'Ordre de Saint Benoît avec tous les 
droits, honneurs et prérogatives afférentes à ce titre. 
Commençons par un rapide exposé de rétablissement 
de rétat religieux en France. 

Sulpice-Sévère , disciple et liistorien de saint Martin , 
raconte dans la Vio de ce Bienheureux, qu'il avait eu 
la gloire de couvrir les Gaules de monastères, et qu'en 
Tannée 3(S(), les évéques les plus pieux, marchant sur 
les traces de ce grand Thaumaturge-, fondaient partout 
(les cloîtres ou maisons dr prière. 

Sulj)ic(' avait lui-même» hfiti un couvent à Primuliac, 
situé dans h' Mincrvois. prés Narbonne, daprès Dom 
N'aissette. Saint Paidiii. aiili-c disci})le dr ri']vé((U(' de 
Tdui's. parait axnir liahiU' dans les (Mj\ii'niis de lirain : 



— 28 — 

à Texemple de Sulpice, son ami, il bâtit des monastères, 
qui furent les premiers du Midi de la Gaule. Tout 
porte à croire que vers cette époque furent fondées les 
Abbayes de Saint-Gilles et d'Agde et aux environs de 
Limoux, dans la vallée du Lauquet, vers Tan 450, 
TAbbaye connue d'abord sous le nom de Saint-Saturnin , 
et plus tard sous celui de Saint-IIilaire. Il est donc bien 
naturel de penser que sous l'influence des prédications 
des illustres disciples de saint Martin ou des autres 
religieux qui peuplèrent les monastères peu éloignés 
d'Alet, des moines soient venus s'établir dans ce bourg 
à cause de son importance , de son antique et célèbre 
Fanum de Diane , devenu un Temple chrétien , et des 
avantages exceptionnels que l'on trouvait dans ce pays 
privilégiée. Nul lieu en elTet ne convenait mieux à un 
Moustier des vieux temps, que cette retraite au milieu 
des montagnes et des foi^êts , sur les rives enchantées 
d'un fleuve pacifique et fécondant, et sous le plus doux 
des climats". Nulle part on ne pouvait choisir un site 
mieux approprié à la vie contemplative, et qui fournit 
plus abondamment à l'entretien d'une Communauté de 
Moines. 

Déjà en Tannée 485 , saint Benoit-le-Grand , Patriarche 
des Moines d'Occident , s'était retiré à quatre milles 
de Rome, dans le désert de Sublac , où vivaient des 
religieux dans une très-grande austérité. Quelques 
années après, il fut élu Abbé du Monastère de Vico- 
Varo, dans le voisinage. Mais il abandonna ce lieu pour 
revenir à son premier couvent de Sublac, autour duquel 
il fonda douze Monastères de douze religieux <l)acun , 



>- -29 — 

qu'il confia à autant de supérieurs particuliers, gardant 
pour lui le titre d'Abbé. 

Saint Benoit , comme plus tard Dominique , François 
d'Assise , Ignace et d'autres saints fondateurs , éprouva 
le besoin de créer une famille autour de lui , pour la 
former à son image , lui léguer sa pensée , se perpétuer 
en elle , et l'entlammer de l'ardeur qui le dévorait. Par 
une inspiration du Ciel , il établit au Mont-Cassin , une 
Abbaye célèbre, qui devint la mère d'une infinité de 
Monastères de son Ordre. Il y avait dans les environs 
un Temple d'Ai)ollon. Benoit renversa l'idole et son 
autel , brûla le bocage voisin qui servait encore aux 
superstitions du Paganisme ; ayant ainsi purgé le Temple 
paien il le changea en un oratoire dédié à saint Martin. 
Pendant son séjour à Sublac , il avait composé la Règle 
admirable qui porte son nom , qu'il donna à ses Monas- 
tères d'hommes et de femmes , et qu'il envoya en France 
par saint Maur. 

Comme elle était entièrement conforme à la Règle que 
de saints fondateurs avaient tracée avant lui pour les 
moines, e;lle se répandit de toutes parts, même pendant 
la vie du saint Patriarche. De bons auteurs soutiennent 
([u'elle était reçue partout vers l'an 800. Les Moines 
d'Alet s'étaient empressés de l'embrasser à l'exemple de 
ceux de 8aint-llilaire. 

En terminant ce Chapitre , pour donner une idée de 
la vie des Moines d'Alet, couverts de leurs sombres 
coules, nous allons placer sous les yeux de nos lecteurs, 
la Règle de saint Benoit, suivie en 1705 à l'Abbaye de 
Saint-Polycarpe, située à une lieue d'Alet, et regardée 



— 30 — 

coninic la lille de l'Abljaye d'Alet, car clic tut longtemps 
sous sa dépendance. Le Réformateur de ce couvent disait 
aux contradicteurs que c'était la pure Règle de saint 
Benoit, approuvée par l'Eglise et observée pendant des 
siècles. Malheureusement pour lui et pour sa Réforme, 
il n'en comprit pas l'esprit. Avec une sévérité Janséniste 
outrée , il suivit uniquement la lettre qui tue , sans tenir 
compte de la faiblesse des tempéraments , et son 
entreprise fut mort-née. 



REGLEMENT DES RELIGIEUX REFORMES DE SAINT-POLYCARPE 

EN 170Ô. 

Ce Règlement donnera au lecteur une idée de la 
Règle primitive observée dans l'Abbaye d'Alet. 

Les jours qui n'étaient pas déjeune, on dînait à midi 
et l'on faisait le soir une légère collation, un peu plus 
forte dans le temps Pascal. Les jours de jeûne, il n'y 
avait qu'un repas après Nonc. En carême, c'était après 
Vêpres , et pendant ces quarante jours , on ne buvait 
point de vin , les Religieux de Chœur le voulant bien ,* 
quoique la Règle le leur permît. On jeûnait en été, tous 
les mercredis et vendredis , avec un seul repas après 
None. On jeûnait ainsi depuis 8ainte-Croix de septembre 
jusqu'au Carême, sauf les dimanches. La nourriture 
était des légumes , herbes , bouillies , pois , racines , mais 
jamais des œufs ni du poisson, encore moins de la 
viande, à moins qu'on n(;fut malade. On usait d'un peu 



— 31 — 

de vin et d'huile hors les jours de jeûne ecclésiastique. 
Les Religieux étaient toujours ensemble nuit et jour, 
mais ils ne se parlaient jamais. On se levait à deux 
heures au plus tard , les jour^ ordinaires , et plutôt les 
jours de Fêtes. L'été seulement on faisait la méridienne 
pendant une heure , selon que porte la Règle. On se 
couchait à 8 heures en été et à 7 en hiver, mais habillé, 
sur des paillasses piquées , et on ne portait que des 
chemises de serge. Le travail était sérieux, mais non 
accablant. On travaillait la terre, on lavait la lessive et 
Ton faisait tout ce cjui était nécessaire pour le couvent. 



Distribution de la Journée. 

On disait Matines, à deux heures après minuit. Cet 
ofilce fini, on allait en hiver dans une salle, s'occuper, 
pendant une heure, de l'étude des Saintes-Ecritures. 
S\\i\ixiiV Angélus, Laudes, une demi-heure d'Oraison, 
l'arrangement de sa cellule, une lecture particulière 
faite au Chapitre, l'Office de Prime, la répétition du 
chant ou l'étude des règlements, et la Messe à 8 heures. 
Elle était précédée de l'Oraison de Préparation et suivie 
de Tierce. Puis on se rendait au Chapitre. Demi-heure 
après, on allait jusqu'à une heure et demie, au travail, 
suspendu à midi, pour 8exte. None à deux heures, 
précédée de prières et lectures : i)uis on allait au réfec- 
toire. Les Grâces étaient longues et suivies du Miserere 
(pToii i)salmodiait en allant à IKglise. Au retour, on se 
rendait ;m Chapitre , pour vacpier à de saintes h^cturcs 



— 32 — 

jusqu'à quatre heures et demie. Puis, un quart d'heure de 
lecture publique sur les Saintes-Ecritures et les Saints- 
Pères. A quatre heures trois-quarts, Oraison de Prépa- 
ration pour Vêpres, qui étaut finies, on lisait en particulier. 
A six heures, lecture publique, prière à l'Eglise et 
Complies, à six heures et demie. En sortant du Chœur 
on recevait l'eau bénite que donnait le Supérieur à 
mesure qu'on passait devant lui , et on se retirait au 
dortoir pour le repos nocturne, après avoir récité tous 
ensemble le Symbole des Apôtres. 

Cet ordre changeait selon les temps ; car les 
dimanches et fêtes, dans le temps Pascal, et quand 
on dinait à midi, les exercices variaient un peu. En 
Carême on priait beaucoup plus en récitant tantôt 
l'Office des Morts , les Psaumes Graduels et tantôt les 
Sept Psaumes de la Pénitence avec les Litanies. Le 
travail était aussi plus long. 

Les dimanches on tenait, après None, pendant une 
heure, une Conférence, à l'exemple des anciens solitaires, 
et il était permis à chacun de prendre la parole. 

La Règle permettait T usage des viandes communes 
aux malades. Autant que possible ils devaient manger 
au réfectoire, dans la salle voisine destinée aux infirmes, 
pour entendre la lecture de table, ce qui explique la 
fenêtre que l'on voit à Saint- Polycarpe, entre ces deux 
pièces. 

Les malades , à moins d'une impossibilité réelle , 
recevaient les derniers sacrements, à l'Eglise , et l'on 
préparait la cendre et de la paille , pour y placer le 
malade lorsqu'il était près d'expirer. Après le décès, on 



— 33 — 

sonnait trente-trois coups par intervalle , on lavait le 
corps (lu défunt en récitant des prières et on le })()rtait 
à rKiilise, et, jour et nuit, on veillait autour du cercueil 
en priant. Lorsque le corps était porté en terre, on chantait 
Vlnexltu Israël. On l'ensevelissait sans cercueil, sans 
suaire, par esprit de pauvreté, seulement avec les 
habits religieux , le visage couvert du capuchon et les 
bras Tun sur l autre en forme de Croix. 

C'était la coutume d'avoir toujours une fosse ouverte 
pour le premier religieux qui mourait. Chacun allait y 
travailler de temps eu temps selon sa dévotion. Pendant 
trente jours, on servait au repas la portion ordinaire du 
frère décédé, à sa place restée vide , et les mets étaient 
ensuite distribués airx pauvres, r^nlin on célébrait des 
Messes et on récitait de nombreuses pi'ières pour les 
religieux décédés, pour leurs parents et amis, ainsi 
que pour les Bienfaiteurs et tous les serviteurs du 
Monastère. 




CHAPITRE VI. 

RESTAURATION DE l'aBBAYE d'aLET SOUS CHARLEMAGNE 
PAR BÉRA I , COMTE DU RAZÈS. 



L'histoire générale de l'Église des Gaules nous 
apprend que la vie religieuse, éteinte en Afrique, enfan- 
tait des prodiges depuis saint Martin , sur le sol Gaulois, 
qui se couvrait d'une magnifique floraison de Monas- 
tères. Ce fait incontestable, à défaut de preuves locales, 
nous a porté à placer* la fondation du Couvent d'Alet, du 
VP au VII* siècle. Les commencements de la nouvelle 
Abbaye durent être modestes et difficiles, pendant ces 
époques si troublées par les guerres et les invasions. 
Mais insensiblement les religieux devinrent si populaires 
par leurs bienfaits , et leur monastère prit un tel accrois- 
sement, que leur Supérieur, qui était un Abbé crosse et 
mitre, fut bientôt regardé comme le Seigneur d'Alet au 



- 35 — 

VI IT' siècle. L'histoire locale atteste en effet que cette 
ville n'a jamais appartenu à aucune famille seigneuriale. 
Nous lisons dans un document , portant la date de 796 , 
(|ue les moines dAlet s'étaient décidés à faire recons- 
truire les murs d enceinte du bourg qui porte ce nom , 
l)our se défendre contre les invasions des Maures. 

Le docteur Huzairies , page 17 de ses iVo^ices histo-' 
rlqaes aur les Ckàteaux de iarrondissemeat de 
I/unoux , aflirmo avoir eu sous les yeux une copie 
manuscrite du XVII'" siècle, de lacté de 796, copie que 
Hesse a reproduite dans son Histoire des ducs de Ntiv- 
bonne (1660) page 435. Ce seul fait sufHt à i)rouver 
l'importance de TAbbaye d'Alet , car l'œuvre si capitale 
des fortifications demandait des ressources immenses 
pour l'époque. 

En effet, l'histoire nous apprend qu'au commence- 
cément du Vin "siècle, les Arabes venus d'Afrique, sous 
le nom de Sarrasins, inondèrent l'Espagne. Après la 
conciuête de la Péninsule Ibérique, ils pénétrèrent dans 
l'Empire Franc, en suivant la vallée de l'Aude, appelée 
pays de Hazès , du nom de Rkhas , Uedde (aujourd'hui 
Hennés, au-dessus de (,'ouiza) sa capitale, située sur une 
montagne très-e.scarpée. Ces hord(;s barbares ruinèrent 
par le fer et le feu les villes et les bourgs qui se trou- 
vaient sur leur passage. Pendant ([ue Charlemagne était 
oc(;upé à combattrez les iK'uplades cpii atta(juaient son 
lùnpire, vers le Nord, Enon, roi des Sarrasins, envoya 
une armée sous la conduite du général Abdelmelé , qui, 
après s'être emi)aré des faubourgs de Nar])onne et y 
avoir mis le l'eu, vint juv<([u'à Carcassonne. Le comte 



— 36 — 

Guillaume essaya , mais eu vaiu , de les arrêter. 11 dut 
céder au nombre, et après un rude combat, dans h^quel 
il tua un roi ou clief des Maures, il se retira du cliamp 
de bataille, nommé Al esckans, après avoir été a])an- 
donné par tous les siens ou les avoir perdus. 

On pense qu'Aleschans est un lieu du diocèse de 
Carcassonne, appelé Alsan , ou bien que le combat 
s'étant livré entre Carcassonne et Alet , ce lieu fut appelé 
Alescans, comme qui dirait C/iarnp.s f^ A /e^, (ce qui 
n'aurait pu arriver que dans la plaine de Jurasse, voi- 
sine d'Alet) (1). Mais (Jharlemagne , qui régnait en 
France depuis 768 , voulut en finir avec les Sarrai^ins. 
Marchant sur les traces de son aïeul Cliarles Martel , il 
bâtit complètement les ennemis du nom chrétien , 
toujours vaincus, mais jamais soumis, et en 781, ilrecuLa 
les bornes de son Empire jusqu'aux bords de l'Ebre. 
Afm de veiller plus facilement sur ses conquêtes des 
Pyrénées , il divisa les diocèses de cette frontière Méri- 
dionale en plusieurs Comtés. Alet fît partie du Comté 
de Razès , pour le temporel. Mais pour le spirituel , il 
continua à dépendre des Archevêques de Narbonne qui 
prirent comme par le passé, le titre d'Archevêque de Nar- 
bonne et de Hazès. Ces prélats transportaient leur siège 
dans le Razès , lorsqu'ils étaient chassés de Narbonne 
par les invasions des Sarrasins ou les troubles civils , 



(1) P. 27 et 28 de ï Histoire de la Cataloijne Française, dédiée par 
Cascneuvc au cardinal Mn/arin. et imprimée à Toulouse, par Pierre 
Bosc, l'an 1644. 



— 37 — 

En 1059, (iuilïvcl consacra Tune des deux Eglises de 
Rennes, l'Eglise paroissiale actuelle, dont la construction 
Romane date de cette époque. Déjà sous les Ariens, les 
Évêques de Carcassonne, chassés de leur siège, s'étaient 
réfugiés à Rennes, qui, d'après Tiiistorien Besse, taisait 
l)artie , sous le rapport temporel , du diocèse de Carcas- 
sonne. La capitale du Razès , par sa position formidable 
au sommet dune roche escarpée, fut à Fabri du pillage 
pendant les excursions des Sarrasins. Mais il n'en fut 
})as de même des autres bourgs et villages de la vallée 
de TAude c[ui furent presque tous complètement ruinés, 
car les fanati({ues sectaires de Maliomet semaient 
i)artout la dévastation , le pillage , détruisant surtout les 
arc'hives et les livres , ils ne voulaient qu'un seul 
livre au monde, le Coran. Pendant ses excursions contre 
les Sarrasins , ( liarlemague se rendit dans la capitale 
dn Razès, où il frai)pa monnaie. On conserve un denier 
(le ce Prince i)ortant les quatre lettres R, E, D, S, 
divisées dans les branches de la croix. Ces lettres qui 
sont disposées d'une manient tout-à-fait méridionale , 
veulent dire lieds ou liede, capitale du Razès, qui avait 
inie c(Ttaine importance sous la !2'"'' race de nos Rois. 

Vers l'année 780, Charlemagne qui venait de renou- 
veler les comtes du royaimie d'Aciuitaine , nomma 
Réra l . comte de Razès. Des historiens pensent qu'à la 
même ép()([ue vivait un autre comte, appelé Béra, 
gouverncui- de la Cataloiinr. (nij formait le comté de 
Rarcelonne. Quoi (juil e!i soit de Texistence de ces deux 
comtes du même nom. une chai'te de <Sli^ nous ai)pren(l 
([uc lîéi-a I. comte du lui/ès. avait fait don ;iu Pape de 



— 88 — 

l'Abbaye crAlêt dont il était cuninic le second londatcur, 
Duni Vaissette se croit autorisé à conclure, d'après cette 
Charte de 813, que le monastère d'Alet avait été bâti 
vers l'an 800. Cette déduction n'(îst pas rigoureuse, car 
nous avons vu ({ue Fîvnnée 796 , les moines d'Alet 
avaient fait reconstruire les fortifications de ce bourg, 
preuve incontestal)le de l'existence et de l'importance 
de l'Abbaye à cette époque. Le titre de fondateur que 
s'attribue Héra, de concert avec son épouse, la comtesse 
Ramille , veut dire qu'après les ravages des Sarrasins , 
il avait relevé l'Abbaye détruite , qu'il lavait enrichie en 
lui donnant de nouvelles terres, et mérité ainsi le titre 
de fondateur. Béra I , fondateur de l'Abbaye d'Alet , 
dans le sens que nous vcîuons d*^. dire, soumit le Monas- 
tère, par une Charte de 813, à l'^^glise de Saint-Pierre 
de Rome, au Pape Léon III et à ses successeurs, 
suppliant le Saint-Siège de le prendre sous sa protection 
spéciale. En reconnaissance de cette protection , Péra 
chargea l'Abbaye d'Alet de servir tous les trois ans, à 
perpétuité, une livre d'argent à l'Eglise de Home. 11 
demandait en retour que le Pape voulut bien envoyer 
au Monastère iukî parcelh; de la vraie Croix et des 
reliques authenti({ues pour la Dédicace de l'Eglise de 
cette Abbay(\ Voici un extrait de la Charte de Béra : 



ff In Dei oninipolnilis noinino, ego Héra, .i;ratià Dci , Conie.s, et 
« uxor Roniclla (-omilissa. saiii mente integro((ue consilio, huinanaî 
rt fragililafis inemores : ne , ((uod absit , re[)entinà pra-veniainur 
(( niorle elc... dnirinnis Vicuni nostruni dictniu Eletluin. el ^Fonas- 
(( Icriiiin nostrum S;i,iu:t;c M;!.ri;c iorulaluni à iioJ)i-< I )()iniii() De» 



— :^9 >- 

« oinnipolcnti, et Domino Fctro Apostolormii principi, urbi llomaR, 
« cl Iiiclito Papic JiCoiii Komano, cunctisquc successoribiis ad benè 
« peragcndum et custodicnduni clc » 

Le Pape ne manqua pas d'envoyer un fragment de 
la vraie Croix, puisqu'en Tannée 1059, l'Abbaye d'Alet 
se glorifiait de posséder cette précieuse parcelle. Il 
donna aussi les autres reliques demandées qui servirent 
})our la Dédicace de la nouvelle Eglise. L'ancienne 
Eglise du Monastère, en partie détruite par les Sarra- 
sins, fut reconstruite à trois nefs, vers l'an 800, proba- 
l)lemcnt parce qu'elle avait été détruite par les Sarrasins,. 
A l'exemple des premiers Prêtres qui prêchèrent 
r Evangile à Alet, et qui conservèrent le Fanum de 
Diane , en rai)propriant au culte catholique , les 
lîénédictiiis du IX'' siècle, comme plus tard ceux du XP 
cM)nservèrent religieusement le petit sanctuaire tel que 
nous le voyons encore. 

I^es Moines d'Alet jouirent d'une paix profonde 
sous les successeurs de ( ■harlemagne , et sous 
le gouvernement d'un chef élu qui était l'Abbé 
du Monastère. Au X*' siècle, outre leur Ab])é i)articulièr, 
ils eurent encore pour supérieur un Abbé général . 
conmie les Abbayes de('uxa, de Lézat, de Masganier 
et de Saint-Hilaire. Warin ou Guarin, Abbé de Cuxa, 
rc^commandable par ses vertus et célèbre par Taustérité 
(le sa Réforme, cxer'^ait en 970. ce haut ministère. 
Du reste ces Abbayt^s vivaient toujours sous la 
dépi'udance du Saint-Siège. Le Pape Jean XV, en 
conlirniant Tannée 993 cet état de choses, conserva aux 
religieux le (b'oit de ponrv )ir par Télection. en cas de 



— 40 — 

vacance, au remplacement de rAl)l)é, selon la repaie de 
saint Benoit, et de l'aire bénir le nouvel élu par le 
Pape, si les Evêques refusaient de procéder gratuite- 
ment à cette cérémonie. 




(HAPITRE VII. 



NOMS DKS ABBES b ALKT 



Les noms des Abbés (FAlet, sont restés inconnus 
jusqu'en Tannée 970, faute de documents historiques. 
A cette époque, Henoitl"'", d al)ordAbbéde 8aint-Hilaire, 
fut élu A])])é dWlet. 

Kn 1050, le siège Abbatial était occupé par Grégoire 
Geraud . dont Télection fut confirmée par le Pape 
Léon I\. Sous son administration, en 1055, Pierre 
lîaymond, allié de (Uiiffred, arclievé(|ue de Narbonne, 
cnfreicrnit la Trêve de Dieu, faisant saisir dans Téglise 
(1 Alct deux ClK^aliers (jui n'avaient connnis aucun 
crime. 11 lit pendre l'un de ces chevaliers, parent de 
lîéreiigcr. vicomlc de Narbonne. connue un voleur et 
un scélér.it. 

Ce Clicvalici' lui jx-ndu iiux F(MU'chi>s Patibulaires, 
dont il existe cnroiM' les \('siio-('s .sur un l'ochcr ([ui 



— v> — 

domine Alet, au-dessus des Kaux-Chaudes. Le iloynpoix 
d'Alet appelle ce lieu les Fourches. (Je trait de cruauté 
est mentionné dans la plainte que porta Bérenj^er, et 
dont voici un extrait : 

« Deindè Pctrum Hainunduin Hittcrcnsiuni Cornes, iiitc- 
gram Dei violavit Ecclcsiani SancUe Maria?, Cenol)ium 
loci Elccti, ubi mirilicum habctur Li^^num iJominicum et 
cxtraxit ab indc duos milites inclinatos atquc innoxios, ot 
Unuin ex cis (|ui eiat ccnsanguineus meus pcpcndit in 
Ligno » 

Vers la fin du règne de Grégoire, le Pape Urbain II 
vint à Alet, visiter le ^lonastère et la nouvelle église 
Abbatiale. Les documents nous manquent pour raconter 
cette page, la plus glorieuse sans contredit de TAbbaye 
d'Alet. 

Raymond I devint Abbé en 1101. Sept ans après, 
Roger II, comte de Foix, restitua au Monastère d'Alet, 
80 sols mon noie de Toulouse, pour des Droits injustes 
qu'il exigeait d'un village de son domaine qui avait été 
donné à cette Abliaye par Roger, comte de Carcassonne. 
Voici le texte authentique de cette restitution: 

« In nomine D' X' .I"-X', Kgo l^ogerius, Cornes Fuxensis, 
« recogiiosccns dclicUiin nicum vol Parentum meorum, 
« rcddo et dimitto Ego et fil i us meus Rogerius, domino 
« mco et .Sanct.e MariiTî Elcctensi, et Raymondo Abbati, et 
« Monachis ejusdcm loci i)r?oscntibus atquc futuris, Albega- 
« riani et forciam (juam injuste faciebam in Villa de 
« Villabas, etc... » 

Bernard I était Abbé en Tannée 1105, et Pons 
Amelius ou Amiel vers 1107 à 1197. Sous son règne, 



43 



en IITT), Roger de lîé/iers, vicomte de Carcassonne, 
donna à rAl)baye d'Alet un alleu, dans la ville de 
Limoux ; mais vers la lin de ce siècle une affaire très- 
i^q'ave faillit entraîner sa ruine. 

Pons Amelii étant mort en 1 197, après avoir fait clore 
la ville d'Alet de murs, et l'avoir environnée de fossés, 
les Moines élurent, dans les formes canoniques, pour 
lui succéder, Bernard II, de Saint-Ferréol, abbé de 
Saint-Polycarpe. Ce choix, et plus encore peut-être, la 
construction des fortifications d'Alet, déplurent à Ber- 
trand de Saissac, alors tuteur de Raymond Roger de 
Béziers, vicomte de Carcassonne et du Razès, et qui, 
en cette ((ualité, avait une grande autorité dans le pays. 
11 se rendit à main armée, à Alet, arracha le nouvel 
Abbé de son siège avec violence jusqu'à effusion de 
sang, et le tint enfermé pendant trois jours dans une 
étroite prison. Il lit mettre le cadavre de Pons Amelii 
dans la chaire abbatiale, et ordonna à quelques religieux 
{(uil avait gagnés à sa cause, de procéder à une nou- 
velle élection, après avoir mis les autres Moines en 
fuite. 

Les factieux élurent. Bozin, qui secondé par son 
])rotecteur, disputa TAbbayeà Bernard de Saint-Ferréol. 
Le débat fut porté devant le Tribunal d(^ Bérenger, 
évè([ue de Carcas.sonne, lequel convaincu de l'intrusion 
de l>(»/in, mais craignant d'encourir la disgrâce du 
vicomte de ( 'anassoimc. renvoya c"ell(' affaire, d'après 
les règles canoniciues, à larchevèque (!<• \arb()nn<', son 
métropolitain. On prétend (pie ce dernier adouci p(u* 
les oiïiTs cl promesses de llo/in l)énit cet intrus, (jiii 



44 



peu à peu enyat^^'a la plupart des Domaines de son 
Abbaye, pour subvenir aux dépenses ([u'il avait faites 
en Tachetant, et à \n fin de Tanne'e, il y avait à peine 
de quoi entretenir les Moines, qui avaient atteint le 
nombre de 300, tant TAbbaye d'Alet était florissante. 
Bozin, se sentant redevable de son élection à la protec- 
tion de Raymond Rog-er, vicomte de Béziers et de 
(Jarcassonne, lui demeura toujours fid(Me. Il fit plus , 
après la prise de ces deux villes par les héréti- 
ques Albigeois, il livra la ville d'Alet. de concert avec 
quelques-uns de ses religieux, au comte deFoix, devenu 
le tuteur du jeune Trencavelj fils du vicomte Roger. 

Cependant le 21 juillet 1'222, au Concile du Puy-en- 
Velay, le cardinal Conrad, exposa après informations, 
la conduite de Bozin. On examina l'affaire avec une 
sérieuse attention, et, après avoir pris l'avis des Prélats 
assemblés, il dégrada Bozin et les Moines factieux par 
un décret du 16 septembre. 11 unit T Abbaye d'Alet à la 
cathédrale de Narbonne, lit approuver son décret à 
Rome, au mois de mai 1*253, et ordonna de chasser les 
Moines factieux, et de mettre à leur place douze chanoines 
séculiers au choix du Chapitre de Narbonne, pour des- 
servir réglise d'Alet. 

Mais le plus grand nombre de Religieux qui n'avaient 
participé en rien aux entreprises de Bozin, appelèrent 
au I^ape de toutes ces mesures, demandant d'être 
rétablis dans la i)aisible possession de leur Abbaye. 
L'affaire traina en longueur, (jrégoire IX nomma deux 
commissaires : les Abbés de Ruipel et de Crandsclve, 
j)Our écouter les plaintes de ces Religieux. Enfin en 



^ 45 — 

1*233 l'Abbaye fut restituée aux Moines qui en étaient 
exilés depuis dix ans, et le Pape nomma pour Abbé 
d Alet, TJdaljer dAjort. L'année suivante les biens des 
hérétiques de Limoux, de Loupian, du Soulier, de la 
I)iii:ne-d'Aval, d'Espéraza et d'Alet, qui avaient été 
conlisqués au profit du Roi, furent vendus à TAbbé 
Udaljer, moyennant le prix de 400 livres. Néanmoins 
pour répondre aux exigcances de TArchevéque de Nar- 
l)onne, TAbbaye fut contrainte de lui céder en 1246, 
une partie de .ses Domaines. 

UdaliiTt-r mourut vers 1*279. \'oici les noms de ses 
successeurs : 

Ravmond II vers l"2Gr) à 1279. 

Bertrand, 1*284. 

Pierre, 1303. 

Barthélémy vers 1310 à 1318, époque où il fut nommé 
par Jean XXII, premier évéque d'Alet. 

Description du Sceau de BARTHELEMY, Abbé d' Alet. 
Diocèse de Narbomie, \3il 

Sceau oiïival de 48 mill. — Archives de l'Empire P. 444. 

Dans une niche supérieure, la Vierge assise avec TEnfant- 

Jcsus. Dans une niche inférieure. l'Abbé debout avec sa 

Crosse et un Livre : accompagné de deux cens d'un flanqué 

en sautoir. 

S : lUuTH : Dei : Grat. Auba : Mon : Electen. 
(Appendu à une Charle de l'an 1317l 




CHAPITRE VIII. 

IMPORTANCE DE L'aBBAYE d'aLET 
(De l'an 1000 à 1318. date do la ciration do l'ÉvèclH' d'Alet). 



Depuis sa restauration par Béra I , comte de Razos , 
vers Tan 800, jusqu'à la fin du XW siècle, l'Abbaye 
d'Alet avait acquis une importance considérable , comme 
le lecteur va s'en convaincre par le récit des faits que 
nous allons exposer. 

En 1096, le pape Urbain II, après le Concile de 
Clermont, où fut publiée la première croisade, se rendit 
à Carcassonne , et il y bénit les matériaux préparés pour 
le premier agrandissement de l'é^^lise de Saint-Nazaire , 
à la Cité. Il traversa Limoux et se rendit à Alet pour 
visiter l'Abbaye de Sainte-Marie, placée en 813 , sous la 
protection du Saint-Siège. Il fallait que cette antique 
Abbaye fut bien importante, pour être honorée de la 
visite d'un Pape , privilège refusé aux autres Abbayes 
de la contrée, comme Saint-IIilaire et Saint-I\)lycarpe. 



— 4-7 — 

Le l\ipe avait convoqué à Alet. les chanoines de la 
Cathédrale de Toulouse^ pour terminer leurs diiVérents. 
Assisté de Bernard , archevêque de Tolède , et en pré- 
sence d'Izarn , évéque de Toulouse, le Pape rendit une 
sentence favorable aux Chanoines de cette église. 

En 1108, Roger II, comte de Foix, tut contraint de 
restituer au monastère d'Alet, 80 sols, monnaie de 
Toulouse, pour des droits injustes qu'il exigeait du 
village de Valislas. 

Une autre gloire de Tantique Abbaye d'Alet, c'est 
d'avoir eu , sous sa dépendance , l'Abbaye de Saint- 
Polycarpe, située dans 1q diocèse de Narbonne, à une 
lieue de la cité d Alet et de la ville de Limoux-sur- 
Aude. ( 1 ) Cette Abbaye , fondée vers Tan 800 par 
Atala , seigneur espagnol et ami de Charlemagne , était 
placée sous la dépendance de celle d'yUet, pendant le 
règne d'un Charles. Le comte de Guillaumaud en avait 
fait don à l'Abbaye d'Alet, et cette concession avait été 
confirmée sous le règne de Philippe I , i)ar Raymond , 
comte de Carcassonne , et plus tard par la vicomtesse 
Ermengarde. Aucun document ancien ne vient nous 
indi([uer le motif de cette donation et l'on ne peut que 
se livrer à des conjectures. Par exemple, que les Moines 
de Saint-Polycarpe réduits à la nécessité extrême, 
après des invasions barbares qui auraient pillé leur 



(1) Nous donnerons à la lin du volume, l'histoire de l'Ablmye 
de Saint-Polycarpe . de 7<S0 ;\ 1773. suivie de la flescrijition de ce 
Monasière. 



— 48 — 

Ojuvent, ou puur tout autre niotii, auraient imploré le 
secours et l'appui de l'Abbaye d'Alet plus llorissante , 
et en retour se serait i)laeée sous sa dépendance. 
L'Abbaye de Saint- Polycarpe serait ainsi devenue comme 
une fille , comme une colonie du Couvent d'Alet , et par 
reconnaissance, elle serait restée sous sa dépendance, 
avec l'approbation des (Jomtes du pays, comme nou;». 
venons de le rapporter. Le fait étant certain , quoiqu'il 
en soit des motifs, cette primatie, sur TAbbaye de 
Saint-Polycarpe, fut disputée par Rol)ert, abbé de 
Lag-rasse, dans le diocèse de Carcassonne, fondée en 
môme temps que celle de Saint-Polyearpe. Dans un 
Concile tenu à Narbonne , qui est le XV' , en Tannée 
1091 , Robert obtint ce privilège de T Archevêque de 
Narbonne quoiqu'il fut reconnu qu'il navait pas un 
droit bien certain sur cette Abbaye. Vingt-quatre ans 
après , TAbbé d'Alet réclama les droits de son Monastère 
sur cette Abbaye , dans un ( îoncile tenu à Saint-Gilles , 
sur le Rhône, en 1115, et il obtint justice, par la raison 
que ce Monastère n'avait jamais été soustrait à la dépen- 
dance de l'Abbaye dWlet, par un jugement ecclésias- 
tique, mais seulement par la violence et l'autorité des 
puissances séculières, dit Pascal II . dans sa P)ulle. 

« Pascalis , Episcopus . servus .ser\ orum Dei , dilecto fdio 
ft Raymundo Electensis nionasterii Abbati, salutem et 
« apostolicambcnedictionem. L...fsi(yveritatejustitiae pate- 
u factà , fratruni nostroruni judicio. suprâdictani 13. Poli- 
« carpi Ecclesiam, vestris Fatribus... Et Eiectensi Cœnobio. 
« rcstituimus » 

De nouvelles contestations avant été soulevées de la 



— 49 — 

part de TAbbé de Lagrasse , le Pape Calixte II , 
en Tannée 1119, continna définitivement par deux 
Bidles les droits de TAbbé d'Alet, dans le X® Concile de 
Toulouse. Mais cette dépendance cessa vers la fin de ce 
siècle, puisqu'en 1197, Bernard de Saint-Ferréol était 
Abbé en titre de l'Abbaye de Saint- Poly carpe. 

Depuis Tannée 813, où TAbbaye d'Alet avait été pla- 
cée par Bérat, sous la protection directe de TEglise 
de Rome, les Papes l'avaient toujours protégée, comme 
nous venons de le rapporter. En 1119 , Calixte II recon- 
nut en faveur de TAbbaye d'Alet l'étendue de ses biens* 

Ils comprenaient les Monastères de Saint-Paul-de- 
Fenouillct, de Saint-Polycarpe, de Saint- Papoul : les 
églises de Sainte-Marie d'Orbieu, de Sainte-Colombo, 
de Chercorbec sur Lers , de Payra , de Villeneuve , de 
Saint-Martin-de-Celle , de Castelreng et de Sainte- 
Marie-d'Espéraza : les villages de Flacian , de Courna- 
nel , de Pincianum de Véraza : les châteaux de 
Cournanel et de Blanchefort. 

En Tannée 1162, le Pape Alexandre III donna une 
nouvelle Bulle en sa faveur. Grâce à la protection de 
Rome, les Abbés d'Alet jouissaient d'une grande consi- 
dération , et Raymond I , Abbé d'Alet , siégea au Concile 
de Toulouse , où se trouvaient les Abbés de Lagrasse et 
d'Aniane. 

Occupation des Religieux. 

Les Moines d'Alet suivaient le règlement des Bénédic- 
tins de Saiut-Maur. comme nous Tavons déjà dit. Tout 

4 



— 50 — 

en étant voués à la prière , ils avaient deux grandes 
tâclies à remplir : la prédication de l'Evangile et la 
sanctification du travail manuel. 

Pour se rendre dignes de prêcher la i)arole de Dieu , 
ils se livraient à de profondes études. « On i)erce le 
diable , avait dit Benoît , d'autant de coups qu'on trace 
de lettres sur le papier. » Aussi , après avoir manié sans 
rougir la bêche et l'outil , les Bénédictins d'Alet trans- 
crivaient patiemment pour leurs frères des autres cou- 
vents, et les Livres sacrés, et les Livres liturgiques, et 
aussi les œuvres des écrivains de l'antiquité, orateurs, 
historiens, poètes qui eussent infailliblement disparu 
dans ces temps barbfires, et qu'ils conservèrent comme 
dans une arche sacrée, au fond de leurs murailles res- 
pectées, pour l'instruction et le charme des âges 
futurs. 

Chaque Abbaye ouvrait une école pour ceux qui vou- 
laient en profiter. Là, le pauvre comme le riche trou- 
vaient renseignement, car l'Eglise dépositaire de la 
vérité, en vertu du commandement qu'elle avait reçu 
du Maître, s'est toujours montrée jalouse d'instruire les 
peuples en ouvrant des écoles dans les églises et les 
Monastères. On appelait ces écoles, dos Maîtrises, en 
tout semblables à nos Petits Séminaires. On y recevait 
des enfants que Ton formait à la piété et à la connais- 
sance de toutes les sciences, sous l'influence salutaire de 
règles, entièrement à leur portée. Les écoliers de cette 
époque suivaient ces règlements , élaborés avec une 
sollicitude toute maternelle par l'Eglise, et dans les 
Monastères de (lianoines iV'iuliers , et dans les Abbaves, 



— 51 — 

Les Bénédictins d'Alet, comme leurs frères des autros 
Couvents , accomplissaient toutes ces grandes choses , 
et leur Monastère était la Providence visible de la con- 
trée. A Tabrî de leurs murailles déjà fortifiées et créne- 
lées , s'abritaient les âmes pures et délicates , fuyant 
dans cette arche nouvelle, le débordement des passions 
et les orages du monde. L'Abbaye d'Alet ressemblait , 
à l'extérieur, à un Castellum ou Château-fort , envi- 
ronné de hautes murailles garnies de tours crénelées. 
Mais au-dedans , c'étaient de gracieux jardins, bordés 
d'élégants portiques qui formaient ces cloîtres romans 
dont on admire les restes, où aboutissaient l'Atrium, le 
réfectoire , la salle du Chapitre , l'hôtellerie pour les 
Pèlerins, la maîtrise pour les enfants, l'oratoire privé et 
l'église abbatiale qui était le centre de tout et la gloire 
de l'Abbaye. 




CHAPITRE IX. 

CONSTRUCTION DE l'ÉGLISE ROMANE d'aLET 

(XI -^ Siècle). 



L'Histoire générale de l'Eglise nous apprend que 
Tan 1000, époque mystérieuse, sur une fausse inter- 
prétation de l'Apocalypse , on croyait toucher à la fin 
du monde. Les barons rapaces qui avaient dépouillé les 
Eglises et les Monastères, s'empressaient de leur faire 
diverses restitutions et les simples fidèles, à leur tour, 
leur léguaient une partie de leurs biens. Le mouvement 
religieux , imprimé par une terreur mystérieuse , se 
traduisit alors par une ardeur générale à reconstruire 
les édifices sacrés dans tout l'univers catholique. 

Le roi Robert fit commencer l'Eglise de Notre-Dame 
de Paris, sur les débris d'un Temple paien. L'Abbaye 
d'Alet , si importante par le nombre de ses religieux , 
comme par ses richesses, dut élever pour sa part, en 
l'honneur de Notre-Dame, la grande et riche Eglise 



— 53 — 

Romane, avec ses trois nefs, et, qui sait si ce magnifique 
Temple, la merveille de la contrée, ne fut pas le prin- 
cipal motif de la visite d'Urbain II (en 1096), qui voulut 
riionorer de sa présence, l'admirer de ses yeux, et peut- 
être , le consacrer de vses mains augustes , au milieu 
des trois cents religieux qui formaient vers cette époque, 
la gloire de celte Abbaye , importante par ses posses- 
sions et remarquable par la ferveur de ses Moines , car 
d'après le témoignage des historiens, la discipline monas- 
tique refleurissait dans l'Occident avec un nouvel éclat, 
en l'an 1000. Quoiqu'il en soit des motifs du voyage du 
Pape à Alet , le fait certain de son apparition dans les 
murs de cette Cité, sera jusqu'à la fin des temps, 
l'une des gloires les plus pures de son histoire. 

Parmi les trois cents Bénédictins d'Alet, on trouvait 
des hommes dont Pintelligence pouvait s'appliquer à 
tout. Ces religieux, véritables pionniers de la science 
et de l'art , étaient capables de construire n'importe 
({uel château et quelle Abbaye , Eglise et Chapelle , 
môme de splendides Cathédrales, comme celle de Notre- 
Dame d'Alet, commencée vers l'an 1000. On y trouvait 
des sculpteurs sur pierre et sur bois , de première force ; 
des peintres d'Eglise, témoin les restes de peintures à 
fresque ({ue Ton admire encore dans TEglisc en ruines 
(FAlet , soit au Sanctuaire et à la tour Saint-Michel, 
soit sous les arcades du fond de TEglise, où l'on voit 
un groupe d'anges, etc. On y trouvait encore des 
peintres verriers , des enlumineurs dignes de lutter 
avcr i(Mix des AV)bayes de Saint-Denis et de Clniiy. en 
1111 mot. des ai'tj^tes dans io\is les irenrcs. 



D'après oc j-apide exposé , on comprendra que ces 
légions de Moines-artistes de l'Abbaye d'Alet, aient 
voulu marcber avec le progrès chrétien , seconder les 
lidèlcs si généreux pour les Eglises et imiter les Moines 
des autres Monastères qui élevaient ces riches Cathé- 
drales , ces splendides Eglises Abbatiales que nous 
admirons encore, comme la plus belle floraison de l'art 
religieux. 

Pour ce qui concerne notre sujet, nous devons dire 
que le nombre toujours croissant des Moines d'Alet 
demandait un nouveau Temple, l'Eglise Carlovingienne 
de l'an 800 étant devenue insuffisante. On démolit une 
partie de cette ancienne Eglise pour l'adapter aux 
nouveaux plans , mais on conserva avec soin et intelli- 
gence, comme une relique précieuse, l'antique Fanum 
de Diane. 

Les Moines-architectes donnèrent à la nouvelle Eglise 
Abbatiale, le style Romano-Byzantin secondaire, qui 
résumait les deux éléments, Oriental et Occidental, et 
qui était l'architecture chrétienne en usage de l'an 1000 
à 1150. Il remplacèrent le petit appareil Romain si 
fréquent dans la première période ( de 400 à 1 000 ) par 
le moyen appareil, tout en conservant à l'édifice sacré 
les dispositions primitives , c'est-à-dire le plan des 
Basiliques Latines, modifiées suivant les exigences du 
culte catholique. Le visiteur attentif remarquera généra- 
lement le petit appareil à la base des murs jusqu'à une 
certaine hauteur , où apparait exclusivement le moyen 
appareil. C'est la partie conservée de l'Eglise Carlovin- 
gienne ciV(H' ses p(»tites fenêtres à plein cintre. 



— 00 — 

L'importance toujours croissante de TAbbayc fit 
;ulo})ter le i)lan d'une Efi^lise à trois, nefs , chose rare 
jusqu'alors, surtout dans les campa^^nes, dont les 
Eglises étaient à une seule nef , comme FEglise de 
l'Abbaye de Saint- Poly carpe i IX"" siècle). Nous pensons 
(jue FEglise Carlovingienne d'Alet, construite vers Tan 
(SOO , comme nous l'avons rapporté, possédait déjà trois 
nefs , grâce à Timportance et aux richesses de l'Abbaye, 
à cette» époque. 

Comme preuve authentique et irrécusable de l'exis- 
tence de ces trois nefs., nous citerons la conservation 
d'un pilier rond , court et massif, qui se voit encore au 
milieu des piliers carrés 1 ). 8a base et surtout sa 
corniche accusent une architecture bien plus ancienne. 
Il est vrai que les Archéologues ne donnent pas 
rénumération précise des moulures de la 1'"'' époque, 
de 400 à 1000. Ils alïirment que les jBii/e^es , les 
Frètes et nom])re d'autres sculptures que Ton trouvait 
figurées sur les pavés en mo.saïque de l'époque Gallo- 
Romaine, ont été reproduites dans les Eglises jusqu'en 
l'an 1000. Or des moulures de ce genre se retrouvent 
sur la corniche- du pilier rond, et en d'autres endroits 
(le l'Eglise d'Alet. De plus, les pierres de ce pilier rond, 
rongées par le temps, accusent une architecture qui 
HMiiontc au muins au IX'* siècle, et ])eut-étr<* même au- 



( 1 I La mas.so Hcs (Ifcomures .jui co:r.TCîit le .sol no nous a ():is 
l'^nMi.s <lo vorilii'i' ^'il oxistait un pilioi' j)arallè]o . ou nirnio s'il y 
en a\.>il (\c s'^nihî.iMos dan^ lo rosto do. l'cdificc. 



— 56 -^ 

delà. Dans cette dernière hypothèse, ce piher aurait 
fait partie de la première Eglise , qui existait avant celle 
qui fut construite vers l'an 800. 

Au commencement du XV siècle, une révolution 
importante qui se produisit dans Tagencement des 
colonnes , permit de donner à TE^rlise d'Alet , de plus 
amples proportions. A partir de cette époque, les colon- 
nes, auparavant courtes et massives (et la colonne ronde 
dont nous venons de parler en est une preuve :, subirent 
une grande modification. On les groupa, à demi- 
engagées , dans les piliers dont elles dissimulaient 
répaisseur. Ces colonnettes au fut grêle et élancé, 
n'étaient pas le support réel, mais Taccessoire, l'orne- 
ment du support véritable. 

Tous ces progrès de Tart chrétien se trouvent 
fidèlement réalisés par les Moines d'Alet , dans la 
construction de l'Eglise du XV siècle, (^t rien ne contribua 
à l'élancement de l'édifice sacré, haut de 25 mètres 
environ, comme ces faisceaux de gracieuses colonnettes, 
qui s'élevaient d'un seul jet, du pavé jusqu'aux combles, 
où elles s'arrêtaient pour porter les nervures des voûtes. 
Par une heureuse innovation , les Moines dAlet rédui- 
sirent successivement le volume des colonnettes. La 
colonnette amoindrie s'élevait comme d'une nouvelle 
base , pour subir une troisième fois , la même modifica- 
tion , avant de recevoir à son .sommet, pour dernier 
couronnement, des cliapiteaux Historiés, comme on 
savait les fouiller au XV siècle. L'art de Byzance y 
épuisa toute sa perfection en produisant ces belles 
feuilles d'Acliaiite de toutes dimensions, îigencées avec 



— 57 — 

un goût parfait , témoins les nombreux chapiteaux que 
Ton voit encore, et qui rappellent à la gloire des 
Moines-architectes, les plus beaux chapiteaux Corinthiens 
de la Grèce. C'est en effet le style Grec le plus pur et 
le plus riche que l'on retrouve à Tintérieur , comme à 
Textérieur de l'Eglise Notre-Dame d'Alet ( 1 ). Les deux 
nefs latérales étaient coupées , vers le milieu de la 
hauteur de lédifice, par des voûtes épaisses, qui 
supportaient des galeries , formant d'immenses tribunes 
ou de secondes nefs. Les arcades supérieures qui 
supportaient la naissance des voûtes , à une hauteur de 
*20 mètres environ , })résentent sur leurs chanfreins , un 
semis de moities-boules qui détruisent la monotonie et 
produisent le meilleur effet sur les quatorze arceaux 
supérieurs, qiii fesaient le tour de la grande nef, sept 
de cha(|ue côté. 

Mais au milieu de ce dédale de lignes droites ou 
courbes qui sillonnent l'édifice sacré dans tous les sens, 
Tceil était ravi de leur pureté, de leur parfaite harmonie. 
Pour tout dire en un mot, TEglise Abbatiale d'Alet fut 
toujours regardée comme un des monuments les plus 
lu^uix de Tart Uoman , dans le Midi de la France. 



/ •- ■ 

I 1 ) ('o ;^(Miiv U'arcliiliM-tiu'c nous iivit supposer (jiu' les MoiiiCS- 
artistcs ([ui dirificaient ces travaux, auraient j)u venir do la<irèce, 
comme l'anli(jue chant Hcnérlictin d'Alct. 'Ion! les. r.iélodies rap|ic- 
laient . dit-on, les symplionies (!e r()iienl. 



— 58 — 

Dimensions de l Eglise Notre-Dame d'Alet. 

L'antique Eglise d'Alet présente la forme (Fim 
parallélogramme ou (;arré long, couronné par un petit 
chœur, demi-circulaire, du côté du Levant Cet édifice 
monumental mesure dans sa plus grande longueur 
intérieure 44 mètres, 36 pour la nef, 8 pour le sanctuaire, 
qui a 6 "' 25 de large, à l'entrée , entre les deux piliers 
Corinthiens. 8a largeur aux transsopts . donne 
25 mètres 15, et les trois nefs atteignent 19 mètres 15, 
décomposées comme il suit : 3 mètres 50 chaque nef 
latérale, 1 mètre 90 chaque pilier carré et 8 mètres 35 
la grande nef. 

Enfin la tribune dont on ne voit que remplacement 
au fond de lEglise, avait toute la largeur de la nef 
principale, et mesurait 6 mètres de profondeur. 






CHAPITRE X. 

DESCRIPTION DES PARTIES PRINCIPALES DE l'ÉGLISE ROMANE 

d'^let. (XI'"^' siècle). 



Après avoir parlé dans le chapitre précédent de 
lensemble de ce magnifique édifice à trois nefs, nous 
allons essayer de décrire les parties les plus remarquables 
de féfi^lise Bénédictine, en suivant Tordre chronolopriquc 
de leur exécution . savoir : 

1" Le Sanctuaire; 2"^ les Transsepts; 3" les Fenêtres ; 
4" les Volâtes ; 5" les Tribunes ; 6" les Tours ou (Jlochers ; 
7" les Portos; 8'* les Peintures. 

Nous terminerons ce cha})itre par un résumé qui 
aidera le lecteur ou le touriste visiteur , à saisir la 
synthèse chronoloo-icjue de ce Monument, ({ui appartieni 
-'' phi.sieurs épo(|ues. 



— 60 — 

.^ I. — Sanctuaire de Véglise Notre-Dame d'Alet. 

1" Intkiukur du Sanctuaire. — Ce petit sanctuaire 
est sans contredit la partie la plus ancienne, la plus 
riche et la plus curieuse à visiter du monument. En 
parlant du Temple de Diane au Chapitre III, pag(i 10, 
nous civons raconté son origine gallo-romaine ; au Chapi- 
tre IV, page 22, nous avons dit comment il fut consacré 
au culte catholique, et au Chapitre VI , page 38, le 
lecteur a appris avec quel soin intelligent, les religieux 
qui contruisirent l'église carlovingienne , l'avaient 
conservé, dans son état primitif. 

Les moines qui élevèrent la basilique du XI'' siècle , 
dans le style l'omano-byzantln secondaire , adaptèrent 
de chaque côté , à l'entrée de ce petit sanctuaire , deux 
colonnes avec bases et chapiteaux à feuille d'acanthe, 
d'une perfection de travail inimitable. Quelques années 
après, on souda sur ces colonnes, les parements en 
pierre des murs qui forment l'intérieur de la grande- 
nef, de chaque côté du vsanctuaire. Un peu au-dessus 
des bases, on aperçoit les amorces en pierre de la 
Sainte-Table. Ce petit Sanctuaire représente une 
demi-circonférence à cinq pans ou faces. Chaque côté, 
offre un petit enfoncement en forme de niche, 
profond de deux mètres, et haut de quatre à cinq, ayant 
au milieu une étroite fenêtre romane , et couronné par 
un double cintre ou deux rangées d'arcatures superpo- 
sées à dix ou quinze centimètres de distance. C'est la 
partie gallo-romaine de l'ancienne Cella de Diane, où 
se trouvait placé Tautel de la Divinité, q\n était honorée 



— 61 — 

dans le Pagus Electensis. On remarque dans le bas, et 
environnant la Cella , un banc de pierre pour s'asseoir. 

Une corniche byzantine se développe, avec une grande 
richesse de travail', au-dessus des cinq niches gallo- 
romaines , comme leur couronnement ; en môme temps, 
elle sert de base à la voûte semi-circulaire , en forme de 
voûte de four, ({ui recouvre le sanctuaire. Les bases 
de la voûte s'élèvent à cinq pans , sur les cinq faces 
correspondantes inférieures. Mais les pans supérieurs 
s'effacent insensiblement pour se perdre dans le reste 
de la voûte qui devient circulaire. Trois petites fenê- 
tres romanes sont percées sur les trois pans du fond de 
la voûte de ce sanctuaire. Çà et là , on aperçoit des 
stucs ornementés et portant des traces de couleurs 
variées que Ton retrouve sm^ les trois fenêtres de la 
voûte, figurant un quart de sphère. Lu corniche byzan- 
tine , qui lui sert de base , se répète sur le cintre anté- 
rieur de la voûte , qui repose sur les deux colonnes , à 
l'entrée du sanctuaire. 

Enfin, de chaque côté des murs de la grande-nef, 
contigus à ces colonnes, on aperçoit deux petites niches, 
dont la riche architecture appartient au XV ou au com- 
mencement du XW siècle. LeSacraire, pratiqué du côté 
de l'Epitre, est plus grand et plus profond que son 
parallèle. Il est entouré de riches colonnettes avec bases 
et chapiteaux qui supportent un couronnement avec 
chous et clochetons. Au milieu du couronnement, on 
aperçoit un simple trèfle à trois feuilles qui repose sur 
la partie supérieure du Sacraire, dont l'ouverture a la 
forme d'un parallélogramme. 



— 62 — 

La niche du côté de TEvangile est un peu plus 
j)etite, quoique de mémo forme et de même style. On 
remarque dans le couronnement deux anges à genoux ; 
leur tête repose sur un écusson , qui 'semble partagé par 
une Croix , en partie détruite. 

Nous pensons que ces deux niches étaient destinées à 
recevoir la parcelle de la vraie Croix et les nombreuses 
reliques qui composaient le trésor de la Cathédrale, 
comme nous l'avons rapporté aux pages 38 et 42. En 
effet , ces deux Sacraires , placés en dehors de la Table 
sainte, ne pouvaient pas servir de crédences , à cause 
de leur élévation à hauteur d'homme, ni d'emplacement 
pour la lampe qui doit brûler toujours devant le Taber- 
nacle, d'après les règles de l'Eglise, et qui était 
suspendue à un anneau en fer, que l'on voit encore rivé 
au milieu du cintre du sanctuaire. 

Ces deux Sacraires ne pouvaient donc servir qu'à 
renfermer les reliquaires. Leurs riches décorations 
indiquent quils étaient destinés à recevoir des objets 
précieux. Enfm, une rainure profonde, pratiquée à 
chaque niche , prouve mieux que tous les raison- 
nements qu'ils étaient fermés par une grille en fer, 
destinée à protéger le trésor des reliques de la 
Cathédrale. 

2" Extérieur du Sanctuaire. — La partie extérieure 
reproduit les cinq faces du dedans. La voûte est recou- 
verte par des dalles bien cimentées , qui forment une 
retraite insensible jusqu'à une certaine élévation, au- 
dessus du sanctuaire , où l'on voit une fenêtre géminée 
qui éclairait la grande-nef. Sur les quatre arêtes for- 



^ 63 — 

méos par les faces extérieures de ce petit sanctuaire, 
on admire quatre colonnes rondes avec bases et riches 
chapiteaux du IX" ou X'' siècle, décorés de sculptures 
élégantes dans lesquelles dominent les feuillages, les 
rinceaux, les gracieux enlacements et différentes brode- 
ries d'une délicatesse remar({uablo. 

Une corniche dans le môme style et non moins riche, 
sert de base à la coupole , recouverte de plantes et d'ar- 
bustes rabougris qui poussent dans les joints des pierres 
et qui achèvent d'imprimer à tout Textérieur de ce petit 
sanctuaire un cachet architectural et poétique , dont 
Tœil du touriste comme de Tarche^ologue demeure ravi. 

On remarque encore , un peu au-dessus du sol, une 
masse de pierres formant saillie entre les petits contre- 
forts sur lesquels reposent les colonnes. Ces saillies 
sont divisées en trois compartiments , par des colonnes 
tantôt rondes, tantôt carrées, surmontées de chapiteaux* 
à peine ébauchés et reliés par des demi-circonférences et 
I)ar des trètles aux lobes peu prononcés : ce sont les 
seuls que Von aperçoit dans tout Tédifice. Ils semblent 
indi({uer le conmiencement de la troisième époque de 
transition. Ces petites colonnes , avec leurs chapiteaux, 
ont le même style ({ue les quatre /léjà adaptées au bas 
d(* la tour carlovingienne , comme il sera dit au 
' VT". 

l>ans tous les atlas (rarchitecture que nous avons 
|)arc()urus, nous n'avons découvert ([u'un seul monu- 
ment ((ui eut (piclque ressemblance avec le sanctuaire 
de Notre-Dame d'Alet. C'est l'Eglise de Saint-Front, à 
IVriL^^ueux, ({ui est certainement de la })remiére époque 



— 64 — 

romane. On y remarque des coupoles qui se rapprochent 
un peu, par leur forme, de Textérieur du sanctuaire. 
Or, l'église de Périgueux fut construite sur le modèle 
de Sainte-Sophie de Constantinople , consacrée en 537, 
époque où le style byzantin commença à se généraliser 
en Orient et en Occident. Ces données générales de 
1 histoire de l'architecture viennent, à leur tour, con- 
firmer l'antiquité du sanctuaire d'Alet, pour ce qui 
concerne la coupole. Quant à l'intérieur, il appartient 
en bonne partie à la période gallo-romaine, comme 
nous l'avons dit au Chapitre 111% page 16. 

.^ II. — Transsejots. 

L'église Notre-Dame possédait deux petits transsepts 
qui n'arrivent qu'à moitié hauteur de l'édifice. Celui du 
Nord , en entier conservé , mesure 2 mètres 42 de pro- 
fondeur. Trois ouvertures à plein cintre sont pratiquées 
dans la muraille Nord. La plus basse est de la même 
époque que les deux des travées suivantes , quoique un 
peu plus grande, c'est-à-dire du commencement du 
XL' siècle. Les deux fenêtres supérieures, qui sont très 
petites , ressemblent aux ouvertures de l'Eglise carlo- 
vingienne. On les aj(juta, probablement dans la crainte 
de manquer de jour. 

Le transsept méridional , complètement détruit , 
aurait été un peu plus profond (3 mètres 58) dans 
l'hypothèse où il serait arrivé à l'alignement extérieur 
de la Tour Saint-Michel. Si on le suppose semblable à 
son parallèle , ce qui est le plus probable, l'espace com- 
pris entre cette tour et le mur qui terminait l'église du 



— 65 — 

côté du levant , aurait été occupé par une chapelle ou 
sacristie, construite plus tard, en même temps que la 
partie inférieure de la Tour, et où l'on voit encore des 
peintures dn XIV ou du XV siècle. 

§ III. — Les Fenêtres. 

Au commencement du XP siècle, les fenêtres, 
jusqu'alors étroites et sans architecture, furent cou- 
ronnées d'une riche archivolte, ornée des moulures 
de l'époque et supportée par deux colonnes. Leurs pro- 
portions variaient suivant la grandeur des édifices. Celles 
des étages supérieurs étaient parfois géminées , c'est-à- 
dire disposées deux à deux et quelquefois encadrées 
dans un cintre d'un plus grand diamètre. 

Tous ces progrès de l'art chrétien s'étalent aux fenê- 
tres supérieures de Féglise d'Alet, avec une grande 
perfection de travail. Elles sont couronnées d'une riche 
archivolte, supportée par deux colonnes avec chapiteaux 
assortis. Leurs moulures et leurs dessins ravissent le 
visiteur par leur délicatesse comme par leur variété. On 
y admire des ornements de toute sorte, étoiles, zigzags, 
chevrons brisés , billettcs , damiers , têtes de clous , 
pointes de diamants, demi-boulas saillantes, etc. Tous 
ces ornements , jetés à profusion sur les fenêtres 
méridionales, reliées ensemble par un cordon ou corni- 
che de plusieurs rangées de tores coupés , ressemblant 
à un ruban d'échiquier, longent cette façade de l'église. 
La même corniche ornait la muraille Nord , jusqu'à la 
tour Notre-Dame. Mais les fenêtres de cette façade. 



— 66 ~ 

quoique surmontées d'une archivolte reposant sur deux 
colonnes, étaient bien moina riches que leurs parallèles, 
du côté du Midi. En revanche, on admire sur cette 
façade et sous les fenêtres , une deuxième corniche à 
huit ou dix mètres au-dessus du sol , qui contourne le 
côté Nord, et la muraille du Levant de l'église, jusqu'au 
sanctuaire gallo-romain. Cette deuxième corniche, aux 
dessins les plus variés et les plus curieux, est bien plus 
riche d'ornementation et plus ancienne que la corniche 
supérieure. Elle date de l'époque carlovingienne , car 
elle est du même style que le chapiteau du pilier cylin- 
drique de l'intérieur de l'église. De plus, elle couronne 
le petit appareil des murs de l'église du IX*' siècle. 

A la partie supérieure de la fenêtre géminée qui se 
trouve au fond de l'église , on voit un rond en œil-de- 
bœuf, prélude des belles roses qui furent l'ornement le 
plus somptueux des édifices gothiques. Cette belle 
fenêtre , la plus riche de l'église , est encadrée dans un 
cintre beaucoup plus grand , orné d'un cable , offrant 
exactement l'image d'une grosse corde de marine. De 
riches fleurettes, variées de toute façon, forment autour 
de cette fenêtre, comme un deuxième cintre. Les 
archivoltes sont supportées, à l'intérieur comme à l'exté- 
rieur, par deux colonnes avec chapiteaux extra-riches, 
et parfaitement conservés. 

Comme parallèle, on avait orné le dessus du 
sanctuaire, d'une fenêtre géminée d'un genre particu- 
lier, et composée de cinq ouvertures. La base, dont un 
mètre environ est fermé par les pierres du dôme du 
sanctuaire, était flanquée d'un œil-de-bœuf de chaque 



— 67 — 

côté. Le menau, qui divisait la fenêtre en deux parties, 
ayant chacune environ 80 centimètres d'ouverture, 
a trois mètres de liauteur. Tout le reste est détruit. 

La fenêtre parallèle de la tribune fait supposer qu'elle 
était également couronnée par un œil-de-bœuf. La 
forme unique et extraordinaire de ce menau ou pilier 
qui divisait la fenêtre , nous porte à croire qu'elle faisait 
partie de la première église d'Alet ou du moins de 
réglise carlovingienne. En construisant, au XI« siècle, 
la troisième église et le dôme du sanctuaire, on ferma 
le bas de cette fenêtre; mais pour donner du jour à la 
nef centrale, on pratiqua de chaque côté un œil-de-bœuf, 
pour établir une certaine harmonie avec les deux autres 
ouvertures rondes percées un peu plus bas sur le 
même mur pour éclairer les galeries latérales. 

Vitreiux. — Toutes ces fenêtres étaient garnies de 
vitraux peints , car on voit encore les rainures ou 
feuillures dans lesquelles on arrêtait les vitraux , ainsi 
que les perforations pour recevoir les barrettes et les 
barrotières destinées à les soutenir. Les verrières furent 
brisées par les huguenots iconoclastes qui pillèrent 
l'église, en 1577. 

Nous ne possédons aucun document qui puisse nous 
fixer sur la nature et le genre d^ces vitraux , qui , sans 
aucun doute, devaient être dignes de la richesse de 
1 antique cathédrale d'Alet. Tous ceux qui eurent le 
bonheur de les contempler, ne purent se défendre d'un 
vif sentiment d'admiration , en pénétrant dans l'édifice 
sacré , lorsque ces vitraux brillaient de tout leur 
éclat aux rayons du soleil, et qu'ils reproduisaient leurs 



— 68 — 

mille nuances , en faisceaux lumineux , sur les colonnes 
et sur les pavés de l'église Bénédictine. 

§ IV. — Les Voûtes. 

Comme l'on trouve différentes espèces de voûtes dans 
l'église d'Alet, nous allons, pour l'intelligence du 
lecteur, dire , en peu de mots , l'historique des voûtes , 
partie principale et si importante des édifices sacrés. 

Les architectes éprouvèrent , jusqu'à la lin du 
X^ siècle, des difïicultés presque insurmontables à 
établir des voûtes , surtout lorsqu'elles étaient un peu 
larges. 

A peine si on avait aperçu les contre-forts dans 
l'architecture romane primitive , où ils se présentaient 
comme de simples pilastres, destinés à orner plutôt qu'à 
consolider l'édifice et à supporter des voûtes. Ils n'eurent 
d'abord que très peu de saillie , comparativement à ce 
qu'ils en reçurent dans la suite. Mais à partir du 
XP siècle, les contre-forts opérèrent une révolution dans 
la manière de jeter les voûtes. 

A cette époque, les murs de l'église d'Alet étaient 
déjà construits. Poyr y adapter des voûtes, d'après 
cette belle découverte, les moines-architectes soudèrent, 
sur ces murailles, des contre-forts extérieurs d'un demi- 
pied de saillie , et qui eurent la même forme et dimen- 
sion dans l'intérieur de l'édifice sacré : tous absolument 
furent construits après coup. 

En môme temps , des artistes habiles et hardis trou- 
vèrent le moyen de surmonter heureusement tous les 



— 69 — 

obstacles que présentait le poids des voûtes. Ils les 
divisèrent par parties carrées, au lieu de les faire d'un 
seul jet dans toute leur longueur. Ils croisèrent les 
arcades , de manière à neutraliser la pression latérale en 
la dirigeant sur quatre points opposés et toujours corres- 
pondants à des pilliers ou à des faisceaux de colonnes. 
Souvent, larcte résultant de ce croisement des arcs, fut 
garnie et consolidée au moyen d'arceaux en pierre de 
taille. Ce dernier perfectionnement qui fut un nouveau 
progrès de l'art , n'existe pas dans Téglise d'Alet , 
l)reuve évidente que la construction des voûtes remonte 
à leur naissance et à la première époque de leur invention. 

On remarque dans l'égli.se d'Alet, trois espèces de 
voûtes , sans compter celle du sanctuaire , qui est en 
forme de voûte de four, partagée par le milieu. 

1" La voûte du transsept nord est d'un seul jet, sans 
arcs parallèles pour la diviser, ni la soutenir; elle 
ressemble à. une voûte de pont. Cette forme indique 
c[u'elle fut la première construite. On la souda sur les 
murs , suivant l'usage ancien , car on ne connaissait 
pas encore l'emploi des contre-forts. Ce transsept 
n'arrive qu'à moitié hauteur de Téglise. Chose singu- 
lière, le mur nord de l'église suit le même alicrnement 
dans toute sa longueur, môme en passant sur la voûte 
du transsept. Mais afin d'éviter le poids écrasant de ce 
mur si haut et si massif, on imagina, à la place d'un 
cintre qui aurait jeté la pression sur le mur du Levant, 
toujours sans contrefort, un angle très-obtus que l'on 
voit sur la voûte du transsept, et dont l'emploi ne 
trouve pas d'autre explication. 



- 70 — 

2"* Les voûtes supérieures , clans toute la grande nef, 
et les voûtes latérales des deux premières travées, 
présentaient des demi-circonférences ou des voûtes à 
plein cintre, des voûtes de pont, divisées à chaque 
travée par des arcs parallèles pour les soutenir. Les 
voûtes des ailes, dont la portée était beaucoup moins 
considérable , et qui ne présentaient pas la même difli- 
culté , ont été disposées de manière à soutenir la voûte 
centrale. Ces ailes, dans Téglise d'Alet , sont, en effet, 
à une hauteur presque égale à celle de la grande-nef, 
et elles n'ont reçu, sans aucun doute, cette élévation, 
que pour servir de contre-fort à la voûte principale. 

3" Les voûtes des ailes latérales supérieures , à partir 
de la troisième travée, et toutes les voûtes basses des 
deux nefs inférieures, sont divisées par parties carrées 
et leurs arcades sont en forme de croix. Au moment 
de la construction de ces voûtes, les architectes venaient 
de découvrir le moyen tout-à-fait ingénieux de neutra- 
liser la pression latérale des voûtes , en la dirigeant sur 
quatre points opposés. Les religieux d'Alet ne manquè- 
rent pas de faire usage de ce système perfectionné, qui 
explique cette différence, que nous venons d'indiquer, 
dans les voûtes de cet édifice monumental. 

^ij V. — Les Tribunes. 

Le plan primitif de l'église Bénédictine du XI** siècle 
n'avait pas prévu l'existence d'une tribune. On montait 
sur les voûtes basses latérales, côté Nord, par l'escalier 
de la tour carlovingienne. Pour communiquer avec les 
mêmes vanités, côté du Midi, on prati([ua dans l'épais^ 



sour du grand contre-fort extérieur, du fond de 
réglisc, côté Nord, un petit escalier dérobé, qui 
conduisait à un étroit passage, pratiqué dans la largeur 
du mur, sur la fenêtre géminée. Ce mur est, en effet, 
d'une belle épaisseur, grâce aux cintres fuyants, qui 
couronnent la fenêtre géminée et aux colonnes qui 
supportent les archivoltes , à Tintérieur comme à l'exté- 
rieur de l'édilice. Arrivé à lautre grand contre-fort, 
côté du Midi , le couloir aboutissait à un autre escalier 
rond, qui descendait jusqu'aux voûtes basses méridio- 
nales, et qui se continuait jusqu'au sommet du contre- 
fort, pour monter sur les voûtes supérieures (1). On 
communiquait ainsi avec toutes les parties supérieures 
de l'église , sans qu'il existât aucun escalier dans 
Tintérieur de Tédifice. Mais bientôt on reconnut les 
inconvénients do cet état de choses, par la difficulté qu'il 
y avait principalement, de communiquer avec les gale- 
ries latérales, du côté du Midi. Pour les relier, on décida 
la construction d'une nouvelle voûte , au fond de la 
grande-nef, appelée tribune, de 6 mètres de profondeur, 
et qui vint se souder aux premiers piliers , construits 
seulement jusqu'à la moitié de leur élévation actuelle. 



(1) Ceux ({ui sont montés par cet escalier sur un morceau de la 
grande voûte, qui existait encore, au fond de réglisc, il y a 50 ou 
GO ans, avant la chute du jjrand clocher, arrivée en décemhrc 1831 , 
nous ont affirmé ([u'il manciue à |»cine (luelqucs marches à cet 
escalier tel <{u'on le voit aujourd'hui , ce (fui permet au visiteur de 
he faire une idée de la iiautrur exacte de la voûte centrale. 



— 72 — 

Les religieux déployèrent, dans cotte partie de 
réglise , une richesse de décorations en tout semblable^s 
aux magnifiques sculptures du sanctuaire. Déjà la 
fenêtre géminée étalait ses magnificences et embellissait 
le fond de Téglise. On commença par flanquer les deux 
derniers piliers, à moitié construits (comme nous 
venons de le dire), de trois colonnes rondes avec bases 
et riches chapiteaux. La colonne et le chapiteau 
destinés à supporter la naissance de la voûte de la 
tribune, du côté de la grande-nef , ont été enlevés en 
entier. Des deux colonnes, soudées au grand pilier 
pour soutenir les arcades supérieures, l'une a disparu 
avec son chapiteau, dont on retrouve la place ; mais 
l'autre est parfaitement conservée avec son chapiteau, 
qui est un objet d'admiration pour les visiteurs. 

Le grand pilier nord , à partir du sol de la tribune , 
du côté de la nef principale, fut décoré jusqu'à la 
naissance de la voûte supérieure , d'une colonne 
extraordinairement curieuse à voir. Elle diminue par 
trois fois de diamètre, jusqu'au chapiteau si remar- 
quable qui la couronne , digne frère de celui qui est au 
bas de ce même pilier, et des deux autres que l'on 
admire à l'entrée du sanctuaire. 

Que le lecteur ajoute par la pensée, à cette description 
ce que nous avons dit de la fenêtre géminée du fond 
de l'église, au § III , et il aura une faible idée de la 
magnificence de cette tribune , couverte de fresques de 
tout genre. Il n'en reste , hélas ! qu'un fragment , 
comme nous le rapportons au .§ VIII. 



73 — 



i^ VI. — Les Tours ou Clochers. 

L'histoire de l'architecture religieuse en France, ne 
mentionne aucune Tour ou Clocher , élevé clans notre 
pays, avant le IX*" siècle , à cause du petit volume des 
cloches, qui ne nécessitait pas l'érection d'un bâtiment 
particulier. A cette époque , on commença à élever des 
Tours écrasées et quadrangulaires, terminées par un 
toit sans élégance, à double égout ou pyramidal et à 
quatre pans. Les faces étaient percées d'ouvertures à 
plein cintre, sans aucun ornement. 

Les architectes , dès le principe , furent très-eml^ar- 
rassés pour placer convenablement ces Tours massives. 
On finit par les construire à côté des églises , sans 
liaison aucune avec les autres parties de l'édifice. Il en 
fut de môme pendant la deuxième épo(|ue du style 
Komano-Byzantin secondaire de Tan 1000 à 1100. 

Le premier monument que le voyageur aperçoit en 
entrant dans le poétique vallon d'Alet, est la Tour 
Notre-Dame. « Doigt silencieux qui montre le ciel , » 
suivant la belle expression d'un poète, et qui produit 
Teffet le plus pittoresque. 

Evidemment ce Clocher si majestueux, n'est pas le 
Clocher primitif de l'égHse d'Alet , d'après le court 
préamkde qui précède. Quelle était donc la forme de la 
Tour sacrée de Téglise Carlovingienno (h^ la fin du 
VHP , et du commencement du IX'' siècle ? 

A cette époque, vers l'an SOO. Téglise d'Alet n'avait 
|Kis de ('locher. Mais priidant le IX'' ou le X'" siècle, ou 



— 74 — 

souda à rédifice une petite Tour à six faces, qui fut 
construite avec le petit appareil Roman que Ton voit 
encore au bas de la tourelle nord , Clocher primitif 
d'Alet. Le mur de Téglise formait un côté : les autres 
cinq faces étaient données par un carré dont on aurait 
abattu deux angles. A quatre mètres au-dessus du sol, 
on avait ménagé une petite retraite sur les cinq faces 
extérieures , qu'on éleva encore de six ou sept mètres. 

A cette hauteur, la Tour devenait ronde ou circulaire, 
et recevait un couronnement, en forme de boudin peu 
saillant, à une hauteur totale de 12 mètres environ, 
Une petite toiture de forme conique devait recouvrir la 
Tour, où Ton pénétrait par une porte extérieure, 
donnant sur le cloitre des Moines. Un escalier en spirale, 
dont les marches en pierre taillée , reposaient à la fois 
sur une colonne centrale, sur les murs, et sur un béton 
en forme de voûte, conduisait à la partie supérieure, 
Enfin elle était percée de petites fenêtres du IX"^ ou X® 
siècle. Tel fut le premier Clocher d'Alet , avant 
Tan 1000. 

Au commencement du XP siècle, les religieux 
entreprirent la construction de FEglise romane actuelle. 
Dans le mur Carlovingien, qui formait le côté méridional 
du Clocher, on agrandit la petite fenêtre Carlovingienne 
et Ton construisit une fenêtre romane de même 
dimension que la suivante, vers le sanctuaire. Cette 
ouverture n'est pas tout à fait au milieu de la travée , 
pour rencontrer l'escalier tournant dans l'intérieur de 
la tour. Elle est môme percée un peu obliquement, 
surtout dans Tintérieur de la tour, et Ton voit qu'elle a 



75 



été adaptée dans le mur carlovingien, qui est en petit 
appareil. On continua dVxhausser le mur de Fég-lise, 
conti.G^u au Clocher, à la même hauteur que les autres 
murailles de l'église, sans aucun projet d'y élever plus 
tard le Clocher actuel. La Tour carlovingicnne était 
plus basse que l'église du XV siècle; on l'éleva jusqu'à 
la même hauteur, quatre mètres environ. Elle fut 
percée de deux petites ouvertures romanes , sans aucune 
décoration , simplement pour donner du jour, et rien 
n'indique qu'elle ait reçu une toiture , ou j^ien la toiture 
disparut bientôt après., quand on éleva la tourelle une 
deuxième fois, pour monter au beffroi de la nouvelle 
Tour Notre-Dame, que l'on construisit à cette époque. 
On continua l'escalier en spirale de la tourelle carlovin- 
gicnne sur le même plan. Mais le béton en forme de 
voûte qui supporte les marches, et qui pénétrait dans 
la colonne , au moyen de petites perforations , à des 
distances régulières, fut simplement appliqué sur la 
colonne, à la nouvelle construction du XP siècle. De 
plus, le béton, fait avec du mortier rougeâtre, devint 
moins massif, ce qui donna plus d'espace pour monter à 
la cime de la tourelle. 

Déjà le clocher carlovingien avait reçu certaines 
décorations au IX" ou au X*" siècle. Ainsi, à la première 
retraite qui se trouve à quatre mètres au-dessus du sol, 
on flanqua les arêtes de quatre colonnes rondes avec cha- 
piteaux gothiques à peine ébauchés. Un Mletgrecà triple 
moulure qui semble sortir du mur de l'église, à un 
mètre au-dessus de la retraite de la Tour, descendait le 
long dc'^ doux i)r'-mières colonnes, sur les deux faces dy 



~ 76 — 

la Tour conti.î^ues à l'église, jusque sur la retraite du 
mur de la tourelle , et servait ainsi de base aux quatre 
colonnes, qui, au-dessus de leurs chapiteaux, devenaient 
carrées, et s'arrêtaient siibitement , sans boudins ni 
chapiteaux pour les couronner. Ces colonnes sont de 
tout point semblables à celles que Ton voit sous les 
fenêtres basses du sanctuaire , à la partie extérieure , et 
que nous avons décrites au J^' P"". 

Les choses se trouvaient dans cet état , et les murs de 
Féglise du XP siècle étaient élevés , lorsque l'usage 
s'introduisit de construire des clochers très-élancés 
comme des pyramides, et qui étaient presque toujours à 
quatre pans. De plus , les tours qui n'avaient été 
construites , dans Forigine , que pour recevoir des 
cloches , se multiplièrent sans nécessité au XP siècle , 
et uniquement pour le coup d'œil ou l'ornement des 
édifices sacrés. Là où une seule tour eut suiïi , on en 
éleva deux et trois. Alors on adopta pour les grandes 
églises , l'usage qui a subsisté depuis , de placer une 
tour de chaque côté du portail. La troisième s'élevait sur 
le transsept, ordinairement moins élancé que les deux 
autres. Tel fut le plan à peu près généralement suivi 
dans la construction des nouvelles églises. Il nous reste 
à dire la manière dont les Moines-architectes d'Alet 
appliquèrent à leur église , ces progrès de l'art 
chrétien. 

i" Tour Notre-Dame. — A cette époque , Féglise 
bysantine d'Alet était déjà construite, et la Tour carlo- 
vingienne élevée à la môme hauteur, par un exhaus- 
sement de quatre mètres, lui servait de clocher. La 



— 77 — 

largeur de la grande nef, et la forme du sanctuaire gallo- 
romain si religieusement conservé comme une relique du 
passé, ne permettaient pas d'y bâtir une tour sur le 
transsept. Que firent alors les Moines-architectes ? Le 
génie et le zèle qui les ont inspirés jusqu'alors veulent se 
manifester avec un nouvel éclat pour embellir l'église 
d'Alet, la mettre à la hauteur des chefs-d'œuvre de l'art 
chrétien, en tirant un parti merveilleux de l'édifice déjà 
construit. Ils renoncent donc à Fidée d'élever une 
flèche sur les transsepts , à cause de l'impossibilité 
matérielle que présente le plan de l'Eglise. D'un autre 
côté, le respect qu'ils ont pour le sanctuaire gallo- 
romain , précieux souvenir des traditions religieuses de 
plus de mille ans, leur défend de toucher à cette relique 
du passé ! Au miheu de ces difficultés, une pensée 
lumineuse a brillé à leurs yeux. 

Ils poussent avec une hardiesse qui nous étonne, la 
pisle de la Tour Notre-Dame, comme on disait en ce 
temps. Oui, sur les colonnes et les murs contigus au 
petit Clocher carlovingien , et dont ils connaissent la 
solidité à toute épreuve, ils élèvent la Tour Notre-Dame, 
telle que nous l'admirons encore , moins l'étage supé- 
rieur , percé de huit fenêtres , qui est du X V^ siècle , 
comme il sera raconté au chapitre de la construction do 
l'Abside gothique, ajoutée à la même époque, à Téglise 
du XI'^ siècle. 

On commence par élever un troisième corps de 
maçonneries avec des matériaux d'un nouveau genre 
(comme on peut encore le constater), sur le mur 
primitif, (jui supportait la construction du XI'" siècle, e.t 



— 78 — 

au milieu de la hauteur de la nouvelle tour, on bâtit 
une voûte à quatre arêtes, comme celle qui existait 
déjà dans la partie inférieure, pour y placer les cloches. 
Afin de donner à cette tour un cachet particulier de 
richesse architecturale, on pratiqua une petite retraite, 
en forme de carré, à chaque angle, pour y adapter une 
longue et mince colonne avec base et chapiteau. Cette 
idée lumineuse, heureusement exécutée, donne à la 
Tour un nouvel aspect qui trompe Tocil : elle semble 
plus sveltc et moins massive. Toujours pour la rendre plus 
élancée, on perce les murs de quatre fenêtres romanes, 
reliées entre elles, à la naissance des cintres, par une 
bande ou corniche, ornée de demi-boules, qui encadre 
les quatre faces de la tour à la hauteur des chapiteaux, 
placés sur les quatre colonnettes des angles. Cette 
élégante corniche en reposant agréablement le regard , 
achève d'enlever toute monotonie à cette massive 
construction. Nous ignorons si la toiture placée au- 
dessus des fenêtres romanes, était à quatre pans ou en 
forme de Bat lève de deux gables à double égoût , 
supportant un toit plus ou moins incliné. Pour arriver 
à la deuxième voûte, qui devait supporter le beffroi 
destiné à recevoir les nouvelles cloohes , il devint 
nécessaire d'exhausser pour la deuxième fois la tour 
carlovingienne , avec un escalier en spirale, à la 
hauteur où nous la voyons encore de nos jours. C'est 
ainsi que ce clocher ne fut plus qu'une tourelle et un 
ornement de la nouvelle pyramide , qui dominait 
fièrement la basilique, et qui s'élevait au milieu de 
l'antique cité d'Alet et de son poétique vallon , comme 



— 79 — 

une reine majestueuse, chargée de porter au ciel, par 
la voix de son bénit carillon , les prières de ses religieux 
habitants. 

2^* Tour Saint-Michel , vulgairement appe/eeTouu 
Sainte -Anne (1). — Au milieu du XP siècle, il fut d'usage 
de construire de chaque côté des églises un clocher, 
comme ornement ou parallèle. 

Certains auteurs, qui ont écrit sur le symbolisme 
architectural religieux, nous apprennent que ces deux 
tours signifiaient la loi ancienne et la loi nouvelle (2). 



(1) Nous lisons au Registre des Morts de la paroisse d'Alet, 
commencé en lG5i et fini en 1G79, ce qui suit : 

« Le 9 novembre 1666 est décédée Estiennette de Jacques , àgco 
d'environ cinquante-huit ans , veuve de feu Jacques Sabatier, 
marchand de Spéraza, et a esté ensevelie au cimetière de la paroisse, 
entre le chemin et le bas de la chapelle joignant le clocher Saint- 
Michel de la vieille église cathédrale, la dite plasse ayant été assi- 
gnée par la famille du S. de Jacques de Rvdu. 

» Signé : Pelltcier, archiprétre. » 

Le peuple l'appelle la Tour Sainte-Anne, sans doute à cause du 
voisinage de la chapelle dédiée à cette sainte. Cetic chapelle, que 
l'on voit le long de la route, est le dernier reste de la magnifique 
abside ajoutée, au XVe siècle, à l'église romane. L'acte de 1G66 
nous api»rend que cette tour, en partie fortifiée, était sous le 
vocable de Saint-Michel , patron des guerriers. 

(2) Dans les églises de forme cruciale , les deux clochers , élevés 
au bas de la Croix , indiquaient les clous (jui avaient attaché les 
pieds du Sauveur. 



— 80 — 

Les moines d'Alet furent fiers d'enrichir leur basilique 
d'une deuxième tour. En la construisant sur les voûtes 
parallèles de la tour Notre-Dame , il eut été nécessaire 
d'élever une autre tourelle pour monter à ce clocher, ce 
qui aurait occasionné une forte dépense. De plus, ces 
deux tours, si massives et si rapprochées, auraient écrasé, 
comme étouffé la nouvelle église, digne de rivaliser 
avec les plus belles cathédrales de Tépoque. Le génie 
et le goût exquis des architectes qui illustraient 
l'Abbaye d'Alet résolurent cette difficulté de la manière 
la plus heureuse. On décida d'élever la nouvelle tour 
méridionale, vis-à-vis le clocher Notre-Dame pour la 
symétrie , mais en dehors de l'église. 

La tour Saint-Michel , de forme carrée et plus étroite 
que le clocher Notre-Dame, car elle n'était qu'un pur 
ornement, ne devait pas recevoir de beffroi pour sus- 
pendre les cloches. On la souda très-habilement au mur 
de l'église, mais on fut obligé de sacrifier une des 
belles fenêtres de la façade méridionale, percée de 
sept ouvertures , six fenêtres extra- riches et au milieu 
un œil-de-bœuf de même style, qui coupait la monotonie 
et reposait agréablement le regard du pieux visiteur. 
Une ouverture pratiquée dans la tour, à^la rencontre de la 
fenêtre qui était beaucoup plus élevée que les voûtes 
basses, permettait de contempler tout l'intérieur du 
Temple. 

La tour Saint-Michel, voisine de la porte principale 
de l'église, qui était d'une richesse extrême, fut décorée 
d'une belle porte, digne sœur par son style et sa 
magnificence de l'entrée principale, comme nous le 



— 81 — 

rapporterons en parlant des portes de Téglise, au ,^' VII. 
L'intérieur de la tour était occupé par un escalier en 
spirale, de même forme et de même style que celui de 
la tourelle Notre-Dame, aboutissant à une voûte qui 
formait le dernier étage sous la toiture. Pour y monter, 
on avait ména£>-é sur la voûte, dans Tune des murailles, 
une porte qui s'ouvrait sur un escalier en pierres 
saillantes, pour arriver sur la plate-forme. La tour était 
percée sur le midi , d'ouvertures étroites , en forme de 
meurtrières, ce qui donnait à Téglise laspect d'un 
édifice encastellé. Dans ces temps troublés par des 
guerres continuelles , cette tour , pouvait au besoin , 
servir à la défense de l'église. 

Enfin , cette tour avait la même élévation que le 
clocher Notre-Dame. Nos contemporains qui l'ont vue 
debout jusqu'en 1830, époque fatale où elle fut à moitié 
démolie pour réparer leTliéron, nous ont raconté «qu'elle 
était presque de môme hauteur que la Tour Notre-Dame, 
(mais pas tout à fait) » Nous expliquerons cette diffé- 
rence, au chapitre consacré à l'Abside du XV *^ siècle, 
époque où la Tour Notre-Dame fut élevée de quatre 
mètres environ. Mais Tan 1050, les deux Tours avaient 
la même élévation. 

En terminant tout ce qui regarde les Tours de l'église 
d'Alct , nous devons encore dire que la Tour Saint- 
Michel, par son ordonnance, se rapprochait, comme nos 
plus belles Tours d'église, au XV siècle, des superbes 
donjons de l'époque : elles n'en différaient que par le 
diamètre. Nul doute que les architectes ne se fussent 
inspirés des progrès derarchitecture miHtaire qui élevait 



— 82 — 

en ce temps de guerres, ces fiers donjons dont la France 
fut bientôt couverte. 

jî VII. — Les Portes. 

Jusqu'au milieu du XV siècle les portes conservèrent 
une grande simplicité. Leurs archivoltes étaient ornées 
de zigzags , de frètes crénelées , de billettes, de tores 
coupés , de pierres taillées symétriquement , parfois 
disposées en échiquier, etc.. Telle fut la première porte 
de l'église du XP siècle, comme on peut le voir encore 
à l'intérieur de l'édifice, où l'archivolte est ornée seu- 
lement de trois rangées de billettes ou tores coupés (1). 

Les billettes de la porte de l'église sont cylindriques 
comme celles qui ornent les corniches des façades Nord 
et Midi à la hauteur des chapiteaux des fenêtres supé- 
rieures : il en est de même des billettes sculptées autour 
des roses et sur la corniche qui est au-dessus de la 
tribune. Au milieu du Xr siècle, les portes devinrent 
Tobjet de la prédilection des sculpteurs qui les 
couvraient d'ornementations d'une richesse incroyable. 
On multiplia les archivoltes, les colonnes qui les sup- 
portaient, et à la fin du XP siècle, on les tapissa insensi- 



(1) Les billettes sont des ornements qui ressemblent aux morceaux 
d'un bâton cylindrique scié par petites pièces d'égale longueur : on 
trouve aussi des billettes carrées au lieu d'être rondes. 



— 83 — 

blement de bas-reliefs, de figures, de personnages, et de 
scènes bibliques ou évangéliques. 

I. — Les moines d'Alet reconnurent la nécessité de 
donner à la porte principale de leur église, pour suivre 
les progrès de l'art religieux, une nouvelle forme et des 
ornements diîj^nes delà richesse architecturale des fenêtres 
et de la partie supérieure de l'édifice. Ils enlevèrent le 
cintre extérieur de la porte et le remplacèrent par une 
triple archivolte superposée, en saillie, d'un mètre ou 
deux, reposant de chaque côté, sur trois rangées de 
colonnes. Alors, pour la première fois, on commença à 
sculpter des figures et des personnages dont on ne voit 
aucune trace dans Fintérieur et Textérieur de l'église , 
preuve irrécusable qui assigne à l'édifice le commence- 
ment du XP siècle , car ces figures de grande propor- 
tion, ou à longs bustes, ne parurent qu'à la fin du XP 
et au XI P siècle. 

L'usage s'introduisit , vers l'an 1050, époque où Ton 
refit la porte principale, de reproduire les signes du 
zodiaque. On les disposait en demi-cercle sur la face 
des archivoltes, et quelque fois sur deux lignes perpen- 
diculaires de chaque côté. Les moines d'Alet ne man- 
quèrent pas de les sculpter sur leur nouvelle porte , où 
on a pu les admirer jusqu'après 1830. 

A cette époque, l'administration municipale d'Alet , 
n'avait aucun souci de la conservation des ruines de 
l'ancienne église. On enlevait les pierres pour réparer 
l'acqueduc duThéron, et les particuliers allaient y cher- 
cher des matériaux pour construire des maisons, détrui- 
sant à tout jamais les merveilles de rarchitccture. A la 



— 84 — 

laveur de la nuit, on enleva le zodiaque dont les signes 
étaient rangés en demi-cercle, six de chaque côté, au- 
dessus de l'archivolte supérieure, où l'on voit encore leur 
emplacement. Cette nouvelle spoliation enleva à l'église 
Bénédictine son dernier chef-d'œuvre , qui fut la cause 
de la destruction de la partie saillante de cette porte 
monumentale. Aujourd'hui il ne reste que deux archi- 
voltes, privées des colonnes qui les soutenaient, et l'on 
ne voit plus que quelques sculptures sur les chapiteaux. 

Un peu au-dessus de cette porte, on admire encore 
un lion, un taureau et un animal fantastique qui ressem- 
ble au cheval, avec des pattes griffées et sur lequel on 
voit les jambes et une partie du buste d'un cavalier , 
incliné vers le cou. Ces trois animaux sont d'une forme 
tout-à-fait originale, qui annoncel'enfance de la statuaire. 

Il faut croire que ces animaux étaient un ornement, 
ou bien qu'ils représentaient des symboles mystérieux , 
puisque certains archéologues croient reconnaître dans 
ce cavalier, le fameux cavalier du Moyen- Age, dont per- 
sonne n'a pu encore découvrir la véritable signifîca-- 
tion. 

II. — Porte de la Tour Saint-Michel. — Cette porte 
de la même époque et du même style que la porte prin- 
cipale, est remarquable par les riches sculptures qui 
ornent son unique archivolte. Les colonnes qui la sou- 
tenaient, ont disparu : mais il reste les deux chapiteaux 
historiés qui les couronnaient. L'un représente deux 
petits personnages mutilés et l'autre est orné de cinq 
personnages assez bien conservés. Le seuil était élevé 
de deux mètres au-dessus du sol , en creusant , 



— 85 — 

on trouve des maçonneries qui indiquent l'existence de 
degrés pour monter dans la Tour. 

III. — Le visiteur aperçoit encore deux portes murées 
de chaque côté de la Tour Notre-Dame. La plus rappro- 
chée de la porte du clocher carlovingien appartient à 
réi^lise du IX® siècle, et l'autre a été pratiquée dans le 
mur de l'église du XP siècle pour l'entrée des matériaux 
pendant la construction de l'édifice, et plus tard pour la 
facilité des moines qui venaient à l'église, car elle se 
trouve à l'extrémité de l'ancien cloître , du côté du 
Levant. 

IV. — Enfin , on remarque une porte géminée , du 
côté du couchant , entre les deux contreforts , soudés à 
réglise du XL' siècle, pour servir de culée à la pression 
des arcades qui soutiennent la nef centrale. Cette double 
porte murée, ancien ornement à l'intérieur, se distingue 
entre toutes les portes de l'église d'Alet , par sa forme 
et son cachet d'ancienneté. On n'y voit ni colonnes , ni 
chapiteaux d'aucune espèce. Chaque porte est entourée 
d'une triple banderolle sculptée. Ces dessins, qui 
appartiennent à la première période romane , représen- 
tent une série de triangles, séparés par trois traits, 
sculptés en saillie : celui du milieu est droit , et les deux 
autres un peu obliques , et ainsi de suite sur toute la 
première bande. Une deuxième, est ornée de billettes. 
Sur la troisième banderolle, on voit à la place des 
triangles, des demi-boules séparées })ar un dessin qui 
a un trait au milieu, et de chaque côté une courbe ((ui 
ressemble à un commencement de circonférence. La 
forme de cette porte . et les ornenKMits anti({U('s ([ui la 



— 80 — 

décorent , indiquent sans aucun doute , la porte du 
premier Temple chreHien d'Alet, ou du moins de l'église 
carlovintrienne. 



.î^ VIII. — Les Paiiitares, 



Il est certain que la Cathédrale d'Alet était décorée 
de riches peintures dont on aperçoit les restes sur les 
murs , dans le sanctuaire , aux petites l'enètres de la 
voûte du chœur, sur le coté du levant de la tour 
Saint-Michel, et principalement au fond de Téglise. Les 
peintures de la tour Saint-Michel représentent des carrés 
parsemés de trèfles à cinq feuilles, aux lohes arrondis, 
de couleur rouge pâle. Ces dessins sont du XIV ou du 
XV' siècle. 

Mais la peinture la plus curieuse est la fresque du 
XIIP siècle, dont il reste une honne partie sur le mur 
occidental de la grande nef, au-dessus de l'ancienne 
tribune, et sur la porte géminée du fond de l'éghse. 
Les restes de cette fresque se trouvent sur le panneau 
formé par le demi-cintre du côté du norci. Sur un fond 
blanc , encadré de rubans de diverses couleurs , on 
aperçoit un groupe composé d'un Ange debout , revêtu 
d'une aube et d'une tunique aux dessins riches et variés: 
un nimbe couronne sa tête. Les mains séparées marquent 
une attitude de respect et d'étonnement. Au milieu de la 
fresque, on aperçoit un débris de tête avec auréole, c[ui 
fïcmble annoncer un jXTsonnage assis. A î-es côtés , on 



— 87 -- 

voit un autre Ange plus élevé. Sa tête est aussi nimbée, 
et sa main droite agite une palme clans les airs. 

Cette scène semble indiquer le couronnement de Notre- 
Dame, ou de quelque Martyr. Dans le haut régnent 
des draperies où domine le rouge. 

Sous la partie inférieure du demi-cintre en pierre qui 
encadre ce panneau, on aperçoit dans un petit carré, 
entouré de rubans diversement coloriés , un oiseau qui 
mange ou boit dans une coupe à large pied, à forme de 
ciboire. Au-dessus, toujours sur fond blanc, on admire 
un religieux, dont la tête et le haut du corps sont 
malheureusement effacés. Le Moine est revêtu d'une 
robe brune , qui descend sur ses pieds nus : la coulpe ou 
manteau s arrête aux genoux, en formant avec grâce, 
des plis bien prononcés. Le religieux Bénédictin, un 
peu élevé au-dessus du sol , semble marcher dans les 
airs... Tout le reste du tableau est malheureusement 
effacé et à jamais perdu , comme les autres peintures 
qui décoraient la Cathédrale d'Alet. 

L'Eglise, qui a toujours favorisé les beaux-arts, avait 
adopté la peinture, non-seulement comme un moyen 
(rembellir ses temples par le charme des couleurs, mais 
surtout comme un précieux avantage , pour multiplier 
les images sacrées. Les verrières et les peintures murales 
étaient les seuls livres , où put lire le peuple , à cette 
époque, vt il y trouvait de sublimes leçons. 



— 88 — 

)^ IX. — Résiunc du Chapitre X. 

Pour tacîiliter au lecteur rintelligence de ce chapitre 
consacré, comme le précédent, à la description de 
l'antique église Abbatiale d'Alet , dont les merveilles 
architecturales devraient être racontées par une plume 
autrement autorisée que la nôtre , nous allons résumer 
en quelques lignes , tout ce que nous avons rapporté sur 
cet édifice. 

I. — Le petit Fanum de Diane, à Alet, fut converti 
en temple chrétien, dès les premiers siècles de FEglise. 
Lorsque le nombre des fidèles Teut rendu insulïisant , 
on l'ut obligé d'y ajouter une nouvelle construction. 

II. — Les Moines-Bénédictins bâtirent un couveiit à 
Alet, dans le V ou le VP siècle. Nous ignorons s'ils 
élevèrent une nouvelle église. 

III. — Mais à la lin du VHP et au commencement 
du. IX^ siècle, ils bâtirent l'église carlovingienne, en 
conservant religieusement Tantique Fanum de Diane. 
Les bases d'une partie des murs de l'église en ruine , 
où l'on voit le petit appareil romain, appartenaient à 
cette Eglise, ainsi que les petites fenêtres romanes du 
bas de l'église , la porte géminée, du côte du couchant 
et le pilier rond. La tourelle carlovingienne lut 
construite, jus(|u'à la moitié de sa hauteur actuelle, 
pendant le X'' siècle. 

IV. — Les Moines de l'an 1000 , élevèrent l'Eglise 
actuelle (sauf l'Abside et le dernier étage du clocher, 
qui sont de la fin du XIV*^ siècle , sur les mur.iilles 



— 89 ^ 

(leréii^lise t'arluvin!Li:ienne, percées de petites ouvertures. 
Mais pour donner plus de jour et de richesse, ils construi- 
sirent les fenêtres supérieures avec leurs colonnes , 
chapiteaux, archivoltes et décorations extrà-riches. 

V. — Le plan primitif de cet édifice, subit alors de 
nombreuses modifications. Ainsi les colonnes, parvenues 
à une certaine hauteur, sont arrêtées tout à coup; les 
lij^nes sont brisées, et sur une retraite de 0,10 et 0,15 , 
on assied un pilier d'un autre genre. Les murailles peu 
épaisses annoncent que Téglise ne devait pas recevoir 
de voûte, à cause de la difficulté de les soutenir dans 
les airs. Mais dès qu'on eut découvert la puissance des 
contre-forts pour les supporter, les Moines les soudèrent 
dans toute leur longueur, à Lintérieur comme à foxté- 
rieur des murailles. Alors seulement on construisit les 
voûtes, et peu à près la tribune. 

VI. — La porte principale, d'abord d'une grande 
simplicité, fut refaite à Textérieur, et décorée du zodia- 
ques, vers le milieu du XV siècle. 

VIL — A cette époque, on construisit la Tour Notre- 
Dame, en exhaussant la tourelle carlovingienne , pour 
arriver à la voûte du dernier étage, ([ui devait recevoir 
les cloches. Immédiatement après, ou même pendant sa 
construction , on éleva la tour méridionale , avec sa 
riclie porte, et .ses meurtrières ([ui donnèrent à fédilice, 
un petit aspect d'église cncastellée. 

VIII. — Puis, vinrent les vitraux, les i)eintures et 
les autres décorations intérieures, etc.. Alors fut 
complètement terminée féglise Abbatiale dVIet, élevéi^ 
parl(^ LT'Miie des Moines-îîénédietins. dans Icstvle byzantin 



— 90 — 

le plus pur, que nous pourrions appeler, i)ourlecciraeté- 
riser cFun seul mot, rarchiiecture Gréco-Romane , qui 
lleurit de tout son éclat , sous le souille inspirateur de 
Fart chrétien. 



'^' 



CHAPITRE XI. 

É V Ê C II É D ' A L E T 

(1318). 



L'Eglise d'Alet, depuis son origine, et plus tard, son 
antique Abbaye, avaient toujours dépendu de l'Eglise 
métropolitaine de Narbonne, fondée au T'' siècle, par 
saint Paul-Serge, disciple de saint Paul, qui, allant en 
Espagne, l'avait établi premier évéqu(^. de Narbonne. 
Telle a été la croyance de tous les siècles , croyance 
consignée dans les écrits de saint Adon, archevêque de 
Vienne, dans le petit Mfirtyrologe rornctin et dans la 
Viedesnint Paul-Sercic, qui semble avoir été composée 
au V' siècle. Aussi, d'après Topinion de ceux qui fout 
remonter Torigine des métropoles au temps même des 
apôtres. Téglise de Narl)<)nne jouit-elle de cctlc dignité, 
dès sa fondation })ar saiiit Panl-Scrge. 



— 9^ — 

L'h].£(lise inétru})()litaine de Narboniie eut trabord 
l)our suITragants les cvecliés de Toulouse , Béziers , 
Nimes, Lodève et Uzès. A cette première époque, sa 
juridiction s'étendait non-seulement sur la première 
Narbonnaise et sur la Septimanie, mais encore sur la 
Marche d'Espagne, où elle se maintint jusqu'à la fin du 
XI" siècle. De là vient, qu'en 038, le sixième concile de 
Tolède fut présidé par Sylva, évêque métropolitain de 
Narbonne. Les évêcliés d'Agde , de Maguelonne , do 
Carcassonne et d'Elne vinrent successivement augmen- 
ter le nombre des suffragants de Narbonne. Lors de la 
création de l'évêché de Carcassonne, l'Eglise d'Alet resta 
attachée au siège de Narbonne, à cette Eglise-Mère qui 
l'avait engendrée à la Foi. Depuis lors , elle suivait 
commel'Eglise de Narbonne, la liturgie gallicane, appor- 
tée de l'Orient par saint Paul-Serge et par saint Satur- 
nin. Mais en 633, TEglise d'Alet embrassa la liturgie 
d'Espagne, comme la métropole de Narbonne , ainsi 
qu'il avait été réglé au quatrième concile de Tolède. 
Cette liturgie, dont saint Isidore est regardé comme le 
principal auteur, était appelée Espagnole ou Gothique, 
à cause des Goths, maître de ces pays. Plus tard on la 
nomma Mozarabe, nom qui d'après certains auteurs , 
était donné aux chrétiens, mêlés aux Arabes d'Espagne. 
Cette liturgie fit place à Narbonne, comme à Alet, à la 
liturgie romaine, rétablie par Charlemagne, de concert 
avec le Pape , dans toute l'étendue de la France. 

Les siècles s'écoulent , et la cité dAlet continue à 
faire partie du diocèse de Narbonne , comme le plus 
beau fleuron de la couronne de l'Eglise métropolitaine. 



— 93 — 

par sa célèbre Abbaye. Mais au XIV'' siècle, TEglise de 
Narbonne commence à perdre de son importance. En 
1317, l'Eglise de Toulouse en fut détachée , pour être 
érigée en archevêché. Ce vide fut comblé aussitôt par 
la création de révêché de Limoux par le Pape Jean XXII, 
et labbé Durand fut nommé évoque du nouveau siège. 

Malheureusement pour Limoux , les religieuses de 
Prouille, qui tiraient de grands revenus du dîmaire de 
Saint-Martin, depuis 1207, ne purent se résigner à cette 
perte. Elles adressèrent des doléances à Tarchevêque de 
Narbonne, qui obtint du Pape la révocation de la Bulle 
qui avait érigé le siège de Limoux. L'année suivante , 
pour dédommager Tarchevêque de Narbonne deLi perte 
de révêché de Toulouse, Jean XXII, par une Bulle datée 
d'Avignon le 18 février 1318, érigea deux nouveaux 
évêchés , celui de Saint- Pons de Thonier es et celui 
dWlet. 

Le l*^"" mars suivant, le Pape nomma évêque d'Alet, 
Barthélémy, qui en était abbé, et assigna au nouveau 
diocèse, 80 paroisses du diocèse de Narbonne. L'église 
de l'Abbaye devint la cathédrale et les religieux Bénédic- 
tins formèrentle Chapitre de l'éveque, sans cesser d'être 
astreints aux observances religieuses. Enfm le S int- 
Siége attribua aux religieux d'Alet, réunis aux cîiLuioi- 
nes séculiers de Saint- Paul de Fénouillède , l'élection 
des évoques d'Alet, conformément aux prescriptions du 
droit canonique. Plus tard le Chapitre d'Alet fut sécu- 
larisé par une Bulle du Pape Clément IX, datée de 
Rome, le 15 des kalendes de décembre, 1531. 

Barthélémy, l''*" évêcfue d'Alet, se distinirua par son 



— 94 — 

savoir et plus encore par l'ardeur de son zèle. Il tut un 
des assesseurs qui condamnèrent le moine Bernard 
Délicieux, ennemi du Roi et de l'Eglise. En 1324 , le 
Pape l'envoya avec Bernard, abbé de Saint-Chafïré, en 
Lithuanie, pour y instruire dans la religion chrétienne, 
le Roi et le peuple de cette contrée. En 1321 il intervint 
un acte de partage entre l'évêque et le Chapitre, con- 
cernant les biens de FAbbaye, comme il se justifie par 
l'ancien titre de la terre du château de Cournanel. 
L'évêque Barthélémy mourut en 1 333 . — L'année 1 322 , il 
avait fait serment à Carcassonne, avec Raymond, abbé 
de Saint-Polycarpe (diocèse de Narbonne) et tous les 
nobles du Languedoc « de poursuivre les hérétiques par 
toute voie de droit. » 

Voici les noms des trente-cinq évêques d'Alet : 

1. — BARTHÉLÉMY, l"mars 1318-1333. 

2. — GUILLAUiME P"" de ALZONNA ou de MAR- 
CILLAC, élu le 26 août 1333-1341. 

3. — GUILLAUME II, 26 mai 1348 vers 1360. En 
1349, il assista au concile de Béziers. 

4. — ARNAUD DE VILLIERS, 1362-1376. Certains 
historiens l'appellent Arnaud de Vilars ou de Villeroi , 
qui fut transféré de l'évêché de Mirepoix à celui d'Alet, 
en 1362. Il est fait mention de cet évêque d'Alet en 
l'année 1369, par l'ancien acte de la seigneurie de Maury 
et privilège des habitants d'Estagel, touchant la conces- 
sion à eux faite pour la foret de Néret. Il assista au 
concile de Narbonne en 1374. 



5. — PIERRE I DE RABAT, évoque de Carpcntras, 
1376-1377. II quitta le siège d'Alet, poiu* retourner à 
Carpentras. 

6. — ROBERTDEBOSCouDUBOISouDUBORE, 
vers 1380-1390. 

7. — HENRI I, transféré du siège de Vabres, 10 
juin 1390-1398. 

8. — PIERRE II, 1399-1400. 

9. — NICOLAS I, de l'ordre des Frères- Prêcheurs , 
P'*" décembre 1400-1408. Il fat nommé par le Pape 
Boni face IX. 

10. — HENRI II , vers 1409-1419. Il envoya son 
procureur au concile de Pise. 

11. — PIERRE III D'ASSALIT ou ASSALBITUS, 
janvier 1419-1440 , était né à Limoux, d'une famille 
honorable : il devint religieux de TOrdre des ermites de 
Saint- Augustin. Pierre d'Assalit était neveu de Pierre 
Amélius, évêquc de Tarente et patriarche d'Alexandrie, 
auquel il succéda dans les offices de bibliothécaire 
apostolique , de secrétaire et de confesseur du Pape , 
comme on le lit dans un acte de transaction passé à 
Rome, avec l'archevêque de Narbonne. Nommé prieur 
de Saint-Martin à Bordeaux, Abbé commandatairc de 
Plane-Sauve, évoque d'Oléron, puis de Condom , il fut 
enfin promu au siège d'Alet par Martin V, à la demande 
du Chapitre. Ce fut lui qui obtint du môme Pape que 
le corps de sainte Monique , qui était à Ostie, serait 
transféré à Rome, et remis dans l'église des Augustins 
de Rome. 

1^2. —ANTOINE I DE SAINT-ETIENNE, 1441. 



— 96 — 

1442. Il assista aux Etats d'Occitaine, réunis à Mon- 
tau])an, par ordre de Charles VIL 

13. — PIERRE IV, 1443-1448. Il reçut une lettre 
d'Eugène IV , qui l'exemptait de la juridiction de 
rarcheveque de Narbonne. 

14. — ELIE DE POMPADOUR , 18 ou 19 février, 
1448-1454 , de Tillustre maison de ce nom , dans le 
Limousin. En 1454, il fut transféré à l'évéché de Viviers. 

15. — LOUIS D'AUBUSSON , 2 décembre 1454- 
1455. Il était moine bénédictin, et prieur de Ville-Dieu. 

16. — AMBROISE DE CAMBRAI, DE CAMÉRATO 
ou DE CAMÉRACO , 23 ou 24 septembre 1455-1460. 
Jean de Bourbon , évêque d'Annecy et administrateur 
de l'Eglise de Lyon, pour Charles son neveu, le fit son 
procureur à Rome, dans l'affaire de la Primacie contre 
l'archevêque de Rouen. Il obtint en 1459, des bulles 
de Pie II, pour l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, 
vacante par la mort d'Hervé Morillou, le dernier titu- 
laire. Mais il fut obligé de se désister en faveur 
d'Henri Mené, moine de cet abbaye , élu unanimement 
par la communauté, avec le consentement du roi 
Charles VII, environ l'an 1460. 

17. __ ANTOINE II GOBERT, 5 septembre 1461-, 
vers 1467. 

18._GUILLAUME III OLIVIER ou OLIVE, 14 no- 
vembre 1467-1486. Il était clerc de Narbonne, docteur en 
l'un et l'autre droit. Il mourut hors de son diocèse en 1486. 

19. _ PIERRE V D'ALWIN, 21 novembre 1487- 
1488. Il était clerc de Boulogne-sur-Mer, et abdiqua au 
bout d'un an. 



— 97 — 

20. — GUILLAUME IV DE ROCHEFORT , ou DE 
RUPE, ou DE LA ROCHE, abbé de Montolieu, 4 février 
1489-1508. Le gros registre conservé dans les archives 
de révêché attestait que cet évêque, recommandable par 
sa piété, avait toujours résidé dans le diocèse, et qu'il 
y avait exercé son zèle d'une manière admirable. 

Le Cartulaire de l'Abbaye de Montolieu nous Si^prend 
que Guillaume IV de la Roche fut le XLIP abbé de ce 
Monastère. Issu de la noble famille de Bertrand de la 
Roche , conétable de France , il était prêtre et moine- 
sacristain du couvent du Mas-d'Azil, diocèse de Rieu^, 
quand il obtint du Roi , par le crédit de ce dernier, 
l'abbaye de Montolieu. Il s'empressa d'en occuper le 
siège, et de faire hommage à ce titre, au Sénéchal. 
Amalric, nommé parles moines, et Jean deGasquet, élu 
par le Pape, étaient ses compétiteurs. Cependant le Roi 
fit tout ce qu'il put pour soutenir Guillaume, il obtint 
môme, moyennant une pension annuelle de 150 livres 
tournois , la renonciation de Jean de Gasquet. Mais le 
titre d'Almaric, le seul valable , subsista longtemps, 
jusqu'à la renonciation de ce dernier, en faveur de 
Pierre du Rozier , lors de l'élection de Guillaume à 
l'évcché d'Alet. En 1478, il présida un Chapitre provin- 
cial des Moines-Noirs, tenu à Notre-Dame de la Daurade, 
à Toulouse. En 1479 , il fit construire les stalles du 
chœur de Montolieu. En 1489, il fut nommé à l'évêché 
d'Alet, et comme son titre abbatial n'avait été con- 
firmé ni par l'évêque de Carcassonno, ni par l'archevc- 
que de Narbonne, ce fut le Pape qui reçut sa résigna- 
tion de l'abbave de Montolieu. 



— 98 — 

Le cachet en bronze de Guillaume de la Roche « porte 
trois rocs d'écliiquier, surmontés de la crosse abbatiale 
et de la lettre initiale (I , avec cette exergue probable : 
Misereatur Dominus Abbas, Nostrî ! Qu'il ait pitié 
de Nous, Notre Seigneur Abbé. » 

Nous retrouvons le blason de la famille de Rochefort 
gravé sur un des piliers de l'ancienne cathédrale d'Alet. 
En montant par la tourelle du clocher à moitié ruiné , 
on arrive sur les combles, qui séparaient en deux parties, 
les nefs latérales et qui formaient comme deux nefs 
superposées. En marchant avec précaution sur les pans 
de voûte encore debout, on traverse une petite porte, 
adossée à un des grands piliers de l'église. On se 
retourne à gauche et. on voit très-bien gravé et parfai- 
tement conservé, l'écusson de Gullaume de la Roche , 
avec les trois rocs d'échiquier, surmontés de la crosse 
et de la mitre et d'un ruban terminé par une frange, qui 
retombe de chaque côté, à la place des triples rangées 
de glands, qui encadrent les armes de nos évoques. Sous 
le règne de ce prélat, l'antique cathédrale d'Alet servait 
pour les offices religieux , puisqu'elle ne fut ruinée par 
les hugaenots, qu'en 1577. 

Après Guillaume de Rupe, plusieurs concurrents se 
disputèrent le siège d'Alet, les uns nommés par les 
moines qui composaient le Chapitre, et les autres par 
le Pape. 

(Le P. Bouge, dans son Histoire de Carcassonne , 
dit que Pierre de Lanafranca, chanoine de Saint-Nazaire, 
^at nommé évoque d'Alet, après 1506). 

21. — PIERRE VI RAYMOND DE GUIBERT , 



— 99 — 

7 juin 1508-1554, qui est aussi nommé de GUERCIO par 
un ancien arrêt du Parlement de Toulouse. Ily eut quel- 
que difficulté au sujet de son élection. Mais à la prière 
de François P"", le Pape la confirma. 

22. — GILLES, 12 janvier 1525 vers 1530. 

23. — GUILLAUME V DE JOYEUSE vers 1530- 
1540. Il était fils de Guillaume de Joyeuse et d'Arlne 
Balzac. En 1531 , il obtint du Pape, à la recornmandation 
de François P"", une bulle qui sécularisa le Chapitre 
d'Alet. Quelques auteurs pensent qu'il était aussi abbé 
de Cambou, diocèse de Viviers. Il eut pour successeur 
son neveu, Guillaume de Joyeuse, appelé dans quelques 
actes, Guillaume de Gaudéosa, Junior. Il demeura 
éveque élu ou nommé d'Alet de 1540-1557 sans entrer 
dans les ordres. Pendant ce Temps, un arrêt du Parle- 
ment de Toulouse fut rendu en faveur des habitants 
d'Alet, contre les ofTiciers du seigneur évêque , dont 
Guillaume de Joyeuse prit la défense. Il renonça ensuite 
à l'état ecclésiastique , devint Maréchal de France et 
gouverneur d'Occitaine. Il épousa Marie de Batarnay, 
et fut le chef d'une famille illustre, composée de trois 
fils, Anne, duc de Joyeuse, François, cardinal, et Henri, 
comte de Bouchage. 

24. -_ FRANÇOIS DE LESTANG, 26 janvier 1560- 
1564. Il était aumônier du roi Charles IX. 

25. — ANTOINE III DE DAX de la famille d'Axat , 
abbé commandataire de Saint-Polycarpe , archidiacre 
d'Alet, comme on le lit à l'acte de son élection, qui eut 
lieu le 25 septembre 1564 , quelques jours après le 
trépas de François de Lestang, décédé le 29 août. Ce 




100 



même acte porte que son élection l'ut présidée par Mgr 
François de Faucon, évéque de Carcassonne, en présence 
des vicaires-généraux de Narbonne , de Béziers , 
de Lodève, d'Agde, avec 12 gentilshommes députés par 
la noblesse du diocèse, des quatre consuls d'Alet, et de 
huit habitants, députés par délibération du Conseil 
d'Alet. Tous ces Membres présents, procédèrent à l'élec- 
tion, conjoinctement avec le Chapitre , et chacun y 
donna sa voix, après avoir constaté que Messeigneurs 
les Evoques de Montpellier, Nîmes, Saint-Pons et Uzès, 
avaient refusé d'y venir, ou d'y envoyer leurs vicaires- 
généraux. Ce nouveau mode d'élection des évoques, par 
le Chapitre de l'église vacante, avec les évéques suffra- 
gants de la Province et leur Métropolitain , la noblesse 
et le Tiers- Etat du diocèse ou de la ville , qui présen- 
taient trois candidats au choix du Monarque , venait 
d'être arrêté aux Etats-Généraux, tenus à Orléans, en 
1560. Cette manière de procéder était contraire aux 
usages suivis jusqu'alors à Alet , d'après la bulle de 
Jean XXII, en faveur de l'Eglise collégiale de Saint- 
Paul-de-Fenouillède, qui portait, «qu'advenant la mort de 
l'évêque d'Alet, le Chapitre cathédral de cette ville serait 
obligé d'en donner avis aux chanoines de T Eglise collé- 
giale, qui se rendraient à Alet, pour là , conjointement 
avec les Moines de ladite Eglise cathédrale, procéder à 
rélection d'un nouvel évêque, sans que les uns puissent 
faire ladite élection, en l'absence des autres. » 

Depuis cet évoque, qui mourut en 1572 , l'évêché 
d'Alet n'eut pas de titulaire jusqu'en 1602, à cause des 
troubles occasionnés par les guerres religieuses. Il fut 



— 101 -- 

régi par Economat, c'est-à-dire en qualité d'administra- 
teur apostolique, par le cardinal François de Joyeuse , 
qui fit bâtir le château de Couiza et qui fut archevêque 
de Narbonne de 1582 à 1599. 

2G. — En 1602 on nomma CHRISTOPHE DE LES- 
TANG, d'abord évêquedeLodève, de 1581 à 1602, ensuite 
évoque d'Alet,en 1602, et enfin évoque de Carcassonnc , 
en 1603. Après sa renonciation à Téveché d'AIet, il on fit 
pourvoir, 

27. — PIERRE VII DE POLVEREL , son neveu, 
de Brives-la-Gaillarde, qui mourut à Rome en y allant 
prendre ses bulles. Il tut inhumé dans l'église Sainte- 
Marie-du-Mont. Pierre de Polverel , gentilhomme 
d'Auvergne, fils de Guillaume, seigneur de Trébercy et 
d'Antoinette de Lestang, remarquable par ses brillantes 
qualités et sa solide piété , quoiqu'il ne fut âgé que de 
30 ans, donnait les plus belles espérances pour relever 
le diocèse d'AIet, ruiné par les guerres de religion. Mais 
il mourut avant d'avoir été canoniquement institué. 

28. — ETIENNE DE POLVEREL , 24 août 1607, 
25 avril 1637. 

29.— NICOLAS II PAVILLON, juin 1637—8 décem- 
jjre 1677. 

30. — LOUIS- ALPHONSE DE VALBELLE, 1677- 
1()(S4. 

ai. _- VICTOR-AUGUSTIN MÉLIAN , juin 1684- 
1699. 

32. — (JHARLES-NICOLAS TAFFOUREAU DE 
FONTAINE, 29 mars 1699— octobre 1708. 

33.— JACQI:ES maboul, 13juillet 1710— juin 1723. 



— 10^2 — 

34. ~ FRANÇOIS-JOSEPH DE BOCAUD , 11 juin 
1724—12 octobre 1762. 

35. — CHARLES DE LA CROPTE DE CHAN- 
TÉRAC, 19 juin 1763-27 avril 1793. 

En terminant le catalogue des trente-cinq évêqucs 
d'Alet, pour ne pas interrompre le récit des événements 
historiques, nous avons dû renvoyer, aux Chapitres XVI , 
XVII , XVIII et XIX, les documents qui concernent les 
huit derniers évoques d'Alet. 



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CHAPITRE XII. 

ABSIDE AJOUTÉE A LÉCLISE NOTRE-DAME d'aLET 
(Fin du XIV""" Siècle). 



Au commencement du XIV siècle, rcgliseBénédictine 
dAlet, bâtie après Tan 1000, avait échangé son antique 
titre d'ét^lisc abbatiale contre la dénomination autrement 
glorieuse d'église cathédrale, car le pape Jean XXII 
avait créé un évèché à Alet, en 1318. 

Les prélats qui occupèrent ce siège , à l'exemple des 
anciens abbés , voulurent eml)ellir et agrandir leur 
Cathédrale , en s'inspirant des progrès de l'art religieux, 
si llorissant au Xl\" siècle. Déjà, dans le XI" siècle, 
on construisait des bas-côtés circulaires, qui tournaient 
autour de l'hémicycle du chœur. Au XIIP siècle, 
cet usage était devenu universel. On garnissait 
généralement l(\s bas-côtés de l'Abside, de Chapelles, 



— 104 — 

qui produisirent un merveilleux effet , en rayonnant 
autour du sanctuaire. 

Par suite de cette nouvelle disposition , les fidèles 
l)0uvaient circuler dans le temple , sans troul)ler les 
cérémonies du maitre-autel. De plus , ils avaient accès 
aux chapelles secondaires, qui se groupèrent autour du 
sanctuaire principal, comme autant de sanctuaires 
particuliers. Le prolongement des ailes autour de 
l'Abside, fui a\)\)e\é Déambula toire. La forme la plus 
commune de l'Abside était circulaire ou pentagone, 
hexagonale , etc.. 

On donnait à la Chapelle terminale, placée derrière 
le rond-point du chœur, de plus grandes proportions 
qu'aux autres. Au XI P ou au XII P siècle, on commença 
à la consacrer à la Sainte- Vierge , et au XIV siècle, 
cette pratique devint générale. Une idée mystique 
faisait regarder les chapelles, rangées en nombre cons- 
tamment impair, autour du Déambulatoire, comme une 
imitation de la couronne du Christ, ou du nimbe qui 
entoure sa tête. 

Les évêques d'Alet, assistés du concours des Moines 
Bénédictins de TAbbaye, qui composaient leur Chapitre, 
songèrent à agrandir leur Cathédrale , en construisant 
autour de l'antique Fanum Gallo-Romain, qui servait 
de sanctuaire , depuis les premiers siècles de 
TEglise, une magnifique Abside, dont nous admirons, 
avec un vif sentiment de douleur , les ruines monumen- 
tales ! Cette Abside devint une nouvelle église , soudée 
à la Cathédrale , et le lecteur qui connaît l'Abside de 
Saint-Martin de Limoux. se formera une idée parfaite 



— 105 — 

do celle d'Alct , absolument semblable pour la forme , 
mais beaucoup plus vaste , et d'une architecture bien 
plus riche. Nous pensons même qu'elle est plus ancienne 
d'un demi-siècle, et qu'elle date de la (in du XIV siècle, 
tandis que l'Abside de Saint-Martin de Limoux est du 
XV siècle. 

On commença par construire deux piliers gothiques , 
jusque moitié de leur élévation, en les engageant dans 
les murs, des deux côtés du sanctuaire, tels qu'on les voit 
encore. Au moyen d'une demi-porte, qui reposait sur ces 
piliers, et qui était presque de la largeur des bas côtés, les 
nefs collatérales furent mises en communication avec la 
nouvelle Abside, dont le Déambulatoire était en forme 
de fer à cheval , autour de l'antique Fanum , toujours 
religieusement conservé , comme église primitive d'Alet. 
On donna à ces demi-portes , le cachet de l'architecture 
Gallo-Romaine du chœur , pour les harmoniser avec le 
style du sanctuaire. ♦ 

Mais l'ouverture méridionale était plus petite que celle 
du Nord , et le pilier gothique du côté de T.Epitre , plus 
rapproché du .sanctuaire que celui du côté de l'Evangile, 
à cause de l'avancement d'un sacraire , bâti près de l'église 
au XI*" siècle , ou même antérieurement. Ce sacraire, 
])ariaitement conservé, mesure 3 mètres 24, sur 1 mètre 
85. il est éclairé sur le Midi , par une étroite ouverture 
Romane. La voûte en pierre est à plein cintre. Une 
porte romane le faisait communiquer avec un couloir 
qui condui.sait à l'église. Deux niclies ou enfoncements 
^ suppcîrposés servaient à renfermer les vases sacrés. 

A la suite de ce sacraire , on construisit la première 



— 106 — 

chapelle de la nouvelle Abside , où Ton pénétrait par 
une porte, ouvrant sur le chemin qui longeait le 
cimetière du côté du Midi. 

Après cette chapelle , de forme presque carrée , et 
({ui mesure 5 mètres 56, sur 5 mètres 33, la nouvelle 
Abside décrivait la courbe d'un hémicycle à cinq pans , 
garni de cinq chapelles rayonnantes. La première, 
dédiée à Sainte-Anne {ce qui a fait donner par le peuple 
à la tour Saint-Michel, construite de ce côté, le nom de 
Tour Sainte-Anne) , mesure 7 mètres 05 d'ouverture et 
5 mètres 60 de profondeur, sur une élévation bien 
proportionnée. On admire les piliers ronds des murs 
latéraux qui servent de contre-forts et de séparations 
entre les chapelles. Ces piliers sont couverts de sept 
moulures prismatiques , quatre petites et trois bien plus 
saillantes , comme on les voit sur les mêmes piliers des 
chapelles du chœur de Saint- Etienne de Toulouse. Mais 
à Alet , les deux premiers piliers qui font partie de la 
Chapelle carrée où se trouve la porte qui ouvre sur le 
cimetière , présentent une différence à noter. En péné- 
trant dans cette Chapelle par le Déambulatoire , on voit 
sur ces piliers ronds , à la place de la petite nervure 
prismatique, une saillie en pierre, qui représente un 
carré long , dont on aurait abattu les deux angles. Cet 
avancement à cinq faces s'élève de la base de chaque 
pilier rond, jusqu'aux voûtes, où il se croise pour 
fermer un arc-doubleau , ce qui n'existe pas aux 
chapelles de Saint-Etienne, ni à celles de Saint-Martin. 
En retour, ce genre d'architecture produit un effet 
saisissant. 



— 107 — 

La chapelle de Sainte-Anne, comme les cinq chapelles 
de l'hémicycle, esta cinq pans. Les trois faces du fond sont 
percées de trois fenêtres oirivales à lancettes. L'ouverture 
du milieu est seule divisée par un menau. Ces trois 
fenêtres reproduisent celles qu'on admire dans l'église 
Saint-André; elles sont un peu plus courtes, mais bien 
plus richement décorées. Sous la fenêtre à lancette, du 
côté de TEpitre, on voit un petit sacraire, parfaitement 
conservé, dans le style du XI V^ siècle. Quoiqu le sol 
soit actuellement enfoncé de plus d'un mère, on 
aperçoit un fragment de Tancien autel, qii est du 
XlV'siècle. Plus tard, il fut construit dans l'épaisseur du 
mur, au-dessous de la fenêtre géminée. A la place du 
rétable de Tautel, on aperçoit un riche panneau en 
pierre, parfaitement conservé, qui renferme sept petites 
ogives , en tout semblables à celles que l'on admire sur 
le devant de lautcl. 

Les chapelles qui suivent , ont été complètement 
démolies. Nous ignorons s'il faut en attribuer la destruc- 
tion aux huguenots, qui pillèrent la cathédrale, en 1577, 
ou à l'abandon de Téglise, à partir de cette époque 
néfaste. On peut encore supposer qu'il fut nécessaire de 
les démolir pour percer la grand'route, vers 1770. La 
chapelle terminale se trouvait au-delà de la route, où 
Ton a découvert, en creusant pour des caves , des 
subslructions en pierre de taille. 

Du côté du Nord , les deux cha})elles qui suivaient la 
chapelle du rond-point, ressemblaient à leurs parallèles, 
du côté du Midi. A leur suite, on voit, donnant sur le 
Déambulatoire , une porte du XI V" siècle dans le genre 



— 108 — 

de celle du Transsept méridional de Saint-Martin de 
Limoux, ouvrant sur le eloitre ou sur la place du 
presbytère. 

Sur cette porte, s'élève un mur qui ferme unoehapelle 
carrée, de môme dimension que la chapelle méridionale, 
où se trouve la porte d'entrée. 

Au côté nord, la chapelle parallèle à celle du midi, 
où se trouvait la porte d'entrée vers le cimetière , était 
une sacristie qui aboutissait au Déaml)ulatoire par une 
porte du XIV siècle , dans le genre de celle du Transsept 
méridional. de Saint-Martin de Limoux, sur le eloitre. 
Dans le mur du couchant de cette sacristie, on voit une 
grande porte à plein cintre , qui communiquait avec 
ral)baye par une autre pièce , parallèle au petit sacraire 
méridional du XP siècle. Dans cet endroit, on pratiqua 
au XVP siècle, une porte carrée, pour aboutir au 
Déambulatoire, 



Construction du dernier étage de la tour 
Notre-Dame d'Ai.ET 

(XIV Siècle). 

A la même époque , on exhaussa la Tour Notre- 
Dame, d'un demi-étage, où l'on remarque huit fenêtres 
ogivales, au-dessus des quatre ouvertures romanes. 
La nouvelle construction fut couronnée par une corniche 
en pierre, avec une gargouille aux quatre angles. Du 
côté nord , le seul aujourd'hui debout, on voit un écusson 



— 109 — 

dans l'espace compris entre les ogives de deux fenêtres, 
et le dessous de la corniche. Cet écusson porte 
pro])al)lement les armoiries de l'éveque d'Alet qui eut 
la gloire de faire exhausser la Tour Notre-Dame. Une 
vue d'Alet , de 1736, représente le clocher avec une 
toiture à quatre pans, dans le genre de celle qui couvre 
le clocher Saint- André. Tous ceux qui ont vu la Tour 
Notre-Dame, avant sa chute, arrivée en 1830, nous ont 
attesté l'exactitude de cette vue d'Alet. 




CHAPITRE XIII. 

CONSTRUCTION DE l'ÉGLISE SAINT-ANDRÉ. 

(XV-e Siècle). 



L'église paroissiale d'Alet, dédiée à l'Apôtre saint 
André , est un assez vaste édifice , construit presque on 
entier , en belle pierre de taille, au commencement du 
XV siècle. On y remarque des réminiscences du 
XIIP siècle, comme les fenêtres à lancette du sanctuaire. 
Cette église, dont le chevet est tourné vers l'Orient, 
présente la forme d'un parallélogramme , couronné par 
un chœur à sept faces, flanqué au nord, d'une tour 
carrée et de sa tourelle : c'est le clocher qui renferme 3 
cloches. La nef, d'une hauteur remarquable, possède 
de chaque côté, deux chapelles latérales. Sa longueur 
totale est 24™ 45 sur 18 '"30 de large, et sa liauteur 
15 '"50. Le sanctuaire, un peu moins élevé de 2 ™ 50, 



— 11] — 

mesure 7 '" 25 de long sur 8 '" 12 à l'entrée. La nef est 
dans les proportions de 17 '" 30 sur 1 1 ™ 35. Evidemment 
cet édifice, pour être régulier , demanderait une 
quatrième travée dans l'ensemble (1). 

Nous allons décrire les parties les plus remarquables 
de cet édifice. 

I. — Porte occidentale. 

Nous avons raconté au Chapitre X, comment les 
portes des églises étaient devenues, à partir de 1050, 
l'objet principal de l'attention des architectes et des 
sculpteurs. Il en fut de même durant toute la période 
du Moyen-Age, ce qui explique la magnificence du 
portail de l'église d'Alet. Cette porte , digne d'une 
cathédrale , et qui ravit d'admiration tous les archéolo- 
gues, est placée au milieu de la façade occidentale. 
Elle est ornée d'une remarquable archivolte, qui entoure 
le tympan, supporté par un linteau d'une forme parti- 
culière, et que l'on voit rarement. L'archivolte qui 
règne autour d'une arcade ogivale surélevée , et qui 
repose sur les impostes , est ornée d'une série d'arcs et 



( t ) M. Saulnior, archilccto à Carcassonnc, propose, avec l'habi- 
lolé (jui le caraclérisc , deux plans pour la restauration et 
l'agrandissement de l'église d'Alet, qui feraient disparaître le défaut 
de proportions. l'espérons, (pi'un jour, l'un dos doux plans, pourra 
être réalisé. 



— lit? — 

de moulures, au nombre de six. On- voit d'abord une 
gorge creusée sous l'arôte du mur de l'église; puis, cinq 
boudins prismatiques de plusieurs dimensions. Le plus 
élevé, est garni de crochets ou feuilles recourbées en 
volutes, placées le long du fronton. Il est couronné 
par un pignon, surmonté d'un chou bien proportionné. 
Cet arc, qui est en saillie, prend naissance dans deux 
petites pyramides à cinq faces, appelées aiguilles ou 
pénacles, qui s'élèvent de chaque côté du portail, à la 
naissance des archivoltes, un peu au-dessus du linteau 
qui supporte le tympan. Ces deux pinacles, décorés de 
quatre gorges, avec petit boudin sur les arêtes, reposent 
sur des culs-de-lampc, soutenus par un lien et un agneau 
mutilés. La voussure qui forme la partie inférieure de 
l'archivolte est garnie simplement de tores, et les parois 
latérales de la porte sont couvertes de colonnes. Telles 
étaient, d'après l'histoire, les portes du XV siècle dans 
les églises peu ornées. Mais dans les grands édifices, 
à la place des tores sous les voussures, et entre les 
colonnes des côtés, on admirait des statues extra-riches, 
de toute dimension, et des ornements de toute espèce. 
Sous le linteau et à la naissance de l'ogive, on remar- 
que de petits chapiteaux, qui form^ent la partie la plus 
riche de la porte, et qui représentent, du côté du nord : 
la moitié du buste supérieur d'un Ange nimbé, le 
manteau sur les épaules et les ailes déployées ; une tête 
de femme avec longs cheveux; un oiseau, forme de 
perroquet, les ailes déployées; buste supérieur d'un 
homme avec un riche manteau agrafé; tcte d'homme 
grimaçante, etc. Du coté du midij on admire le même 



— ii:h — 

genre d'ornenientatiou, avec quelque variété, comme 
une violette t'orniée de plusieurs fleurs de formes diffé- 
rentes. Les pétales sont si jjien fouillés, qu'ils ne tiennent 
à la pierre que par le calice. Cette lleur , (jui ne 
ressemble pas à la violette des champs, appartient à 
l'architecture du XIV siècle, comme les nombreuses 
feuilles de vigne qui tapissent ces chapiteaux. 

Le tympan est un panneau tout uni, formé par tout 
l'espace renfermé dans rogive. 11 est terminé au bas 
par un ruban qui suit la forme ondulée du linteau. Ce 
ruban est orné de feuilles entablées comme une guir- 
lande, composée de choux frisés, de chardons, etc.. 
Il est divisé par trois culs-de-lampe, dont il ne reste 
que les amorces, et ({ui supportaient trois statues. 
Celui du centre, plus volumineux, était surmonté d'un 
dais, qui couronnait une niche, creusée dans le tympan. 

Le linteau qui supporte le tympan est garni de tores. 
Il a la forme d'une couleuvre qui serpente. On dirait 
deux S peu prononcées, réunies à la place du pilier 
symbolique, qui divisait les portes au Moyen- Age, et 
qui n a jamais existé, à Alet. Les architectes, en parta- 
geant l'ouverture de la porte principale, avaient voulu 
indiquer comme deux voies, Tune à droite pour les 
justes, et l'autre à gauche, pour les pécheurs. Chacun 
en franchissant le seuil sacré, devait se rendre témoi- 
gnage de ses bonnes ou mauvaises œuvres, et choisir sa 
voie [[.. On ne comprend pas i)ourquoi ce pilier 



U Arrhéolof/ic Clirclirnne, jiar l'alilK- .l.-.I. liomrassû (3' cdit. p. TM). 

8 



— 114 — 

symboli({ue, qui fut constamment conservé jusqu'à la 
Renaissance, n'a pas été placé à la porte de l'éi^lise 
d'Alct, décorée d'ailleurs de belles peintures, dans le 
style de l'époque, et dont on aperçoit de mai^nifiques 
traces. On voit encore les restes des quatre-feuilles dont 
les lobes sont marquées d'une pastille, et séparés par 
un bras de Croix, en forme de rayon. Ce genre de 
dessin, plus ou moins varié, se reproduit sur toute 
l'étendue du portail, tantôt comme un semis, tantôt sous 
forme de banderolles, etc., qui devaient produire un 
effet merveilleux. 

La façade occidentale de Saint-André était située sur 
le chemin de ronde, qui longeait le rempart, et qui con- 
duisait à la cathédrale de Notre-Dame. Afin de protéger 
les sculptures et les peintures de la porte principale, 
contre l'intempérie des saisons, les architectes avaient 
ménagé au-dessus du portail, un cordon en pierre qui 
forme saillie, comme un larmier. Un peu au-dessous, le 
mur est flanqué de corbeaux, régulièrement espacés , 
qui soutenaient une toiture saillante, comme un porche 
protecteur. 

II. — Rose occidentale. 



Au-dessus du larmier dont nous venons de parler, la 
muraille devient moins large, plus étroite , et présente 
la forme d'un fronton triangulaire. Cette façade est 
percée d'une rose, le plus bel ornement de l'église, après 
le portail. Les rosaces sont demeurées la merveille des 



— 115 — 

églises gothiques. Elles s'ouvrent, elles s'épanouissent, 
elles étalent leurs riches compartiments ciselés, comme 
(le gracieux pétales. Rien de plus ravissant que cette 
fleur immense, incrustée dans la muraille , brillant des 
mille couleurs des vitraux peints, portant au cœur, 
l'image de Dieu , et , dans toutes les divisions qui s'en 
échappent en rayonnant, celles des Anges et des Saints ! 
Admirable symbole! Le cercle, c'est Téternité au centre 
de laquelle Dieu se repose. Les Anges et les Bienheu- 
reux, toute la création, gravite tn chantant des hymnes, 
vers ce majestueux centre de toutes choses ! (1) 

La rose d'Alet, reproduit en petit les richesses et le 
symbolisme des grandes rosaces du Moyen- Age. 

in. — Le Sanctuaire. 



Le Sanctuaire, par sa forme, son ampleur et son éléva- 
tion, est la partie la plus remarquable de l'édifice. Il 
serait digne d'une cathédrale , et nul doute que Ton 
n'ait ordonné ses proportions , dans l'intention d'y 
recevoir le Chapitre, au jour des solennités particnlières à 
l'église Saint-André, qui devait être affectée au service 
de la paroisse. Sa forme offre une demi-circonfé- 
rence, ajoutée à un parallélogramme, et à chaque angle 



W) L Abbc Bourrasse. P. '23.0. 



'.t 



— 116 — 

intérieur des sept i'aees du pourtour, on renianiue une 
colonnette accompagnée de deux ailes, et engagée dans 
le mur. Les nervures en sont prismatiques, c'est-à-dire 
t^tïilées, se terminant par une petite bande droite dans 
toute leur longueur, selon le caractère propre de l'ar- 
chitecture du XV siècle. Il y avait à la base des colon- 
nettes, un banc de pierre, dont on voit encore les amorces, 
et qui lésait le tour du sanctuaire. Les chapiteaux sont 
de simples nervures oU boudins, ou bien des feuillages 
frisés. L'unique clef de voûte, qui forme les huit arêtes, 
est environnée d'une guirlande de feuilles. On remar- 
que à la partie antérieure , une tête d'évêque coiffée de 
la mitre, probablement la tête de celui qui a fait cons- 
truire l'église. Au milieu de la Clef, on a représenté le 
triomphe de l'Agneau-Pascal, avec nimbe crucifère , et 
portant une croix droite, au milieu du corps. 

Les 7 faces du chœur sont percées de cinq fenêtres : les 
deux faces du côté Nord, qui supportent la Tour et la 
tourelle du clocher, n'ont pas d'ouvertures. Les' fenêtres 
méridionales sont beaucoup plus courtes, à cause des 
toitures élevées des sacristies. Mais les trois fenêtres du 
fond de l'Abside sont très-longues, et à lancette. Elles 
sont d'un style grave et sévère, comme le reste de 
l'édifice. A la partie supérieure de l'Ogive, on voit des 
dessins variés, qui représentent presque tous, l'emblème 
delà Trinité, d'après les idées mystiques des architectes 
du Moyen-Age. Par suite du malheur des temps , ces 
fenêtres, du style le plus pur du XIIP' siècle, sont totale- 
ment ou en partie bouchées, et les trèfles mutilés. On 
les a dépouillées de leurs antiques verrières ; elles n'ont 



plus à riiitérieur de TéG^liso ce ciichet architectural 
qu'elles conservent encore à Textérieur, malgré le van- 
dalisme qui les a si mal traitées. Espérons qu'un jour 
elles seront restaurées, et ornées (;omme par le passé , 
de ])elles verreries, qui retraceront la vie de saint André. 



IV. — fj^ Clocher 



La Tour et la tourelle qui rculernient lescalier tour- 
nant, pour monter au clocher, sont en belle pierre de 
taille. Dans le principe, ce clocher, nétait destiné qu'à 
recevoir une modeste sonnerie , le carrillon étant ren- 
fermé dans la Tour Notre-Dame. Mais depuis la chute 
de ce dernier clocher, on a dû transporter dans celui de 
saint André, le bourdon de la cathédrale. Cette belle 
cloche, du poids de plus de vingt quintaux, est si mal 
suspendue, que les murailles sont lézardées, et ont perdu 
leur aplomb. Le haut du clocher menace ruine , et 
demande une réparation urgente. 

La porte i)rimitive de la tourelle est percée près du 
maître-autel, et sert actuellement de crédence. Mais 
dans le principe, il y avait, au bas du clocher, une 
cliapellc avec son sacraire : on voit encore les restes des 
riches peintures du XIV' siècle, (jui la décoraient. Elle 
conmiuniquait avec le chœur, comme la chapelle en 
l'ace, ([ui sert de sacri.stie, au moyen d'un arceau, dont 
on admire Tarchitecture, ainsi ((ue les personnages 
srul})tés sur les culs-de-lampe. 



— 118 — 

La solidité de cette tour, dont la construction ne 
manque pas de hardiesse, a été mise en péril, par une 
réparation exécutée tout-à-fait à contre-sens. On a 
fermé l'arceau par un mur, qui n'est d'aucun secours 
pour l'édifice, puisque tout le poids du clocher repose 
sur cet arceau. Puis l'on a ouvert trois portes, une sur 
chaque mur du clocher, ce qui en a diminué la solidité, 
et opéré quelques lézardes. Espérons que les choses 
seront bientôt remises dans leur état primitif, pour la 
conservation et la solidité du clocher, comme du reste 
de l'édifice. 



§ V. — La Nef. 



La nef mesure 17'" 30, comme nous l'avons déjà 
indiqué. La toiture est supportée par deux arceaux en 
belle pierre, dont on a abattu les angles, ce qui donne trois 
faces à la partie saillante ; les faces latérales sont ornées 
d'une gorge. A peine si l'on voit Ici trace des chapiteaux, 
ce qui annonce le commencement de la décadence de 
l'architecture du Moyen- Age. 

L'Eglise ne fut pas voûtée, vselon Tusage du temps, 
qui réservait ce complément, pour les édifices plus 
considérables. Espérons que ce temple, remarquable par 
sa solidité et sa belle élévation, recevra ce dernier 
perfectionnement, lorsqu'une main habile entreprendra 
de Je restaurer et de l'agrandir, pour corriger le défaut 
de proportions que nous avons déjà signalé. 



— 119 - 



.^ VI. — Les JChapelles. 

Jusqu'au XIV siècle, on n'avait établi des chapelles 
latérales, qu'autour de l'hémicycle du chevet du chœur. 
Au XV*' siècle, on en construisit le long des bas-côtés 
de la nef. En plaçant un autel dans chacune des chapelles 
latérales, on en rendit l'aspect encore plus grave, plus 
majestueux. Quelques archéologues ont voulu voir dans 
la disposition de ces nombreuses chapelles, qui entou- 
rent tout rédilice, comme une glorieuse couronne, un 
souvenir et une imitation des tombeaux des martyrs, si 
pressés dans les catacombes. Les autres ont pensé avec 
juste raison, que chaque confrérie, chaqvie corporation, 
si nombreuses au Moyen-Age , avait voulu avoir une 
clia pelle et un autel, dédiés au saint patron qu'elle avait 
choisi comme modèle sur la terre, et comme protecteur 
dans le ciel. (1) 

Dans le principe, la nef de Féglise d'Alet ne possé- 
diiit c[ue la chapelle de Saint-Roch, côté nord, dont le 
style est absolument semblable à celui des anciennes 
cl la pelles du clocher et de la sacristie. Les trois autres, 
furent ajoutées successivement , vers Fépoque de la 
Uenaissance. 



Il Arrlitiilnt/ir rhn liomr -nM' l'abbo J. J. Hoiirassô. (S»" odit.p. 205) 



CHAPITRE XIV. 1) 

ALET PENDANT LES MEHRES DE HELIfrlON 



Durant les guerres de Religion, sous Tépiscopat de 
Messeigneurs de Lestang, aumônier de Charles IX, élu 
évêque d'Alet en 1560, d'Antoine Dax, de la famille 
d'Axat, en 1564, et de Christophe de Lestang, en 1581, 
Alet fut en proie aux horreurs de la guerre civile. 
Vers la fin de mars 157'^, les (.'ahinistes, tout-puissants 
dans la contrée, surprirent la ville d Alet. Vainement 



11) Ce chapilrc iicsl (lu'uii abroge du Cliapilrc VI*. intitule 
« Guerres de iiklkhon, » des Nul ires Ilisloriqiws sur lu ville de 
Limoux, i)ar M. L. H. Fouds-Lamotlie. nvoral disliiiLnu' du harreau 
de Limoux. 



— l-?l — 

les catholiques rélïi.uùrs dans un moulin Ibrtiiié, (1) 
après avoir reru des secours de Carcassonne et do 
Limoux, livrèrent un combat dans lequel ils eurent 
lavantairo : ([U(4(jues jours après, ils turent contraints 
de se retirer. 

Vers le même temps, les (Calvinistes s'emparèrent de 
Quillan, Hu.urach, Serres, Rouvcnac, Tournebouch, 
Mllelon.irue, Brug-airolles et Cailla u, se livrant dans 
tous ces pays au bri.irandau'e le plus affreux. Ils sortaient 
à Timproviste de leurs retraites, brûlaient les fermes, 
rançonnaient les liabitants, enlevaient les troupeaux et 
détruisaient les récoltes. (Jet état déplorable porta les 
consuls de Limoux, en 1575, à solliciter des secours 
aui)rès de Lavistan, u'ouverneur de la ('ité de ( -arcas- 
sonne. L'armée de cet otïicier, à la tête de troupes 
nombreuses, obliL''ea Alet. ( 'aillau et Bru.u'airolles à se 
soumettre. Mais ces succès ne furent pas de lon^iTie 
durée. Deux ans après, les Calvinistes occupèrent 
Magrie, qui était une commanderie de Malte, ravagè- 
rent les environs de Limoux, et le 6 janvier 1577, ils 
reprirent la ville dAlet. Ce fut alors que ces féroces 
iconoclastes renversèrent les autels, chassèrent les 
prêtres et les catholiques, et pillèrent Féglise cathé- 
drale. Cet antique monument du Moyen-Age, rornement 
de la i-ité d'AUît, fut dépouillé de toutes ses richesses, 



ili Oi» voit les ruines do eu inouliii, sur la livc droilo de 1 Audo. 
ou av;d d'Al^l. un {mmi au-dessous rlu j)onl du l^ialtlo. -> 



— 12^2 — 

vases sacrés, vitraux, i)eintures murales, etc. Tout fut 
brisé, mutilé, profané. Les huguenots y commirent 
les plus i^randes dévastations, et en détruisirent une 
partie. (1) 

Les catholiques chassés d'Alet, se réfugièrent dans 
les grottes de la Valette, situées dans des lieux inacces- 
sibles, dans les environs de Véraza. 

On les fortifia, par d'épaisses murailles, que l'on voit 
encore, et que Ton ne visite pas sans éprouver un 
profond sentiment d'admiration, pour cette poignée de 
héros chrétiens, qui préférèrent souffrir toutes sortes de 
privations, plutôt que de trahir la foi de leur baptême! 

Les huguenots , ayant à leur tête le fanatique 
Daudon, restèrent maîtres d'Alet, pendant 10 ans. Mais 
au mois d'août 1583, ils furent surpris. 50 périrent; et 
les autres prirent la fuite, et se réfugièrent à Montréal. 
Pour remercier Dieu de cette heureuse délivrance, qui 
dut avoir lieu le 4 août, jour de la fête de saint Domi- 
,nique, il paraît que Ton institua une procession solen- 
nelle d'actions de grâces, en l'honneur de ce saint. Le 



(1) Les personnes animées d'un vcrilable zèle porr la beauté de la 
maison de Dieu, disaient souvent à Mgr de Pavillon, que pour 
30,000 livres, il pouvait rétablir dans son antique splendeur, la cathé- 
drale ruinée par les Huguenots. Mais l'austère prélat ne voulut 
jamais y consentir, répondant qu'il fallait d'abord songer aux 
pauvres. L'histoire ne lui pardonnera pas d'avoir été ainsi la cause 
de la (lornièro ruine de ce monument. 



— 123 — 

dimanche, qui suit la solennité du B. Dominique, on 
célèbre, encore tous les ans, cette procession. 

En 1585, la province étant pacifiée, les habitants 
d'AIet qui avaient embrassé le parti des Calvinistes, 
obtinrent du duc de Montmorency, gouverneur du 
Languedoc, d'être réintégrés dans leurs biens. Burette, 
un des secrétaires du duc, fut chargé de les conduire à 
Alet, où ils furent reçus sans opposition. Mais, le len- 
demain, les catholiques, dans la crainte de nouvelles 
vexations de la part de ces hérétiques, usèrent mallieu- 
reusement de représailles. 

Au mois de mai 158G, le maréchal de Joyeuse, s'empara 
par composition de Bugrach, Campagne, qui était une 
commanderie de Tordre de Malte, et Rouvenac. 

Mais Brugairolles, la place la plus importante des 
Calvinistes, était toujours en leur pouvoir, défendue par 
Daudon. Elle finit par tomber au pouvoir du duc 
de Joyeuse, en 1588, qui la livra aux flammes et en 
fit raser les murailles. 

L'occupation de Brugairolles assura la tranquillité 
du pays, tandis que la Provence ne cessait pas d'être, 
livrée à la guerre civile. 

Aussi, après la tenue dos Etats-Généraux, à Blois, le 
maréchal de Joyeuse convoqua les Etats de sa province 
à Limoux. Ils s'ouvrirent le 7 novembre 1588, dans le 
réfectoire des Cordeliers. 

Le Clergé d'Alet y était représenté par le vicaire- 
général de cette ville. Naturellement on y prit des déci- 
sions pour détruire à tout jamais, la puissance des 
Calvinistes c[ui avaient fait le |)lus Q"rand mal. 



— 1^4 — 

Enfin, en loîjf), Alet, avec toutes les villes du 
Lanu^uedoc, renonça à la Ligue, et se soumit au roi 
Henri IV, qui devait faire oublier tant de malheurs, 
par les bienfaits de son règne. 






CHAPITRE XV 

ADMINISTRATION CIVILK , JUDICIAIRE ET FINANCIÈRE 
DE LA VILLE ET DIOCÈSE D'aLET. 



.^ ^^ — Administration civile. 

Alet jouissait du droit de cité, de temps immémorial. 
Vers la fin du XIIT' siècle, lorsque l'ordre fut rétabli 
dans la contrée , ses habitants , comme ceux des autres 
villes de la province, voulurent faire reconnaître leurs 
libertés et franchises. 

Les coutumes d'Alet datent de plusieurs époques. 
Nous possédons les Chartes des privilèges de cette 
ville, octroyées le 8 mars 1^85, par Bertrand, abbé du 
Monastère et seio^neur d'Alet. 

L'administration particulière à la ville d'Alet se 
composait du Juîic ou Viffuier, de (juatre Consuls qui 



— 150 — 

représentaient la Communauté , dont le premier avait le 
titre de Maire, et d'un Procureur juridictionnel. 
L'élection consulaire avait souvent donné lieu à de 
grandes discussions. Les arrêts rendus par le Parlement 
de Toulouse sur cette matière, avaient tout réglé à cet 
égard. L'élection était faite par le corps de ville, 
composé du Juge , des quatre Consuls , du Syndic du 
Chapitre cathedra! , et des douze Conseillers choisis 
parmi les habitants notables. Les Consuls étaient renou- 
velés par quart , chaque année ; leur exercice durait 
donc quatre années , et le Consul sortant, était de droit 
Marguillier de la paroisse Saint-André. 

Le premier Consul ne pouvait être choisi que dans la 
classe des Avocats, des Médecins et des Bourgeois, 
ayant au moins six francs de taille , au Compois. Le 
deuxième Consul , dans celle des Chirurgiens , Apothi- 
caires et Architectes. Le troisième, dans celle des 
Artisans et des Agriculteurs vivant de leurs h4ens cultivés 
par eux-mêmes. Le quatrième, dans celle des Brassiers 
ou Cultivateurs allant à la journée , pourvu qu'ils ne 
fussent pas serviteurs à gage. 

Les membres du Clergé, taillables dans Alet, pouvaient 
être appelés aux fonctions de Consuls. Mais le cumul 
était prohibé ; par exemple, le Viguier ne pouvait pas 
être en même temps notaire. 

Les Consuls d'Alet portaient anciennement une robe 
rouge. Mais la ville ayant fait un don considérable pour 
la rançon de François P'*" , le Monarque , pour témoigner 
sa reconnaissance , lui fit abandon des remparts , 
ainsi que des fossés, et accorda la Judicature de Police 



— 1V>7 — 

aux Consuls , qui portèrent , depuis lors , la robe et le 
chapeau moitié rou.i>e , moitié noir , le premier Consul 
en étolîe de soie , les trois autres en serge. Enfin , le 
premier Consul , Maire d'Alet , avait de droit , chaque 
année, entrée aux Etats du Languedoc et même la 
préséance sur celui de Limoux. 

L'histoire locale atteste que la ville d'Alet a toujours 
joui d'une bonne administration , indépendante du 
pouvoir féodal de l'Evéque, qui n'exigeait jamais le 
devii de censivo par feu , auquel il avait droit. Pour 
reconnaître ce droit féodal , on présentait tous les ans , 
le 14 août, veille de la fôte de la cité d'Alet, les clefs 
des portes de la ville à Monseigneur TEvêque , avant 
la cérémonie du vœu de la ville , qui avait lieu à la 
chute du jour, dans Téglise Cathédrale, où on célébrait 
les Complies, suivies d'une procession et de l'offrande 
à Notre-Dame. Les quatie Consuls en robe, portant 
quatre flambeaux , et suivis de toute la ville , allaient 
rendre leurs hommages à Monseigneur , qui était 
harangué par le premier Consul. L'Evéque, environné 
de ses prêtres , recevait les clefs de la cité , comme un" 
honmiage rendu par les habitants, à leur seigneur et 
bienfaiteur. Cette cérémonie attirait toute la ville, parce 
que c'était le seul jour de lann-je , où les habitants 
d'Alet étaient admis indistinctement dans le Palais 
épiscopal. 

CouTUMKs. — Les coutumes ou privilèges de la 
Communauté d'Alet donnaient aux habitants , qui 
élevaient des maisons , le droit de pratiquer au-dessus 
du rez-de-chaussée , des avancements jusqu'au tiers de 



— 128 — 

la voie piil)lique. Los nombreuses maisons, ainsi 
construites et que Ton voit encore, attestent que les 
habitants usaient en général de ce privilé^^e. 

Chaque tenancier pouvait établir chez lui, des 
«Tfarennes : la chasse étant prohibée sur la propriété 
d'autrui , sans permission , et dans tout le territoire , 
depuis Pâques jusqu'à la Toussaint. La coutume imposait 
des droits sur les aliénations d'immeubles : elle autorisait 
la liberté provisoire , moyennant caution ; elle réglait 
le mode dénomination de l'IIospitalier, les honoraires 
des Notaires, des Oiïiciers de la cour du Viguier,etceux 
du Clergé, pour droits de sépulture. 

La coutume dispensait de la Lande l'habitant d'Alet 
qui allait acheter ou vendre aux lieux de Rennes et de 
Bugrach. Enfin, les habitants d'Alet avaient le droit de 
faire paitre les bestiaux de toute nature dans certaines 
parties du territoire de Roquetaillade... 

Tous ces privilèges coûtèrent à la ville d'Alet, 400, 
1 75 , 150 et '200 livres. Une Charte est terminée ainsi : 

« Com per los privilèges des dé.signats, concedatsàla 
« villa , los senhors Cossols , au nom de la villa et 
« Universitas d'Alet , donnèrent à M. d'Alet quatre 
« cents libros tornesas corents , Tan de nostre Senhor , 
« mil docens huitante-cinq , VI II de las calendas de 
« mars. » 

Toutes ces Chartes lurent rédigées en latin et traduites I 
en roman. Pour leur application usuelle, les originaux 
étaient déposés aux Archives de la cité , et dans l'église 
paroissiale de Saint-André. 



— 129 



§ II. — Administration judiciaire. 



Le Gouvernement de la ville d'Alet tut confié au 
Viguier et aux Consuls , qui représentaient la Commu- 
nauté. Les quatre Consuls, et à leur défaut, cinq 
prud'hommes, concouraient à la répression des crimes 
et des délits. Ils assistaient le Viguier pour les visites 
domiciliaires , pour l'interrogatoire des prévenus , et , 
sur leur avis, le Viguier prononçait la sentence 
et appliquait la peine. Les ordonnances de police 
devaient être publiées de Tordre du Viguier , et sur 
la réquisition des Consuls. 

Il y avait aussi à Alet , une Cour Banerette , qui 
jouissait de grandes attributions, au civil comme au 
criminel. Elle était composée d'un Juge-Viguier, 
remplacé, en cas d'empêchement, par l'Avocat le plus 
ancien, d\m Procureur juridictionnel , et d'un Greffier. 
Un huissier était spécialement attaché à cette Cour. 

La juridiction de ce tribunal s'exerçait sur la ville 
d'Alct et ses dépendances , y compris Vendémies et la 
Peyre , Cornanel , Loupia , La Digne , Serres, Espéraza 
et Fa. 

Le Viguier , ou son suppléant, était souvent appelé 
pour siéger avec le Sénéchal de Limoux. 

Après les bouleversements de 1 789 , la Cour Banerette 
tut r('ini)lacée par une Justice de paix, lorsque le 

9 



— 180 — 

département de TAude fut divisé en six distriets , dont 
les ehel's-lieux furent : Carcassonne , Castelnaudary , 
La Grasse, Limoux, Narbonne , Quillan. 

Alet devint l'un des quatorze cantons du district de 
Limoux. Il renfermait dans son ressort : Bouriège , 
Conillac , Cournanel , Festes et Saint- André, la Peyro 
et Arsse , La Serpent , Roquetaillade , Saint-Sernin et 
le Villa, Terroles. 

Ainsi arrêté à Paris, le 29 janvier 1790. 

Suivent les signatures des commissaires de TAssem- 
blée nationale, composant le Comité de Constitution , 
qui étaient les députés des sénéchaussées de Carcassonne, 
Castelnaudary et Limoux. Au nombre des signataires , 
nous lisons : Bonnet , Larade , Cauneille , curé de 
Belvis, tous trois députés de Limoux. 

Ce nouvel état de choses était encore un faible 
dédommagement pour le passé. Mais dans une nouvelle 
organisation qui eut lieu en l'an IX de la République , 
et qui fut faite sans aucune considération pour Thistoire 
et les convenances des localités , le canton d'Alet fut 
fondu dans ceux de Limoux et d'Arqués. Ce dernier a 
été remplacé par Couiza. 

§ III. Administration financière. 

* 

Nous avons si souvent parlé des Etats de la province 
de Languedoc, que nous croyons être agréable à nos 
lecteurs, en leur faisant connaître cette belle institution, 
qui régissait notre pays. 



— 181 — 

La province du l.anguodoc se nommait ancienne- 
ment la Gaule Narbonnaise première. L'année 414, 
elle prit le nom de Lancls de Goth^ c'est-à-dire Terre 
de Gothy et ensuite Languedoc. 

Dom Vaissette, en son Histoire générale de la 
province^ T. IV, dit : « Que l'on parlait dans cette pro- 
vince une langue à peu près unilorme, et semblable à 
celle qu'on y parle encore aujourd'hui : on la nommait 
Romane^ par opposition au latin : et c'est de cette 
langue particulière, où Ton disait Oc pour Oui, que la 
Province fut nommée Langue de Oc^ Languedoc, 
vers 1272. » 

Les Etats-Généraux de la Province, étaient présidés 
au nom du Roi de France, par le Gouverneur et Lieute- 
nant-Général pour Sa Majesté, en Languedoc. Il y avait 
encore le Commandant en chef de la Province, le 
Lieutenant-Général du Haut-Languedoc, celui du 
Bas- Languedoc, et celui des Cévennes, deux Intendants de 
Justice, Policeet Finances de la Province, deux Trésoriers 
de France, deux Secrétaires et Greffiers de MM. les 
Commissaires du Roi. 

Après le Gouvernement, le Clergé était représenté par 
les Archevêques et les Evoques de la province. 

L'Archevêque de Narbonne était le Président-né du 
Clergé. Puis venaient les Archevêques de Toulouse et 
d'Alby. Les Evêques de Saint-Pons, Carcassonne, Uzès, 
Nismes, Mirepoix, Saint-Papoul, du Puy, Béziers, 
Rieux, Viviers, Lodève, Castres, Alais, Agde, Mon- 
tauban, Alet, Comminges, Montpellier, Lavaur et 
Mende. 



— 132 — 

La Noblesse était représentée pur un certain nombre 
de Nobles, et des Barons de Toui\ qui entraient chaque 
année aux Etats, lorsque c'était leur tour, les uns tous 
les huit ans, les autres tous les douze, et ainsi de suite 
successivement. 

Le Tiers-Etat était représenté par les Consuls des 
villes et les députés diocésains, qui représentaient le 
Diocèse civil ou administratif. 

Toulouse, capitale de la province du Languedoc, était 
la première ville qui l'ut représentée aux Etats. Elle 
députait tous les ans, deux Capitouls qui n'avaient que 
voix délibérative. (1) 

Montpellier députait son Maire et un Ex-Consul. 
Carcassonne, Nismes, Narbonne, le Puy, Béziers, Uzès, 
Alby envoyaient deux députés. 

Le pays de Vivarais, Mende, Castres, Saint- Pons, 
Agde, Mirepoix et Fanjeaux, Lodève, Lavaur, Saint- 
Papoul et Castelnaudaury, Alet et Limoux, Rieux, 
Alais, Montauban, le pays de Comminges, envoyaient 
tantôt deux, tantôt un seul député. 

Chacune de ces villes, capitale des vingt-trois diocèses, 
envoyait de plus un député diocésain, et un député 
de Tou)\ pour les localités les plus importantes 
de chaque diocèse. 



(1) La ville de Toulouse et les autres villes Chefs des Diocèses 
dont les noms suivent , sont placées dans l'ordre et le rang 
quelles tenaient aux Etats. 



vx\ 



Les députés se réunissaient tous les ans, vers les mois 
de novembre ou décembre, à Montpellier, où se tenaient 
les Etats. 

Un mois après, avait lieu dans chaque diocèse une 
réunion, composée de divers députés des trois ordres, 
pour l'aire la répartition des sommes données par la 
province, suivant la quotité qui la regardait, d'après un 
tarif général. Ces assemblées diocésaines étaient appelées 
Assiettes, mot ancien, formé du verbe asseoir^ imposer 

DES SOMMES. 

A la suite de cet exposé général, nous allons rapporter 
ce qui regarde les diocèses cïAlet et de Limoiix^ les 
vingtième et vingt-unième villes qui députaient aux 
Etats. 

Autrefois le diocèse d'Alet et celui de Limoux, 
n'envoyaient aux Etats qu'un seul député par Tour. Plus 
tard les villes d'Alet et de Limoux envoyèrent chacune 
leur Consul et un député diocésain, qui, pour le diocèse 
d'Alet, était une année le Consul de Quillan, l'année 
suivante, le député de l'un des trois lieux du pays de 
Sault, par tour, et enfin la troisième année, le député 
de l'un des quatre lieux du pays de Fénouilledes, aussi 
par tour: après, suit le Consul de Quillan, l'autre 
année celui du pays de Sault, et l'année suivante celui 
du pays des Fénouilledes. Et toujours de même succes- 
sivement, en revenant tous les trois ans, au Consul de 
Quillan, d'après le tableau qui suit. 



134 



1767 

1770 

Quillan { 1773 

177() 

1779 

( Rodomc 1768 

Le Pays de Sault • | Bcicairc 1771 

( Roquefcuil 1774 

/ Caudirs 1769 

T r) 1 i:i' ni 1 Saiiit-Paul 1772 

Le Pays de benouilledes. { t t» i t^ Annr 

•^ j La Tour de rrance 1775 

( Sournia 1778 



Voici les Armoirie» de ces localités, qui avaient le titre 
de Ville. 

1" Diocèse d'Alet. 

1" QUILLAN. — D'azur à trois quilles d'or , et une 
boule de même au centre de l'Ecu. 

2" RODOME. — De France (trois fleurs de lys). 

3" BELCAIRE. — De France. 

4« ROQUEFEUIL.— Ecartelé de gueules et de gueules 
par deux traits d'or en croix, à douze corde- 
lières de même en formes de trèfles, trois 
dans chaque canton. 

5** C AUDI ES. — D'or, au chaudron de gueules, 
Tance levée. 

G** SAINT-PAUL. — De gueules, à une épée d'argent 
garnie d'or, la pointe en bas. 



— 135 — 

7" LA TOUR DE FRANCE. — D'azur, à une tour 

d'argent. 
8*^ SOURNIA. — De France. 

2"" Diocèse de Limoux. 

Le Diocésain de Limoux qui doit aller aux Etats est 
toujours nommé par douze lieux du pays, àl'assembléede 
l'Assiette du diocèse. Ces lieux sont : 

1" PIEUSSANT. — D'argent, au lion léopardé de 
^ gueules, accompagné de trois croissants de 
même. 

2" ALAGNES. — De même. 

3" ROUTIER. — De même. 

4" MAGRIAN. — De gueules, à la croix de Malte 
d'argent, brodée d'or. 

5" VILLELONGUE. — D'azur à trois aigles au vol, 
abaissé d'argent. 

6" MAZEROLLES. — D'azur, à une vierge de carna- 
tion, vêtue d'argent. 

7" BRUGAIROLLES. — D'argent , à 3 l'usées de 
gueules, accolées en fasce. 

8" CAMBIEURE. — De France. 

9" MAL VI ES. — De gueules, au croissant d'argent. 
l(r CEPIAN. — D'argent à un Saint-Benoîst de carna- 
tion, habillé de sable, diadème d'or, tenant 
de la main dextre, une crosse al)batiale de 
mcmc^ et ayant la main senestr»' apauméc 
et étendue en bas. 



— 130 — 

11" LAURAGUEL. — D'azur, à un arbre crargent, 
un oiseau cror, perché au sommet de Farbre. 

12° BELVÈSE. — D'argent, au pin de Sinople, posé 
sur une terrasse de même et deux lions affrontés 
de gueules appuyés sur le fût de Tarbre, au 
chef d'azur, chargé d une fleur de lys et de 
deux coquilles, le tout d'or. 

Au chapitre I", nous avons donné la description des 
Armoiries d'Alet, il ne nous reste plus qu'à faire connaî- 
tre celles de Limoux. 



Armoiries de la Ville de Limoux. 



D'azur, à un saint Martin, coupant avec son badclaire 
son manteau, pour en couvrir un pauvre l)oîteux, un 
chien précède le cheval, le tout d'argent posé sur une 
terrasse cousue de Sinople. 

Pour ornement extérieur de l'Ecu, deux palmes de 
même, attachées d'un lien. 



^ IV. — Adnrinistration financière de la ville 
et diocèse d'Alet. 



Monseigneur TEvêque d'Alet, au titre de comte, avait 
place aux Etats-Généraux de la Province , et présidait 
V Assiette du diocèse en l'absence du Commissaire 
royal. 



— 137 — 

Vers rannée 1400, il s'opéra un clian.î?ement dans le 
mode de perception des tailles : (l)à la division par séné- 
chaussées et par vic^ueries, on substitua les circons- 
criptions ecclésiastiques. D'après cet ordre , Limoux 
aurait dû dépendre du diocèse de Narhonne , et Alet 
former une circonscription particulière. Il n'en fut pas 
ainsi, IJmbux avec son ofFicialité fut réuni au diocèse 
d'Alet. Chacune de ces villes, envoya , annuellement, 
aux Etats, un Consul : Mais le diocèse d'Alet et l'oiïi- 
cialité de Limoux n'y furent représentés que par un 
député diocésain. De tout temps, les députés avaient été 
convoqués pour répartir l'impôt à Limoux, chef-lieu de 
la viguerie et résidence du receveur des finances. Alet, 
siège de l'évèché, revendiqua ces prérogatives, mais en 
vain : Les droits de Limoux furent confirmés par 
(iuilhaume, évoque deLaon, gouverneur des finances en 
Languedoc '2\ 

L'Assemblée des députés répartiteurs était appelée 
Assiette. Elle était composée d'un délégué des com- 
missaires royaux aux Etats de la Province , qui la pré- 
sidait : de révoque d'Alet et de l'oflicial de Limoux : 
du viguier et de son lieutenant, des seigneurs de Mire- 



(1) Notice historique sur la ville de Limoux , par L. II. Fonds- 
Lamolhe. P. 100 et 167. 



(1) Arch. d& Limoux, IcKrc du 23 mai 14-35. 



— 138 — 

poix, cr Arques, de Belcastel, de Puichéric, d'Ajac et de 
Belvèze ; des consuls de Linioux et d'Alet , de huit 
députés des lieux de Quillau , Belcaire , Hoquefeuil, 
Rodome, Saint-Paul-de-Fenouillèdes, (Jaudiès, Latour 
et Sournia : dt^ trois députés d'P^spéraza , (Jouiza et 
Arques, qui représentaient le Haut-Rasez, et de douze 
députés du ]3as- Rasez , savoir : de Pieusse , Magrie , 
Routier, Belvèze, Lauraguel,Malviès^ Cépie, Cambieure, 
BrugairoUes, Villelongue, Mazeroles et Alaigne (1). Cet 
état de choses se maintint jusqu'au 5 mai 1660, époque 
à laquelle les diocèses d'Aletet de Limoux au Bas-pays de 
Rasez , furent séparés pour les tailles ou assiettes. 
L'oiïicialité ou diocèse de Limoux forma la seconde 
municipalité diocésaine civile de la Province ecclésias- 
tique de Narbonne , qui fut représentée aux Etats par 
un des Consuls de la ville et par un député diocésain. 

Assiette a Alet — A partir de 1660, il y avait tous 
les ans à Alet, au mois de juin, une assemblée ou 
assiette, présidée par Mgr TEvôque, à laquelle assis- 
taient les officiers du diocèse que nous allons nom- 
mer , les Consuls et députés des villes et principaux 
lieu, et un baron pour la noblesse. M. le Juge-Mage et 
le député diocésain de Limoux y assistaient également. 

La session durait trois jours : Les procès- verbaux 
des séances étaient publiés par la presse. ' 



11) Proccs-verl)ul do 11308. 



— 189 — 

La veille de la réunion, les quatre Consuls crAlct se 
rendaient à l'Hôtel-de-Ville, vers les cinq heures du soir, 
et après avoir revêtu leurs robes et livrées consulaires, 
ils venaient au palais de Téveque , président-né de 
l'Assemblée, ou en son absence, chez son vicaire-général 
qui le remplaçait : ils allaient ensuite faire visite au 
juge et lieutenant-général du sénéchal de Limoux. 

Le lendemain, ils revenaient à Tévêché où s'étaient 
réunis tous les députés du diocèse, et tout le cortège se 
dirigeait vers Saint- André, pour assister à la messe du 
Saint-Esprit, célébrée par l'archiprêtre d'Alet, qui rece- 
vait pour honoraire, une livre , somme portée au rôle 
des dépenses. L'évèque, en rochet et camail avait à sa 
gauche le lieutenant-général ; venaient ensuite les 
consuls d'Alet, puis les autres députés. L'évoque se plaçait 
dans le sanctuaire devant un prie- Dieu, et les autres 
députés dans les bancs de la nef, par ordre et rang de 
dignité. Après la messe, on se rendait à la mairie, dans 
le môme ordre , et Tévêque ouvrait la session , après 
s'être placé au milieu du Bureau, sur un fauteuil : le 
lieutenant, à sa gauche, sur un autre fauteuil, les consuls 
d'Alet, sur un banc à dos, à droite, et les autres députés 
sur des bancs à dos, à droite et à gauche. 

La dernière de ces Assemblées eut lieu au mois de juin 
1789. Voici les noms des membres qui la composaient : 

Mgr de Chantérac, évoque et comte d'Alet , pré- 
sident-né. 

MM. Escaich, député diocésain de Limoux , commis- 
saire-principal. — Charles du Vivier, ancien lieu- 



— 140 — 

tenant-colonel au réi^iment d'Artois , infanterie , 
envoyé de la part de M. le marquis d Ilaut-Poid. 
— Serres, baron de Saint-Just. — D'Ustond'Arsses, 
juge-mage. 
MM. Jacques Larade, Cerny, Kaynaud, consuls d'Alet 
Jaubert de Saint-Jovilia, députe de Quillan. 
Pugcns, député de Belcaire. 
Delprax, député de Caudiès. 
Gleizes, député de Uoquefeuil. 
Martimort, député de Rodome. 
Prax, député de Saint- Paul. 
Dergé, député de La Tour-de-France. 
Soulères, député de Sournia. 
Captier, député d'Espéraza. 
Captier, député de Couiza. 
Azaïs, député d'Arqués. 

Ribes , syndic-adjoint (M. Larade , syndic , était 
à Paris aux Etats-Généraux.) Prax, grellier. 



(Mp 



CHAPITRE XVI 

ETIENNE DE POLVEREL , 28"'*' ÉVÉQUE d'aLET. 
(1607-1637). 



Joseph de Maistre a prononcé un mot bien véridique 
et bien profond , lorsqu'il a dit que Thistoire , depuis 
trois siècles , est devenue une conspiration permanente 
contre la vérité. Il faut avouer que les historiens jansé- 
nistes ont mérité au plus haut degré cette accusation , 
lorsqu'il s'airissait dexalter les honmies de leur secte 
ou de calomnier leurs adversaires. Pour notre part, 
nous allons essayer de réhabiliter Monsei^rneur de 
Polverel , prédécesseur de Monseifi,-iicur l^avillon , qu'ils 
ont indi<i^nemont calomnié dans la Vie de ce prélat. 

Nous avons dit au Chapitre quatorzième, qu'à Tépoque 
des j?uerres de relij^ion, la vilUi d'Alet avait été occupée 
parles Huguenots, qui, en 1577, avaient dévasté la 



— i42 — 

Cathédrale, l'Evôché et tous les monuments reliû^ieux. 
Il fut donc impossible , à la mort d'Antonin de Dax , 
arrivée en 1572, de lui donner un successeur, le 
Chapitre étant dispersé. 

Le cardinal François de Joyeuse gouverna le diocèse 
d'Alet par Economat , disent les Archives , c'est-à-dire 
en qualité d'Administrateur apostolique , délégué par le 
Pape, comme métropolitain de Narbonne, dont il 
occupa le siège de 1582 à 1599. 

Les Evoques qui prirent régulièrement possession 
du diocèse, après les guerres de religion, trouvant le 
Palais épiscopal en ruines, fixèrent leur séjour au 
château de Cornanel, propriété de l'Evêché d'Alet, et 
voisin de cette ville. Rien de plus naturel et de plus 
légitime dans les circonstances difficiles où Ton se 
trouvait. Les ressources manquaient pour relever la 
maison épiscopale , et les Huguenots avaient ruiné le 
pays pour plusieurs années. 

Monseigneur Polverel vint se fixer à Cornanel. Il 
était né à Brives-la-Gaillarde. Favorisé par la nature 
d'une belle taille, il avait embrassé la carrière militaire, 
qu'il abandonna bientôt pour Tétat ecclésiastique. A la 
mort de son frère , Pierre de Polverel , vingt-septième 
évèque d'Alet , il fut désigné pour le remplacer sur ce 
siège, dont il prit possession le 24 août 1607. Il assista, 
en 1609, au Concile de Narbonne et à TAssemblée du 
Clergé, en 1612. Il était encore Maître de la Chapelle du 
Roi, et grand Aumônierde Marie de Médicis. Il souscrivit 
aux délibérations des Assemblées du Clergé de 1614, 
1615 et 1625. Il fut accusé, aussi bien que l'Evêque de 



— 143 — 

Saint-Pons, (ravoir quelque relation avec les rebelles : 
mais s'étant justifiés devant des commissaires députés 
pour cela par le Saint-Siège, dans le couvent des 
Augustins de Paris, en 1633, ils furent renvoyés tous 
les deux dans leur diocèse. 

Il est probable que Monseigneur Etienne de Polverel 
dut sa nomination à l'influence de son oncle, devenu 
Evéque de Carcassonne , ce qui est une garantie pour 
ses mérites personnels. 

Grâce à ce concours de circonstances , nous pouvons 
déjà commencer à saper par la base, tout ce que les 
Jansénistes ont écrit d^odieux pour décrier ce prélat et 
exalter, outre mesure, et contre toute vérité, son 
successeur, M. Pavillon, chef de cette hérésie qui a fait 
à l'Eglise un mal incalculable. 

Les Jansénistes, dans la Vie de M. Pavillon, ont écrit 
mille fables invraisemblables, sur le compte de 
M. de Polverel. Les unes se contredisent d'elles-mêmes, 
et les autres ne tiennent pas devant un examen sérieux. 
Ce qui le prouve, c'est qu'il était Maitre de la Chapelle 
du Roi ; de plus , il avait la charge d'Aumônier de la 
Reine Marie de Médicis. Or, la raison nous crie plus 
fort que tous les mensonges jansénistes, que Ton 
n aurait pas confié des fonctions si élevées et si hono- 
rables , à un prélat méprisable et méprisé, au Titulaire, 
du plus petit des évêchés , situé au fond des montagnes, 
à Textrémité du royaume et si loin de la Cour. 

Ninsistons pas phis longtemps sur les calomnies 
jansénistes. Pour vengcT la mémoire outragée de 
Mgr de Polverel, il nous reste des documents authen- 



— I'i4 — 

tiques, contemporains, bien capables de lernicr la bouche 
à tous les calomniateurs , et son testament qui 
renlerme des legs charitables et de nombreuses 
messes pour le repos de son âme. Sa mort arriva le 
26 avril 1637, à Cornanel, où il est enseveli, à Tentrée 
et au milieu du sanctuaire de l'église de ce village, sous 
une large dalle , avec cette inscription : « Hic jacet 
Stephcinus Polverel, 1628.» En pratiquant des fouilles, 
vers 1870, on retrouva ses restes, mais pas de cercueil. 
Ce fait semble indiquer qu'il a été dérobé, probablement 
en 1793. La dalle qui marque son tombeau a été renou- 
velée vers le commencement du siècle. Les armes du 
défunt , gravées sur la pierre tombale , représentent un 
écusson avec six barres obliques de gauche à droite. 

L'évêque d'Alet assista au Concile provincial de 
Narbonne, en 1609, preuve éclatante de son zèle pour 
la restauration de la discipline ecclésiastique. Lorsque 
Mgr de Chanterac, se crut autorisé, lui , l'Evêque si 
soumis au Saint-Siège , à remplacer dans son diocèse , 
la liturgie romaine , à l'exemple des autres prélats de 
France, il inséra dans le nouveau Bréviaire, les 
Canons du Concile de Narbonne de 1609. Et en tête de 
chaque Canon, il voulut rappeler la présence de 
Mgr Polverel à ce Concile (Aderat Polverellus Epis. 
Electen). Certes, si Mgr de Chanterac avait pensé que 
les abominations vomies par les Jansénistes contre la 
mémoire de son prédécesseur, avaient un fondement, 
il se serait bien gardé d'insérer dans l'ofTice divin , un 
nom si méprisable. Donc, le fait seul de l'insertion du 
nom de Mgr Polverel dans la liturgie d'Alet , par un 



r- 



î.) 



Kvèque regarcU'' comme un saint , suffît pour mettre à 
néant les calomnies jansénistes. 

Nouvelle preuve en laveur des vertus de Mgr Polverel. 
M. Pcllissier, secrétaire de Mgr Pavillon, et plus tard 
Archiprêtre d'Alet , rapporte dans un Mémoiro 
écrit de sa main , que Mgr Polverel vérifiait les 
comptes de l'hôpital dAlet avec un soin particulier (1 ). 

Le charitable prélat s'occupait avec tant de zèle des 
intérêts des pauvres , qu'il se rendait à Alet , par des 
chemins impraticables, de son château de Cornanel, où 
il résidait, pour présider les réunions de l'Hospice. 
Comme preuve de son dévouement, nous possédons 
une pièce authentique écrite et signée de la main du 
prélat, avec la croix en tête. Il fallait bien qu'il eut la 
sainte habitude de tracer ce signe sacré , puisque nous 
le trouvons sur une pièce si peu importante. Voici cet 
autographe : « Jay l'ait bailler à Pierre Pichou et Jean 
« Labatut Bailles de l'hospital, Tannée dernière 1618, 
tt vingt-huit sols et seize sols que le sieur Pichou doit 
« de 1614, qui t'ait en tout quarante-quatre sols, qui 
« servira pour faire la réparation de l'hospital suivant le 
« contrat qui a esté passé avec le sieur Pichou. De 



dl KoUc de ceux qui doivent à l'hcispital bien vérifié, tiré des 
comptes rendus par devant feu Monseigneur d AUel. Années 1G13 , 
1614, 1615, 1616. 1617, 1618. 



Kl 



— 146 — 

'< quoy seront quittes jusqu'au jour i)résent scavoir 

« le sieur Péchou et le sieur Labatut , pour Tannée 

« 1618. 

« Fait à Met, le 16 mai 1619. 

« POLVEKEL E. DrUpL » 



Le Méraowe de l'abbé Pellissier confirme cette pièce, 
puisqu'il porte pour l'année <( 1618, Pierre Pichou seize 
sols et Labatut douze sols. » Total vingt-huit sols , que 
Mgr Pavillon leur réclama, pour Tannée 1618. Inutile 
d'ajouter que ces actes authentiques sont la plus écla- 
tante condamnation des impostures jansénistes. 

Parlons maintenant du testament de M. Polverèl. Le 
' registre des visites de Mgr de Chanterac , dont il sera 
question dans la Vie de cet Eveque , porte que le 21 juin 
1784 , il a fait sa visite à Cornanel. Et à la page 115 , 
nous lisons : « 6" Pour pourvoir à ce que la fondation de 
quatre setiers de blé , faite par Mgr de Polverèl , un de 
nos prédécesseurs , i)Our aider à marier chaque année 
une pauvre fille de Cornanel , soit bien administrée , 
nous avons ordonné que conformément à ce testament 

que nous nous sommes fait représenter on fera choix 

de la fille la plus pauvre et la plus vertueuse » 

Dans le même volume , pages 7 1 et suivantes , nous 
trouvons que le 24 novembre 1781 , Mgr de Chanterac, 
sur la demande du (chapitre, réduisit les 107 obits 
fondés dans Téglise cathédrale, au nombre de 63. Les 
excellentes raisons données dans la requête , pour cette 



— 147 — 

réduction, sont fidèlement rapportées dans ce volume. 
Or, Mgr de Polverel était inscrit sur ce tableau pour 
treize messes chantées. 

Depuis cette époque , les événements malheureux 
qui ont surgi pour la religion, ont obligé les Evêques à 
réduire plusieurs fois , les me.sses fondées , et surtou 
après la Terreur de 1793, qui vola tous les biens des 
églises, du Clergé et ceux de toutes les fondations pies. 
C'est ce que Mgr de La Porte, évêque de ('arcassonne, 
se vit forcé d'accomplir , après le Concordat , en faveur 
de léglisc dAlet, qui n'avait recouvré qu'une bien 
faible partie de ses anciennes possessions et fondations, 
comme on peut le lire dans les Archives de la Fabrique 
de réglise de Haint-André, où se trouve le tableau des 
réductions des mes.ses fondées. Malgré ces deux siècles 
et demi qui sont passés avec toutes leurs vicissitudes et 
grands bouleversements , le nom de Mgr de Polverel 
resplendit d'un éclat particulier sur le dernier tableau 
des fondations de messes , réduit pour la quatrième fois, 
en 1876, par Mgr Leuillieux, éveque de Carcassonne, 
comme l'avaient déjà fait Mgr de La Porte , Mgr de 
Chanterac et Mgr de Pavillon , évoques d'Alet. Le nom 
de M. de Polverel y est encore inscrit plus souvent que 
tous les autres , et douze fois Tannée . il est répété avec 
respect du haut de la chaire de vérité , par le pasteur 
de la paroisse, au milieu de l'assemblée des fidèles. 

Il faut donc conclure du zèle de M. de Polverel à se 
laisser, après son trépas, de si nombreuses prières, 
qu'il était plein d'une grande foi i)ratique , marque 
certaine dune belle Ame, dune ame pieuse. En elïet , 



-- 14.S — 

quiconque n"ii pus cette foi vive , n"a nul souci de 
pareils actes : il n'en a pas même la pensée, et l'expé- 
rience nous prouve que même parmi les âmes i)ieuses, 
beaucoup néf^ligent la pratique des fondations de 
messes , après la mort. Il n'y a que les plus fervents , 
entre les fervents, qui paraissent devant Dieu, après 
avoir rempli ce dernier acte de foi . de piété et de bon 
exemple à donner aux vivants. 

Nous ajouterons encore, que si par malheur, cet 
Evêque avait mérité quelques-uns des reproches des 
Jansénistes , ce qui est contre toute supposition raison- 
nable et fondée, son testament, ce dernier acte de 
religion, annoncerait une conversion parfaite, et un 
prélat qui serait mort de la manière la plus édifiante. 
L'église d'Alet n'aurait donc pas à rougir de l'avoir eu 
pour premier pasteur : elle a pu inscrire avec honneur 
sur ses dyptiques sacrées, le nom de M. Etieime 
de Polverel , comme le vingt-huitième Evoque qui a 
occupé son antique siège. 




CHAPITRE XVII. 

NICOLAS II, PAVILLON, 20""" ÉVÉQUE d'aLET 

(1637-1 G77) 



Nicolas Pavillon, naquit à Paris, en 1597, d'une très- 
honnête lamille, originaire de Tours. Son père et sa 
mère avaient fait de leur maison une sorte de monastère, 
par le bon ordre et la régularité qu'ils avaient su y 
établir. Formé à cette pieuse école, le jeune Pavillon 
donna, dès son bas-âge, Texemple de toutes les vertus, 
et mérita de recevoir la tonsure de bonne heure. Pendant 
son cours de théologie en Sorbonne, il se plaça s(jus la 
direction de- saint Vincent-de-Paul , fondateur des 
Missions, ([ui l'appelait ordinairement son ])ras droit. 
Le saint ])rètre se servait de lui, en particulier })our les 
Conférences de Saint-Lazare, c[u"il précliait aux Ordi- 
iiands, de concert avec le fondateur du Séminaire de 



— I :>() — 

Saiiit-Sulpice, Tabbc Olier, qui cul aussi lo bonlicur 
d'avoir été formé à l'école de saint Vincent. Malheureu- 
sement pour révoque d'Alet, il n'imita ni son maitre ni 
son ami, dans leur parfaite soumission aux enseigne- 
ments infaillil)les du Saint-Sié^e. 

Le jeune Pavillon troûtait beaucoup les ouvrages de 
saint François-de-Sales, qui faisaient les délices des 
âmes pieuses. Il ne manquait jamais d'assister à ses ser- 
mons, lorsqu'il prêchait à Paris , et d'entendre sa messe. 
Mais un respect exagéré , ([ui annonçait déjà un 
esprit un peu étroit, Fempeclia toujours de se mettre en 
rapport avec lui. 

Ordonné prêtre à l'âge de 30 ans, il reçut un tel accrois- 
sement de grâces et de lumières, que ses prédications pro- 
duisirent les plus grands fruits dans la capitale. On aurait 
peine à se figurer le succès qu'il obtint dans le minis- 
tère des Retraites. Ses discours étaient recueillis avec 
empressement, et ils servaient de règle partout où l'on 
établissait ces saints exercices. 

La grande réputation de vertu et de science dont 
jouissait Fabbé Pavillon, le lit juger digne de Tépiscopat, 
par le cardinal de Richelieu. En 1637, il lui offrit 
révêché d'Alet, que M. Pavillon refusa par liumilité. 
Mais saint Vincent, son directeur, ayant appris le refus 
de M. Pavillon, lui dit avec un zèle plein de feu et le 
regard inspiré : « Je m élèverai contre vous au juge- 
» ment de Dieu, avec les âmes du diocèse d'Alet, qui 
» périront faute d'instruction , parce que vous aurez 
» refusé de leur en donner. C'est dans ces pays inconnus. 
» sur ces montagnes affreuses que le vrai zèle de la 



— 151 — 

» maison de Dieu doit vous porter , etc. » Vaincu 
par les instances de M. Vincent et de ses amis , 
il céda enlin , et lut sacré évêque dans Téglisc de 
Saint-Lazare, en lf)39 , et il partit sans retard pour 
son diocèse. Après un voyage de trois semaines, il 
arriva au villa,2:<!' de Cornanel , le premier de son 
diocèse, du cote de Limoux. En francliissant le petit 
])ont jeté sur la ('ornélia , qui î^éparait le diocèse 
d'Alet de celui d<3 Narl)onne , i\ se mit à genoux 
avec toute sa suite , pour demander à Dieu de l)énir 
son entrée dans son diocèse , et on continua de 
mîU'ch(îr, en récitant des i)saumes et des prières. 

Le nouvel évèque justifia bientôt les espérances qu'on 
avait conçues de lui, et Léclat de ses vertus le mit en si 
haute réputation, qu'au jugement de l'abbé Olier, son 
ami, il était le modèle des évoques. M. Olier, pour l'aider 
à réformer son diocèse, tombé depuis longtemps dans le 
relâchement le plus déplorable, lui envoya plusieurs 
jeunes prêtres qu'il avait formés lui-même, et qui 
étaient la gloire du Séminaire naissant de Saint-Sulpice. 
En effet, M. I^avillon avait trouvé la ville et le diocèse 
d'Alet dans un état lamentable, par suite des guerres 
rehgieuses dont nous avons parlé au Chapitre XIV. 

L'antique ot splendide cathédrcde de Notre-Dame 
avait été pillée et à moitié ruinée par les Huguenots, 
en 1577. La maison épiscopale avait été saccagée, comme 
le reste d*' la ville d'Alet, pendant que les héréti([ues y 
réu:naient en Vandales. A l'arrivée de M. Pavillon , la 
ville, beaucoup plus })etite ([ue de nos jours, n'était 
lomposéi' (jue d'un amas de masures menacées d'une 



— 15^2 — 

riiint^ i)ro(tliaine. La maison épiscopale était abandonnée 
depuis près d'un siècle, car les évoques habitaient le 
château de Cornanel. Le Chapitre, après le pillage de 
l'antique cathédrale, s'était réfugié dans l'ancien réfec- 
toire d(^s Bénédictins, approprié pour le mieux dans un 
pays aussi pauvre, et le reste tlu diocèse était à peu 
près dans le même, état de souffrance que la ville 
d'Alet. 

M. Pavillon commenç;a par se louer au milieu des 
ruines de la maison épiscopale. Il rendit sa cathédrale 
plus décente, donna de sages règlements au Clergé, et 
entreprit, comme le bon Pasteur, la visite générale de 
son diocèse. Il le divisa en six cantons, où il établit des 
Conférences ecclésiastiques pour son clergé, (;t il 
ordonna que les ([uestions traitées par les (Jonférences, 
feraient la matière des prônes, les dimanches et les fêtes 
de Tannée , d'après les plans qu'il traçait lui-même. 
Bientôt tout le diocèse fut réformé et instruit par le 
zèle de Tévêque et du clergé, qui s'adressaient d'ail- 
leurs, à un peuple ([ui a naturellement de l'esprit et 
qui, selon la remarque judicieuse des historiens de 
cette époque, naime pas à paraître ignorant. 

Pour l'instruction des jeunes clercs , M. Pavillon 
établit une école latine et un séminaire dans sa propre 
maison , désireux de former lui-même les élèves du 
sanctuaire. 

Après deux années dépreuves , il commit la faute 
irréparable de renvoyer les Missionnaires de M. Vincent, 
ainsi que les prêtres de Saint-Sulpice. Les Jésuites qui 
se distinguaient jku' la puroté de leur foi. et leur 



— 15:^ — 

^ dévouement au Saint-Siège, ne trouvèrent pas grâce 
devant sa sévérité et son Gallicanisme. Il les congédia 
comme trop relâchés dans leur morale. Enfin , les 
membres des autres grands ordres religieux , qui sont 
la gloire de T Eglise , et avec le.squels il fut en lutte 
pendant la plus grande partie de son épiscopat , eurent 
tous le môme sort. 

Bientôt son zèle outré pour les réformes, et son 
penchant naturel à la sévérité , Técartèrent des saines 
. doctrines , et il commenç'a à répandre le venin jansé- 
niste dans tout son diocèse. Hélas ! il faut convenir qu'il 
n'y réussit que trop. Les nouveaux auxiliaires qu'il 
appelait un peu de partout, partagèrent ses erreurs et 
répandirent dans le diocèse, contrairement à la doctrine 
SI suave de T Evangile , aux décisions de F Eglise et à 
renseignement unanime des Pères , un esprit de 
rigueur et de sévérité , qui ne pouvait que désespérer 
les âmes. 

En effet , sous le spécieux prétexte de revenir aux 
anciens Canons pénitentiaux, et à Tesprit de la primitive 
Eglise , on ne tenait aucun compte des temps , ni de 
Tétat des âmes. On se borna d'abord à différer la 
Communion et l'Absolution. Mais on en vint bientôt aux 
pénitences pul)liqu»is , aux refus de sacrements , aux 
excommunications , etc. . . ({ui soulevèrent contre Tévéque 
une partie du diocè.se , et qui détruisirent in.sensi- 
blement la véritable dévotion dans les âmes. Hélas ! Dieu 
seul connaît le nombre des pécheurs perdus à jamais, par 
les doctrines dé.sespérantes du Jans'Miisme. 

('ette liéré.sir. la plusirilciMiale peut-éli'i' (|iii ait ravagé 



:)4 



TEglisc clc Jc'stts-Christ, s'atta({iiaiià rexistencc,àla vie 
même de l'Eglise , en détruisant la vie surnaturelle, 
jusques dans sa source. Les Jansénistes, en effet, éloi- 
gnaient les âmes de la pratique de la Confession , par 
des pénitences excessives. Le Tribunal sacré et la Table 
sainte furent abandonnés , ou bien Ton ne s'en approchait 
que rarement et avec des terreurs désespérantes, et la 
vie chrétienne, ne trouvant plus d'aliment, lînit par 
s'éteindre. Hélas! pourquoi faut-il que les pasteurs des 
paroisses de ce diocèse , soient condamnés , après plus 
de deux siècles , à voir leurs travaux en i)artie stériles, 
toujours par suite des fausses doctrines jansénistes, 
dont le venin infecte encore une bonne partie des âmes 
confiées à leurs soins ! Car le peuple était imbu de ces 
fausses doctrines, non-seulement par l'Eveque et le 
Clergé, mais encore par les maîtres et les maîtresses 
des écoles qull avait établies pour l'éducation des enfants 
des deux sexes. Au lieu de demander à saint Vincent- 
de-Paul , comme le fit son successeur Mgr de Valbelle , 
des filles de la charité , pour l'instruction de l'enfance 
et la visite des pauvres , auxquels il consacrait et le 
revenu de son évêché et tout son patrimoine, estimé plus 
de 50,000 écus , il préféra choisir de pieuses femmes du 
pays, auxquelles il associa des demoiselles de condition, 
sous le nom de Régentes. Il les formait, d'après .ses 
doctrines, dans la Maison-Mère, à Alet ; puis il les 
envoyait dans les paroisses de la campagne pour Fécole 
et le catéchisme , et c'est ainsi que le prélat , en procurant 
aux enfants du peuple le bienfait inappréciable d'une 
éducation chrétienne , déflorait ces jeunes âmes , comme 



(It; U'iulres tltiurs , par le souftle corrompu du Jansé- 
nisme. 

Pour être juste et impartial , il faut dire à la louange 
de M. Pavillon , que lorsque la querelle du Jansénisme 
commenga à diviser le Cleri^é de France, l'Evèque 
d'Alet affecta d'éviter ces disputes dogmatiques. En 
Evêque soumis au Saint-ftiége, il publia la bulle 
d'Innocent X, qui condamnait les cinq propositions de 
Jansénius. Mais, pour son malheur, il s était lié 
d amitié avec le fameux docteur Arnaidd , avec Tabbé 
de Saint-Cyran , et les Ueligieuses de Port-Royal . où 
Ton remarquait, parmi les plus fanatiques, le?^ six 
sœurs de M. Arnauld. 

Les partisans de Jansénius réussirent, à force 
d'adresse et d'artilices , dit Tabbé de Rancé, àTentraîner 
dans leur camp , et après la mort de saint Vincent-de- 
Paul et de l'abbé Olier que les Jansénistes décrièrent 
de toute manière , à cause de la pureté de sa foi , 
M. Pavillon commença à se déclarer contre le formu- 
laire. Il devint môme le chef du parti , dont il lit jusqu'à 
sa mort la fortune, par sa grande réputation de vertu , 
exemple terrible qui montre combien , en se liant avec 
des hommes rebelles , aux enseignements infaillibles de 
l'Eglise, les esprits les mieux intentionnés peuvent 
(juc^lquelbis s'égarer. Des Lions ( 1 , autevu* janséniste , 



;l) \i<' i/r l'abhr (ll'ir . T. T. jtaj^f^ .']l)fi . j»}ir l'ablK' l-'uilioii, 
' 'tn* 'le S;iiui-Sni(»i«*e. 



e plus sincère peut-être et le plus véridique fie tous les 
écrivains de la seete , va jusqu'à dire que M. Pavillon 
regarda Arnauld , comme un homme suscité de Dieu , 
pour détendre la vérité , aveuglement déplorable , qui 
fut peut-être la juste punition de son oj)iniâtreté à 
fermer l'oreille aux décisions dogmati(pies du Saint- 
Siège. 

Sur la lin de sa vie, M. l^avillon voulut écrire au 
l^ape, avant de rendre compte à Dieu de trente-neuf ans 
d'épiscopat, qu'il avait passés dans des luttes de toute 
sorte , occasionnées par son excessive sévérité et ses 
erreurs jansénistes. 

Il écrivit donc au Pape Innocent XI , qui Tavait déjà 
consolé et fortifié par deux Brefs très-affectueux ,' une 
dernière lettre de soumission ^ pour lui témoigner son 
attachement et pour lui recommander son Eglise, 
persécutée à l'occasion de la Régale. Enfin , il le supplie 
de vouloir bien enlever la ( -ensure portée contre le 
Bituel d'Alet. Mais, tout en demandant un nouvel 
examen de ce livre , la partie de sa lettre qui traitait 
du Rituel , était une apologie, comme le fit remarquer 
le Cardinal d'Estrées, dans le Mémoire qu'il présenta 
à Innocent XI , en 168'2. 

Malgré cette dernière tache , nous aimons à espérer 
que ccitte lettre de soumission aura été la récompense 
du zèle qu'il montra pour défendre les immunités do 
son Eglise , dans Taffaire de la Régale , qui l'occupa 
plus ou moins, durant les trente-neuf années de son 
éjûscopat. Cette affaire, commencée sous Louis XIII , 
s'engagea de nouveau sous Louis XIV, en 1673, à 



— i: 



)/ 



Toccasion d'un nouvel édit, qui étendait le droit de 
Régale à toutes les églises du royaume qui en étaient 
exemptes. 

La Régale était le droit pour le Souverain de percevoir 
les revenus des Evéchés , pendant leur vacance , et de 
contérer de plein droit certains bénéfices ecclésiastiques, 
excepté les cures , tant que le nouvel Evéque n'avait 
pas fait enregistrer son serment à la Chambre des 
Comptes de Paris; et obtenu un arrêt de main-levée 
pour les fruits et les revenus que percevaient les agents 
du Roi. N'ayant pas à traiter de Torigine plus ou moins 
obscure , plus ou moins canonique du droit de Régale , 
il suflira de dire que le Concile de Lyon, tenu en 1274, 
Canon 1 2^ , autorisa la Régale dans les Eglises où elle 
était établie par le titre de fondation ou par une 
coutume , menaçant de Texcommunication ceux qui 
réta])liraient sur les Eglises exemptes. M. Pavillon savait 
que son Eglise avait toujours été exempte de ce prétendu 
droit. Aussi, comptant sur rintervention duPape qui n'a 
jamais fait défaut dans les causes justes, et appuyé sur 
le décret du Concile de Lyon , il rendit une Ordonnance 
par laquelle il défendait, sous peine d'excommunication, 
aux pourvus en Régale, de s'ingérer dans les fonctions 
des bénéfices. Sur ces entrefaites, un ecclésiastique 
étranger fut pourvu, en Régale, du Doyenné de la 
(Jatliédrale d'Alet. M. Pavillon lui lit signifier les 
Monitoires canoniques qui auraient été suivis de 
l'excommunication , si le Régaliste ne s'était pas retiré 
dès le lendemain. 



— 158 ~ 

Louis XIV lut trcs-mécontcnt de TEvôque d'Alet, 
mais , comme il l'estimait, à cause de sa réputation , il 
le laissa mourir en paix. M. Pavillon, après avoir été 
consolé par les Brefs d'Innocent XI , mourut à Alet , le 
8 décembre 1677, assisté par TEvéque de Pamiers, son 
ami . qui prononça son oraison i'uuèl)re , en pleurant , »t 
qui présida ses funérailles , au milieu d'un concours 
immense de fidèles, attirés de toutes parts, par la 
réputation de ses vertus. Pour se; conformer à son 
testament , on l'ensevelit au milieu de son troupeau , au 
pied de la croix qui est au centre du (îimetière de la 
paroisse de Saint-André. Cest là que depuis deux cents 
ans , les pieux visiteurs viennent s'agenouiller sur sa 
tombe, et prier pour le repos de son âme. A leur 
exemple , bienveillant lecteur , demandons , s'il en, est 
besoin , miséricorde et lumière éternelle pour ce prélat 
qui a voulu mourir , muni des Sacrements de TEglise , 
qu'il reçut en présence de son peuple, dans la foi de; 
TEglise romaine , et en communion avec le vicaire de 
Jésus-Christ. 

Nous lisons dans le Registre des sépultures de la 
paroisse Saint-André dAlet : 

Sépulture Nicolas do Pavillon , Evêquo d'AM. 

L'an que dessus (1677) et le 8 décembre, est décédé 
Révcrcndissime Père en Dieu, Nicolas de Pavillon, Evoque 
d'Alet. Il a confessé , reçu rExtrôme-Onction et le Saint- 
Viatique, pendant sa maladie. Il a été enterré au pied de la 

Croix du cimetière de cette paroisse. 

• « 

^l^ORY, vicaire. 



— 159 



Oiwnujes de M. Pavillon, 

L'évêquo d'Alet publia en 1667 un Rituel à l'usage 
do son diocèse, avec les Instructions et les Rubriques en 
français. Cet ouvrage est attribué par certains , à 
Arnauld, ami de ce Prélat. De Taveu de tous, Arnauld 
Ta revu et corrigé. Mais M. Pavillon n'accepta ses 
changements qu'avec une extrême défiance, tant il était 
opiniâtre à soutenir ses opinions. Leydeker, théologien 
Calviniste, assure dans son Ilistoire du Jansénisme , 
que ce livre tend à la destruction de T Eglise catholique 
et de ses sacrements. Tous ceux qui liront attentive- 
ment ce Rituel n auront pas de peine à partager cette 
appréciation. Il fut examiné à Home, et condamné en 
1668 par le Pape Clément IX. Malgré cet anathème, 
l'Evéque d'Alet, par ime inqualiiiablc rébellion, qui 
sera une tâche ineffaçable pour sa mémoire , continua 
à faire observer son Rituel ^ dans le diocèse. On a 
encore de lui, des Ordonnances et des Statuts syno- 
daux de 1640 à 1674, réunis en un volume in- 12 et 
imprimés à Paris en 1675, et une Lettre au Roi, en 
1664, ([ui lut supprim<';e par un arrêt du Parlement. 

( )n l'accuse i 1 ; d'avoir mis tout en œuvre pour 



1 I Kfllor. Dioyrujiliw luiiccrsclh', ;iu mol; l'avilloii Nicolas. 



~. 160 - 

brouiller Louis XIV avec Innocent XI . dans lintérèt 
du parti janséniste, et on est tenté de le croire, en lisant 
dans ses éfcrit5?, les ménagements qu'il garde envers le 
Roi, excusant ses intentions et accusant les autres de le 
tromper. 

Si cette imputation était vraie, une pareille conduite 
serait une nouvelle tâche pour sa mémoire. Dans tous 
les cas, il l'aurait elTacéc à la lin de sa vie, en se 
brouillant avec le Roi, par son courage héroïque à 
défendre les droits de son Eglise, dans rafïaire de la 
Régale, et surtout par sa soumission aux décisions du 
Saint-Siège, et par le testament qu'il fit, deux mois 
avant sa mort, et dans lequel il proteste à la face du 
Ciel et de la terre, de sa ferme volonté de mourir dans 
la foi de l'Eglise Romaine. 

Sa Vie a été publiée en 1728, par Antoine de la Chas- 
saigne, de Châteaudun, docteur de Sorbonne, et par 
Letévre de Saint-Marc. Feller, observe avec raison, que 
c'est plutôt vm panégyrique, qu'une Vie écrite avec 
impartialité. Pour nous, qui n'avons d'autre souci que 
de faire triompher la vérité, nous nous sommes contenté 
de rapporter les faits, laissant au lecteur le soin de 
porter dans sa conscience, son dernier jugement sur 
M, Pavillon. 

Armoiries de M. Piivillon. 

Monseigneur l'évêque d'Alet, Illustrissime etRévéren- 
dissime Messire Nicolas de Pavillon, évesqueet seigneur 
d'AletetdeSaint-Paul-de-Fenouillèdes, de Cornanel, de 



— IGl ~ 

Loupian, de Fa, de Maiiry, de Veiideiniès, Saint-Salvaiie, 
la Valette et Véraza, conseiller du Roi en ses conseils, fils 
de noble Estienne de Pavillon, conseiller du Roi en ses 
conseils, Trésorier de France, et de dame Catherine de 
la Histrade, porte d'azur, au chevron d'argent, accom- 
pagné de deux estoiles d'or, surmonté d'un croissant 
d'argent vers le chef, et d'un soleil rayonnant d'or vers 
la pointe qui est de Pavillon. 

L c'cu des armes de ce prélat est surmonté sur le côté 
d'extre, d'une mitre de drap d'or en l)roderie, enrichie 
de plusieurs pierres précieuses, accompagnées de perles 
aux extrémités et au milieu : sur la sénestre, d'une 
crosse aussi d argent de vermeil doré. Le tout sur- 
monté et environné d'un chapeau de sinople, desquels 
les cordons sont aussi passés en plusieurs lacs, au bout 
desquels pendent six oupes de chaque côté, 1,2 et 3, 
comme les doivent porter les évesques. (Copié dans 
V Armoriai du Lcingaedoc, publié lan 1655, à Lyon). 

Pour les affaires temporelles de l'évùché d'Alet , 
Mgr Pavillon avait environné ses armoiries de l'inscrip- 
tion « Stgllluin Carwt teiapornus. » 11 avait chargé 
de ces .sortes d'alîaires, un Viguier, qui était juge de la 
seigneurie temporelh^ de l'évêclié, alin de se réserver 
plus de temps pour les affaires spirituelles de non 
diocè.se. Quoique cet intendant eut sa coniiance, il s(î 
faisait présenter un état de ses revenus, à la fin de 
chaque année, ahn de fixer lui-même ce qu il voulait 
dépenser pour l'entretien de sa maison, pour l'hospice 
d'Ak^t, pour les réparations des églises et pour les 
auHiôiw'^ ;ti.,»?i.'1,nit<"< «tn'î] ili^ii il^uail aux pauvres, car 

n 



la cliarité pour toutes les infortunes était une défi 
principales vertus de ce Prélat. 



Poiinilt de M. Pavillon. 

Il existe plusieurs portraits de ce Prélat, les uns sur 
toile et les autres sur gravure. Tous reproduisent les 
linéaments de son visage, et surtout sa sévérité. Sa 
figure exténuée par le travail et les mortifications n'a 
pas la douceur des saints, qui ont été cependant des 
modèles de pénitence, et dont les traits amaigris, loin 
de rebuter, portaient à l'imitation de leurs vertus, par 
le rayon de suavité qu'illuminait leur visage, et qui les 
couronnait d'une clarté céleste. Le visage de M. Pavillon, 
qui est au contraire dur et austère, inspirait le respect 
plutôt que l'amour et la confiance. Sa figure était ovale, 
son nez prononcé et ses cheveux courts, d'après les 
saints Canons. Dans le tableau qui est la propriété de 
M. Albert Niveduab, on a représenté Mgr Pavillon assis 
devant une table surmontée d'un crucifix. Le Prélat est 
revêtu d'un rocliet tout uni, avec une broderie très- 
étroite dans le bas. Sa main aux doigts longs et déliés, 
traçait une belle écriture, d'après les signatures que 
nous possédons. Son camail noir, avec passementeries 
et doublures rouges, ressemble à celui que portent 
aujourd'hui les chanoines. Sa croix pectorale, identique 
sur tous les portraits, est en argent et très-modeste. 
D'un côté on a gravé, au trait, les figures suivantes : 
1" au centre, le chiffre I H S, surmonté de la croix 



— 163 — 

arcliiépiscopale, ce qui fait supposer qu'il l'avait reçue 
comme souvenir, (Vun archevêque. 2" A Textrémité de 
chaque bras, une larme. 3" Au pied de la croix, on voit 
un arbre et trois clous. De l'autre côté, on a ^ravé : 
1" Au centre, un cœur surmonté de la croix archiépis- 
copale. 2" A droite et à gauclic du cœur, les lettres 
M et A qui représentent les deux premières lettres du 
nom de Marie. 3" Trois larmes, et au bas, un arbre sur 
un monticule. L'intérieur est divisé en six comparti- 
ments où se trouvent les reliques. Un anneau, placé au 
sonnnet, complète cette croix pectorale, propriété de la 
famille Larade, qui Ta reçue des anciennes Régentes 
d'Alet. 



(^^ 



0.. 



CHAPITRE XVIII 

ALPHONSE DE VALBELLE , — VICTOR MÉLIAN . — NICOLAS 

tAIFOrREAU. — JACQUES MaBOT'L, — FRANÇOIS DE ROCAID. 

ÉVÈQT'ES d'aLET. 

I 

Alphonse de Valbelle , 30" ^ évêque d'Alet. 

( 1 677-1 68 i). 

Quelques jours après le décès de M. Pavillon, l'abbé 
Alphonse de Valbelle, originaire de Marseille, tut 
nommé à Tévêché d'Alet. Il était fils d'Antoine de 
Valbelle. chevalier et marquis de Mont-Furon, et de 
Françoise de Féline, dame de Beaulieu et de Valfère. Il 
avait été agent général du clergé, conseiller et aumônier 
du Roi, docteur de Sorbonne, plusieurs fois député du 
deuxième ordre aux assemblées du Clergé de France, 
lorsqu'il fut nonmié par Louis XIV à Tévéché dAlet, le 
'25 décembre 1677. Il lut sacré dans l'église des Minimes 
de la Place Royale, par le cardinal de Bonzy, arche- 
vêque xl<3 Narbonne. Le nouveau prélat prit possession 
du siège d'Alet. en Juin 1678, et aussitôt il commença 



— 165 — 

la visite générale de tout le diocèse. Après avoir inspecté 
toutes les paroisses, il retourna à la Cour, et déclara au 
Koi qu'il n'avait jamais rien vu de plus édifiant, que 
l'état de décence parfaite dans lequel il avait trouvé 
l(\s plus petites et les plus pauvres églises du diocèse. 

M. de Valbeîle l'ut un évéque selon le cœur de Dieu, 
et le modèle des Pontifes. 11 s'appliqua de toutes ses 
forces, à la l)onn(i éducation des jeunes élèves, qu'il 
connaissait tous en particulier. Les pauvres surtout 
furent toujours l'objet de son zèle, de sa vigilance et de 
sa sollicitude. Il distribua ])our ces })<)nnes ceuvres, des 
sonunés considérables pendant sa vie , et il légua, pour 
les perpétuer, tous les biens dont il pouvait disposer, 
après sa mort. 

Pour introduire dans son clergé, le véritable esprit 
sacerdotal, et pour réparer le mal causé par la sévérité 
et les erreurs d(^' M. Pavillon, il c-ommença par re>mer- 
cier les ecclésiastiques que son prédécesseur avait 
attirés à Alet, un peu de partout, et il leur substitua les 
Pères Lazaristes, qu'il mit en possession du Séminaire. 
A peine établis dans cette maison, les entants de saint 
Vincent-de-Paul, retirèrent des mains des jeimes clercs, 
le Ililurl d'Alet, solennellement condamné à Rome, et 
ils leur enseignèrent la saine doctrine, d'après les 
Théologiens et les Canonisies les j)ius orthodoxes. 
Toujours avec l'approbation du nouvel évêque, ils don- 
nèrent aussi plusieurs Missions dans plusieurs paroisses 
(lu diocèse, pour enseigner aux curés, les véritables 
règles de l'Eglise, concernant la réce})ti())i des sacre- 
ments de Pénitence et d'Eucharistie , et les autres 



1G() 



points de morale et de discipline, si étrangement pratiqués 
dans le diocèse. 

Nous possédons une Ordonnance de M. de Valbelle, 
âe l'année 1681, qui nous donne une idée de son zèle 
pour son Grand Séminaire. Déjà il avait représenté à 
Louis XIV, que le Séminaire établi par M. Pavillon, et 
approuvé par lettres patentes de 1670, enrei^istrées au 
Parlement de Toulouse en 1671, était autorisé, en vertu 
de ces lettres patentes, à recevoir par union des béné- 
fices, la somme de 3,000 livres. Ausfii alin de rendre 
stable la belle œuvre de Féducation des clercs, ill'avait 
confiée aux Lazaristes, par un Concordat passé avec le 
Supérieur Général, le 16 mai 1678, leur donnant 1500 
livres pour leur entretien, et les autres 1500 pour les 
ecclésiastiques pauvres. Pour assurer l'exécutiou de ce 
Concordat, il unit à perpétuité la cure de Roquefeuil 
avec son annexe d'Espezel, au Grand Séminaire, à la 
charge d'y entretenir, sur les 1,800 livres de revenu, un 
vicaire perpétuel, le tout avec l'approbation des parois- 
siens. Le Séminaire élait encore ol)ligé de nourrir 
gratuitement tous les ans, un abljé pauvre de Roquefeuil 
ou d'Espézel. M. de Valbelle fît approuver ce Concordat 
avec ses diverses clauses, en 1680, tout en réservant les 
droits du chapitre de Saint-I^aul-de-Fenouillet, qui 
retirait le quart de la dime de la cure de Roquefeuil, 
comme ayant succédé aux droits d'un archiprêtre de 
Narbonue. 

Voici cette Ordonnance qui couronne irrévocablement, 
tous les actes précédents : 



— 107 — 

« Louis Alphonse, par La gTâcodo Dieu et du 8aint-8iége 
«• «apostolique, évêque d'Alet, à Notre bien-aimc en Notre 
a Seigneur, M. Yves Lorance, Supérieur des Prêtres de la 
c< Mission établis en cette ville, et directeur de Notre 
« Séminaire du diocèse d'Alet, salut et bénédiction. 

« Ayant ci-devant uni à Notre dit Séminaire, par décret 
« du 17 octobre 1G78, la Rectorie de l^ocfuefeuil, lorsqu'elle 
« viendrait à vaquer par mort, cession, ou résignation 
« d'icelle, Nous estant apparu (qu'elle vacfue à présent, par la 
« volontaire cession que INI. Joseph de Bonadona, possesseur 
« d'icelle, a fait en Notre faveur, par devant le Sieur Jean- 
« Louis Lanabière, notaire royal du diocèse d'Alet, le 3 du 
« courant, Nous Vous donnons de nouveau pouvoir en tant 
« que de besoin, de vous mettre au nom du dit Séminaire, 
« en la réelle et actuelle possession de la dite Rectorie de 
« Saint-Jean-Baptiste de l^oquefeuil, et de son annexe 
« Saint-Julien d'Espczel, et de tous leurs droits, fruits, 
« profits, revenus et émoluments y dépendants, en quoiqu'ils 
c( puissent consister. Mandons au premier prêtre de Notre 
c( diocèse ou notaire royal requis, de vous mettre et installer 
« en la dite possession. 

<( Donné à Alet, dans Notre palais épiscopal, le 5 du mois 
« (le juillet 1081. - . 

ce f ALPHONSE, Evêque d'Alet. 

« Par Monseigneur : 
« Lanabikui:, secrétaire. » 



A côté delà signature de l'Eveque, on voit ses armes, 
parfaitUTient reproduites, sur de la cire rouge. 



— 168 — 

Deux ans plus tard, il donna quittance aux Lazaristes 
du bon emploi des 1 jOOO livres qui avaient été léguées 
au Grand Séminaire , en faveur des ecclésiastiques 
pauvres, par le dernier testament de M. Pavillon, fait à 
Alet, le 9 octobre 1670. Voici la clause de ce testament; 

a Je donne et lè^'uc la soniino d(3 1,000 livres, pour une 
« fois païer , au Séminaire que j'ai établi on cette ville 
« d'Alet, pour aider à y continuer lo service , S])écialement 
« la première année après mon décès, désirant que cette 
« somme serve principalement h l'entretien des pauvres 
a séminaristes (jui s'y trouveront lors de mon décès, ou y 
a seront reçus ensuite, pour servir les Eglises de mon 
« diocèse. » 

Signé : NICOLAS, Evosque d'Afot. 

Les Jansénistes qui ont écrit quelques pages sur le 
comptedoM.deValbelle,àlasuitedela Fie de M. Pavillon, 
ont eu l'impudente audace de déverser le blâme et le ridi- 
cule sur la vie de ce saint évoque, toujours pour relever 
M. Pavillon, dont ils ont faussé le caractère, par leurs exa- 
gérations et leurs mensonges. Ils ne lui pardonnèrent 
pas surtout d'avoir a])pclé les Lazaristes au Grand 
Séminaire d'Alot, pour renverser tout ce qu'avait fait 
son prédécesseur. Mais « l'iniquité, comme dit la Sainte- 
Ecriture, s'est mentie à elle-même » en se contredisant 
presque à la même page. 

En effet, dans Timpression qui se fit d'une manière 
occulte de la Vie de M. Pavillon , Tannée 1739, ei] 



— 1G9 — 

Hollande, par une compagnie de Jansénistes, qui l'in- 
troduisirent frauduleusement en France, on ajouta une 
note au bas de la page consacrée à la mémoire de M. de 
Valbelle , mort à 8aint-0mer , où il avait été transféré 
en 1()(S3 ou 1684, cinq ou six ans après sa nomination 
à TEvêché d'Alet. Dans cette note, on fut obligé de 
rendre justice à ce grand Evoque, sur le témoignage de 
ses meilleurs élèves, et aussi d'après le témoignage, sans 
réplique, des auteurs de la Gai/ia Chrlstùina^ Tome IIP. 
Peu avant d'être transféré à Saint-Omer, en 1683, 
Mgr de Valbelle fut pris pour arbitre, i)ar les hai)itants 
du Donaizan et du ( 'apsir, pour fixer les limites de ces 
deux pays, les plus reculés du diocèse d'Alet, sur la 
frontière (F Espagne. Malgré léloignement de ce pays 
de la ville éi)iscopale , les registres de la paroisse de 
Saint-Félix , attestent que les Evoques y faisaient très- 
régulièrement leur visite, tous les trois ans. 



Armes de Monseigneur de Valbelle. 

Elles représentent un .sceau ordinaire d 'Evoque. Les 
glands qui descendent du cliapeau, sur les côtés , 
encadrent Técusson de tVimille, repré.sentanc un chien 
lévrier. On voit le côté gauche de la moitié de Tanimal 
qui semble courir à toute vitesse. Cet écusson est sur- 
monté d\me couronnè^ de duo, placée sous la crosse et 
la mitn\ 



•0 



]I 



Victor Mélian, 31'" évêque d'Alet 

(KiSi-lTOO) 

Victor- Augustin Mclian , natif de Paris , abbé de 
Balsac , évêque de Gap et aumônier de la feue Reine- 
Mère, fut transféré à Tévêché d'Alet. en juin 1684. Il ne 
put obtenir ses bulles du Pape Innocent XII, qu'en 
Tannée 1692 , à cause des ditïîcultés de la cour de 
France avec la cour Romaine. Il prit possession de son 
siège en personne, au mois de novembre 1694. 

Les chroniques d'Alet nous apprennent que le nou- 
veau prélat, était par ses vertus épiscopales , un digne 
successeur des Apôtres. 

Marchant sur les traces de son illustre et saint pré- 
décesseur, Mgr de Valbelle , il s'occupa tout spéciale- 
ment de son Grand- Séminaire. 

Nous avons vu au Chapitre précédent que M. de 
Valbelle avait uni à perpétuité la cure de Roquefeuil au 
Grand Séminaire d'Alet, par la cession volontaire de son 
titulaire, en 1681. Mais Tancien curé avait cherché par 
divers moyens, sans doute pendant la vacance du siège, 
à revenir sur cette résignation. Mgr Mélian, avec une 
vigueur vraiment digne d'un saint évoque, rendit à ce 
sujet , l'Ordonnance qui suit , et dont nous possédons 
l'original : 

« Victor Mélian , par la grâce de Dieu et du Saint-Siège 
« Apostolique, évoque d'Alet à M. Lambert, directeur 



71 



a de notre Séminaire... Ayant cydcvant esté uni ù notre dit 
a Séminaire par décret du 17 octobre 1G78, la rcctorie de 
« Ixoquefeuille lorsquelle viendrait à vaquer... Nous estant 
ft apparu qu'elle vacjue depuis, par la volontaire cession 
tt que M. de l]onadina, possesseur d'icelle, en fit en notre 
« faveur , par devant le sieur Jean-Louis Lanabicres ^ 

« notaire dès le 3 juillet 1681. Et ayant appris que 

« nonobstant cela, ledit sieur de Bonadona aurait depuis 
« peu entrepris d'en disposer par des résignations, en 
« faveur de particuliers, en cour de Rome, au préjudice 

« (ludit décret d'union. Nous vous Mandons de vous 

M mettre en possession de ladite Rectorie 

(c Donné à Alet ce 19 janvier 1699. 

« Signé : ViGTOii MÉJA AN ^ évesque d' Alet. 

Nous possédons encore un autre autographe de cet 
évêque, pour assurer l'exécution d'un testament , en 
faveur de l'établissement d'une Régente, à Puylaurens. 

Cette pièce est sur papier timbré, signée de l'Evêque, 
en cours de visite pastorale, à Puylaurens, et munie de 
son sceau ; elle dénote h la fois et le zèle et la fermeté 
de ce digne prélat. 

Mgr Mélian s'occupa aussi du bien-être matériel de 
son troupeau. En sa qualité de seigneur et de comte 
d'Ak^t, il voulut (lonniT à cette antique cité, une entrée 
plus convenable, du côté du Pont-Neuf, construit par 
M. Pavillon, on 1602, sur la rivière d'Aude, et un peu 
plus ])as que l'ancien, dont on voit encore les piles. Le 
Pont-Neuf aboutissait à une porte-forte, crénelée et 
flanquée de deux tourelles aux extrémités Nord et Midi. 



— 172 — 

De cotte pointe, partait une rue étroite, qui conduisait à 
la place principale, située au milieu de la ville. Le 
Compois d'Alet de 1769 (pages 92, 132) donne à cette 
rue, le nom de rue du Pont. Sous l'administration de 
M. Mélian, de 1094 à 1700, on ouvrit le lom? du rem- 
part une rue qui porta son nom, et qui conduisait plus 
directement à l'évéché. C'est le commencement de la 
grand'routt', en partant du Pont, ha ConipoU da 1769 
nomme cette rue en plusieurs (endroits (paûres 13, 74, 
131, 132), rue Mélian. Ainsi à la page 13, nous lisons qu« 
révêque possédait: «Un patu à la rue Mélian, contenant 
« 77 cannes, confrontant: d'Auta, ladite rue; (Jers et Midi, 
« l'évéché ; Aquilon , Marguerite Armand ; payant de 
« taille, un sol huit deniers cinq huitièmes de denier. » 
La rue Mélian se terminait à la rue de TEvèché , où 
elle venait aboutir en face de la maison du doyen du 
Chapitre. Il en fut ainsi, jusqu'en 1769 , puisque le 
Compois (page 401) porte « que le Chapitre possédait 
« 77 cannes, maison et tinal, et une quartière un coup, 
« jardin où est le doyennat , confrontant d'Auta, 
« M. Larade et eux-mêmes ; Cers, l'Eglise cathédrale 
cf (de Saint-Benoit); Midi, la vieille église (ancienne 
« cathédrale, ruinée en 1577,})ar les Huguenots); Aquilon, 
« la rue de l'Evêché et eux-mêmes. » Donc , à cett(i 
époque, la rue Mélian n'aboutissait qu'à la rue de 
l'Eveché, puisque le Chapitre possédait le terrain et les 
maisons qui sont aujourd'luii partagés par la grand- 
route , construite plus tard , par Mgr de Chanterac. 

La mauvaise santé de Mgr Mélian l'obligea, vers Tannée 
1700, à se démettre volontairement de révêchô d'Alet, 



— 173 — 

pour se retirera Paris, dans la maison de Saint-Lazare, 
où il mourut, le 23 septembre 1713. Il emporta dans 
sa retraite, les regrets, Testime et rafîeotion de tout 
son peuple, pour lequel il avait été le meilleur des pères 
et le j)lus zélé des pasteurs. 

Armoiries. — Ecusson rond, partagé par quatre 
l)andes en neuf divisions, avce une couronne de comte, 
et les marques de la dignité épiscopale, le tout environné 
d'une banderoUo ovale , avec Tinscription « Victor 
Méliiin, épiscop, olcctoniis. » 

IIÎ 

Charles-Nicolas Taffoureau . 32 "• évèque d'Alet 

(Î7()0-170«| 

(Charles-Nicolas Taiïoureau de Fontaines, né à Sens, 
docteur de la Maison et Société de Sorbonne, doyen de 
la catliédrale de Sens, officiai et vicaire-général de ce 
diocèse, lut nommé par le Roi, à lévéclié d'Alet, le 
!*"■ novembre 1700, et sacré évêque, le '29 mars 1701, 
dans la cathédrale de Sens, par le métropolitain. Après 
avoir pris possession de son siège et visité son troupeau, 
il se rendit aux Etats-généraux de la province, à 
Montpellier. Le grand crédit dont il jouissait dans cette 
assemblée, Kî fit choisir, le 25 août 1702, pour porter la 
parole au Itoi, au nom des Etiits du Languedoc. Ses 
hist()ri«'ns racontent quil prononça Toraison funèbre de 
Ml»"!* Méliaii. son prédécesseur, dans Véglisc Saint- 



— \1{ — 

Martin de Limoux. Pendant son séjour dans cette ville, 
on découvrit qu'il portait sur lui des cilices et des 
disciplines, pour mortilîer son corps. Il menait la vie 
d'un saint, consacrant un temps considérable à la prière, 
dans le calme et la solitude. 

Malgré son amour pour la retraite, il s'occupait de 
l'administration de son diocèse et en particulier de la 
ville d'Alet, veillant comme un bon pasteur, sur les 
besoins spirituels et temporels de son cher troupeau. 
Son mérite l'avait rendu très-puissant aux Etats de la 
Province, et il ne se servait de sa haute influence que 
pour le bien. 

Lorsqu'il fut surpris, par une mort prématurée, après 
un épiscopat , hélas ! trop court , il s'occupait de la 
construction d'un Petit Séminaire à Alet. Il appelait 
des maîtres pieux et instruits pour leur confier la 
direction de cette (cuvre si importante, et il voulait les 
loger au Doyennat. (1) 

Mgr Taffourcau mourut à Alet, le 8 octobre 1708, 
et le lendemain il fut enseveli au cimetière de Saint- 



(1) Sous l'épiscopat de Mi^r Pavillon, il y avait 12 chanoines ail 
Chapitre d'Alcl, et lors de sa suppression, en 1793, on n'en comptait 
plus que 10; on avait éteint deux titres, pour payer les maîtres 
d'école, avec leurs revenus. Peut-être Mgr TafTourcau eut-il la gloire 
de cette sage mesure ? Dans tous les cas, ses successeurs (pii l'exé- 
cutèrent, remplirent ses sages intentions, et dans la liste des chanoines 
que nous avons pu nous procurer, pour l'année 177.'), on non trouve 
plus que dix. 



— 175 — 

André, aux pieds de M^r Pavillon. Une modeste pierre, 
sans aucune inscription, marque la tombe de ce prélat, 
mort en odeur de sainteté. 

Aussi, dès qu'il eut rendu à Dieu sa belle âme, on vit 
les ecclésiastiques et tous les fidèles honorer ses restes, 
comme des reliques. Chacun voulut avoir quelque 
objet qui eut appartenu au serviteur de Dieu, 
et, avec un sentiment de vénération profonde, on se 
disputait les lambeaux de ses vêtements. Le généreux 
prélat avait donné une partie de ses biens aux pau- 
vres, comme il est marqué dans la pièce suivante : 

« Du 7 août 1717, dans la ville d'Alct, par devant Mgr 
Maboul, évè(iuc, ont été assemblés : Ilyacinthe-Honoré 
Pcyré, licencié es-droits, viguier d'Alct... Joscph-Digeon, 
procureur juridictionnel, et Jean-Pierre Larade, syndic du 
diocèse d'Alct : iuix(|ucls le Baille de l'Hôpital a représente 
(|uc mcssirc G. N. Taffourcau, évoque d'Alct, par son denic- 
lestamcnt, du "29 novembre 17Ui, ses dettes payées, aurait 
laissé tous ses biens, à la réserve de son patrimoine, aux 
pauvres du diocèse dudit Alet.... pour fiu'il en soit employé, 
une partie à établir quelque rente en blé, pour marier de 

pauvres filles L'assemblée donne pouvoir au dit Baille 

de faire rentrer ces biens, en faveur des pauvres du 
diocèse. 

« h JACQUES. Ev. d'AM. « 
Suivent les signatures des membres sus-nommés. 



— 176 -^ 
Portrait de Monseigneur Tnffoureau. 

Nous n'avons pas pu nous procurer les armes de 
Mgr TaffoureaUj mais en retour, nous possédons son 
portrait, qui appartient à M. Noël Larade. C est une 
gravure, presque ovale, de (),'24 centimètres sur 0,20, 
qui représente le buste du vénéré prélat, âgé de 50 ans 
environ. 11 porte le camail avec capuchon assez prononcé, 
un large rabat, et la croix pectorale. Sa tête remanjua- 
blement belle, est ornée d'une épaisse chevelure, courte 
et modeste, selon les saints Canons. Son visage est 
ovale, son front large, ses traits réguliers, ses yeux 
brillent d'un vif éclat au milieu de cette douce et noble 
physionomie, qui respire une bonté ineffable. Aussi 
lorsqu'on contemple ce visage qui vous sourit- avec tant 
de grâce, on croit voir un rayon de la suave douceur du 
Divin Maître. 

IV 
Jacques Maboul, 33"" évêque d'AIet 

(1 708-1 7:>3). 

Jacques Maboul, fils de Louis Maboul, secrétaire du 
Roi, naquit à Paris d'une famille distinguée dans la 
magistrature. Il fut longtemps grand-vicaire de Poitiers 
et devint évéque d'Alet, le P''' novembre 1708. Cependant 
il ne fut sacré à Agde, que le 13 juillet 1710. 

11 excella dans le q-enre des oraisons funèbres. Celles 



~ 177 — 

qu'il prononça eurent un succès éclatant, qu'elles con- 
servèrent après l'impression. L'orateur, par un sen- 
timent d^umilité, no jugea pas à propos de les réunir 
pendant sa vie. Mais ses amis et les *^ens de Lettres 
se lirent un devoir de transmettre à la postérité les dis- 
cours de cet homme éminent , ([ui lit l'honneur de 
TEpiscopat. 

Né avec les plus heureux talents, il les perfectionna 
par l'étude et les consacra à l'Eglise, à laquelle il se 
dévoua sans réserve toute sa vie. 
|k Qu'il nous sutïise de dire, en un mot, qu'il tut remarqué, 
dans un siècle si iécond en grands hommes. 

Le nouvel évoque ne regarda pas sa dignité comme 
le terme de ses travaux. Il la soutint par des instruc- 
tions assidues , qu'il appuya sur de grands exemples. 
Son zèle ne se renferma pas dans les limites de son 
diocèse, il prêta son ministère aux Etats du Languedoc, 
dans le but de ranimer le zèle de cette illustre assemblée 
pour le bien de la religion. 

Les affaires de la Province et de la France , le rame- 
naient quelquefois à Paris, où ses nouveaux discours 
étaient accueillis avec les mômes applaudissements que 
parle passé., La Cour môme le choisit pour interprète 
de sa douleur à la mort du duc et de la duchesse de 
Bourgogne, et l'orateur justifia pleinement un choix 
si honorable. 

Si dans les occasions d'éclat il donna des preuves de 
la beauté de son génie et de TexceUence de ses talents, 
il sut dans le cours de sa vie, édiiier son troupeau par 
Vinnocence de ses mo3urs, le consoler par ses charités, 

1*2 



— 178 — 

et laisser après sa mort une mémoire précieuse devant 
Dieu et devant les hommes. Car par son testament, il 
institua pour ses héritiers, les pauvres du diocèse d'Alet, 
leur léguant tout son avoir , estimé 10,000 livres. 
L'exécuteur testamentaire remit cette somme à Mgr de 
Bocaud, son successeur, qui après en avoir soldé fidèle- 
ment les intérêts aux pauvres pendant sa vie, selon les 
clauses du testament de M. Maboul, légua à son tour, ce 
capital, à Mgr deChantérac, qui le donna définitivement 
à l'hôpital d'Alet. 

La mort de Mgr Maboul arriva dans sa ville épis- 
copale le 21 mai 1723 , comme il est constaté par le 
procès-verbal de sa sépulture, extrait du registre mor- 
tuaire, numéro 5 (1711 à 1729), de la paroisse Saint- 
André d'Alet. 

« L'an 1723 et le 21 mai est décédé Mgr l'Illustrissime et 

« Révérendissime messire Jacques Maboul , évêque et 

« comte d'Alet , après avoir donné, durant le cours d'une 

« longue maladie , des marques d'une très-grande piété 

« et d'une parfaite soumission et reçu les Sacrements de 

a Pénitence, vSaint-Viatique et Extrême-Onction avec beau- 

a coup d'édification. Son corps a été inhumé dans le choeur 

a de l'Eglise cathédrale (de Saint-Benoît) , Mgr l'Evêque de 

« Carcassonne (Louis-Joseph de Châteauneuf de Roche- 

« bonne), officiant. 

« Signé : FROMILHAGUE, 
« Cure, Archiprêtre d'Alet. » 



— 179 — 

Nous possédons de Mgr Maboul , deux Mémoires 
relatifs à la bulle Unigenitus^ et sept oraisons funèbres, 
imprimées en 174S , en un vol. in-12 , à Paris , avec 
approbation et privilège du Roi. 

Le Dictionnaire des Grands- Hommes^ publié à Ams- 
terdam, en 1759, apprécie, comme il suit, ses oraisons 
funèbres : 

« Oh y trouve partout cette douceur de style , cette 
« noblesse de sentiments, cette élévation, cette onction , 
« cette simplicité touchante qui font le caractère d'une 
« belle âme et d'un vrai bel esprit. Mgr Maboul n'a 
« pas en général la mâle vigueur de Bossuet, mais il 
« est plus châtié et plus poli. Moins étudié que Fléchier, 
« il en est plus touchant et plus affectueux. S'il fait 
« des antithèses, elles sont de choses et non de mots. Plus 
« égal que Mascaron, il a le goût, les grâces, la facilité 
« et le ton intéressant du Père La Rue. » 

Voici maintenant la liste de ses oraisons funèbres : 

I. — Il n'était pas encore Evoque , lorsqu'il pro- 
nonça l'éloge funèbre de messire Michel Le Tellier , 
chevalier , chancelier de France , commandeur des 
ordres du Roi, à Paris, dans l'Eglise des Grands-Augus- 
tins, le 2 mars 1686. Ce fut le coup d'essai de l'orateur. 
Il sut retracer les agitations d'une Cour tumultueuse 
et divisée, avec une dextérité et de sages précautions 
qui ravirent tout le monde. 

II. — Le 18 juillet 1708 , étant grand-vicaire de 
Poitiers , il prononf;a Toraison funèbre de dame 



~ 180 — 

Marie-Françoise de LesaydeLu.signan, première prieure 
perpétuelle des religieuses de Notre-l)anio-de-8aint- 
Sauveur,de Puyberlaiid, en Poitou, et il le lit avee tant 
d'onction, de douceur, de style et do noblesse de sen- 
timent, que cette pièce est regardée, avec justice, comme 
un chef-d'œuvre. Quelques mois après, il était nommé 
évêque d'Alet. 

III. — Il prononi;a Toraison funèbre de la princesse 
Louise Hollandine Palatine de Bavière, abbesse de 
Maubusson. 

IV. — Le 18 avril 1712, Tévèque d'Alet monte dans 
la chaire de Tabbaye Royale de Saint-Denys pour dire 
l'éloge funèbre de Monseigneur le Dauphin et de 
Madame la Dauphine Marie Adélaïde de Savoie, son 
épouse. 

L'orateur déplore au nom de la France, la mort 
d'un prince et d'une, princesse qui faisaient les espé- 
rances de la Nation. Le choix des expressions répond à 
la tristesse et à la grandeur du sujet. L'exorde seul 
réunit toutes les images lugubres qu'on peut présenter 
et tous les sentiments attendrissants qu'on peut 
inspirer. Le début saisit le cœur ; l'apostrophe si noble 
et si majestueuse qui suit, le con.sole par les vues de la 
Religion. 

V. — La môme année 1712, il fait l'oraison funèbre 
de Monseigneur Louis Dauphin, dans l'église de Notre- 
Dame, au Service que les Etats de Languedoc, assem- 
blés à Montpellier , célébrèrent pour ce prince. 
Monseigneur l'archevôqut». de Narbonne ofiiciait. 

VI. — La Cour lui confia l'oraison funèbre de 



— 181 — 

Louis XIV, éloge qu'il prononça le 28 novembre 1715, 
à Paris, dans Téglise de Notre-Dame, en présence de 
Monseigneur le duc d'Orléans , Régent du Royaume, 
de Monseigneur le duc de Bourbon, et du comte de 
Charolais. Parmi les beaux traits et les grandes actions 
qui consacrent la mémoire de Louis XIV , on remarqua 
surtout la manière dont Mgr Maboul traite sa générosité 
envers le Roi d'Angleterre , obligé de quitter son trône 
pour ne pas sacrilier sa Religion et sa fidélité à FEglise 
romaine. 

VII. — Kiilin l'infatigable évoque monte une dernière 
fois dans la cliaire sacrée pour couronner sa longue 
carrière oratoire, par l'oraison funèbre de M. Charles 
Le Goux de la Berclière, archevêque et primat de 
Narbonne , présidewt-né des Etats-Généraux de la 
province de Languedoc , qu'il prononce devant son 
successeur, dans la métropole de Narbonne, dépositaire 
des précieuses dé})ouilles de l'illustre défunt. L'orateur 
parlant de la vocation du jeune de la Berchère, met en 
scène devant son auditoire, M. Le Camus, évêque de 
Grenoble, et M. Tronson, supérieur du Séminaire de 
Saint-Sulpice à Paris, choisis de Dieu pour lui mani- 
festerpar eux, comme par un autre Ananie, ses éternelles 
volontés. Il représente tour à tour, comme im modèle 
parfait, rabl)é de la Berclière, à la Cour, où il occupe 
une charire importante, sur le siège de Lavaur, sur 
celui plus élevé d\\ll)i , et enlin sur le siège de 
Narbonne, où il réforme le clergé <'t le diocèse. Il 
termine sa vie j)récieuse devant Dieu et devant les 
hommes , en jetant les fondements qui doivent terminer 



— 182 — 

l'église de St-Just, temple digne de la magnificence de 
Salomon, dernier rayon que Torateur ajoute à la cou- 
ronne de l'illustre défunt et qui doit perpétuer la 
mémoire de ses vertus jusque dans les siècles les plus 
reculés. 



Armoiries do. Mgr Maboul. 

D'azur à un chevron d'or, à trois besans de même , 
deux et un croissant en pointe d'or. Pour ornements 
extérieurs de l'écu, les marques de la dignité épiscopale. 

Portrait, 



La famille Larade, propriétaire des eaux thermales 
d'Alet , possède le portrait de ce célèbre orateur , 
représenté en buste, sur une toile de forme ovale, avec 
cadre en bois doré. Mgr Maboi\l était âgé environ de 
60 ans. Il porte sur son rochet, le camail des chanoines. 
La tête de cet illustre orateur exprime la plus haute 
distinction. Son visage ovale présente des traits parfai- 
tement réguliers. Le front est élevé, les sourcils sont 
noirs et bien arqués ; les yeux très-vifs expriment la 
pénétration et l'intelligence. Ses cheveux noirs, longs, 
bien fournis et partagés sur le milieu de la tête, enca- 
drent avec grâce cette figure si distinguée, et retombent 
également de chaque côté, jusque sur les épaules. 



— 183 — 

Quelle tête remarquable devaient dire les auditeurs, 
lorsque l'illustre évêque d'Alet, prononçait ces oraisons 
funèbres qui ont éternisé sa mémoire ! , .^...z,». i 



V 



François de Bocaud . 34'" évêque d'Alet 



François de Bocaud , originaire de Montpellier , fut 
d'abord Abbé commandataire de l'Abbaye de Loc-Dieu. 
Nommé par Louis XV, le 17 octobre 1723, Evêque 
d'Alet, il se rendit dans cette ville, le 27 mars 1724, 
pour faire un arrangement à l'amiable , avec les héri- 
tiers de Mgr Maboul , son prédécesseur, au sujet des 
réparations à exécuter « tant à la maison épiscopale 
qu'aux autres lieux, terres, dépendants dudit Evêché, 
au château de Cornanel, déclaré vétusté ^ et aux églises 

du diocèse, où lEvêque est fruit prenant et autres 

charges dont était grevée la succession de son prédé- 
cesseur. » (Signé ; TAbbé DE BOCAUD, nommé' 'â^ 
rEvêché d'Alet). 

Après avoir ainsi réglé les affaires temporelles de son 
Evêché, il se prépara à son sacre, qui eut lieu le 
11 juin 1724, par les mains de rArchevêquc de 
Narbonne , dans la chapelle du (irand-Sém inaire de 
Saint-Sulpice , à Paris. 

L'année suivante, le 23 mars 1725, il fit la béné- 



— 184 — 

diction do la clocho de la paroisse Saint-André. Cette 
cloche, baptisée sons \c nom d'André, pesait trois 
quintaux quarante livres, d'après le témoit^^na^çe de 
M. Froniilhaii-ue, Arcliiprêtre d'Alet. 

La première pa.i^^e du lîegistre de la (jonfréric du 
Rosaire de la paroisse , porte ce qui suit : 

« François de IJocaud vu la permission du Kévcrend 

I*èrc Cicncral dos Frères Prêcheurs , pour cstablir la 
Confrérie du Rosaire dans la chapelle de Notre-Dame de 
ré.î^lise paroissiale , olHcnue i)ar Paul Fromilhaguc, archi- 
prctro et cure de la dite église . expédiée à Rome le 2 sep- 
tembre 1731 , nous approuvons ledit établissement 

Permettons qu'on fasse tous les premiers Dimanches du 
mois , la Procession du Rosaire. Et comme ledit jour avait 
été destiné par feu Mgr Maboul pour faire la Procession 
du Trcs-Saint-Sacrement , dans l'église , à l'avenir , ladite 
Procession se fera le troisième Dimanche de chaque mois. 

« Donné à Alet , le 'i novembre 1731. 

'< J- V. , Eresfjue d'Alet. » 

L'année 1734, les Registres de la paroisse attestent 
qu'il a.ssista au mariage de M. Alexis de Peyre , Avocat 
au Parlement , qui fut célébré dans la chapelhî de 
l'Evêché, par M. François de Peyre, Chanoine et 
Précenteur du Chapitre. 

La même année , il eut la douh^ur de ])erdre , disent 
toujours les mômes Registres , « son j)ère , Messiri! 
Hercules de Bocaud , ancien Président de la Chambre 
des Comj)tes de Montpellier et (Conseiller d'Etat, qui 



— 18:3 — 

mourut à AU'l. dans le palais épiscopal , à làge de 
*,)() ans , après avoir reçu les Sacrements avee une piété 
remarquable. Le défunt lut enseveli dans le cimetière 
de Saint-André j près du tombeau de Mgr Pavillon et 
de Mgr Talïoureau. » 

La veille de Pâques 1738, après la cérémonie de la 
Bénédiction des Fonts, à Saint-André, il baptisa et 
confirma un idolâtre du royaume de Congo , qui avait 
été vendu à Tâge de 8 ans, à un négociant, qui l'avait 
conduit à Alet. 

L'année 1747 , il bénit, dans sa chapelle de TEvèché, 
le mariac:e du seigneur de Servies (diocèse de 
(,'arcassonne) avec Mademoiselle de Calmés , lillc du 
seigneur de Montazels. 

Mgr de Bocaud mourut à Alet, en 1762, laissant 
ime magnifique bibliothèque, et il fut enterré du côté 
de TEpitre , dans la cathédrale de Saint-Benoit. 

Voici le procès-verbal de sa séi)ulture : 

« L'an 17()2, et le S décembre, a été enseveli dans le 
chœur de l'église cathédrale d'Alct , Mgr rillustrissimc et 
Kcvcrcndissimc Mcssirc François de Bocaud, nalif de la 
ville de Montpellier , Evoque et comte d'Alct , après avoir 
reçu les Sacrements dans sa maladie : mort dans son palais 
cpiscopal. le 2 du présent mois, à deux heures après minuit, 
dans sa soixantc-dix-ncuvicmc année . la trente-neuvième 
de son épiscopat. 

« .Si.iriu' : l'b'AX , ('mu'otArrJiipn'du'il'Ahil. ^ 



— 180 — 
Arniuii'iit6 de Mgr de Docaud, 



Ecusson ovale, cFazur à trois glands d'or, accom- 
pagnés en chef d'une étoile de même , le tout surmonté 
de la couronne de comte à neuf boules , et entouré des 
insignes de la dignité épiscopale. 




f 



CHAPITRE XIX. 

CHARLES DE LA GROPTE DE CHANTER AC, 
35* ET DERNIER ÉVÊQUE d'aLET. 



I. — Généalogie de la Maison de la Gropte de Chantérac. 

La Maison de la Cropte, (1) originaire du Périgord, a 
toujours tenu un rang distingué dans la noblesse, par 
sa naissance, ses services et ses alliances. Elle eut pour 
berceau la paroisse de la Cropte (en Périgord). 



(1) Ptrcis hislorique cl gémalorjiquc de la, maison de la Croiilc. 
comtes de lioumac, marquis de Saint-Abrc, et manjuis de 
(Jhantérac-Beauvais, H'^xtrail de 1/ Annuaire de la .\oblesse de fS.lG, 
Ircizième année). Pari.s, rue Richer. 50. 



— 188 — 

Les premiers aucêtrcs de la mîiison de la (Jropte 
furent presque tous déeorés de la Chevalerie, et leur 
liste commenee par Ilrlic de la (Jropte, l'"'" du nom, qui 
souscrivit quatre chartes de donation de 1 144 à 1168, en 
faveur des ahlxiycs de ('luny et de Chanceladc, et par 
Mélie II, qui fut au nombre des chevaliers de la IV' croi- 
sade. 8a présence en Palestine, est prouvée i)ar deux 
actes passés à Tyr. Le nom et les armes (rilélie de la 
Cropte, ont été mis en v-ertu de ces titres, dans la salle 
des Croisades du Musée de Versailles. 

La maison de la Cropte a donné trois prélats à 
l'Eglise : Jean François de la Cropte de Bournac, 
évéque et comte de Noyon, pair de France, de 1734 à 
17G6 ; Bertrand de la Cropte, évoque de Sarlal, de 1416 
à 1446, et Charles de la Croj)te de Chantérac, évoque 
d'Alet, de 1763 à 1793. 

rClle a produit en outre, au XIY' siècle, deux abbés 
mitres, de Cadoen et de Chancelade, plusieurs archi- 
diacres et grands dignitaires de l'Eglise de Périgueux, 
ainsi que d'autres ecclésiastiques distingués, entre autres 
l'abbé de Chantérac, neveu du grand archevêque de 
Cambrai , qui fut chargé, à Rome, de la défense de 
Fénélon, dans l'affaire du Qalét'iHnie. 

La branche de Chantérac, qui s'est perpétuée jusqu'à 
nos jours (1) et qui continue la descendance de la maison 



(1) IjC chef do ccUc brandie csl Mai'ie-Josej)h Aiidoin do la 
('roj)le, marquis de Chaiilcrac, jié on 1812, ot père do Mario- 
Franoois de la (Jroj)<o do ('hanlorao. né oji I8.V2. 



ï 



^ 189 — 

(le la Cropte, tire son nom de "la terre et seigneurie de 
Chantérac, en Périgord, qu'elle a possédée, sans inter- 
ruption, depuis le XV siècle, jusqu'à la révolution de 
1793, et qui vient d'être rachetée par le comte Victor de 
Chantérac, né à Marseille, en 1811. 

Voici la filiation de cette branche : 

XVII. — Gabriel de le Cropte, chevalier, comte de 
Chantérac, seigneur de Beauvais, épousa en 1712, 
Françoise de Bourdeille, et en eut six fils et deux filles : 
Le cinquième, nommé Charles , devint évêque d'Alet. 



II. — Naissance et qualités de l'Evêque d'Alet. 

Il naquit au château de Chantérac, le 6 avril, en 1724, 
et fut baptisé, comme ses frères et ses sœurs, dans 
l'église de Chantérac, qui était un archiprêtré. 

Elevé sous les yeux de ses parents,: par un précep- 
teur qui vivait dans le château de Chantérac, le jeune 
Charles se destina de bonne heure à Fétat ecclésiastique. 
Son oncle, évéquc de Noyon, l'appela auprès de lui, et 
pour le récompenser de sa piété, il le nomma chanoine 
de sa cathédrale, à fâge de 9 ans, selon la pratique de 
lancienne Eglise de France. 

Il vint ensuite à Paris, poury faire ses Humanités, et 
deux ans de Philosophie dans le collège des Nobles de 
Saint-Sulpice, où il prit le grade de Maître-ès-Arts. 
Il étudia dix ans à fUniversité de la S>orbonne. et il 



— 190 — 

obtint le grade de docteur en Théologie. Il reçut ensuite 
les Ordres sacrés, et revint à Noyon, où il fut nommé 
par son oncle vicaire-général. 

En 1754, il fut élu vicaire-général, avec juridiction 
séparée, dans le district de Moulins, au diocèse d'Autun. 
Son habile administration, dans ce poste d'honneur, lui 
mérita de devenir Supérieur Général des Carmélites, 
avec le droit de visiter leurs maisons. Peu après, il 
assista, en qualité de député du Clergé, à l'assemblée 
ecclésiastique, tenue à Paris, et le cardinal de la Roche- 
foucault, président, lui donna en commande l'abbaye 
royale de Serry, située dans le diocèse d'Amiens. 

Mgr de Chantérac conserva cette riche abbaye , 
jusqu'à la suppression des biens ecclésiastiques, ce qui 
lui permit d'entreprendre des constructions de toute 
espèce : Eglises, maisons, routes, etc.. qui ont rempli 
et qui ont illustré sa longue carrière sur le siège épis- 
copal d'Alet, dont il devait être, hélas ! le dernier 
évêque. 

III. — Qualités de l'Evêque d'ÂIet. 

L'abbé de Chantérac, fut nommé évêque d'Alet, le 2 
janvier 1763. Le 18 mars, il souscrivit à sa sœur Elisabeth, 
à Moulins , un acte de donation de la moitié de la terre 
du Mas-de-Montet. (1) Il se prépara à sun sacre , qui 



(1) M"' de Chantérac suivit .son frère, à Alet, où elle mourut pen- 
dant la Révolution. Ses restes reposent dans le cimetière de Saint- 
André d'Alet. 



— 191 — 

eut lieu à Paris, le 19 juin. Le 25 , il prêta serment de 
fidélité entre les mains du Hoi, et immédiatement après 
il se rendit à Alet. Le nouvel éveque eut bientôt fait la 
conquête de tous les cœurs, par sa bonté, sa douceur, et 
une noble simplicité, qui le rendait accessible à tout son 
troupeau. Il témoignait à ses prêtres une prédilec- 
tion si marquée et il se montrait si généreux à leur 
égard, que tous raffectionncrent bientôt comme un 
tendre père. 

Les pauvres n'étaient pas oubliés dans ses largesses. 
Tous les jours , à la porte de TEvêché, on leur distri- 
buait des aliments préparés, qu'ils recevaient dans des 
écuelles. Pour le service de sa maison, et le soin de 
son vaste jardin, Mgr de Chantérac avait, en tout, dix 
domestiques, qu'il affectionnait comme des enfants, et 
malgré ce nombreux personnel et ses abondantes 
aumônes, il ne dépensait pas trois cents écus par semaine. 

L 'éveque d'Alet jouissait d'une santé parfaite qu'il 
conserva toute sa vie, grâce à sa vie simple et frugale 
et à son excessive activité. Quoiqu'il ne manquât pas de 
carrosses, il montait presque tous les jours à cheval, 
par manière d'exercice, et il se rendait à son domaine 
de Castillon, situé à trois kilomètres d'Alet, pour se 
livrer à la prière, dans ce lieu si favorable à la retraite, 
et qui était sa propriété de prédilection. Mgr de Chan- 
térac était encore un prélat fort mortifié. Il ne s'appro- 
chait jamais du feu, et lorsqu'il sentait ses membres 
engourdis par le froid , il descendait au jardin pour se 
réchauffer, en marchant. A toutes ces vertus et à ces 
grandes qualités du cœur , l'évoque d'Alet, joignait 



— 192 — 

une politesse et une distinction de manières qui en 
faisaient le type achevé du véritable gentilhomme. 



IV. — Mgr de Chantérac visite son diocèse. 



Pour compléter ce tableau, nous devons ajouter que 
Mgr de Chantérac était un saint pasteur et le modèle 
des évoques. En lisant les procès-verbaux et ordonnances 
de ses visites pastorales, on est ravi de son zèle, de sa 
soumission admirable aux moindres règles delà Sainte 
Eglise. On admire son habileté à ordonner tout ce qui 
devait contribuer à la beauté de la maison de Dieu , et 
à la décence du culte, surtout dans les pauvres églises 
de campagne. D'un coup-d'œil, il avait tout vu et rien 
n'échappait à sa .sagacité. Il s'occupait des plus petits 
détails de Tadministration paroissiale, avec une sûreté 
de jugement, qui font de ses Ordonnances autant de 
chef-d'œuvres. Après avoir parcouru ces pièces authen- 
tiques, on ne sait ce qu'il faut le plus admirer, de cette 
intelligence qui embrassait toutes choses , dans leur 
ensemble et dans les plus petits détails, ou bien de ce 
cachet de sainteté qui se révèle dans toute sa conduite 
et dans tous ses actes. 

Tel est le jugement éclairé que porteront sur Mgr de 
Chantérac , tous ceux qui , comme nous , auront le 
rare avantage de lire le seul volume qui reste des 



— 193 — 

Ordonnances de ses visites pastorales (1). Dans toutes 
ses visites , le pieux prélat commençait par adresser une 
instruction au peuple , prévenu du jour de son arrivée, 
par un Mandement spécial, envoyé deux mois à l'avance, 
à chaque paroisse , et publié au prône , pendant deux 
dimanches consécutifs. Il interrogeait les enfants , et il 
ne leur administrait jamais le Sacrement de Confir- 
mation, sans un examen préalable. Après la visite de 
réglise et de la sacristie dans leurs moindres détails , il 
se rendait au cimetière , aux églises champêtres et aux 
chapelles des Confréries , pour tout inspecter. 

A Quillan, il menaça d'interdire la chapelle des 
Pénitents Blancs , si on ne Tavait pas pourvue d'or- 
nements convenables pour la célébration de la sainte 
messe, dans Tespace de six mois. 

Il représenta aux confrères, « qu'ils se faisaient 
illusion , s'ils croyaient honorer Dieu par des pratiques 
de surérogation , en négligeant l'essentiel de la religion, 
comme de faire Pâques » 

En ce temps-là, presque toutes les paroisses possé- 
daient des Monts-de-Piété , ou des revenus particuliers, 
légués le plus souvent par les pasteurs , pour soulager 
les pauvres de la paroisse , marier les filles honnêtes , 



(1) Ce volume in-folio, qui commence au 20 avril ITSfl 
jusqu'au 15 juin 1789. osl la propriété de M. le marquis de 
Chantérac, petit neveu du dernier Evoque d'Alet. 

13 



— 194 — 

ou prêter des grains à ceux qui en manquaient pour 
ei^semencer leurs terres. 

Mgr de Chantérac se faisait rendre compte de la 
manière dont toutes ces fondations étaient administrées 
par les curés, avec le concours des notables de la 
paroisse , et il flétrissait les abus ou les négligences par 
des Ordonnances très-sévères. 

Enfin , il s'appliquait à réconcilier les ennemis , à 
terminer les procès et à éteindre les divisions qui brouil- 
laient les familles. Et lorsqu'il avait la douleur de ne pas 
réussir, comme dans la visite qu'il fit à Caudiès, le 
16 avril 1785, il le consignait dans le procès- ver bal. 

En lisant et en relisant ce volume, nous avons admiré 
la charité du prélat à l'égard des habitants de Joucou , 
victimes d'une inondation désastreuse, en novembre 
1783. L'église avait failli être entièrement renversée 
par le débordement des torrents de la montagne , qui 
détruisirent le cimetière , renversèrent plusieurs 
maisons , comblèrent de gravier et de pierres toutes les 
rues, jusqu'aux fenêtres , et exposèrent tout le village 

à être totalement ruiné, etc Le charitable prélat 

chargea l'Inspecteur des travaux publics du diocèse et 
d'autres personnes intelligentes , de lui indiquer les 
moyens de garantir l'église et le village, de semblables 
calamités. 

Mgr de Chantérac favorisait de tout son crédit , 
l'érection en cures , des succursales ou annexes , afin 
de procurer le bien spirituel de ses ouailles. 

En 1778, il érigea Ginoles, annexe de Quillan, en 
vicairerie perpétuelle , avec titre de cure ; un peu plus 



— 195 — 

tard , celle de Sougraines, qu'il détacha des Bains-de- 
Rennes, et en 1782, celle de Sainte-Colombe-sur- 
Guette ( 1 ). 



(1 ) Nous allons faire connaître les procédures de ce temps et les 
droits de ceux qui dotaient les cures. 

Vu la requête de dame Castanier de Coufïoulens, baronne de 

ce lieu dame d'Escouloubre, du Bousquet, de Sainte-Colombe 

et autres lieux, veuve du marquis de Poulpry...., tendante à ce 
qu'il nous plaise ériger l'église succursale de Sainte-Colombe, 

Annexe de Counosjouls, en église paroissiale avons nommé 

P. Dominique Cauneille, curé de Belvis, député à cet e(Tet, pour 

entendre à Sainte-Colombe les parties intéressées visiter les 

bâtiments de léglise, le cimetière, la maison vioariale, une pièce de 
terre que la dite dame se propose d'afïecter à la cure, pour être 
convertie en jardin, dresser un procès-verbal de leur état, des 
réparations et augmentations à faire, avec l'état des ornements, 

linges, vases sacrés existants, ou à fournir vu les exploits de 

notifications signalées à qui de droit vu le défaut requis et 

octroyé contre Mgr l'Arche et Primat de Narbonne, patron de 
Ro({uef()rt et Buillac, et de Counozouls, contre MM. du Chapitre de 
la même ville, décimateurs de Sainte-Colombe, contre MM. de notre 
Chapitre collégial de Saint-Paul-de-Fénouillet, aussi décimateurs du 
même Heu, contre le sieur curé de Roquefort et Buillac, aussi 
décimateur, et, en outre, curé primitif de Counozouls et de Sainte- 
Colombe, son annexe, contre le sieur curé de Counozouls et contre 

MM. du Chapitre de notre église cathédrale vu l'acte consenti 

par ladite dame pour hypothéquer sur tous ses biens et revenus de 
la terre de Sainte-Colombo, une rente annuelle et perpétuelle de 
400 livres, exempte de toutes charges, pour, avec la portion congrue 
de 250 livres que le vicaire amovible de Sainte-Colombe a coutume 
de percevoir, former la dotation de la nouvelle cure, le tout devant 
être érigé en acte public, dès que les lettres patentes, confirma- 
tions auront été enregistrées vu enfin les conclusions de notre 

vice-promoteur, contenant, qu'attendu qu'il existe depuis un temps 



— 19G — 

L'évèque d'Alet aimait la résidence de son diocèse, et 
il ne s'absentait presque jamais. Il se montrait zélé 



immémorial une église succursale dans ce lieu, pour y célébrer le 
service des églises paroissiales, que tous les chemins qui aboutissent 
à ce village étant bordés de rochers et de précipices, et comblés de 
fondrières pendant plusieurs mois de Tannée, à cause des neiges et 
tourbillons, en sorte qu'il y a du danger de sortir des maisons, et de 
l'impossibilité de communiquer alors avec les villages voisins : qu'à 
défaut d'un vicaire résidant dans ce lieu, le curé de Counozouls est 

obhgé de desservir l'église de Sainte-Colombe, en biscantant ce 

qu'il ne peut toujours faire pour les motifs exposés qu'on 

manque souvent de messe le dimanche, et que tous les ans, il y meurt 

quelqu'un à cause de la distance sans les secours de la Religion 

Nous, ayant égard aux dites conclusions et aux supplications de la 
dame de Poulpry, à ses offres généreuses et au zèle qu'elle montre 
pour procurer les secours spirituels à ses vassaux de Sainte-Colombe, 
tout considéré , mûrement délibéré , et le saint nom de Dieu 

invoqué et pour la plus grande gloire du Seigneur, avons érigé 

l'église de Sainte-Colombe en titre de vicairerie-perpctuelle, de 
bénéfice-cure, aux conditions suivantes : 

4° Que ladite dame sera reconnue patronne-fondatrice, et qu'elle 
et ses successeurs, à perpétuité, dans la dite terre, jouiront de tous les 
droits honorifiques attachés à la qualité de patron-fondateur, à 
l'exception seulement du droit de présentation à la dite cure, auquel 
elle a renoncé, voulant que nous et nos successeurs la conférions 
de plein droit, en tout genre de vacance, et avec affranchissement 
de toutes expectatives et impélrations quelconques en cour de Rome, 
de la même manière qu'elle et ses successeurs en auraient été 
affranchis en qualité de patrons laies, si elle n'y avait renoncé ; 

5o Qu'en conséquence dudit droit de patronage-fondation, ladite 

dame et ses successeurs seront recommandés aux prières du 

prône qu'ils auront le droit de litre ou ceinture funèbre, selon 

l'usage du diocèse (qui consistait à mettre au dedans de l'église, 



— 197 — 

observateur de la discipline ecclésiastique et des saints 
Canons. Il assistait aux examens des séminaristes et des 
ordinands, qu'il interrogeait lui-même. Il recevait avec 
affabilité les nombreux ecclésiastiques qui venaient à 
Alet, munis de leurs dimissoires/ pour recevoir les 
saints ordres de ses mains, en l'absence de leurs prélats. 
Il visitait tous les ans une grande partie de son diocèse, 
chéri et vénéré comme un père, car ses bienfaits por- 
taient les peuples à bénir Tadministration temporelle 
qu'il exerçait, en qualité de comte d'Alet et de baron 
d'autres localités. En un mot, sa conduite si édifiante 
en fit le modèle des évoques, et un prélat illustre dans 
tout le royaume. 



pendant l'année du deuil, une peinture ou ceinture d'étoffe, qui 
s'ostait les jours de fête), de banc, tant dans le chœur que dans la 
nef, de sépulture dans le caveau qu'il leur plaira de faire construire 
dans le chœur, d'encens, d'eau bénite par présentation, de pain 
l)énit par distinction, et généralement de tous les autres honneurs 
de l'Eglise, que la jurisprudence du royaume attribue aux patrons- 
fondateurs ; 

10" Qu'en reconnaissance de l'ancienne dépendance de l'église de 
Sainte-Colombe de celle de Roquefort etBuillac et deCounozouls, le 
curé de Ro({uefort conservera à perpétuité le titre de curé primitif 

de Sainte-Colombe, avec certains t'roits et la faculté d'oflicierle 

jour de la fête patronale, et qu'à son défaut, le curé deCounozouls 
ait la même faculté 

Donné à Alet, le 5 novembre 1782. 

Signe : j CHARLES, Evêquc d'Akt, 



— 198 — 

V. — Mgr de Chantérac Père des Pauvres et Bienfaiteur de son diocèse, 

Mgr de Chantérac se distinguait par une éminente 
charité qui le portait à faire du bien, et à rendre service 
à tout le monde. A peine arrivé dans son diocèse, le 
charitable prélat voulut donner à l'hôpital d'Alet, une 
administration plus avantageuse, en se procurant 
les règlements des hôpitaux voisins, notamment de celui 
de Carcassonne. Et pour compléter son œuvre, considé- 
rant que l'hôpital d'Alet était peu étendu, il chargea les 
administrateurs de chercher dans la ville un emplace- 
ment plus comniode et plus vaste, pour en construire 
un autre. (Délibér'dtion de 1764.J Vers 1770, Mgr de 
Chantérac fit un don extraordinaire aux pauvres, ce 
qui lui valut les remerciements de MM. les adminis- 
trateurs. 

L'évêqued'Aleta étéle bienfaiteur de tout son diocèse, 
par les avantages temporels qu'il procura à ce pays, 
jusqu'alors séparé pour ainsi dire du reste de la France. 

On ne se rendait de Limoux à Alet que par la voie 
romaine, chemin diiïicile, qui passait au pied de Brau, 
sur les gorges d'Alet, ou bien en suivant deux étroits 
sentiers, tracés de chaque côté de l'Aude. Le génie 
organisateur du mouvel évoque, voulut remédier à ce 
triste état de choses, en ouvrant une route spacieuse de 
Limoux à Quillan, comme une nouvelle artère pour 
apporter les bienfaits de la vie à ce pays abandonné. 
La charité de son souffle divin, créa Mgr de Chantérac, 
ingénieur, architecte ; il devint Vévêqite des routes^ 



— 199 — 

nom glorieux qui lui fut donne, avec cehii de Bien- 
faiteur du Pays, par la reconnaissance de son peuple, 
et l'admiration de ses compatriotes. 

Dieu seul connaît pour les réftompenser, les peines, 
les travaux, les sacrifices, et les difficultés de toute sorte 
qu'il dut supporter, pour réaliser ce gigantesque projet, 
qui seul eut suffi pour immortaliser sa mémoire. Ah! 
quel spectacle ravissant pour le ciel et pour la terre, de 
voir le courageux prélat descendre la rivière d'Aude, 
sur un simple radeau, pour tracer le grand chemin, 
dans les endroits inaccessibles! 

Comme la nouvelle route devait traverser Alet, Mgr 
de Chantérac se transportait à l'étage supérieur de la 
maison Niveduab, la plus élevée do la ville. Là, avec ce 
coup d'œil qui le caractérisait, il traça le parcours de la 
grand'route, qui devait continuer la rue ouverte sous 
l'intelligente administration de Mgr Mélian, dont elle 
porte le nom, et qui conduisait à Tévêché. (1) 



(1) Voir pages 172 et 173, où l'on a prouvé qu'en 1769, la rue 
Mélian ne traversait pas Alet, puisque lo Chapitre possédait rem- 
placement qui est aujourd'hui traversé par le Grand-chemin. 
D'ailleurs un acte de 1770, fin octobre, et signé Pratx, notaire, 
porte que Jean Bourges d'Alcl, a reçu 400 livres de la province, à 
titre d'indemnité, h cause de la cession de son logis, pour l'arran- 
gement de la grand'route. A cette époque encore, le Doyonnat était 
habité par M. le doyen Marsol, avec ses nièces, qui, après la 
Uévolulion, ont rapporté avoir vu faire la route, à des personnes 
d'Alet, bien dignes de foi, qui nous ont attesté ce fait. Nous 
n'avons pu découvrir aucune preuve orale ou écrite qui puisse 
nous indiquer, si on avait alors démoli une partie du clieve^ 
g^thirpie de Notre-Dame, pour le passage de la route. 



— 200 — 

Après avoir conduit à bonne fin, le projet difficile de 
la construction de la route nationale de Limoux à 
Quillan, Mgr de Chantérac s'occupa de la restauration 
de la cathédrale de Saint-Benoit, de la reconstruction 
d'une partie de révêché, l'aile qui existe de nos jours, 
r^lein de zèle pour la beauté de la maison de Dieu, il 
dota le palais épiscopal d'une nouvelle chapelle, dont il 
fit la dédicace en 1789. Ces trois grandes œuvres seront 
racontées plus loin dans des chapitres particuliers. 

En terminant d'esquisser ce côté si beau de la vie de 
rillustre prélat, qu'il nous soit permis d'exprimer un 
regret, non un reproche. 

Dieu nous garde d'obscurcir un seul rayon de l'au- 
réole qui couronne le front du dernier évêque d'Alet, du 
confesseur de la foi! On aurait désiré que Mgr de 
Chantérac, qui avait le génie des constructions, et qui 
disposait de ressources considérables, eut entrepris la 
j.estaural\on de l'église en ruines, où reposent les cendres 
des religieux, des abbés du monastère et des premiers 
évoques d'Alet. 

Il semble que cette dernière gloire manque à sa 
couronne. Peut-être que les circonstances ne lui avaient 
pas encore permis de mettre la main à cette œuvre 
capitale, lorsqu'il fallut prendre le chemin de l'exil, 
pour confesser la Foi de Jésus-Christ. 

Au milieu de ces occupations qui semblent matérielles, 
l 'évêque n'avait garde de négliger ses devoirs spirituels. 
Le 20 juin 1786, et le 28 mai 1787, le zélé pasteur 
donnait la confirmation à la paroisse Saint-André 
d'Alet. Témoin encore les Ordonnances de ses visites 



— 201 — 

qui ne furent interrompues qu'au moment de partir 
pour Texil. 

YI. — Départ pour l'Espagne. 

L'époque révolutionnaire allait sonner, et d'innom- 
brables calamités politiques et religieuses devaient 
fondre sur TEuropc et sur la France en particulier. 
Cette violente tempête, que Ton a appelée la Révolution 
française, avait vainement été combattue par tous les 
efforts, tous les sacrifices et toutes les tentatives de 
Louis XVL Le 13 février 1790, l'Assemblée Constituante 
supprime les Ordres religieux, et met les biens du clergé 
à la disposition de l'Etat. On vote la Constitution civile 
du clergé, et les 135 évêchés existants, sont remplacés 
par 83 évêchés civils. Le 27 novembre, un nouveau 
décret ordonne aux évoques et aux curés de prêter 
serment à la Constitution civile du clergé, dans l'espace 
de luiit jours, ou de renoncera leurs fonctions. La presque 
totalité de Tépiscopat français, et la très-grande majorité 
du clergé se montrèrent fidèles, au jour de l'épreuve. 
Ils refusèrent de prêter un serment schismatique, et 
vers la fin de 1791, l'Assemblée législative condamna 
à la déportation, les prêtres qui n'avaient pas juré. 

Que devint pendant ce temps, ]\Igr de Chantérac, le 
bienfaiteur du diocèse d'Alet? Il montra une constance 
héroï(iue. Plein d'horreur pour les nouveautés qui s'in- 
troduisaient au préjudice des droits de l'Eglise, il 
consolait et fortifiait ses fidèles diocésains, par vsa parole 



— 202 — 

et ses écrite, que par prudence il faisait répandre en 
secret. Son palais épiscopal fut vendu par le district de 
Limoux, avec tous les biens qui dépendaient de réveché. 
Mais le courageux prélat resta toujours à son poste, 
quoiqu'on outrageât son caractère et sa personne. 

Remplissant toujours les devoirs de sa charge, le 
4 juin 1791, il signait les comptes de l'hospice, en qua- 
lité d'évêque'd'Alct. A cette époque, il vivait retiré dans 
une maison de cette ville, près de la porte nord, dite de 
Cadènc. Il se rendait quelquefois à Limoux, chez le 
président Saurine, qui habitait près Téglise Saint- 
Martin. (1) Il revenait à Alet, attendant, dans son illu- 
sion, la fin de la tourmente révolutionnaire. On raconte 
que Besaucèle, l'évêque intrus de l'Aude, n'osa pas 
s'arrêter à Alet, en se rendant à Quillan, par respect 
pour Mgr de Chantérac, caché dans sa ville épiscopale. 

Enfin , il dut céder à Forage, et il aima mieux 
s'expatrier que de se souiller par Tinique serment que 
les démocrates lui demandaient avec cette expression : 
« Ou jurer, ou avoir la tête tranchée. » Le régime de la 
Terreur sévissait alors dans toutes les provinces , et les 
derniers prêtres non-assermentés durent prendre le 
chemin de l'exil. Fortifié par la conduite pleine 
de courage de son Evêque, le Chapitre d'Alet, était 



(1) Ce rcnseigncincnt m'a été fourni jjar Marlamc Vie, morte à 
Limoux, en février 1876, à l'àgc de 102 ans. 



— 503 — 

resté fidèlement à son poste, célébrant tous les jours, 
les ofïices capitulaires , jusqu'au 25 janvier 1792, 
en sorte que la Cathédrale d'Alet fut la dernière qui 
fut fermée en France. — Précédé des prêtres fidèles de 
son diocèse , et accompagné du Clergé d'Alet , Mgr de 
Cliantérac quitta secrètement cette ville, à l'insu de 
ses ennemis, le 1"'' septembre 1792, et il traversa, 
fugitif et proscrit , ce diocèse bien-aimé , qu'il avait 
parcouru si souvent en triomphateur, acclamé par son 
troupeau , comme un tendre père. 

Hélas ! c'était l'heure des méchants et des puissances 
ténébreuses ! ^Igr de Cbantérac passa par le pays de Sault, 
en suivant la route royale tracée par Vauban. Il arriva 
dans le Donaizan, qu'il traversa, ainsi que le Capsir, par 
le chemin de Montlouis. Arrivé au village des Angles , 
dernière paroisse de son diocèse, sur la frontière 
d'Espagne , il demanda l'hospitalité à la famille 
patriarchale des Naudau , qui accueillait les confesseurs 
de la foi , et leur fournissait des guides sûrs , pour 
franchir la frontière. Le soir de son arrivée , à l'heure 
de la prière, qui se récitait en commun , selon 
la pieuse habitude des familles chrétiennes , le 
chef de la maison présenta à l'Evêque d'Alet , l'un de 
ses fils qui venait de garder les troupeaux. A la vue de 
cet enfant, au regard candide et plein d'intelligence, le 
Confesseur fut illuminé d'un rayon céleste , et après 
lavoir béni, il lui annonça qu'un brillant avenir lui 
était réservé. En effet, Thumble pâtre des montagnes , 
devint prince de f Eglise , et il est mort Archevêque 
d'Avignon , après avoir illustré ce grand siège. C'est 



— 504 -^ 

ainsi qu'à la même époque , l'enfance du curé d'Ars fut 
sanctifiée par le passage du B. Benoît Labre, qui reçut 
l'hospitalité dans la maison des Vianney. 

Arrivé en Espagne , sur cette terre si catholique et si 
hospitalière , Mgr de Chantérac prit un peu de repos à 
Puicerda et à Vich , et le 9 octobre , il arriva à Sabadell 
et vint loger à la maison Méca. 

L' Evoque d'Alct supportait avec foi et courage les 
tristesses de Texil , environné de son Chapitre , comme 
d'une couronne de frères , ainsi que des vertueux 
ecclésiastiques qui l'avaient accompagné, et qui formaient 
une garde d'honneur à leur père bien-aimé, à leur Pontife 
chéri, qui vivait dans la retraite , donnant l'exemple 
de toutes les vertus, et en particulier de la douceur. 

Dieu seul a connu les déchirements et les angoisses 
du pasteur , séparé de son troupeau. Nul doute que son 
cœur n'ait chargé, tous les jours, Marie, l'antique 
patronne de son diocèse , et ses Anges protecteurs , de 
porter ses vœux et ses prières à son peuple bien-aimé. 
A la nouvelle de la mort de son roi Louis XVI , pour 
lequel il professait un culte particulier, il donna des 
marques d'une douleur indicible. Son chagrin fut aussi 
extrême, lorsqu'il fut obligé d'interrompre toute 
communication avec sa sœur, âgée de 84 ans, qu'il 
avait laissée à Alet. Dès lors , 11 souffrit plus fréquemment 
des maux de tête et d'entrailles , auxquels il était sujet 
depuis quelques années. Dans la nuit du 26 avril 1793, 
saisi tout à coup , d'une attaque violente de son mal , il 
appela aussitôt son directeur, pour se confesser. Bientôt 
les douleurs devinrent si aiguës qu'elles lui enlevèrent 



— 505 — 

toute connaissance. Par moments, il fut saisi d'horribles 
convulsions. Après avoir perdu l'usage de sa raison , 
malgré son délire et le terrible mal auquel il succomba, 
sa voix récitait des passages des psaumes , sans aucun 
ordre, jusqu'à ses derniers moments. Alors il perdit la 
parole , et il mourut paisiblement dans le Seigneur , à 
huit heures et demie , le matin du 27 , après avoir reçu 
l'Extrême-Onction . 

Tout ce qui va suivre , comme le récit de sa mort, 
est extrait , mot à mot , de la Vie abrégée de ce prélat, 
composée par les prêtres de son diocèse, qui assistè- 
rent à son trépas ; elle a été transcrite sur les registres 
de la paroisse de Sabadell : 

« Par permission de rillustrissime seigneur Evoque de 
Barcclonne, on lui fit toutes les funérailles et obsèques dues 
à sa dignité. On exposa son corps dans le salon de la maison 
îyiéca, où il logeait. On établit un autel à chaque côté du lit 
de parade sur lequel était le cadavre, et là, durant toute la 
matinée du 29 , on célébra sans interruption des messes 
pour le repos de l'âme du défunt. A ces mômes autels , le 
soir précédent , avaient été chantés les répons solennels 
par la Révérende communauté du Recteur et des Prêtres 
l)cncriciers de cette ville ; de plus , toute la soirée , deux 
prêtres français s'étaient tenus au pied du cercueil récitant 
les psaumes correspondant à la circonstance. A dix heures 
du matin du dit 29 , on porta le cadavre à la sépulture en 
pompe solennelle. La procession , en quittant la maison 
mortuaire, fit le tour du grand arbre de la place et se 
dirigea vers l'église. En tête , se trouvait le drap noir du 
saint Nom de Jésus ; venaient ensuite toutes les torches des 



— 200 — 

Confréries et puis la croix au milieu des acolytes. Un chœur 
de musique et la Révérende Communauté chantaient alter- 
nativement le psaume In Exitu Israël. Après les chantres, 
venait le cadavre, porté sur le brancard du Saint-Sépulcre 
de la Confrérie des Tisserands. Les glands étaient tenus par 
les quatre prêtres les plus dignes du diocèse du défunt, qui 
séjournaient dans cette ville. Immédiatement après , venait 
le deuil , présidé par lo D' Sagimon Campdcpadros , prêtre 
et recteur de la présente ville; après lui , deux prêtres de sa 
famille accompagnés de quinze autres prêtres français , et 
puis le corps de la municipalité, leâ ouvriers, et finalement 
beaucoup d'autres personnes de distinction, invitées à cette 
fin. La messe fut célébrée par le sieur Guillaume Fort, 
chanoine théologal de l'église d'Alet, chantée solennel- 
lement par la chapelle de musique de l'église de Sabadell, 
sous la direction de Joseph Marincllo. Finalement , on 
termina par les répons accoutumés. Sur le soir , le cadavre 
fut reconnu par deux médecins et un chirurgien , et il fut 
trouvé encore flexible et coloré des lèvres, et cela cinquante- 
sept heures après sa mort et sans être embaumé. On doit 
remarquer qu'il avait perdu du sang à la suite d'une saignée 
qu'on lui fitneuf heures après sa mort et qu'il fallut fermer à 
cause d'un écoulement qui s'était produit trente-trois heures 
après la mort , la plaie s'étant rouverte lorsqu'on plaça le 
corps sur son lit de parade et qu'on disposa la main pour 
pouvoir la baiser. 

« Le corps fut enseveli au côté gauche do la grande porte, 
dans un caveau, en face saint Thomas, et dans le cercueil 
on plaça une grande fiole en verre, avec la relation 
suivante : 

a Ici repose l'Illustrissime et Révérendissime S'' S"* Charles 
de la Cropte de Chantérac, Evêque et Comte d'Alet , dans 



» 



— 207 — 

la France Narbonnaisc, qui, issu de parents nobles, et 
placé à la tétc du diocèse d'Alet , qu'il administrait avec 
succès , de peur de devenir l'esclave de cette liberté schis- 
matique qui gagnait de jour en jour du terrain en France , 
préféra s'enfuir de ce royaume que de se lier et se souiller par 
un serment sacrilège contre l'Eglise catholique romaine. 
Arrivé à Sabadell, le 6 des Ides d'octobre 1792, il y supporta 
avec piété et courage son exil. Saisi d'un subite douleur 
d'entrailles , qui s'accrut par la nouvelle du meurtre de 
son roi Louis XVI, et aussi du massacre des brebis confiées 
à ses soins, il s'endormit dans le Seigneur à l'âge de 70 ans, 
le 5 des Calendes de mai 1793, muni des Sacrements de 
Pénitence et d'Extréme-Onction , tandis que la sainte 
Eglise était gouvernée par Pie VI , Souverain Pontife , 
l'Espagne par Charles IV , de Bourbon , le diocèse de 
Barcelone par D. D. Gavinus Valladarès et Messid , la 
Catalogne par Antoine Ricardas, cette paroisse par 
Sigismond Campdcpadros et cette cité par D. Joseph 
Puigjanez et Mata , lieutenant du Bayle. Il fut solennel- 
lement enseveli le 3 des Calendes de mai , selon les ordres 
du Révérendissime Evoque de Barcelone , par les soins de 
la Révérende Communauté de prêtres de cette église 
paroissiale et le concours de vingt-un prêtres français et 
d'un grand nombre d'habitants qui pleuraient les vertus 
en môme temps que la mort prématurée du prélat. Des 
messes furent célébrées , le corps présent , d'abord par 
l'Illustre seigneur Guillaume Fort , chanoine théologal , 
assisté des seigneurs Etienne Lucet, archiprêtre, et Bernard 
Anccns, et en môme temps par d'autres prêtres du môme dio- 
cèse qui , alternant avec le chœur de musique de cetteéglise, 
priaient Dieu avec instance , au milieu de la solennité des 
funérailles pour le repos du défun<t Evoque. Ce dernier 



— 508 — 

siégea à Alct durant trente ans , assidu au gouvernement 
de son diocèse, laissant les pauvres dans le deuil au souvenir 
de ses largesses. Joseph Jumca , Onuphre Villa et Mathieu 
Salas, fabriciens de cette église, lui ont consacré ce 
monument. » 

a Telle est la transcription littérale conforme à celle qui 
se trouve dans le livre des Conseils de la Révérende 
Communauté delà paroisse de Saint-Félix de Sabadell. 

a Desquelles choses je fais foi, dans la dite ville de Sabadell, 
le 12 juin de l'an du Seigneur mil huit cent soixante-dix- 
sept. 

« Signé: Pierre TURUL ET MORAGAS, 
Prêtre , Bénéficier. 

LOCO SIGILLI 

Communauté de Prêtres de Sabadell. 

« Moi D. Jean-Baptiste Ramoneda, prêtre et vicaire 
paroissial de la ville de Sabadell , diocèse de Barcelone , 
j'atteste et fais foi que dans le livre où se trouvent les noms 
et prénoms des défunts , on lit l'inscription suivante , 
littéralement transcrite : 

«A neuf heures et demie du matin, du samedi 27 avril 1793, 
dans la paroisse de Saint-Félix de la ville de Sabadell , 
diocèse de Barcelone , à l'âge de 70 ans environ , mourut 
l'Illustrissime et Révérendissime seigneur D. Charles de la 
Cropte de Chantérac, Evoque d'Alet, du royaume de 
France. Il reçut le Sacrement de Pénitence que lui admi- 
nistra le Révérend Alexis-Gérôme Rolland, Recteur de 
Vendémies dudit Evêché d'Alet, et le Sacrement d'Extrôme- 
Onction des mains du Révérend D'" Sagimon Campdcpadros, 



-m- 

prêtre, recteur de la dite ville de Sabadell. Le cadavre du 
défunt fut dépose le 29 du dit mois, dans l'église paroissiale 
de la dite ville, au côté gauche du Grand Portail. On célébra 
un office correspondant à sa dignité avec dix torches. On 
ne connaît pas de testament de sa part dans cette ville. De 
quoi fait foi D"" Sagimon de Campdcpadros , recteur de 
ladite ville. A cinq heures un quart du soir, du lundi 
29 avril 1793, fut déposé le cadavre de l'Illustrissime et 
Révérendissime seigneur D. Charles de la Cropte de 
Chantérac , évêque d'Alet , du royaume de France 
susnommé , dans le côté gauche du portail de l'église 
paroissiale de Saint-Félix de Sabadell. Dans le cercueil, on 
a placé une inscription latine avec une fiole en verre pour 
sa mémoire , laquelle in pace requiescat. Le tout en 
présence de moi , soussigné , et des RR. Estienne Lucet , 
archiprêtre , Guillaume Fort, chanoine, tous les deux du 
Chapitre d'Alet , Pierre Ancens , recteur de Roquetaillade , 
Alexis-Gérôme Rolland, recteur de Vendémies, et d'autres 
prêtres français de l'Evêché d'Alet ; et les RR. Joseph 
Torras, Joseph Puigjanez, Miquel Busqueta, tous prêtres 
de la présente ville et autres. De quoi , je fais foi en le jour 
et an susdit. D. Sagimon Campdcpadros, prêtre, recteur 
de la susnommée ville de Sabadell. Il faut noter que ledit 
Illustrissime et Révérendissime Evêque d'Alet arriva en 
cette ville, environ à midi du mardi 9 octobre 1792. Il en 
est ainsi. D. Campdcpadros, prêtre, recteur de Sabadell. » 
Telle est la transcription littérale , comme il conste dans 
le Registre des Sépultures de cette paroisse de ladite cité de 
Sabadell. De quoi je fais foi , ce douze juin de l'an mil huit 
cent soixante-dix-sept. 

Signé : Jean-Baptiste RAMONÉDA , 

Prêtre susiioiniiié , bénéficier. 
LOCO SIGILLI, 

Parûisse de Sabadell. 

14 



— 210 — 



Complétons ce récit par quelques circonstances qui 
nous ont été transmises par les Prêtres présents à la 
mort et à la sépulture. 

Dès que Mgr de Chantérac eut rendu sa belle 
âme à Dieu , on le revêtit de modestes habita 
pontificaux, et on plaça une crosse de bois doré à sa 
main, à cette main qui ne s'était jamais ouverte que 
pour bénir et pour répandre des bienfaits. glorieux 
Confesseur de la Foi, je vous contemple avec admira- 
tion et les larmes aux yeux, couché dans le cercueil 
dans cet état de pauvreté volontaire, que vous aviez préfère 
à toutes les richesses qui écrasaient les parjures, les 
intrus , les traitres à leurs serments. Oui vou^ 
m'apparaissex infiniment plus glorieux que lorsque dans 
les grandes solennités, vous marchiez à la tête d'ur 
nombreux clergé, le front ceint de la mitre précieuse, 
tenant à la main, le bâton d'or, symbole de votre 
autorité pastorale ! La croix de Tévêque Confesseur dé 
la Foi, fut conservée comme une relique précieuse 
pour orner la porte du Tabernacle du Maître-Autel, oi 
on la voit encore, non sans émotion. 

Les soldats originaires d'Alet qui pendant les guerres 
avec l'Espagne eurent la bonne fortune de venir 
Sabadell, racontèrent à leur retour, avec attendrissement, 
qu'ils s'étaient fait un pieux devoir de se prosterner sui 
la tombe de Mgr de Chantérac, et qu'ils avaient été 



^ 511 - 

édifiés de la vénération des habitants de ce lieu, pour 
le dernier évêque d'Alet, mort en odeur de sainteté. 

M. le marquis Marie- Joseph Audoin de la Cropte de 
Chantérac , chef de la branche de Chantérac, nous a 
communiqué un document qui confirme ce que nous 
avons rapporté sur le culte rendu à ce Confesseur 
de la Foi. C'est une lettre de Madame la duchesse 
d'Orléans, alors réfugiée en Espagne , (1807) au sujet 
du mariage de son père, le marquis de Chantérac, et 
dont le fils possède l'autographe . 

« Ce que vous me dites de son établissement répond bien 
à l'idée que le lidcle ami (qui n'a pas craint de suivre mon 
infortune) m'avait dit de la famille de Chantérac. 11 con- 
naissait l'Evesque d'Alct, lequel est mprt ici, en Espagne, 
en odeur de sainteté; et offre, après sa mort , le spectacle 
d'cstre laissé dans un sanctuaire, à la vénération des fidèles 
({ui allument des cierges, autour de son cercueil... » 

Signé : La Duchesse D'ORLEANS. 
VIII. — Monument à élever à la mémoire de Mgr de Chantérac. 



Après avoir terminé le récit de la vie si édifiante de 
Mgr de Chantérac, de douce et vénérée mémoire , 
nous devons dire à la louange des conseillers munici- 
paux qui ont gouverné Alet, pendant le premier quart 
' de ce siècle, qu'ils avaient souvent émis le vœu, d'élever 
une colonne commémorative, sur le Pont de cette ville 
pour perpétuer , par des inscriptions , la glorieuse 



— 212 — 

mémoire de leur dernier et illustre Evoque. Les édil^ 
reconnaissants avaient choisi le pont d'Alet, de préfi 
rence à la place de la Cité, ou à tout autre lieu, afm qu 
les étrangers qui viendraient dans la ville pusser 
admirer le monument. Par le plus ingénieux des rap 
prochements , ils avaient voulu élever la colonne votive 
à la jonction des deux routes qui aboutissaient à Alet 
et qui étaient son œuvre , pour rappeler le souvenir d 
Bienfaiteur du pays , de UEvêque des Chemins , su 
le lieu même qui avait été le théâtre principal de s€ 
fatigues et de son dévouement , pour le bien-êtr 
matériel de son peuple. (1) 

A défaut du pouvoir civil , il faut espérer que 1 
religion, représentée par ses ministres, remplira magn 
fiquement ce vœu pour perpétuer la mémoire de l'Evêqu 
Bienfaiteur du pays et Confesseur de la Foi. 

Dès que la Providence nous eut confié l'Administra 
tion de l'importante paroisse d'Alet , et le jour même d 
notre installation , nous fîmes part à notre nouveau trou 
peau, si le ciel nous prêtait vie, du projet de faire reveni 
de l'exil, les cendres de Mgr de Chantérac, et de les place 
dans l'église agrandie et restaurée, dans cette même églis 
où le saint évêque avait souvent rempli les fonction 
épiscopales. Voilà , ô glorieux pontife , la place d'hon 



(1) Lettre du Maire d'AIet du 29 octobre 1822, à M. Fauveau 
sous-Préfet de Limoux, pour demander le concours du pouvoir 
« grâce au système réparateur adopté par le meilleur des Rois. 



— 213 — 

Leur que vous réserve votre peuple reconnaissant. Ce 
l'est pas assez d'une simple colonne ! Il vous faut un 
lonument digne d'un Confesseur de la Foi ! Vos reli- 
ues sacrées, en quittant le temple qui les abrite si 
énéreusement depuis près d'un siècle, doivent reposer 
ans la Maison du Seigneur , qui a été votre propre 
Iglise , dont vous aimiez les parvis et la beauté , comme 
) Ptoi-Prophète ! Oui, saint Pontife, pour réparer Fhu- 
liliation de votre départ , et consoler les Anges de votre 
Iglise qui pleurent encore sur votre exil , vos cendres 
ugustes doivent traverser de nouveau votre cher 
iocèse , au milieu des acclamations des enfants de ceux 
ui vous ont méconnu , et reposer dans le temple même 
ù vous offriez le divin sacrifice. 

Armoiries de Mgr de C hanter ac. 

D'azur , à la bande d'or , accompagnée de deux fleurs 
e lys de même. Pour ornements extérieurs de l'écu , 
ne couronne de comte , et les marques de la dignité 
piscopale. 

Son portrait. 

Nous avons reçu , de M. le Comte V. de Chantérac, 
es photographies du dernier évêque d'Alet , prises 
ir un portrait peint à l'huile qui appartient à M. le 
larquis de Chantérac , son cousin , et chef de la famille 
e ce nom 

Mgr de Chantérac est assis sur un fauteuil, devant sa 



— 214 — 

table de travail. Il écrit, la main gauche reposant 
ouverte sur son genoux. Le* vénérable prélat a voulu 
être représenté clans l'attitude d'un homme qui réfléchit, 
et qui confie au papier un projet qui doit immortaliser sa 
mémoire. La croix pastorale brille sur sa poitrine. Les 
traits du visage sont d'une beauté et d'une régularité 
qui ne laissent rien à désirer. Impossible de décrire 
cette magnifique tête , ornée d'une belle chevelure 
encadrant un visage dont la douceur et la modestie 
saisissent de respect et inspirent la vénération. Les 
yeux sont vifs et étincelants. En un mot, tout dans le 
jeu de cette physionomie , dénote une intelligence 
d'élite Mais, après l'intelligence, le trait saillant , le 
caractère distinctif de cette belle et noble physionomie? 
est la douceur et la bonté. Lorsque nous avons présenté 
cette photographie à une personne d'Alet, « Je connais 
bien là, s'est-clle écriée aussitôt, Mgr de Chantérac, en 
voyant la douceur de son visage. Ma mère qui avait eu 
le bonheur de le voir souvent, m'a tellement parlé de 
sa douceur, de sa bonté, de son affabilité, que je recon- 
nais bien là, les traits du dernier évêque d'Alet !... » 
Impossible de faire un plus bel éloge de la ressemblance 
d'un portrait. 

Nous espérons que tous les habitants d'Alet, se feront 
un pieux devoir de reconnaissance de conserver dans 
leurs maisons, le portrait du prélat qui fut confesseur 
de la Foi, et le bienfaiteur du pays. Cette image vénérée 
sera une protection pour les familles, un encouragement 
et le modèle de toutes les vertus. 



CHAPITRE XX. 



La Cathédrale de Saint-Benoit. — L'Ancien Cloître 
BÉNÉDICTIN. — Le Chapitre. 



§ I. — La Cathédrale de Saint-Benoît. 



Lorsque les huguenots, maîtres d'Alct, pendant dix 
ans , eurent démoli, Tannée 1577, une partie de 
l'église abbatiale, devenue en 1318, église cathédrale , 
l'évéque et le chapitre furent obligés de se réfugier dans 
l'ancien réfectoire des Bénédictins, qui devint la nou- 
velle cathédrale d'Alet, sous le vocable de Saint-Benoit. 
Cet édifice, qui a la forme d'un long parallélogramme , 
mesure 8 mètres de large sur 39 de long , savoir 19 
pour la nef, 10 pour le chœur, et 10 pour le sanctuaire, 



— 216 — 

Sa hauteur , sous le plafond de bois qui couvrait le reste 
de l'église, et qui est entièrement détruit, pouvait 
mesurer 12 mètres environ. La voûte du sanctuaire et 
de la sacristie, qui n'en est séparée que par un mur , 
fut construite après Tannée 1600. Elle est basse, sans 
style ; on lui donna quelque ressemblance avec les 
voûtes du XV° siècle. 

On pénétrait dans cette église, située devant le Palais 
épiscopal, par une porte du XVIP siècle, que l'on voit 
encore, mais un peu plus basse et moins large. On 
trouvait en entrant, une petite tribune destinée à sup- 
porter les orgues, qui se trouvent à l'église de Quillan. 
La soufflerie compliquée de l'époque, était placée sur 
la porte contigue de l'ancienne abbaye. Vers le milieu 
de l'église, et à gauche, on avait construit une chapelle. 
En 1790 Mgr de Chantérac fît bâtir la parallèle, qui 
mesure 6'"40 sur 3'"35. Sous les toitures extérieures , et 
au-dessus d'une fenêtre murée , on remarque deux 
riches chapiteaux historiés, tirés des ruines du couvent 
ou de l'église Notre-Dame. 

A la suite de ces chapelles , commençait le chœur, 
dont le sol était élevé de deux ou trois marches. Les 
stalles s'alignaient de chaque côté , et la première en 
entrant, à droite, près la Sainte-Table , servait pour 
l'Evêque. Dans les offices pontificaux^ on dressait dans 
le sanctuaire, du côté de l'évangile, un trône plus dis- 
tingué. Il y avait un autre degré à l'entrée du' sanctuaire 
sous lequel passait le Thcron, qui arrosait les jardins de 
révêché. Mgr Maboul, évêque d'Alet, fut enseveli le 22 
mai 1723, du côté de Tévangile, et Mgr de Bocand , du 



— 217 — 

côté de l'épître, le 3 décembre 1762. On admire dans ce 
même côté, deux grandes ouvertures romanes, qui res- 
semblent aux belles portes des maisons. La première était 
une vaste fenêtre pour éclairer le réfectoire , et la 
deuxième, une porte. On voit à la suite une fenêtre , 
semblable à la première , et qui est murée. Sous le 
cintre de la porte et de la fenêtre se trouve un arceau 
plus petit, qui repose de chaque côté sur deux piliers 
ronds. Les chapiteaux extra-riches qui les couronnent 
sont couverts de feuilles , d'entrelas, d'animaux , de 
scènes à personnages, dont le style est de la fin du 
XI*" siècle. 

A côté des colonnes rondes, on a ajouté à l'ouverture 
qui servait de porte , une troisième colonne carrée avec 
une inscription, qui indique qu'en 1270 et 1274 il mourut 
deux personnages dont les noms sont illisibles. Un petit 
œil de bœuf placé au-dessus, avec son parallèle en face, 
éclairaient le sanctuaire. Le reste de l'église recevait le 
jour par les petites fenêtres romanes assez élevées, 
qui furent construites avec le réfectoire des Bénédictins. 
Le maitre-autel placé aujourd'hui dans le Chœur de 
TEglise 8aint-André, était appliqué contre le mur qui 
sépare le sanctuaire de la sacristie, qui mesure 8 
mètres de large sur 5 mètres 80 de long, et qui arrive 
jusqu'au transsept nord de la cathédrale en ruines do 
Notre-Dame. 

■ Mgr de Chantérac fit exécuter des réparations impor- 
tantes à cette deuxième cathédrale, de 1787 à 1789. 
Pendant ces trois années, le Chapitre célébrait les ofïîcos 
à l'égli.^e Saint-André, dont il était le curé primitif. Cas 



— 218 — 

réparations consistaient à pousser des moulures en 
plâtre, genre Renaissance, à les couvrir de peintures, 

etc 

La cathédrale de Saint-Benoit possédait un riche 
trésor et plusieurs ornements d'un grand prix. Il y avait 
jusqu'à sept chapes à chaque ornement , les jours" de 
solennité. On remarquait en particulier , une chasuble 
en drap d'or, présent de la reine Catherine de Médicis. 
Tout fut enlève^ par les commissaires du district , ou 
brûlé sur la place publique, sauf quelques objets qui 
ont été rendus à l'église Saint- André, et dont nous par- 
lerons à un autre chapitre. La cathédrale fut ensuite 
vendue et démolie, à l'exception du sanctuaire et de la 
sacristie. 



Acte de vente de la, cathédrcile. 



Le 24 décembre 1793, par devant nous , membres du 
Directoire du district de Limoux, a été vendu l'emplacement 
de réghse du ci-devant Chapitre d'Alet, dépouillée de tous 
les meubles, sculptures, peintures, etc., au citoyen Jean 
Menier , capitaine du 3'"'' bataillon de la lovée en masse , 
pour le prix de 2,550 livres. 

Depuis Tannée 1877, où M. Albert Niveduab est 
devenu propriétaire de cet édifice , la procession de 
Saint- André vient faire tous les ans, deux stations dans 
le sanctuaire de cette église, l'une le jour de la Fête- 
Dieu, où l'on place le Saint-Sacrement à Tendroit occupé 



— 219 — 

par le Maître-Autel, et l'airtre, le 15 août, fête patronale 
de la ville d'Alet. On y porto en triomphe la statue 
miraculeuse de Notre-Dame, qui date du XIIP ou 
même du XIT siècle, pour rappeler le souvenir de la 
procession que célébraient à pareil jour, l'Evêquc et le 
Cliapitre, dans la dernière cathédrale d'Alet. 



^ II. — L'ancien Cloître Bénédictin. 

Arrivé devant le portail en fer de Tévêché, le visiteur 
aperçoit à côté de la cathédrale de Saint-Benoît , une 
tour carrée, de la hauteur de l'église , et qui a Tasjxict 
d'un antique monument. C'était l'entrée de l'abbaye. 
Cette tour n'est qu'un mur en belles pierres, qui avance 
sur la rue, et qui est percé par une voûte à plein cintre. 
On dirait qu'elle est supportée vers le milieu de son 
épaisseur, par une deuxième voûte de même style, qui 
repose à son tour sur un autre arceau, plus étroit, qui 
forme l'ouverture de l'entrée principale du monastère. 
Cette ouverture, aux jambages droits, sans aucun orne- 
ment, est décorée de chaque côté, d'une colonne ronde 
avec chapiteaux extra-riches, que supportent le deuxième 
arceau placé sous cette voûte si nAassive : on dirait 
une archivolte qui encadre avec beaucoup de grâce 
cette antique porte. Les chapiteaux hootoriés sont du 
milieu du XV siècle , à cause des petite; personnages 
sculptés que Ton y admire. La voûte avec les arcs 
fuyants , forme un petit porche, où Ton ne voit pour 
ornement, de chaque côté, qu'une corniche trèsr8h;,U^^^5 



— 220 — 

dont la gorge est ornée de demi-boules saillantes. Dans 
le mur extérieur, qui s'élève au-dessus de ce petit 
porche, on avait creusé un triangle, pour y enchâsser 
une pierre sur laquelle le ciseau des moines avait 
sculpté une croix grecque. — Lorsqu'on a franchi cette 
entrée monumentale, on voit encore aujourd'hui , à une 
distance de huit mètres, un reste du mur assez épais , 
qui formait avec la muraille parallèle à la porte d'entrée , 
Taile méridionale de l'abbaye. Ce corps de bâtisse, qui 
se prolongeait vers le couchant , formait un des côtés 
du cloître bénédictin. La partie du levant, était bornée 
par le mur de la cathédrale Saint-Benoit, ancien réfec- 
toire des religieux, où l'on remarque encore les sommiers 
et les corbeaux qui supportaient la toiture en bois qui 
recouvrait les cloîtres, sur une longueur de 40 mètres 
environ, jusqu'à l'église Notre-Dame, qui formait le troi- 
sième côté du cloître. Les corbeaux, incrustés après 
coup dans le mur de leglise Notre-Dame , indiquent 
que ce monument existait avant la construction du 
cloître, dont le style révèle le milieu ou la fin du XP 
siècle, tandis que les murs de l'église abbatiale datent 
de l'an 1000. Du côté du couchant, le cloître était 
terminé par un autre corps de bâtisse qui servait d'habi- 
tation aux moines, avec l'aile méridionale. Vu letat 
actuel des lieux, et faute d'autres renseignements , il 
est impossible de rien dire de plus sur les construc- 
tions de l'abbaye bénédictine d'Alet. 



— 221 — 



§111.— Le Chapitre d'Alet. 

Nous avons dit au chapitre XP, qu'en l'année 1318 , 
le pape Jean XXII avait érigé Alet en Evêché. Trois 
ans après, il sépara la mense épiscopale de la mense 
du Chapitre. Enfin, en 1532, une dernière Bulle 
sécularisa le Chapitre , mais sans rien enlever aux droits 
de l'Evêque , en sorte que le Chapitre ne jouit d'aucune 
exemption ni privilège : il fut soumis en tout à l'autorité 
de l'Evêque, et aux lois communes de l'Eglise. La Bulle 
de sécularisation statuait seulement que les Canonicats 
se conféreraient tour à tour par TEvêque et par le 
Chapitre. Quant aux prébendiers ou bénéficiers , les 
Chanoines présentaient au Chapitre qui instituait, et la 
Bulle demande que ceux qui seraient nommés fussent 
habiles ou versés dans la connaissance du chant ou des 
cérémonies : « Periti sint in cantu et in cœremoniis 
Ecclesise. » Ce qui suppose les autres qualités essen- 
tielles à un ecclésiastique , comme la bonne vie , la 
piété, etc 

Le Chapitre d'Alet était composé de douze Chanoines, 
dont neuf Capitulans , c'est-à-dire qui avaient voix 
délibérante , et droit de vote dans les assemblées capitu- 
laires. Les Chanoines capitulans étaient réunis au son 
de la cloche , et chacun , en particulier , était averti de 
l'heure et du lieu de la réunion capitulaire. Les 
Chanoines , lors de leur réception , faisaient le serment 
de maintenir les droits du Chapitre , et ils étaient tenus 



— 222 — 

à la résidence , ainsi que tous les autres bénéficiers , 
d'après les saints Canons , renouvelés en 1609, dans le 
Concile provincial de Narbonne , auquel assista Mgr de 
Polverel, prédécesseur de Mgr Pavillon. Les Chanoines 
portaient l'Aumusse : c'était une fourrure que l'on plaçait 
sur le bras. 

Le Chapitre d'Alet était composé de douze Chanoines 
de premier ordre et de seize Bénéficiers , en tout vingt- 
huit ecclésiastiques. Il y avait des Bénéfices du 
bas-chœur qui ne rapportaient que cinquante écus de 
rente. Le Chapitre comptait, parmi ses dignitaires , le 
Doyen , le Précenteur ou grand Chantre , qui devait 
veiller au chant et à la célébration du Service divin , 
le Théologal et le Syndic qui étaient élus tous les ans. Il y 
avait encore un Secrétaire, qui était un simple employé, 
chargé d'écrire les délibérations capitulaires sur les 
Registres du Chapitre , et un Trésorier ou Receveur 
laïque , choisi pour une année. Le Vicaire-Général , 
l'Archidiacre , l'OlTicial et le Promoteur du diocèse 
dépendaient de FEvêque. 

En l'année 1633 , sous Mgr Pavillon , le Chapitre était 
composé comme il suit : 

Jacques- Joseph de Menard de Lestang, doyen; Rives, 
syndic ; Vincent Ragoit , promoteur ; François Hardy , 
théologal et directeur du Grand-Séminaire ; Guillaume 
de Pradines , archidiacre ; Olivier d'Arse ; Louis de 
Belloc ; de Montfaucon ; Fabre ; Jean Ragot , cousin du 
Promoteur ; Crescens ; Pech ; Salva , laïque , trésorier 



— 2-23 — 

du Chapitre ; Simon Pcllicier , vicaire-général , ^ était 
archiprétre d'Alet et lieutenant ou assesseur de 
rOfficial. 

Les Chanoines et Bénéficiers se réunissaient tous les 
jours à la Cathédrale de Saint-Benoît, pour y célébrer 
les offices capitulaires. On chantait Platines à six heures 
du matin, depuis la Toussaint jusqu'à Pâques, et la 
Grand'Messe à dix heures. Et depuis Pâques jusqu'au 
1*'' novembre, on commençait TofFice à six heures du 
matin et la Grand'Messe à neuf heures, sauf les 
dimanches et fêtes chômées, ainsi que lesjours déjeune, 
où la Grand'Messe se célébrait à dix heures. Mais 
lorsque Mgr de Chantérac , marchant sur les traces des 
Evoques de France , crut pouvoir , dans sa bonne foi , 
donner un Rit particulier au diocèse d'Alet , le Chapitre 
demanda à Sa Grandeur , qu'il lui plut de modifier cet 
ancien ordre de choses, en fixant l'heure de Matines, 
pour toute l'année, à six heures, et la Grand'Messe à dix 
heures. Les Chanoines alléguaient pour raisons princi- 
pales, que l'on n'avait pas de routine, c'est-à-dire 
d'habitude , sur le nouveau Bréviaire , qu'il fallait de la 
lumière pour y lire , pendant neuf mois de l'année , que 
les uns se levaient pour se rapprocher des flambeaux , 
tournant le dos à l'autel , que les autres quittaient leur 
place pour mieux voir , etc. , ce qui occasionnait une 

infinité d'indécences, qui troublaient le bon ordre 

Devant de si graves raisons, le sage Prélat accorda, 
par une Ordonnance provisoire , ce changement , jusqu'à 
la prochaine visite de la Cathédrale. 



— 524 — 

Le 24 novembre 1781 , le même Evêque, à la requête 
du Chapitre , rendit une autre Ordonnance , pour la 
réduction des messes. A cette époque, il y avait cent 
sept obits fondés : un grand nombre remontaient à 
plus de cent cinquante ans. Soixante-quinze de ces 
obits n'avaient que cinq livres , établies sur divers 
particuliers , dont plusieurs ne paient rien. 

Par le laps de temps , les biens chargés de ces rentes, 
étaient partagés entre plusieurs , ce qui faisait que les 
uns donnaient un sol , les autres cinq , d'autres quinze, 
etc.. Enfin, qu'une bonne partie de ces rentes étaient 
perdues ou prescrites. Pour toutes ces raisons , causes 
et motifs... les cent sept obits furent réduits à soixante- 
trois. Les autres quarante-quatre furent remplacés 
par quarante- quatre messes basses. 

A la même époque , Mgr de Chantérac réduisit les 
obits et fondations du Chapitre collégial de Saint-Paul- 
de-Fenouillèdes. Il y avait quatre-vingt- deux obits avec 
cinq cent vingt-sept livres de revenu : deux offices de 
morts pour quatre livres , et mille quatre cent soixante- 
douze messes pour lesquelles on avait fondé cinq cent 
quatre-vingt-deux livres. Les quatre-vingt-deux obits 
furent réduits à trente-deux ( 1 ). 



( 1 ) La suite manque sur le Registre des Ordonnances des visites 
de Mgr de Chantérac, commencé en 1780... 

M. Jean-François de Luillier, doyen du Chapitre collégial de 
Saint- Paul et vicaire-général de Mgr l' Evêque, fut délégué pour 
faire l'enquête. Ce vénérable prêtre est mort à Limoux, vers 1847, 
à un âge très-avancé. Il a été le bienfaiteur de l'Hospice et de 
l'église Saint-Martin de Limoux. 



— 225 — 

Nous allons maintenant faire connaître à nos lecteurs 
les formalités canoniques et civiles, observées à cette 
époque, pour obtenir un bénéfice au Chapitre d'Alet. 
Trois pièces étaient nécessaires : 1" l'approbation cano- 
nique ; 2" l'autorisation ou visa du Parlement ; S'' la 
prise de possession. 



1° Institution canonique. — Charles de Chantérac, 

Evoque d'Alet vu l'attestation apostolique donnée à 

Rome, le 12 juin 1780 , par laquelle nous sommes informés 
qu'une Prébende d'une antique fondation , établie dans 
notre église Cathédrale , est venue à vaquer* par la rési- 
gnation que Jean Rouzaud en a faite entre les mains de 
Notre Saint-Père le Pape , nous la concédons et nous la 
donnons , en vertu de l'autorité apostolique , à vous Antoine 
Niveduab, reconnu suffisamment instruit dans un examen 
après avoir souscrit le formulaire par lequel vous déclarez 
adhérer aux Constitutions apostoliques d'Innocent XI et 
d'Alexandre VII , au sujet du Jansénisme , et après avoir 
professé devant nous la foi catholique , et nous ordonnons 
au vénérable Chapitre de vous mettre en possession de cette 

Prébende , avec tous ses droits de vous assigner une 

stalle au chœur 

Donné à Alct, le 6 octobre 1780. 

2*^ Visa du Parlement de Toulouse. — Sur la requête 
présentée à la Cour par Antoine Niveduab clerc tonsuré du 
diocèsed'Alet,pourdemanderqu'il plaise à la Cour n'entendre 
empêcher l'exécution des provisions de Cour de Rome qui 
confèrent au suppléant une Prébende dans l'église d'Alet... 
la Cour accorde ledit Niveduab sera tenu de se présenlei* 

15 



— 226 — 

à qui il appartiendra pour obtenir l'entière exécution des 
dites provisions. 

Prononcé à Toulouse , en Parlement, le 21 juillet 1780. 

3° Prise de possession. — Le 6 octobre 1780 , après midi, 
ùAlet, dansTéglisecathcdrale, chœur d'icelle et avant Vêpres 
par devant nous, notaire royal et apostolique dudit Alet....' 
a été constitué en personne M. Antoine Niveduab , clerc 
tonsuré, lequel ayant la présence de M. Loubet Jean, prêtre 
prébendier et syndic des Prébendiers , lui a dit et exposé 
que sur les résignations faites en sa faveur d'une Prébende 

de l'antique fondation il aurait obtenu des provisions en 

Cour de Rome , homologuées au Parlement de Toulouse, et 
revêtues du visa de Mgr l'Evoque à la suite de la déli- 
bération capitulaire qui vient d'être prise par MM. les 
Chanoines et Dignitaires du Chapitre , de vouloir le mettre 
et installer en la corporelle , réelle et actuelle possession de 
ladite Prébende : lesquelles provisions et lettres bien 
vérifiées et lues par ledit M. Loubet , à l'instant ayant pris 
M. Niveduab par la main droite , revêtu du surplis , 
l'aumusse noire sur le bras , l'aurait conduit au devant du 
Maître-Autel, s'agenouillant et faisant prière à Dieudevan^; 
la vénérable image du Crucifix , baisant ledit autel , et 
ensuite Ta installé et fait asseoir à une des chaises basses du 
chœur , du côté de l'Evangile , et observant les autres 

solennités requises laquelle prise de possession a été lue 

et publiée par nous soussigné , en présence des témoins , 

tant dans l'Eglise que devant icelle Prax, Notaire. — 

Suivent les autres signatures. 

Nous avons fait connaître à la page 175 les motifs 
qui avaient porté les Evêques d'Alet à supprimer deux 
titres de Chanoine, dont les revenus, évalués à IjOOOfr. 



— 227 — 

pour chaque titulaire , servaient à entretenir clans Alet, 
deux Régents, Tun pour les petites écoles, et l'autre pour 
enseigner le latin. D'un autre côté , le diocèse d'Alet 
avait lait un abonnement avec le collège des Doctrinaires 
de Limoux. Grâce à la générosité et au zèle du Clergé, 
renseignement était gratuit pour les enfants des deux 
sexes. 

De^cvï/ption du dernier sceau du Chapitre d'Alet. 

D'or à une croix de Gueules : tenants, deux Anges 
de carnation avec ceinture, supportant une couronne de 
Comte. On lit tout le tour : « Capitulum Ecclesife 
Electensis. » 

Propriétés du Chapitre dAlet, d'après le Compoix 
de 1768, pages 400 et 401. 

Le Chapitre possédait: 1" Soixante-dix-sept cannes, 
maison et Tinal et un jardin , une quartière un coup où est 
le Doyennat ; entre hi Grand'Rue, réglisc Notre-Dame et 
l'église Saint-Benoît. 

2** Un hcrm à Montpertus de cent ({uatre-vingt-trois 
sétérées, sur le chemin d'Alet à Missègre. 

T Un jardin au Vieux-Moulin , dit à la Portelle^ de trois 
coupes et demie , sous le Presbytère Saint-André. 

4° Un four de ville , indivis avec Monseigneur , contenant 
cinquante cannes (page 13). 

ô"" Une maison , horte , pré, bois et herm à Fombouil- 
lagucs , contenant six sétérées trois ([uartières, à la source 
du Theron , payant 5 liv. 12 sol. 10 d. 1/4. 

6" A côté , un bois et herm à la Gayrote , contenant une 
sétéréc une (piartière trois coupes , payant 4 sols G d. 9/16. 



— 228 — 

7<* Un herm Al Mouly ^ sur le Theron , contenant une 
quartière six coupes , payant 3/16 de deniers. 

8° Un ferrageal et herm , payant 4 sols et demi. 

9" Un pré , contenant une quartière cinq coupes et demi, 
payant 9 sols 1/2. 

10** Un moulin farinier à eau et un ferrageal , contenant 
le moulin quarante-neuf cannes et le ferrageal contenant 
une quartière un coup et demi (17 livres 13 sols) , situé 
entre le grand chemin de Couiza , le ruisseau de La Valette 
et la rivière d'Aude. 

Il** Un herm à Bentail , contenant trois sétérées, payant 
denier 3/4 denier. 

Total y 24 livres 3 sols 7 deniers 1/4 pour ces sept derniers 
articles. 

Les quatre premiers étant réputés nobles , et par consé- 
quent , exempts de taille. 



Noms des Chanoines et Prébendes duChapitred'Alet 

de 1770 à 1780. 

1° Dix Chanoines titulaires. — Cayrol Madaillan, doyen; 
Marsol devint doyen en 1781 ; Milliès, Déjean, Prax, Peyré, 
Camurac , Fourié , Affrc , Delonca. 

2^ DiX'huit Prébendes, — D'Anticamareta , Fabre , 
Berniole , Larade , Raymond , Cambriels , Bezombes , 
Tournier , Fonds , Loubet ; Palauqui , Salva , Guilhot , 
Borrel , Bastide , Bernard, Jouy , Antoine Niveduab. 

Au milieu du bouleversement général qui régnait en 
France depuis 1789, les membres du vénérable Chapitre 



— 229 — 

n'avaient pas cessé de célébrer l'ofTicc divin. Le 
l" octobre 1791, l'Assemblée législative, qui remplaça 
TAssemblée constituante, prononça la peine de la 
déportation contre les prêtres qui persisteraient à refuser 
le serment à la Constitution civile du Clergé. Malgré 
cette terrible menace , les courageux Chanoines conti- 
nuèrent à remplir leurs fonctions , jusqu'au 25 janvier 
1792. Ce jour-là, ils tinrent leur dernière réunion 
capitulaire , au moment de partir pour l'Espagne , avec 
Mgr de Chantérac , leur Evêque bien-aimé. La Cathé- 
drale d'Alet fut la dernière fermée en France. 

Nous ne connaissons pas tous les noms des vénérables 
Chanoines et Prébendes qui composaient le Chapitre 
d'Alet, en 1792, lorsqu'ils partirent pour l'exil, à la suite 
de leur saint Prélat. Nous savons seulement que le 
Chapitre, en corps , accompagna son illustre chef. 
Nous n'avons pu découvrir que les noms suivants , de 
ces glorieux Confesseurs de la Foi. MM. Marsol, doyen, 
Prax, Fort Guillaume , Fourié , Delonca, Lucet, Archi- 
prêtre d'Alet, Chanoine honoraire-né, et l'abbé 
Niveduab , prébende , témoin de la mort de Mgr de 
Chantérac , qui a raconté les circonstances de ce trépas, 
et que nous avons connu dans notre enfance. 

M. Marsol, doyen, fut nommé vicaire capitulaire 
après la mort de Mgr de Chantérac. De retour à Alet , 
il continua à administrer ce diocèse jusqu'à la prise de 
possession de l'Evêché de Carcassonne , par Mgr de 
La Porte, après le Concordat. M. Prax fut enterré à 
Alet. M. Lucet est mort curé de Caudiès, comme nous 



— 230 — 

le dirons bientôt, et M. Niveduab Antoine, curé de 
Luc-sur-Aude (1). 



( 1 ) Voici la Biographie de l'abbé Niveduab , Confesseur 
de la Foi : 

« Après avoir fait ses études au collège de Mirepoix, où il mena 
une conduite exemplaire, attestée par les meilleurs certificats, 
revêtus du visa du Grand-Vicaire de Mgr de Cambon, Evcque de 
cette ville, il fut tonsuré en 1778, par Mgr de Chantérac, à l'âge de 
seize ans, et il obtint , en 1780, une Prébende à la Cathédrale 
d'Alet. 

« Entré, en 178G, au Grand-Séminaire, il reçut dans la Chapelle 
de cet établissomciit, tous les ordres, jusqu'à la Prêtrise on l'année 
1787. Mgr de Chantérac le nomma de suite vicaire de Saint-Scrnin 
et du Vila, où il fut remplacé en 1791, par le pouvoir civil, pour 
n'avoir pas voulu prêter le serment schismatique exigé par la loi. 

« L'abbé Niveduab rentra à Alet, jusqu'au IG août 1792, où il 
partit pour l'Espagne, quinze jours avant Mgr de Chantérac. Il 
assista à la mort et à la sépulture de ce bienheureux Prélat, arrivée 
l'année suivante. 

« Après un exil de plus de huit ans, il repartit pour la France, le 
IG novembre 1800. A peine rentré à Alet, une députation des habi- 
tants de Luc-sur-Aude, vint le demander pour pasteur, e^ M. Marsol, 
ancien doyen du Chapitre d'Alet, Grand-Vicaire, le siège vacant, 
rentré lui aussi de l'exil, le nomma à cette cure, où il est mort 
en 184G. A son retour en France, l'abbé Niveduab fut obligé de 
faire devant le Sous-Préfet de Linioux serment de fidélité à la 
Constitution. Le Ministre de la Police l'autorisa à rentrer en 
France. Qualifié de déporté dans cette pièce, il fut placé sous la 
surveillance du Maire et de l'Adjoint de Luc. Il obtint la radiation 
de son nom inscrit sur le sixième volume de la liste des émigrés, et 
un autre arrêté du Préfet de l'Aude, le mit en possession de ses 
biens, meubles et effets invendus (|ui étaient sous le séquestre, sans 
qu'il put prétendre à aucune indemnité pour les objets qiii pouvaient 
avoir été aliénés au profit de la République. » 



CHAPITRE XXI, 



DIVISION ECCLÉSIASTIQUE DU DIOCÈSE d'aLET. 
ÉTxVT DU CLERGÉ, EX 1789. 



Le diocèse d'Alet était divisé en deux Archiprêtrés , 
celui de Saint-André d'Alet et du Haut-Razès ( 1 ) , qui 
comptait cinquante-quatre paroisses, et celui de Caudiès, 
pour le pays des Fenouillèdes , renfermant trente-trois 
paroisses. Trente-sept succursales étaient réparties 
entre ces deux Archiprêtrés. 

Il y avait aussi des vicaires forains , chargés de tenir 
les conférences et de veiller sur les Recteurs et Vicaires 
de leur détroit ou district. Ils remplissaient les fonctions 
des Curés- Doyens actuels et en avaient les privilèges. 



( 1 ) Il y avait à l'Oificialité do Limoux , qui était le palais do 
rArchcvcquc de Narbomic , un Odicial ou Vicaire-Général. (|iii 
portait le titre dOlIirial du Has-Ray.és, ou simplement , rff/ liazès. 



— 232 — 

Sous Mgr Pavillon , le diocèse était divisé en sept 
Conférences, qui se tenaient tous les mois. Le premier 
lundi du mois à Quillan , le mardi à Espezel , le jeudi 
au Capsir , le vendredi à Escouloubre , le lundi de la 
deuxième semaine à Caudiès , et le mardi à Saint-Paul- 
de-Fénouillet et à Alet. 

On trouve sur les dernières cartes du diocèse d'Alet , 
un prieuré-cure à Lansac , entre Saint- Paul et la Tour 
de France ; un oratoire près de la Tour de France ; une 
chapelle de Pénitents Blancs , près de Sournia , Notre- 
Dame de Formiguère , Notre-Dame de Lasvals , près 
Caudiès , THermitage de Saint- Antoine de Galamus , 
près de Saint-Paul : Trois chapelles , celle de Cabane , 
près le Vivier , celle de Bessède , et celle du château de 
Brasse. Anciennement , il y avait un prieuré au moulin 
de Brasse , ce qui suppose que cette propriété avait été 
dans le principe un bien d'Eglise. Les prieurés, en effet, 
n'étaient pour la plupart , dans l'origine, que de simples 
fermes dépendantes des abbiyes. L'abbé du Monastère 
envoyait un certain nombre de religieux dans une ferme, 
pour la faire valoir. Leur chef était appelé Prévôt ou 
Prieur , et ces fermes portaient le nom d'Obédiences ou 
Prieurés (2). 



(2) Sous Mgr Pavillon, un nommé Dupuis fit bàtir une fort belle 
maison au Moulin de Brasse, dépendant de la paroisse de Cornanel. 
M. Dupuis voulut reJover ce petit Prieuré, dont la chapelle n'étail 
plus qu'une masure. Dans les provisions qu'il obtint en Cour de 



— 233 — 

Plusieurs de ces églises ou chapelles étaient enCas- 
tellées , c'est-à-dire tellement enclavées dans l'enceinte 
des châteaux-forts , qu'on ne pouvait y pénétrer , sans 
la permission des Seigneurs. Pendant l'âge de fer, et 
durant les guerres qui suivirent le Moyen-Age , on dut 
bâtir les églises dans l'enceinte des forts , sans quoi elles 
auraient été pillées et brûlées par les ennemis , ou bien 
elles leur auraient servi de refuge. Or , l'Eglise qui 
trouvait son avantage à cet état de choses, l'avait 
approuvé avec reconnaissance, à cause des services 
qu'on lui rendait. 

Les temps étant changés, l'Eglise fit disparaître 
insensiblement ces privilèges , pour le plus grand bien 
des âmes, et pour le libre exercice de son culte. Voilà 
pourquoi Mgr de Pavillon, pour certaines de ces églises, 
lit percer des portes par le dehors des châteaux et 
murer les tribunes et les portes de communication , qui 
rendaient, en quelque sorte, le seigneur maître de 
réG:li.se. 

On démolit quelques-unes de ces églises , et on en 



Rome, il fit donner à ce Prieuré, le titre de Cure. Mgr Pavillon, 
nalurcUcmcnt opposé à ces sortes de privilège, refusa le visa à cette 
pièce, et l'institution canonique au prêtre qui en était pourvu. 
M, Dupuis s'adressa à l'Archovêquo de Narbonno, Métropolitain 
d'Alet , ({ui établit ce prêtre , curé de Brasse , et qui députa un occlé- 
siastiquo jiour bénir la chapelle , dès qu'elle eut été relevée de ses 
ruines. Depuis 1780, cette chapelle a été convertie en habitation 
particulière. 



— 234 — 

construisit h leur place de plus commodes pour les 
fidèles. 

Mgr Pavillon érigea en cure le prieuré simple de 
Saint-Martin-en-Lys. Il y avait autrefois dans ce désert 
inaccessible , un Monastère de Bénédictins, qui n'était 
plus à cette époque qu'une masure. Aujourd'hui on 
n'aperçoit que quelques pans de murailles de cet 
antique Moustier, dont l'Eglise fut consacrée, après 
l'an 1000, par un grand nombre d'Evôques. Ce prélat 
y fît bâtir une église et un presbytère, après avoir 
obtenu la résignation de ce bénéfice simple , du prêtre 
étranger au diocèse qui en jouissait 

Le diocèse d'Alet possédait deux maisons de Réguliers. 
L'une de Dominicains non réformés, en la ville de 
Quillan , qui était la principale du diocèse , et l'autre 
d'IIermites de Saint-Augustin , à Caudiès. Une Collé- 
giale de Chanoines était établie en l'église de Saint- 
Paul-de-Fenouillet ( 1 ). 



( 1 ) Anciennement le diocèse d'Alct possédait quatre abbayes : 
Saint-Jacques de Jocoux, Saint-Martin-de-Lez, Saint-Pierre de 
Fenouillhèdes et Sainl-Paul de Fenouillhèdes. La liste assez complète 
des abbés de Jocoux, existe depuis Wulfarius, en 873, jusqu'à 
Jean II de Lévis, en 1159, en tout vingt-un abbés. Celle de Saint- 
Martin, depuis Basile, 808, jusqu'à Guillaume, après 1045, en tout 
treize abbés , est moins complète. L'an 1045, l'Evoque Guifred de 
Carcassonne fit la Dédicace de l'Eglise de Saint-Martin-en-Lez. Le 
Maître- Autel était consacré au grand Thaumaturge des Gaules , et un 
autre Autel , au Sauveur du monde et à tous les saints. On y 
découvrit beaucoup de reliques de Saints , dont le nom est inconnu 



— 235 — 

Enfin , la ville épiscopalc possédait un Grand-Sémi- 
naire , fondé par Mgr Pavillon , et dirigé après sa mort, 
par les prêtres de Saint-Lazare. 



Liste des Curés et Vicaires du diocèse cl A le t 
en Vannée 1784. 

Sur le conseil de Mgr l'Elvèque de Carcassonne , si 
plein de respect pour le passé glorieux du diocèse 
d'Alet, nous nous empressons de faire connaitre à nos 
lecteurs , les noms de ces prêtres vénérés qui furent , 
pour la plupart, Confesseurs de la Foi. Des notes, au 
bas de chaque page , indiqueront les renseignements 
très-incomplets que nous avons pu nous procurer sur 



sur la terre. L'Evêque de Carcassonne fut assisté des seigneurs et 
des Evêqucs de Toulouse, d'Elnc, d'Urgel, de Béziers et de 
l'Archidiacre de Saint-Pons. 

Peu après, cette abbaye fut unie à celle de Saint-Pons de 
Thomicres , et ne fut plus qu'un Prieuré , dont on connaît quelques 
l>rieurs, jusqu'en 1204. Le Monastère de Saint-Martin de la Pierre- 
I i ys ou de Lez comme l'appellent les aociennes Chartes, qui font remonter 
sa fondation , vers la fin de la première race de nos rois, fut surpris à la 
fin du XVP siètlo par les Iconoclasto>s de la Réforme qui le ruinèrent 
de fond en comble, après avoir égorgé les Religieux et les Catho- 
liques romains (jui habitaient autour du couvejit. On ne voit plus 
aujourd'hui qu<» quelques pans de murailles, qui indicpient rempla- 
cement de cette anti({ue abbave et de son église f|ui avait le fiire de 
Basilique, 



— 236 — 

un petit nombre. Nous prions les personnes compétentes 
de vouloir bien nous en adresser de plus étendus , pour 
transmettre à la postérité les noms glorieux do ces 
prêtres martyrs de leurs devoirs et de leur soumission 
à la sainte Eglise. 

On trouvera dans cette liste du Clergé d'Alet, que la 
collation des cures était faite, par l' Evoque d'Alet, par 
rArcheveque de Narbonne, par le Chapitre de Saint-Just 
de la même ville, par celui de Saint-Paul-de-Fenouillet, 
par des prieurs de Monastère ou des patrons laïques. 
Pour comprendre cette discipline ancienne , en usage 
dans le diocèse d'Alet, comme dans tout le reste de 
l'Eglise, il faut savoir que jusqu'en 1318, le diocèse 
de Narbonne embrassait tout le territoire de celui 
d'Alet, et que dans l'origine, les Chapitres étaient les 
curés des paroisses qui s'établirent successivement, 
et où les premiers Evêques envoyaient un des prêtres 
de leur Eglise qui formaient le Chapitre. 

De là l'usage des Chapitres , reconnu plus tard 
comme un droit par les Conciles , de conférer ces 
anciens bénéfices. Lorsque le pape Jean XXII , érigea le 
siège d'Alet , en 1318, l'Archevêque de Narbonne et 
son Chapitre , retinrent d'un accord commun et pour 
reconnaître l'ancienne dépendance de l'Eglise d'Alet 
vis-à-vis de sa Métropole , le droit de conférer certaines 
cures. 

Les abbés des Monastères conféraient de plein droit 
les bénéfices simples qui dépendaient de leurs abbayes, 
comme les offices claustraux: .et les prieurés. 



— 237 — 

Certains Chapitres séculiers et réguliers avaient 
également le droit de conférer des bénéfices. 

Enfin, les seigneurs laïques étaient coUateurs des 
bénéfices qu'ils avaient fondés , des cures ou chapelles 
domestiques dotées par leurs largesses. L'Eglise 
toujours reconnaissante pour les bienfaits reçus , avait 
accordé ce privilège aux premiers fondateurs et à leurs 
descendants. Mais , comme TEvêque du diocèse est seul 
chargé par le Saint-Esprit du gouvernement de son 
Eglise, tous les coUateurs étaient rigoureusement 
obligés , après avoir choisi les sujets les plus dignes , 
d'après les saints Canons, de les présenter à FOrdinaire, 
qui seul pouvait leur donner Tlnstitution canonique. 



Catalogue des Curés du diocèse d'Alet suivant la prise 
de possession de leur bénéfice ^ pour l année 1784. 



1. RoQUETAiLLADE. — Pierre MARTIN, coll. Mgr TEvêque 

d'Alet, le 13 décembre 1734. 

2. Camurag. — Antoine-Joseph GROS, coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet, le 20 juillet 1735. 

3. Trilha. — CLERCY , coll. l'Archevêque de Narbonne, 

en 1736. 

4. Maury. — BENET , coll. Mgr l'Evoque d'Alet, en 1738. 

5. Visa. — Pierre MARTIMORT , coll. l'Archevêque de 

Narbonne . le 28 mars 1745. 

6. EsPKRAZA. — François DEBOSQUE , coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet, le 10 octobre 1749. 



— 238 — 

7. MoNTAZELS (1). — Jean-Bernard CARLES , coll. Mgr 

l'Evoque d'Alet , le IG novembre 1751. 

8. PiJiLAURENS. — Louis KIDESANTES, coll. le prieur de 

Filhos , religieux de Saint-Michel du Canigou , le 
IGjuin 1752. 

9. BouRiÈGE. — Antoine VALGROS, coll. Mgr l'Evéque 

d'Alet, le IG février 1753. 

10. EsGOULOUBRE. — MATHIAS Martin, coll. le Chapitre 

de Saint-Just de Narbonne , le 17 mars 1755. 

11. BuGARACH. —Joseph-Urbain DARSSES , coll. Mgr 

l'Evêque d'Alet , le 16 mars 1756. 

12. Luc. — Jean BESO.MBES , coll. Mgr l'Evêque d'Alet , 

le 27 mars 1756. 

13. Saint-Couat. — Louis GIBERT , coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet, le 29 juin 1756. 

14. Saint-Ferriol. — Victor-Ifyacinte CORONAT , coll. 

le Chapitre collégial de Saint-Paul , le 18 octobre 
1756. 

15. Campoussi. — Gabriel-Bonaventurc ROGER, coll... le 

12 novembre 1757. 

16. Arques. — Antoine ALBONI , coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet, le 10 février 1758. 

17. Les Angles. — Antoine CAPELA , coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet, le 1'*'' décembre 1758. 

18. Real. — Pierre MARTIN , coll. Mgr l'Evêque d'Alet , 

le 15 avril 1761. 



(1) M. Cariés, de Quillan, a fait construire la belle fontaine qui 
orne la place de l'Eglis'', à Montazels. 



— 239 — 

19. Prax. — Paul-François CASTELAN , coll. l'Arche- 

vêque de Narbonnc , le 2 janvier 1762. 

20. AuNAT (1). — Jean DELMAS, coll. le Chapitre collégial 

de Saint-Paul , le 30 décembre 1762. 

21. CoROMAiNG. — CUGUILLERE , coll. le Chapitre de 

Saint-Justde Narbonne , en 1762. 

22. Fenguilhet. — Jean ROLLAND , coll. le Chapitre de 

Saint-Just de Narbonne , le 11 juin 1764. 

23. RouvENAc. — Benoît SICRE, coll. Mgr l'Evoque d'Alet, 

le 20 décembre 1764. 

24. Masubi. — Paul MAURAS , coll. l'abbé régulier de 

Saint-Michel du Canigou , le 26 mai 1765. 

25. Feste. — François PUGENS , coll. Mgr TEvôque 

d'Alet, le 13 janvier 1766. 

26. Roquefel'il. — Magloire FOURIE , coll. Mgr 

l'Evêque d'Alet , le 28 juin 1766. 

27. FoNTRABi. — Jean-Baptiste UTEZA, coll. MgrTEvêque 

d'Alet, le 21 août 1766. 

28. MONTALBA. —Jean-Pierre CHAMOPON, coll. l'Arche- 

vêque de Narbonne , le 26 novembre 1766. 

29. Rabouillet. — Jean-Baptiste SEGUI, coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet, le 28 août 1767. 

30. Fromiguières. — Amant MEINIER, coll. Mgr l'Evoque 

d'Alet , le 15 octobre 1767. 

31. Le Vivier. — Charles BONERY , coll. le Chapitre do 

Saint-Just de Narbonne, le 16 décembre 1767. 



(I) Confesseur de la F'oi : au retour de l'exil, il vint mourir à 
Aunat. 



— 240 — 

32. Le Clat. — Raymond-Pierre BATAILLE , coll. le 

Chapitre collégial de Saint-Paul , le 24 mars 1768. 

33. AxAT. — Etienne SABARTHES , coll. le Chapitre de 

Saint-Just de Narbonne, le 8 juin 1768. 

34. Terroles. — Pierre-Marc DOUTRE, coll. Mgr TEvêque 

d'Alet, le 17 janvier 1769. 

35. MoNTFORT. — Paul BEAUX , coll. en litige , le 16 août 

1769. 

36. La Serpent. — Joseph-François CLERGUE, coll. Mgr 

l'Evêque d'Alet , le 18 décembre 1769. 

37. Fontanes. — Charles VAISSE , coll. M. l'Evoque 

d'Alet, le 28 septembre 1770. 

38. SaixNT-Félix. — Louis BRUYERES, coll. Monsieur de 

Bonac , le 12 septembre 1771. 

39. Antugnac. — Barthélémy BURGAT , coll. Mgr l'Evoque 

d'Alet, le 2 octobre 1771. 

40. Cornanel. — Pascal UTEZA , coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet, le 20 octobre 1771. 

41. Cailha. — Guillaume BOUSQUET , coll. le Chapitre 

de Saint-Just de Narbonne , le 13 juillet 1772. 

42. Saint-Louis. — Jacques FRAINIER, coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet , le 1" décembre 1772. 

43. Serres. — Henri PUGENS , coll. Mgr l'Evêque d'Alet, 

le 16 août 1773. 

44. Rennes. — Antoine BIGOU, coll. Mgr l'Evêque d'Alet, 

le 9 novembre 1774. 

45. Mérial. — Jean-Pierre CAMBOU , coll. l'Archevêque 

de Narbonne , le 9 octobre 1775. 

46. SaixNT-Martin-Lis (1). —Félix ARMAND, coll. Mgr 

l'Evêque d'Alet, le 15 novembre 1775. 



(1) Voir à la fin du volume, la ViedeM. .4rmand, Appendice, no II. 



— 241 — 

47. Fosse.— François COUSSON , coll. l'Archevêque de 

Narbonnc , le 9 décembre 1778. 

48. QuiLLAN. —Jean UTEZA , coll. Mgr l'Evcque d'Alet, 

le 6 avril 1778. 

49. Trevilhac. — Louis LAPEIROUSE, coll. le Chapitre 

de Saint-Just deNarbonne , le 22 juillet 1778. 

50. Brenac. — Jean-Baptiste SEGALA , coll. le Chapitre 

cathédral d'Alet, le 28 juillet 1778. 

51. GiNOLES. — Jean-Antoine ARMAND, coll. Mgrl'Evêque 

d'Alet, le 31 août 1778. 

52. Niort. — François BIROT, coll. Mgr l'Evoque d'Alet, 

le 16 septembre 1778. 

53. Feilhurs. — Jacques CARELA , coll. l'Archevêque de 

Narbonne, le 27 juin 1779. 

54. Campagna. — Raymond ESCANE , coll. le Chapitre 

collégial de Saint-Paul , le 21 avril 1779. 

55. Saint-Joulia. — Jacques ROILLET, coll. Mgrl'Evêque 

d'Alet, le 7 novembre 1779. 

56. Salverines. — François LAYA , coll. le Prieur de 

Filhos , le 2 décembre 1779. 

57. Latour. — Bernard SERRES , coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet et le Chapitre collégial de Saint-Paul à l'alter- 
native, le 6 mars 1780. 

58. LeBezu. — Jean CABANIER, coll. Mgr l'Evêque 

d'Alet , le 7 avril 1780. 

59. SouRNiA. — Jean-Louis SIGNOREL , coll. l'Arche- 

vêque de Narbonno , le 23 mai 1780. 
00. Les Bains (1). — François-Pierre CAUNEILLE , coll. 
Mgr l'Evêque d'Alet, le 27 juin 1780. 



(1) A son retour de l'exil il reprit le gouvernement de la paroisse 
des Bains-de-Rcnnes, où il mourut en 1804. 

16 



— -24^2 — 

Gl. BoiJGRAiriNK. — IMerrc GAICIIE , coll. Mgr lEvcque 
d'Alct. le 22 août 1780. 

G2. Marsa. — .Jcan-I]aptistc PEZILLA, coll. le Cliapi<,re 
collégial de Saint-Paul, le 12 décembre 1780. 

G3. Belvis (1). — Pierre-Dominique OAUNEILLE , coll. 
Mgr l'Evoque d'Alet, le 20 janvier 1781. 

G4. Lesquerde. — Martin AUDOUl, coll. le Chapitre de 
Saint-Just, le l""" février 1781. 

G5. Joucou (2). — Jean DELMAS , coll. le Chapitre collé- 
gial de Saint-Paul , le 30 janvier 1782. 

G6. Cassaignes. — Jean PAGES , coll. le Chapitre de Saint- 
Just de Narbonnc, le 5 mars 1782. 

G7. Nebias (3). — Pierre CRUSSOL, coll. Mgr l'Evêque 
d'Alet, le 18 mai 1782. 



(1) M. Cauneille, frère du curé des Bains de Rennes , fut député 
par le Clergé du diocèse d'Alet , aux Etats généraux à Versailles , 
en 1789. Lo 4 janvier 1791 , il refusa de prêter le serment schisma- 
tiquc , pendant que la multitude égarée , criait aux portes de 
l'Assemblée : « Mort aux prêtres qui ne feront pas le serment. » 
Le courageux Confesseur de la Foi , après s'être déguisé , se dispo- 
sait à quitter Paris , lorsqu'un jeune homme qui aiguisait son sabre, 
le menaça, en disant : « Mort aux Tiers !.. » Il sortit de la capitale, 
caché dans une charrette pleine de foin , et traversa la France , au 
milieu de mille périls. Mais lorsque l'Assemblée législative eut 
prononcé la déportation , contre les prêtres fidèles. M. Cauneille 
partit pour l'Espagne. A son retour de l'exil, il fut nommé curé de 
Campagne-les-Bains, où il est mort vers 1835. Les restes de ce 
Confesseur de la Foi reposent dans l'ancien cimetière de Campagne, 
situé devant le presbytère. 

(2) Au retour de l'exil , il mourut à Joucou. 

(3) Mort dans cette localité, après son retour de l'exil. 



i 



— 243 — 

68. CONDON. — Pierre BELOU, coll. Mgr l'Evoque d'Alot, 

le 18 mai 178-2. 

69. Saint-Paul. — Gabriel DEVILLE , coll. Mgr l'Evoque 

d'Alct, le 18 mai 1782. 

70. Fa. — Pierre-André LOUDET , coll. Mgr lEvequc 

d'Alet, le 22 mai 1782. 

71. RoDOME. — Alexandre-Scipion-Bernard DE MONT- 

BRISON, coll. le Chapitre de Saint-Justde Narbonne, 
le 14 juin 1782. 

72. CousTAUssA. — Jean BELOU, poil. Mgr FEvêqued'Alet, 

le 20 juin 1782. 

73. Ansignan. — Guillaume-Clément RAYMOND , coll. le 

Chapitre de Saint-Justde Narbonne, le 27 juin 1782. 
7i. Belesta. — Jean-Roch AZEMA, coll. le Chapitre de 
Saint-Justde Narbonne , le 14 juillet 1782. 

75. Saint-Just. — Jean-Baptiste SALVA , coll. Mgr 

l'Evcque d'Alet , le 30 juillet 1782. 

76. Alet (1). — Etienne LUCET, coll. Mgrl'Evéque d'Alet, 

le 20 août 1782. 

77. CouiZA. —Joseph BORREL, coll. Mgr l'Evêque d'Alet, 

le 20 septembre 1782. 

78. Belcaire. — Gabriel BLANCHARD, coll. Mgrl'Evéque 

d'Alet, le 20 octobre 1782. 

79. Caudiès. — Julien LACAN , coll. le Chapitre de Saint- 

Just de Narbonne , le 7 novembre 1782. 

80. Campagne (2). — Antoine MEDUS, coll. Mgr l'Evcque 

d'Alet , le 17 décembre 1782. 



(1) Au chapitre XXVI, on donnant la liste des Archiprêtrea d'Alet , 
nous rapporterons tout ce f[<.ii concerne M. Lucot. 

(2) A son retour de l'Espagne, il fut nommé curé de Quillan. 



— 244 — 

81. CouNOzouLS. — François AUDOUI , coll. rArchevôquo 

de Narbonne , le 3 janvier 1783, 

82. Raziekes. — Pierre CORONAT , coll. l'Archevêque de 

Narl)onne, le 27 février 1783. 

83. RouzE (2). — Antoine BEILLE , coll. M. de Bonac, 

le 10 mars 1784. 

84. Roquefort. — Barthélémy LOUBET , coll. l'Arche- 

vêque de Narbonne , le 2 août 1784. 

85. Sainte-Colombe. — Antoine SARDA , coll. Mgr l'Evê- 

que d'Alet, le 22 septembre 1784. 

86. Vendemies. — Alexis-Jérôme ROLLAND , coll. Mgr 

l'Evoque d'Alet, le 11 octobre 1784. 

87. Matemale 



Vicaires. 



Barthélémy MARTIMORT , vicaire de Caumus, le 
23 mars 1777. 



(1) A son retour de l'Espagne, il fut nommé curé de Quillan. 

(2) Ce courageux pasteur ne quitta pas le Donaizan ( aujourd'hui 
canton de Qucrigut) , divisé en deux paroisses, Saint-Félix et 
Rouze. Le curé de Saint- Félix partit pour l'Espagne avec ses trois 
vicaires. M. Beille resta à son poste, car il avait été décidé que les 
curés plus robustes n'abandonneraient pas le pays, pour administrer 
les Sacrements. Surpris et conduit comme un malfaiteur à Carcas- 
sonne, il fut exécuté dans cette ville et enterré au cimetière Saint- 
Vincent. 



— 245 — 

Bernard FOURIÉ, de Quillan , le 29 mai 1779. 

Jean DEBOSQUE , vicaire du Villa et de Saint-Sernin , 
le 29 mai 1779. 

Pierre SALVA (gradué), il était vicaire de Rouvenac , 
le 20 mai 1780. 

Biaise OLIVE , le 20 mai 1780. 

Louis OLIVE , le 23 février 1782. 

Joseph BONNET , le 24 mai 1782. 

Dominique CAMREDON , le 34 mai 1782. 

Guillaume-Roch PUGENS , de Perpignan. 

Jean SOLERE, le 14 juin 1783. 

Jean-Baptiste DELPEY , le 14 juin 1783. 

Pierre MAUSAN (gradué) , le 15 juin 1783. 

Jean-Baptiste JAUBERT , le 23 décembre 1783. 

Pierre-Isidore BACQUE , le 23 décembre 1783. 

Jean-Henri RIVIERE (gradué) , le 6 mars 1784. 

Honoré SABARTHES (gradué) , le 5 avril 1784. 

Antoine ROCHER, le 5 avril 1784. 




CHAPITRE XXII 



MAISON ÉPISCOPALE. — CHAPELLE DE l'ÉVÊCIIÉ. 
REVENUS DE l'ÉVÉQUE ET EMPLOI DE CES BIENS. 



§ I". —Palais Episcopal. 

Les anciens d'Alet ont toujours aiTirmé , comme le 
tenant de la tradition la plus reculée , que la première 
maison des Evoques était située sur la place publique , 
au Levant , entre la rue perpendiculaire à la place qui 
va jusqu'à TEvêché , et celle qui conduit à la porte de 
Calbière, au Midi. 

Lorsque Jean XXII créa Tabbé Barthélémy, premier 
Evèque d'Alet , en 1318, le nouveau Prélat, dut conti- 
nuer à résider dans le couvent. Mais ses successeurs , 
qui n'étaient pas Moines , ne pouvaient plus demeurer 



— 247 — 

avec leur personnel , dans le Monastère , sans troubler 
l'ordre prescrit par la règle. L'ab])aye dut céder ou 
acheter , pour maison épiscopale , les bâtiments et 
jardins, situés sur la place , comme nous venons de le 
dire. 

Plus tard , lorsque le nombre des Religieux eut 
considérablement diminué , le Pape fut obligé , en 1531, 
de séculariser le Chapitre. Dans le partage qui eut lieu 
de Tancienne abbaye , TEveque garda naturellement 
pour lui et pour les ecclésiastiques de sa maison , la 
majeure partie des bâtiments et jardins du Monastère. 
Le reste fut partagé entre les Chanoines. Ainsi la partie 
méridionale de TEveché actuel , devint par le laps de 
temps , la propriété du Chanoine Charbonière , qui la 
légua à TEvéque. Son nom est encore inscrit sur une 
plaque , recouverte de mortier , placée sur la dernière 
porte de TEvêché , voisine de l'ancienne Cathédrale. 

L'abbaye , devenue palais épiscopal , tomba au pouvoir 
des Huguenots en 1577 , qui la pillèrent et la démolirent 
en partie , ce qui obligea les Evêques de se réfugier , 
dans leur château de Cornanel , jusqu'à Mgr Pavillon , 
qui commença à relever l'Evêché de ses ruines , travail 
continué avec le même zèle , par ses successeurs. 

Ainsi, Mgr Mélian , l'année 1692, fit abaisser le 
rempart du côté de la rivière , et on le couronna par la 
balustrade en pierre que nous admirons , et qui forme 
comme une ceinture percée à jour, entre les arbres 
plantés sur le bord de l'eau , et ceux qut ombragent les 
jardins supérieurs. Une vue de TEvéché, prise du côté 
de l'Aude, en 173(î , nous donne une idée complète de 



— 248 — 

cet édifice. Il se composait à cette époque, de deux 
ailes principales. L'une au Midi , percée de fenêtres 
régulières, qui est complètement détruite; l'autre du 
côté du Couchant , flanquée de trois tours carrées : les 
deux corps de bâtisse qui reliaient entre elles , ces trois 
tours, sont irréguliers pour leur élévation , comme pour 
leurs ouvertures , pratiquées dans les anciens remparts. 
Mgr de Chantérac , Ingénieur, Architecte distingué, 
voulut donner à son Palais épiscopal l'aspect d'un 
monument. Il abattit l'aile occidentale, et éleva à sa 
place la construction dont on admire l'extérieur gran- 
diose. L'intérieur répondait au dehors , par l'intelligente 
distribution qui avait disposé chaque partie, pour 
rendre le service plus facile. On est ravi en entrant 
dans la salle synodale , embrassant un are de surface , 
et qui est ornée d'une superbe cheminée en marbre et 
de deux portraits d'Evêques , oncles de M. de Chantérac. 
Cette vaste pièce était située au premier étage de la 
nouvelle bâtisse , à la jonction des deux ailes. On y 
arrivait du côté du Midi , en montant Tescalier en 
pierre de taille , qui était la partie la plus remarquable 
de l'ancienne abbaye , et du côté du Couchant , par un 
long corridor où aboutissaient toutes les pièces de la 
nouvelle construction. Cette vaste salle faisait le pendant 
des salles basses et hautes du Couvent, qui étaient 
fort belles et fort grandes. Sous Mgr Pavillon (1), 



(1) Relation d'un voyage à Aleth, parLancelot, page 41, 



— '249 — 

elles n'étaient ni tapissées ni meublées : il y avait 
seulement un grand tableau dans chacune , et quelques 
bancs de bois , contre les murailles. 

Ces deux ailes étaient environnées de vastes jardins 
où serpentaient des cours d'eau alimentés par leThéron, 
en sorte qu'il est difficile de trouver un emplacement 
plus propice , et qui réunit de plus grands avantages. 
Enfm , l'antique Cathédrale de Notre-Dame en ruines , 
et la nouvelle Cathédrale dédiée à Saint-Benoît, 
formaient deux corps de bâtiments parallèles aux ailes 
du Palais épiscopal , et ces quatre constructions 
renfermaient l'ancien cloître Bénédictin , converti en 
superbes jardins. 

Mgr de Chantérac avait encore fait bâtir , près le 
pont , en partant de la rivière , et en suivant la nouvelle 
route qu'il venait d'ouvrir dans Alet , un autre corps de 
bâtiments , pour les remises , serres chaudes , orangerie.. . 
et autres décharges du Palais épiscopal. Il payait vingt- 
cinq livres de rente annuelle à la ville d'Alet , qui lui 
avait cédé ce terrain. Cette dernière construction, où 
l'on retrouve, dans son genre, le cachet des grandes 
œuvres, réalisées par cet éminent Prélat, arrivait 
jusqu'aux anciennes prisons de la ville ou de l'Evêché , 
puisque l'Evêque, en sa qualité de Comte, était 
seigneur temporel d'Alet. Elles étaient construites au 
Levant du Palais épiscopal , à l'angle formé par la nou- 
velle route et la rue qui descend de la place, vers l'Evêché. 



Toi) -- 



II. — Chapelle do l'Evêché. 



La piété de Mgr de Ohantérac voulut faire entrer 
dans le nouveau plan du Palais épiscopal , la eonstruc- 
tion d'une chapelle , digne en tout de son zèle pour la 
beauté dn la maison de Dieu. 

Il la construisit en face de la Cathédrale de Saint- 
Benoît : ainsi la porte d'entrée de la Chapelle qui était une 
ancienne porte ogivale, encore existante, se trouvait 
placée vis-à-vis la grande porte de l'abbaye. Cette 
Chapelle , dans le style de la Renaissance , a été détruite 
avec l'aile méridionale de TEvêché. Au premier étage 
du palais , on avait pratiqué une petite fenêtre , comme 
celle que l'on voit au fond de l'église Saint-André, 
pour permettre à l'Evêque et aux serviteurs de sa 
maison d'adorer le Très-Saint Sacrement. 

Voici le procès-verbal de la bénédiction de la Chapelle, 
extrait du registre des Ordonnances des visites de 
Mgr de Chantérac : 

« Charles de la Cropte de Chantérac ayant fait 

construire , dans notre Palais épiscopal , une nouvelle 
Chapelle , à la dccoration de laquelle nous avons donné 
depuis plusieurs années, l'application la plus suivie, et 
ayant enfin la satisfaction de la voir achevée et dans l'état 
de décence où nous la desirions , nous en avons fait 
aujourd'hui nous-mcme la Ijcncdiction, sous rinvocatiou 



— 251 — 

de la Très-Sainte Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ , et 
nous y avons procédé comme suit : 

« L'an 1789 et le 3 mai , premier Dimanche du mois , où 
Ton célèbre l'anniversaire de la Dédicace de toutes les 
églises de notre diocèse , assisté de MM. Borrel , Archi- 
diacre et Supérieur de notre Séminaire ; Lucet , Archiprôtre 

et Curé de Saint-André après avoir pris nos ornements 

pontificaux , serions venus processionnellement jusqu'à la 
porte de la Chapelle , en dehors , où nous avons trouvé le 
peuple réuni auquel nous aurions fait une instruction pour 
expliquer l'intention de l'Eglise , dans la cérémonie que 
nous allions faire, les dispositions et l'esprit avec lequel il 
devait y assister. 

« Suit le récit de la cérémonie. 

a Après quoi, nous nous serions tournés vers le peuple 
et continuant l'instruction que nous avions commencée , 
nous aurions parlé sur la Sainteté des églises... avec quelle 
jureté il faut y venir , avec quel respect et quelle crainte 
on doit s'y tenir : et nous aurions terminé en rappelant 
notre consécration par le Baptême , pour être les temples 
vivants de l'Esprit-Saint... qu'il fallait conserver à ce temple, 
sa consécration et sa pureté . par la fuite du péché , et 
l'orner tous les jours de plus en plus, avec le secours de la 
Grâce , par la pratique de la charité et des actes de toutes 
les vertus chrétiennes. 

« Après la sainte messe... et avoir distribué du pain à 
tous les pauvres... nous nous serions retirés... 

« Signé; f CHARLES, Evêque d'Alet. » 

On avait })lacé dans la nouvelle Chapelle un autel 
il'un ^'■rand prix, composé de marbres précieux, 
ncrustés au milieu de riches sculptures sur bois doré. 



— 252 — 

Cet autel décore aujourd'hui le sanctuaire de Téglise de 
Couiza. Au-dessus du Tabernacle, on avait conservé le 
tableau de Jésus-Christ en Croix , qui orne le rétable de 
l'église Saint-André. Ce tableau , d'un certain mérite , 
paraît très-ancien. Nous pensons qu'il provient de la 
Chapelle de l'Eveché que fît démolir Mgr de ('hantérac, 
et qui était construite à la suite de la porte de l'ancienne 
abbaye, dans le parc actuel de l'Eveché. Enfin, on y 
conservait la précieuse relique de la vraie C«oix que 
les fidèles venaient vénérer les jours de ses fêtes. 



§ III. — Revenus de l'Eveché et emploi de ces biens. 



Nous lisons dans la Bibliothèque sacrée, par Géraud^ 
et Richard , Dominicains , « que le revenu de l'Evêqui 
d'Alet était de 18,000 livres, et sa taxe en Cour de Rome, 
de 1,500 florins. » 

Dans la Relation d'un voyage d'Aleth, écrite par 1^ 
Janséniste Lancelot , à la page 58 , nous apprenonij 
« que l'Eveché d'Alet, sous Mgr Pavillon, n'étai| 
affermé que 18,000 livres , et les rentes 6,000 , de sorte 
qu'il ne reste au charitable Prélat, que 8 à 9,000 livres, 
pour sa dépense , pour les charges qu'il a à soutenir et 
pour les charités qu'il fait dans son diocèse. » 

L'Evêque d'Alet et son Chapitre étaient prieurs de 
Chalabre, au diocèse de Mirepoix. L'Evêque percevait 
des dîmes dans les diocèses de Mirepoix , Toulouse , 
Comminge, etc.. comme successeurs des anciens 



1 

I 



— 253 — 

ibbés d'Alet, où existait « autrefois une célèbre abbaye 
le Saint-Benoist , dont les richesses portèrent Jean XXII, 
Pape , à Avignon , à en faire trois Evèchés , savoir : 
3elui d'Aleth , celui de Mirepoix et celui de Saint-Papoul, 
iprès avoir déjà donné une partie de son bien au 

hapitre de Narbonne ( 1 ). 

En 1668, l'Evêque d'Alet prenait des revenus dîmaires 
sur cinquante-une localités ou campagnes. Mais il avait 

n retour de grandes charges dans ces lieux , et princi- 
palement l'entretien et les réparations des églises , la 
nourriture des prêtres , le payement des prédicateurs , 

*aumône à faire aux pauvres et les charges énormes 

5ui pèsent sur les propriétaires. 

Voici les yioms des lieux qui fournisssaient 
les dîmes en 1668. 

Alet , Antugnac , Arques , Auterivc , Belbianes , Brasse 
ivec Cornanel , Brénac , Bouriège , Campagne , Cassagnes, 
Uazalrevel , Chalabre , Clermont , Coustaussa , Couiza , 
;oudons , la seigneurie de Castillon , Donazac , Fa et 
jlabier , Feste , Ginoles , Lavalettc , le Bézu , Loupia et le 
lomaine du Soulié , la Digne de Bas , le Four et le Moulin 
i'Alet , Luc , Montazels , Maubourguet , Nébias , le Prieure 
ie Noals dans le terroir d'Alet , Payra, Peyrolles, Quillan , 
Rennes , Roquefort , Roquetailladc , Rouvcnac , Sauzils , 
Serres, Saint- Vabier , Saint-Joulia et Laval , Saint-Paul , 
Maury , Espéraza , Saint-Couat , Terrollcs , Varilhes. 



(1) Page 3G. Relations d'un voyage d'Alclh. 



~ 554 — 



L'Evêque tirait un revenu sur le four cVAlet, le 
moulin qui appartenait au Chapitre, le Prieuré de 
Nouais , Luc , et , dans cette paroisse , le Terroir de 
Saint-Denis, entre Couiza et le Rec de Luc , le domaine 
de Castillon. 

D'après le Compois d'Alet de 1769, l'Evêque possé- 
dait dans le territoire de cette commune : 

1" Une Isle en breil , au milieu de la rivière d'Aude ; 

2° Un four de ville , contigu à l'hôpital , indivis avec le 
Chapitre ; 

3" Quarante-six sétérées , deux quartérées bois , appelé de 
la Valette ; 

4° Dix cannes maison servant d'audience , confrontant 
d'Auta , la rue de Roumanou ; Midi et Cers , Larado ; 
Aquilon , le canton de Balot ; 

5^ Trente-sept sétérées trois coupes , garrigue et herm à 
las Caycrs ; 

6** Une remise à la Placette , contenant soixante cannes 
et payant d'imposition 12 sols. 

7** Un patu à la rue Mélian , contenant soixante-dix-sept 
cannes , et payant un sol 8 deniers 5/8 de deniers. 

8° Cent vingt-huit sétérées , champs et herm , al Causse 
de Castillon, confrontant d'Auta et Aquilon , les héritiers 
de M. Peyre ; au dit Aquilon, Etienne Larade ; Cers, chemin 
d'Arqués ; Midi , la division du terroir d'Alet avec celui 
de Luc. 



— 255 — 

Le reste de la propriété de Castillon était compris 
dans le terrain de Luc. 

En 1781 , Mgr de Cliantérac afferma pour neuf 
années , tous les domaines et biens , rentes , fruits et 
revenus de rEvéché d'Alet pour 40,000 livres. 

Mais il se substituait aux fermiers , pour supporter 
certaines charges à leur place, et il s'était réservé 
quelques faveurs, comme la jouissance du domaine de 
Gastillon, sa propriété de prédilection (1). 

No ils avons déjà parlé des œuvres pies de toute 
nature, et des charges immenses qui pesaient sur 
TEvéque d'Alet. Nous devons , en terminant cet exposé, 
'aire connaître à nos lecteurs les services que l'Eglise 
rendait à la société. 

Avant la Révolution, TEglise aidait les vocations 



(1) Il paraît que cette propriété était de temps immémorial un 
)ien d'église. Elle avait même la lettre de Seigneurie, comme nous 
e dirons au chapitre suivant. Un acte de 1663 nous apprend que 
Mgr Pavillon racheta la seigneurie de Castillon, qui aurait été 
aliénée, lors des tarifs imposés au Cierge, pour la somme de plus de 
4.716 livres. On la désigne sous le nom de Métairie noble de 
Castillon. Les constmctions remontent à la première moitié du 
XVI* siècle. Le grand corps de bâtisse est terminé par deux tours 
:arrées, dont l'une a été abattue. L'autre est percée du côté Nord do 
deux fenêtres supperposées, dont l'intérieur est divisé en quatre 
parties par des croix en pierre. A cette époque, les tours percées de 
■enétres n'étaient conservées que pour donner du mouvement à 
'édifice, et pour éviter la monotonie d'une façade rectilignée. Les 
pierres qui servent de bornes pour manpicr l'étendue de ce domaine 
iont on boUos jiiorres de taille, ornées d'un côté d'une crosse d'évéquo 



— 256 — 

ecclésiastiques en conférant des bénéfices simples à 
des étudiants et même à des écoliers. 

Ces enfants en profitaient dans tout le cours 
de leurs études , n'ayant d'autre obligation que celle de 
porter la soutane et le costume de leur état. Après des 
années d'épreuve , ceux qui renonçaient au Sacerdoce , 
quittaient le sanctuaire pour chercher fortune dans le 
monde, et ils devaient à TEglise le bienfait de leur 
éducation. 

Jamais l'ancienne société française n'avait songé à se 
plaindre quand les lettres , les sciences , les arts , la 
magistrature , l'armée , s'enrichissaient à défaut du 
sanctuaire, des jeunes gens que l'Eglise avait élevés j 
avec ses magnifiques aumônes, sans jamais rien récla-| 
mer à ceux qui l'avaient abandonnée. Voilà, à l'éternellôl 



et de l'autre d'une mitre. Mgr de Chantérac avait tant d'affection 
pour ce fief de son évêché, qu'il se l'était réservé, et qu'il y venait 
très-souvent, sans doute à cause de ses anciens souvenirs, de son site 
agréable, de ses eaux abondantes et fraîches, et de son rapproche- 
ment d'Alet (3 ou 4 kilom). 

A la Révolution, ce bien fut vendu et acheté en troisième main, 
par M. Alexis Lasserre, de Limoux. Ayant appris que Mgr de 
Chantérac avait une affection marquée pour ce domaine, il fit 
rechercher partout ce Prélat, pour lui offrir cette propriété en 
résidence, jusqu'à sa mort. Pour conserver le souvenir religieux de 
cet ancien fief ecclésiastique, M. Alexis Lasserre, juge au tribunal 
civil de Limoux, et son fils J. -Théodore Lasserre, vicaire de Saint- ■ 
Martin de Limoux, y ont fait construire, en 1864, uue petite chapelle, 
avec l'autorisation de Mgr de la Bouillerie, Evoque do Carcassonne. 



— 557 — 

gloire de TEglise, le noble usage qu'elle faisait de ses 

biens. 

Et maintenant, que les ennemis de TEglise étudient 
avec impartialité , l'emploi des biens ecclésiastiques , 
par le Clergé , et ils seront forcés de proclamer que 
l'Eglise de Jésus-Christ a seule le droit de s'attril)ucr 
la gloire d'avoir accompli toutes les œuvres de la charité. 




17 



CHAPITRE XXIII. 



GRAND-SEMINAIRE D ALET. 



Mgr Pavillon a eu la gloire de fonder cet important 
établissement pour l'éducation des jeunes clercs. 

A peine arrivé à Alet , il commença par appeler de 
tout son diocèse et d'ailleurs , des jeunes gens de bonne 
espérance , qu'il réunit dans son Evêché , les initiant 
lui-même , avec son Grand- Vicaire , aux sciences ecclé- 
siastiques et surtout aux vertus sacerdotales. 

En 1648, il acheta, d'abord pour 580 livres, puis 
pour 1 ,000 livres , une maison le long de la rue dite de 
Roumanou, pour y établir le Grand-Séminaire. Cette 
maison prit bientôt une grande extension , grâce aux 
libéralités de personnes pieuses , et au zèle de l'Evêque 
qui avait su choisir le lieu le plus favorable pour cet 
établissement. En effet , le Séminaire était situé presque 
au centre de la ville , et au chevet de l'église paroissiale 



— 559 — 

de Saint-André , dont il n'était séparé que par une rue, 
devenue aujourd'hui la Grand'route. Nous admirons 
encore près de Téglise, cette grande construction, 
contigue vers le Levant , au plus bel enclos de la ville , 
après celui de TEvcché. Ce vaste enclos ou jardin était 
arrosé , comme aujourd'hui , par l'abondante source du 
Théron. 

M. Pavillon s'appliqua à doter le Séminaire de revenus 
suffisants pour Tentretien des maîtres et des jeunes clercs. 
M. Jean Ragot, Archidiacre et Chanoine du Chapitre, 
s'était chargé de la somme de 1,616 livres 17 sols 
6 deniers, provenant des biens de M. de Pradines, 
Chanoine , pendant sa vie , et il les avait employés pour 
racheter une partie de la métairie noble de Castillon , 
ainsi qu'il est relevé par acte du 8 juillet 1663 , retenu 
par feu M. Fromilhague, notaire d'Alet, exhibé et remis 
en l'original devant moi Lanabière, notaire (1 ). 

a Le seigneur Evoque désirant de satisfaire les intentions 
de M. de Pradines , qui étaient que les dits effets fussent 
employés en œuvres pies , a applique , comme il applique 
dès à présent, par le présent acte, la somme de 1,G1G livres, 
etc. , tant pour le fonds que pour la rente , au Séminaire 
d'Alet , sous les mêmes clauses et conditions portées dans 
l'acte de 1G72 , par lequel Monseigneur donne une rente de 
458 livres , en vertu du testament de M. François Hardy , 
Chanoine théologal du Chapitre. » 

En 1663, M. Pavillon s'oblige envers M. Sartre, pour 



Ml Voir page 255, la note concernant Castillon. 



-- 260 — 

la somme de 4,716 livres 17 sols 6 deniers, afin de 
racheter la seigneurie de Castillon, qui avait été aliénée 
lors des tarifs imposés au Clergé. 

Déjà, en 1668, M. de Pradines, Archidiacre (1), par son 
Testament , retenu par Jean-Antoine Labadie , notaire 
royal dudit Alet , avait disposé de tous ses biens ecclé- 
siastiques, provenant des revenus de ses bénéfices et 
pensions , en œuvres pies , donnant pouvoir à 
M. Pavillon d'en faire l'application qu'il voudrait. 

Aussi , M. Pavillon , après avoir pourvu aux premières 
nécessités du JSéminairo, se hâta-t-il d'obtenir de 
Louis XIV des lettres patentes , qui portaient confir- 
rnation de cet établissement, composé de plusieurs 
maisons que le Prélat avait successivement achetées , etjj 
qui, Tannée suivante, furent enregistrées au Parlement 
de Toulouse. Louis XIV permettait dans ces lettres, 
au dit Séminaire, de recevoir des donations jusqu'à; 
3,000 livres de rente. 



(l) Extrait des Registres mortuaires de Saint- André d' Alet : 

I 



« L'an de grâce 1668 cl le 11 avril est décédé le sieur Guillaume 



« de Pradines, Archidiacre delà Cathédrale, ayant reçu quelques 
« jours avant sa mort le saint Viaticjue et l' Extrême-Onction , des 
« mains de Mgr l'Evêque Messire Nicolas Pavillon , et s'être confessé « 
« diverses fois par moi soussigné , pendant sa maladie , et le lende- 
« main fut enseveli au cimetière de la paroisse , dans le chemin , 
« ainsi qu'il l'avait ordonné par son Testament , ayant choisi cette 
« place par humilité , ayant beaucoup édifié pendant sa vie , par la 
« pTatique de cette vertu , et de plusieurs autres. 

« Signé: VFjL]AClEli, A rclu'préhr. » 



— ^(rl — 

L'avenir temporel de cette maison étant ainsi assuré, 
M. Pavillon, en 1672, lui céda, à perpétuité , par une 
:lonation notariée, toutes les maisons , jardins , meu- 
bles qui s'y trouvaient et à lui appartenant. Enfin , par 
son Testament, il légua au Séminaire, 1,000 livres, 
pour Tentretien des ecclésiastiques pauvres , Tannée 
qui suivrait son décès. 

M. Louis de Valbclle, son successeur, continua cette 
belle œuvre, comme on le rapporte dans sa Vie. Il confia la 
direction du Séminaire aux Lazaristes , lui unit la cure 
de Roquefeuil et son annexe Espezel , pour le doter , et 
fit construire une cliapelle appropriée aux besoins de 
cet établissement. Voici les dimensions de la Chapelle : 

« En 1679 , le 20 janvier , M. Hébert , Lazariste , supé- 
« rieur du Grand-Séminaire d'Alct , arrête avec les 
« ouvriers , la construction de la Chapelle : 6 cannes et 
« demie de longueur en œuvre , 3 cannes et demie de 
« largeur en œuvre , 3 cannes de hauteur sur terre , 
« sans compter les pentes des eaux qu'ils doivent aussi 
« faire, et creuser les fondements jusqu'à la terre 
« ferme, avec deux portes. Tune de six pans de large 
« sur dix de haut , et l'autre de trois pans et demi sur 
« huit de haut , avec deux degrés d'autel , dans toute 
<( la larL'"eur de la Chapelle , et deux autres à l'entrée , 
« en pierre détaille. Encore, quatre lucarnes de deux 
(( })ans et demi de largeur et de huit de haut , pour 
«( 33 livres pour ce ([ui regarde la maçonnerie, et 
« 1()0 livres pour Ir bois, le tout terminé à la fin 
" d'avril. » 



— 202 — 



Cette chapelle , dédiée probablement. à saint François 
de Sales , patron du Séminaire , était située sur la 
petite rue qui longeait cet établissement du côté du 
Midi , et qui débouche sur la place de l'Eglise. On peut 
reconnaître encore la largeur de la chapelle, au mur 
du Levant , sur lequel reposait le Maitre-Autel , car 
remplacement de la chapelle a été converti en jardin 
bien cultivé. La sacristie était située dans la petite 
maison qui suit le jardin du côté du Levant. Cependant 
la chapelle ne longeait pas la rue méridionale ; elle en était 
séparée par un petit balcon ou terrasse peu élevée , de 
deux mètres environ de large. A la grande Révolution, 
le Séminaire et la chapelle furent vendus à de» parti- 
culiers , après avoir été dépouillés. Ainsi , l'autel en 
marbre d'Italie , vrai chef-d'œuvre de travail, fut vendu 
par le district et se trouve aujourd'hui dans l'église 
d'Espéraza, dont il est le plus riche ornement. Les 
connaisseurs l'admirent comme la merveille du pays. 
Afin de perpétuer le souvenir de cette chapelle , depuis 
Tannée 1877 , la procession de la Fête-Dieu y fait tous les 
ans une station , et le Dieu de l'Eucharistie reposera à 
l'endroit même où étaient dressés l'autel et le Tabernacle 
de la chapelle du Grand-Séminaire. 

L'année 1703, le Séminaire fit encoie l'acquisition 
de deux petites maisons , décliargées de toute taille , par 
la délibération municipale qui suit : 

a En 1703 , dans la maison de ville de Ja cité d'Alet . par 
a devant M. Bernard Fabre , maire, ont été assembles 



— 263 — 

les trois consuls modernes du dit Alet , M. J. Fromilha- 
a gue pour le Procureur juridictionnel, M. Estienno 
a Digeon , Chanoine et Syndic du vénérable Chapitre 
a d'Alct. 

(( Messieurs: J. P. Laradc, M. Salva , P. Fajols E. 

« Cros I. P. Pastre..... p. Cuguillère et M. Guilhemde 

a Saint-Salvaire. Tous ces conseillers délibèrent unanime- 
tt ment qu'ils déchargent le Séminaire de la taille de deux 
« petites maisons qu'il venait d'acquérir. » 

A partir de 1705 jusqu'en 1779, nous trouvons des 
actes par lesquels les Supérieurs du Séminaire d'Alet , 
Curé primitif de Roquefeuil et Espezel son annexe , 
afferment les revenus dimaux de cette cure , desservie 
par un vicaire perpétuel . à la charge pour le Séminaire 
de payer les frais du culte , du vicaire perpétuel , du 
vestiaire, de l'église, etc.. D'ailleurs TEvêque approuvait 
tout , puisqu'il vérifiait tous les ans les comptes du 
Séminaire. 

En 1716, Mgr Jacques Maboul, le grand orateur, 
établit un Mont-de-Piété à Roquefeuil , sous la juridiction 
du vicaire perpétuel, le Grand-Séminaire étant Curé. 
Après avoir consulté des personnes capables , le Prélat , 
à Taide de la succession du dernier curé de Roquefeuil, 
M. Bonadona, qui avait fait les pauvres ses héritiers, 
fît acheter cent setiers cibadiers d'avoine , pour être 
prêtés chaque année aux pauvres , savoir : deux tiers à 
ceux de Roquefeuil et un tiers à ceux d'Espezel , et il 
fit dresser , à cet effet , un Règlement en treize articles, 
pour la bonne administration des fonds de ce Mont-de- 
Piété, 



— 504 — 

En 17'2l , le Supérieur du Grand-Séminaire reçut en 
don , au village de Campaf^ne , des biens qui relevaient 
delà directe du seigneur-commandeur de Campagne (1). 

Les actes anciens portent qu'en 1668 , les trois quarts 
de la dime de Campagne étaient partagés également 
entre le Prieur et le Recteur ou Curé du lieu. 



Un acte commence ainsi 



« En 1718, furent présents, Messirc Charles Fabre de 
Mazan , Chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Hiérusalem , 
seigneur-commandeur de Douzcns , Magric et Campagne , 
etc » 



(1) Le curé de Campagne était alors M, Antoine Aragon, «jui 
dota son église de la belle chaire à prêcher, (juc l'on admire encore 
de nos jours, et qui a été religieusement conservée par l'intelligence 
de M. Henri Dclmas, orii^inairo de Brenac, et curé actuel de 
Campagne, à partir de 1832. Il était déjà depuis deux ans, vicaire 
de son oncle, M. Cauneille, ancien curé de Belvis, en 1780, qui fut 
le représentant du Clergé du diocèse d'Alet aux Etats-Généraux de 
Versailles, d'où il partit déguisé, en traversant l? France à pied, 
pour se rendre en Espagne. Après dix ans d'exil, ce irlorieux Con- 
fesseur de la Foi, rentra en France, et Mgr de La Porte, Evé(juc 
de Carcassonne, le nomma curé de Cam{)agne. M. Delmas, son 
neveu, a eu la gloire de construire la nouvelle églisio, dont les bras 
de la Croix sont formés jiar l'ancienne église, autrefois Cliapello 
des Chevaliers de Malte. 

Voir Ciiapitre XXI, l>age 3i2, pour ce qui c >ncenieM. Cauneille. 



265 — 



En marge , on lit : 

« Transaction avec M. le Commandeur de Malte , 
seigneur de Campagne » 

En 1740, M. Chaume, Supérieur du Séminaire, 
échange unpatus(dit à las Jiières de la Grave de 
Campagne ) , contre un morceau de Ferragcal , touchant 
le Séminaire d'Alet , et appartenant à Michel Pitorre , 
de Campagne. Le patus relevait de la directe du 
seigneur-commandeur du dit Campagne. 

Nous devons encore dire au sujet du Séminaire 
d'Alet , que la présence , dans cet établissement , des 
Lazaristes, fut l'occasion d'une enquête qui se fît à 
Alet, avant la canonisation de saint Vincent-de-Paul , 
comme il est constaté par l'extrait suivant des Registres 
obituaires de Féglise paroissiale Saint-André d'Alet , 
numéro 6 : 



« L'an 1743 et le 5 avril , a été enseveli dans le cimetière 
« de cette paroisse , François Fromilhague, notaire royal 
« et apostolique , Agé de 92 ans , après avoir reçu les 
(c derniers Sacrements. Il fut présent à la mort de M. de 
« Pavillon , dlieurcuse mémoire , et fit l'ouverture de son 
« testament une heure après sa mort , testament (ju'il 
« conservait comme un trésor. 11 fut encore choisi et prie 
« d'être Secrétaire de rciKiucte (|ui fut faite dans la 
« chapelle de l'Evcché d'Alet , pour la canonisation de 

M. \'inccnt de I*aul. ÎI était fort sobre dans ses repas. 



•266 



a lové avant le jour , assidu à ses occupations , et jamais il 
« ne prit aucune médecine. 

a Signé : PRATX , Archiprôtre. » 

Nous avons déjà dit comment finit le Grand-Séminaire 
d'Alet, à la grande Révolution. 






CHAPITRE XXIV. 



HOPITAL d'aLET. 



L'histoire «générale de l'Eglise raconte à la gloire des 
Ordres religieux que les Monastères et les Couvents ont 
été les premiers asiles des pauvres, l'IIôtel-Dieu où ils trou- 
vaient gratuitement le lit et la table. En effet, le travail des 
mains auquel les Religieux se livraient assidûment, leur 
fournissait avec abondance et leur nourriture si frugale 
et si pauvre , et la faculté de faire des aumônes abon- 
dantes. C'est ainsi que les Moines d'Arsinoé envoyaient 
pour les indigents d'Alexandrie, des bateaux chargés 
de blé, que leur patient labeur arrachait du sol brûlant 
des déserts. Saint Augustin rend le même témoignage 
aux Religieux de la Haute-Afrique. Nul doute que les 
Moines d'Alet , pour nous borner à notre sujet , n'aient 



— ^6^ — 

exercé la même charité eu faveur des nombreux indi- 
gents qui habitaient les pays pauvres et montagneux , 
voisins de leur antique abbaye , si richement dotée , 
sous le règne de Charlemagne, par le comte Bera I'^ 

Cet état de choses persévéra après la création de 
l'Evêché d^Alet, en 1317, par Jean XXII. Il est vrai 
qu'une nouvelle Bulle du même Pape , donnée en 
1321 , sépara la mense épiscopole de la mense du 
Chapitre , composé des anciens Bénédictins. Mais le 
Monastère fut toujours, comme par le passé , l'IIôtel- 
Dieu des pauvres. 

Lorsqu'en 1532 une Bulle pontificale sécularisa le 
Chapitre, nul doute que les indigents n'aient eu 
ime large part dans le partage des biens du 
Monastère. Il est probable que l'IIôtel-Dieu d'Alet fut 
fondé à cette époque. Dans la division des biens et 
maisons appartenant à l'abbaye , on réserva des rentes 
uniquement affectées aux besoins des pauvres , et un local 
pour les recevoir. Ce local se trouve mentionné sous le 
nom d'Hôpital , dans des actes sur parchemin de l'année 
1540. On y lit que le 6 janvier 1540, les Consuls et 
Bailes de Thospital autorisés du Lieutenant de M. le 
Viguier d'Alet, vendent une partie de la maison léguée 
par feu Jean Lafont , marchand d'Alet , qui avait institué 
l'hospital son héritier universel. Le môme jour , ils 
vendent une autre partie de la même maison , située 
près de l'escole du dit Alet. 



Voici une autre pièce authentique qui i)rouve lexis- 



— ^209 — 

tence de Thospital , en 1551 , et qui fait connaître son 
emplacement. 

Extrait des Estimes de la ville et taillahle d^Aletj 
faits en 1551 : Pierre Ribaires. 



Per l'ostal en que esta compres deux petits estais tenent 
en TEspital et rol)ra d'un que a agut de Vivet... 13 livres 
15 sols. 

Extrait des Estimes^ etc.... , faits en 1595 : 
Pierre Escudié, f" 74. 



Pour sa maison à la place confronte d'Auta l'hôpital. 
2 1.0,0. 

Extrait des Estimes, etc , faits en 1601. 



Pour un soutoul de maison couvert, confronte d'Auta 
riiôpital , cers la rue del four, estimée 1. 15 sols d. 

Oollationnc sur les originaux qui sont dans les Archives 
de l'Hôtel-de-Ville du d. Alet, par Nous Secrétaire et 
Grefller de la dite ville , soussigné. 

NIVEDUAB, Greffier. 

La place de la ville d'Alet mentionnée dans les 
Cornpoix de 1551 et de 1575, ainsi que la rue du 
Four, dont il est parlé dans celui de 1601 , indiquent 
pour riiôpital , \o même emplacement qu'il occupe 



— 270 — 

aujourd'hui : il est sépare de la place par la Mairie et 
borné vers le Gers , par le mur de Tancien four de la 
ville, propriété commune à l'Evêque et au Chapitre. 
Le four public avait donné le nom à la rue dont il est 
question , et au Théron qui coule devant l'hôpital , et 
qui est encore appelé le Théron du Four. 

Un mémoire dressé et écrit de la main de M. Pelissier, 
Secrétaire de M. Pavillon, et plus tard Archipretre de 
l'église Saint-André d'Alet , nous apprend que l'Evêque 
Polverel (1607 à 1637) vérifiait les comptes de l'Hôpital 
d'Alet avec le plus grand soin , et que la prospérité de 
cet asile pour les pauvres, lui tenait grandement à 
cœur, comme nous l'avons rapporté en détail au 
Chapitre XVI. 

Sous l'Episcopat de M. Pavillon (de 1637 à 1677), 
on donnait encore à l'hôpital d'Alet, le nom si vrai et 
si touchant dTIôtel-Dieu , pour conserver le mot consa- 
cré , par la Charité chrétienne, afin de mieux exprimer 
le véritable esprit de ces pieux asiles. Cette appellation 
a été remplacée plus tard , par le terme moins catholique 
et moins heureux , d'Hôpital. M. Pavillon , qui eut la 
gloire de créer à Alct plusieurs établissements de 
bienfaisance , donna aux constructions de THôtel-Dieu , 
une nouvelle extension. On édifia la belle porte 
qui existe de nos jours , surmontée d'une croix , avec 
la date de 1663. Dans le but d'augmenter les revenus 
des pauvres , un notable de Tendroit fut nommé Mar- 
guillier pour l'hôpital : Tous les dimanches et fêtes, il 
tenait à l'église paroissiale de Saint- André , un bassin 
en faveur de cet établissement. Nous possédons un 



— 271 — 

Registre de ces quêtes faites par le sieur Fromilhague , 
de 1660 à 1671. D'ailleurs M. Pavillon donnait le premier, 
à son troupeau , l'exemple de la charité. Tous les ans , 
il fixait sur son revenu , la portion qu'il voulait donner 
à rhospitalité et aux pauvres. Pour subvenir aux besoins 
extrêmes de son diocèse, il obligea son frère aîné, à 
lui céder sa portion d'héritage, estimée 40,000 écus , et 
par un acte héroïque de charité , il donna toute cette 
somme aux pauvres. Dans une autre nécessité extrême , 
il vendit un diamant qu'il avait eu de la succession de 
Madame sa mère, et dont il avait orné le soleil du 
Saint-Sacrement , et , à sa mort , il fit les pauvres du 
diocèse , ses héritiers universels. 

Tous les successeurs de M. Pavillon imitèrent sur ce 
point un si admirable exemple, et désignèrent les 
pauvres pour leurs héritiers universels ou partiels. 

Marchant sur ses traces , ils regardèrent l'adminis- 
tration et la prospérité de Thôpital d'Alet , comme l'un 
des devoirs principaux de leur charge. Aussi présidè- 
rent-ils toutes les assemblées de charité tenues dans cet 
établissement. Ils vérifiaient les comptes jusque dans 
les plus petits détails , et ils signaient de leur main tous 
les mandats de paiement. Nous possédons des centaines 
de pièces de ce genre , munies de leurs signatures , qui 
témoignent du zèle de ces charitables prélats pour le 
bien des pauvres , plus éloquemment que tout ce que 
nous pourrions dire à leur louange. D'ailleurs , nous 
n'avons eu garde de l'oublier , ea écrivant leurs vies si 
exemplaires, pour l'édilication des pasteurs commodes 
fidèles. 



— 272 — 

Nous allons donner le tableau des recettes et des 
dépenses de l'Hôpital dWlet, d'après les documents que 
nous possédons : 

Comptes pour l Hôtel-Dieu d^Alet^ approuvés. 

Recettes Dépenses 

En 1660 par M. Pavillon. . . 416 I. 16 sols 430 1. 2 s. 
De 1675 à 1686 par M. Victor 

Mélian. . * 1,223 18 996 11 

De 1686 à 1694 1,014 12 707 8 

De 1694 à 1698 596 8 502 13 

De 1698 à 1710 par les trois 

vicaires généraux de M. 

Maboul 2,222 14 1,910 3 

De 1727 à 1728 par M. de 

Bocaud 1,177 4 1,168 12 

De 1738 à 1743 2,317 19 2,190 18 

De 1743 à 1748 3,904 16 4,006 16 

De 1749 à 1750 1,931 3 1,827 2 

De 1751 à 1752 2,355 17 2,303 12 

De 1753 à 1765 par M. de 

Chantérac 2,670 4 2,413 10 

Nous avons les livres des comptes pour les années : 

1780 1,924 livres. 

1781 2,070 

1782 2,155 

1783 3,172 

1784. 1,876 

1785 2,156 

1786 2,282 

1787 2,331 

1788 et 1789. . . . 1,742 



— 273 — 

De plus, M. de Chantérac, donnait tous les 
ans , aux pauvres , 500 livres pour la rente de 
10,000 livres qui leur avait été léguée par Mgr Maboul, 
et le consciencieux Prélat rendait un compte détaillé de 
l'emploi de cette somme , devant le bureau de Thospice. 
Sur la demande des administrateurs , il se dépouilla de 
ce revenu, en donnant ces 10,000 livres à l'Hôpital 
d'Alet, dont il fut le père, le protecteur et le bienfaiteur 
jusqu'au moment où il partit pour l'exil. 

Le 4 juin 1791 , le courageux Prélat, toujours à 
Alet , signe encore les comptes de l'hospice. Mais le 
1 octobre de la même année , de part la volonté des 
représentants du peuple, les oiliciers municipaux 
d'Alet signent les comptes de l'hospice , et à la fin de 
l'année , il les arrêtent au chiffre de 758 livres 19 sols 
de recette avec 440 livres 19 sols de dépense. Il reste 
318 livres, le tout , en assignats. — Quel changement ! ! ! 
surtout pour le pauvre peuple toujours victime de ces 
grands preneurs de fraternité qui l'exploitent. Voilà 
l'œuvre de ces philanthropes qui ont substitué leurs 
utopies à l'action si bienfaisante de l'Eglise, dont le 
cœur maternel , formé sur le Calvaire , porte les linéa- 
ments divins du Cœur adorable de celui qui s'est appelé 
le Dieu de charité. 

Hôpital de Saint-Paul de Fenouillet et de Quillan. 

Le diocèse d'Alet possédait deux autres maisons do 
refuge pour tous les infortunés , l'hôpital de Saint-Paul 

t8 



— 274 — 

et celui de Quillan. Mais il parait que les intérêts des 
pauvres étaient en souffrance dans ces deux établisse- 
ments , comme il est constaté dans le procès-verbal de 
la délibération de l'hospice d'Alet , du 23 novembre 1764. 
Mgr de Chantérac dit aux membres du bureau « qu'il 
avait reçu une lettre de Mgr le comte de Saint-Florentin, 
Ministre et Secrétaire d'Etat, en date du 6 août 1764 , 
par laquelle on le prie d'indiquer les moyens d'éteindre 
la mendicité dans son royaume , conformément aux 
vues de Sa Majesté , qui voudrait établir un Hôpital 
général dans chaque diocèse. » 

L'Evêque ajoute « qu'il ne peut pas rendre à ce 
Ministre un compte assez exact , pour être mis sous les 
yeux du Roi, des SLumônes, des données, des distri- 
butions manuelles et généralement de toutes les 
fondations et autres revenus qui se distribuent aux 
pauvres passants et mendiants de son diocèse : 1° Parce 
que le bureau de charité , établi à Quillan , a un procès 
qui ne finit point par les délais que les administrateurs 
apportent à la reddition de leurs comptes , depuis un 
grand nombre d'années ; 2** Parce qu'il n'a pas été 
possible jusqu'ici, d'obliger les administrateurs du 
bureau de charité, établi à Saint- Paul , à rendre 
leurs comptes ; 3'' Enfm parce que les pauvres de 
Roquefeuil sont menacés de perdre tous leurs revenus 
à la suite d'un procès » 

Monseigneur termina en disant « que sur ces raisons, 
il avait reconnu la nécessité d'établir un bureau général 
à Alet, afin qu'il soit sous ses yeux, et que son projet a 
été d'y réunir tous les revenus des auti^es établissements 



— 275 — 

de son diocèse , où il serait néanmoins laissé des bureaux 
qui ressortiraient au dit bureau général , et qui veille- 
raient à la distribution des aumônes , de manière que 
les intentions des fondateurs fussent exécutées , et qui 
en rendraient compte au dit bureau général: qu'il avait 
reconnu que c'était un des plus grands biens qui put 

arriver aux pauvres de son diocèse » 

En conséquence des vues si charitables et si élevées 
du Prélat , surnommé , à juste titre , le père des pauvres, 
on rédigea un projet de règlement en vingt articles , 
pour la fondation de cet Hôpital-général à Met. 



Mont-de-Piété, à Alet. 



Grâce à la générosité , au zèle et à l'intelligence de 
=5cs premiers pasteurs, la ville d'Alet possédait un 
Mont-de- Piété en faveur des pauvres. 

* Voici les pièces authentiques qui prouvent son 
3xistence : 

« François de Bocaud.... ( 34" Evoque d'Alet)..., attendu 
juc feu Mgr de Mclian , un de nos prédécesseurs , ayant 
éguc par son dernier Testament du 16 février 1713 , cinq 
îcnts livres aux pauvres pour être distribuées par l'Archi- 
)rctrc et les Marguillcrs de l'Eglise paroissiale de Saint- 
Vndré , avec le consentement du seigneur Evoque d'Alet... 
eu M.irr de Maboul, notre prédécesseur, pour rendre ce bien 
)lus durable , aurait eu le dessein d'employer la dite 



— 276 — 

somme à acheter une certaine quantité de blé et de seigle 
(50 setiers de blé et 40 de seigle) pour en faire un Mont-de- 
Piété en faveur des pauvres , qui , n'ayant pas de quoi 
semer , sont obliges de laisser une partie des terres incultes, 
ou d'emprunter des grains à un taux trcs-élevé. Depuis 
lors , nous avons la consolation de voir en peu de temps 
des familles relevées par le moyen de ce secours , et les 
pauvres s'appliquer avec plus de soin à cultiver et à 

défricher des terres auparavant incultes Mais comme , 

par le peu d'ordre qu'il y a dans l'administration du Mont- 
de-Piété , les pauvres finiraient par perdre cette précieuse 
ressource. Nous avons cru qu'il était de notre devoir pastoral 
d'y apporter remède , en édictant le présent Règlement. 

« A ces causes , nous avons, par les présentes , confirme 
et rétabli de nouveau ledit Mont-de-Piété. [Suit le Règle- 
ment en huit articles. ) 

a Donné à Met , le 30 juillet 1725. 

« Signé: f FRANÇOIS, Evesque d'Alet, » 



En conséquence de ce Règlement , le 3 novembre 
1727, M. Larade , Bailé de Thôpital , chargé de 
l'administration des dits grains , rendait ses comptes 
détaillés , comme il suit : 

« Estât du Bled du Mont-de-Piété de la ville d'Alet 
prêté à divers particuliers du taillable du dit Alet , pou 
leurs semences, et de la quantité du dit blé. (Suivent le 
noms des pauvres qui avaient reçu le dit blé ) 

« Signé: LARADE M. » 



— 277 — 



Et voilà comment la générosité et la vigilance des 
Evoques d'Alet avaient su ménager des secours pour 
toutes les infortunes avec un tact et une tendresse pater- 
aelle , dignes des éloges et de l'imitation de la postérité 
la plus reculée. 




CHAPITRE XXV. 



LES RÉGENTES OU INSTITUTRICES d'aLET. 



Mgr Pavillon , au commencement de son Episcopat , 
avait réuni dans son Palais , et ensuite dans le Grand- 
Séminaire , les jeunes aspirants à Fétat ecclésiastique , 
répandus dans les campagnes, sous la conduite des 
Curés. Après les avoir affermis dans la piété, et perfec- 
tionnés dans le latin , il les envoyait tenir l'école dans 
les paroisses. Par ce moyen , il dota les principaux lieux 
de son diocèse , d'excellents maîtres d'école , et il se 
débarrassa peu à peu des anciens qui n'avaient pas les_ 
qualités requises pour une si noble fonction. Ces nou^ 
veaux maîtres, appelés Régents , après avoir passé dai 
cet emploi, un certain temps, retournaient au Séminaire 
pour s'y préparer à recevoir Ta tonsure , si on k s ci 
jugeaient dignes. 



— 279 — 

Le zèle de M. Pavillon pour l'éducation chrétienne 
des garçons, le porta aussi à ^'occuper de celle des 
jeunes filles. Le difficile était de trouver des maîtresses 
sages et prudentes pour bien remplir cet emploi. 
L'Evêque forma lui-même, avec un très-grand soin, une 
pieuse veuve d'Alet , qu'il établit maîtresse d'école dans 
cette ville , et pendant les premières années , au dire de 
son historien un peu suspect , il n'y eut pour les filles 
que cette seule école dans tout son diocèse. 

Alet possédait bien une école , mais nous ne savons 
pas si elle était seulement pour les garçons, ou commune 
aux deux sexes réunis ( 1 ). 

Une fille du seigneur de Montazcls demanda d'être 
adjointe à la Régente d'Alet , et bientôt , à l'exemple de 
Mademoiselle de Montazels , d'autres filles de condition 
vinrent remplir l'établissement. M. Pavillon les instruisit 
des devoirs de leur emploi , et leur donna tous les règle- 
ments utiles pour le bien remplir. Il les divisa en deux 
classes. Les unes, que l'on appelait les Régentes fixes , 
passaient neuf mois de l'année dans les paroisses de la 



(1 ) Voici les actes qui font luonlion de cette école, et que nous 
avons pu nous procurer. I. I']n 1510, les Consuls d'Alot et les 
Bailles de l'Hôpital cèdent pour une rente irrachetablc une maison 
aij[)artenant à cet établissement, qui confrontait du Cers, à VEscolc, 
du Midi à la route dite i\c Millet, d'Aquilon à la dite Escole. II. La 
mémo année, les Consuls etc.. cèdent une petite maison confron- 
tant du Midi, à la carrière publi<pic, d'Aquilon à V Escole du dit 
Alet, etc.. 



— 280 — 



campagne. Les trois mois de la moisson , elles retour- 
naient à Alet, pour se retremper dans la retraite et 
recommencer ensuite avec plus de ferveur. Les autres , 
qui demeuraient dans la ville épiscopale , formaient une 
espèce de Corps de réserve , toujours prêtes à partir 
pour le lieu qui leur était marqué par le Prélat, et elles 
revenaient ensuite à la Maison-Mère. 

Après avoir fait la classe et le catéchisme chaque 
jour, elles devaient rassembler les dimanches et fêtes, 
sur le midi , les femmes et les grandes fdles de la 
paroisse pour leur enseigner la doctrine chrétienne et 
les instruire des devoirs de leur état. Les Régentes 
étaient encore chargées du soin des pauvres et des 
malades , et c'était par leurs mains , que M. Pavillon 
distribuait ses aumônes. Elles ne faisaient pas de vœux, 
et vivaient sous la conduite des Curés , comme des 
Religieuses , toujours deux ensemble , avec défense de 
se quitter. 

V Histoire de M. Pavillon nous apprend que de toutes 
les œuvres entreprises par ce Prélat pour la sanctilication 
de son peuple , celles des Régentes fut la plus favorisée 
des bénédictions de Dieu. 

Il paraîtrait que M. Pavillon aurait fondé cette belle 
œuvre dans la maison de la pieuse veuve , qu'il établit 
Supérieure et Mère des autres Régentes. Protégées par 
ses successeurs , les demoiselles Régentes firent l'acqui- 
sition, vers 1700, d'une vaste maison, avec jardin, 
située à la porte de Cadène (Porte Nord), et tout-à-fait 
appropriée aux besoins d'une Communauté. Deux actes 
de 1703 et 1705, nous apprennent que Mgr Charles-Nicolas 



— 281 — 

Talîoureau, trente-deuxième Evoque d'Alet, pour les 
favoriser , leur fit remise des droits qui lui étaient dus 
par le dit Couvent , en sa qualité de seigneur temporel 
d'Alet. 

LeCompoLS de 1768, pajgc 112 , porte que les demoi- 
selles Régentes payaient de taille 7 livres 10 sols 
il deniers 3^4. 

En 1709, la prospérité do leur établissement leur 
permit d'acheter une vigne où Ton avait bâti une tour , 
qui se voit encore au-dessus de la gare du chemin de 
fer , près du ruisseau de Grannes. Cette propriété avait 
été léguée aux pauvres par M. Simon Pellicier , Archi- 
prêtre d'Alet. Et aiin de procurer au Couvent, au 
jardin contigu et à la vigne de la Tour , Teau nécessaire 
aux exigences d'une Communauté et à la fécondité du 
sol, les Régentes achetèrent, en 1741, la faculté do 
prendre une partie de l'eau do la source de Saint-Rome, 
pour la conduire dans la vigne do la Tour et dans leur 
établissement à Alet , au moyen d'un conduit de poterie 
qui passait sur le pont 

Voici , en abrégé , l'acte d'achat et les conditions de 
cet important travail : 

a L'an 1741 et le 10 mai , Louis Bonnet , moyennant la 
« somme de 30 livres , par lui reçues , donne passage de 
a l'eau de la fontaine de Saint-Rome , sur sa propriété , 
« pour la conduire à la vigne de la Tour et puis à la maison 
« d'Alet des demoiselles Régentes, se réservant seulement 
« d'arroser sa pièce déterre qui est proche de hi fontaine, 



— 582 — 

oc sans qu'il lui soit permis de la détourner pour la faire 

u aller ailleurs Jac(fues Greffe, maître-fontanier de 

a Limoux, s'oblige de faire une canonade de 200 cannes en 
« longueur, de 3 pouces de diamètre et d'un pouce d'épais- 
tt seur , en tuyaux de terre bien cuite , bien emboîtés l'un 
« dans l'autre et mastiqués , avec de bon mastic à feu , 
« lequel conduit sera de bonne maçonnerie avec un réser- 
« voir de 5 pans en carré , dans œuvre , couvert en voûte 
« dans la vigno de la Tour , le tout bien basti en pierre , 
« chaux et mortier tierce : la canonade sera placée sur le 
tt pont, tout au long du Gardefol, et au-dessus du pil'jr de 
(c la porte du bout du pont, il sera placé une pile de pierre 
« de taille de deux pans en carré pour faire la division des 
tt eaux pour aller chez les Régentes , à leur cuisine , au 
« réfectoire et au bassin au-dessus du jardin que le dit 
(c Griffe fera de 12 pans dans œuvre sur 10 pans , en pierre 
« de taille... de fournir deux roubinets pour les deux 
« bassins... pour 350 livres, les Régentes devant encore 
« fournir le sable et la chaux et nourrir le dit Griffe qui 
« s'engage à faire ce travail dans trois mois... les dcmoi- 
« selles Régentes étant obligées de franchir le passage du 
tt pont et autres endroits » 



EnQn , en 1777, les Régentes achètent à M. Guil- 
laume-Pierre de Cassagneau de Saint-Gervais , seigneur 
du Château de Brasse , Receveur des tailles à Limoux , 
pour le prix de 16,500 livres, la métairie . cle Saint- 
Gervais , propriété de cette noble famille, d'après le 
Coinpois terrier d'Alet de 1729. Le bâtiment avec la 
roue, pour puiser l'eau à la rivière d'Aude, n'était pas 
compris dans l'acte de vente de 1777: il continuait à 



— 583 — 

appartenir à la famille Cassagneau , qui se l'était réservé 
probablement pour arroser les terres de la plaine de 
Brasse , dépendantes du Château de ce nom ( 1 ). 

Après l'achat de la métairie de Saint-Gervais ( moins 
la Rode ) , la Supérieure des Régentes voulut en faire 
défricher six sétérées. Jusqu'alors cette propriété n'était 
bonne que pour les troupeaux , car elle était presque 
toute en friche , n'ayant produit aucune récolte depuis 
quarante ans. L'exploitation intelligente de cette métairie 
devint une puissante ressource pour la prospérité du 
Couvent, qui avait pris de jour en jour une nouvelle 
extension , grâce àTappui des Evêques d'Alet, qui furent 
toujours les protecteurs de ces pieuses filles. 

Déjà, en Tannée 1698, Mgr Mélian, trente-unième 
Evêque d'Alet , en cours de visite pastorale à Puilaurens, 
avait approuvé , par une Ordonnance qui porte ses 



(1) Il cs( (|uestion de ccUc roue à eau, espèce de noria pour 
arroser, dans un Compois d'Alet de 17G9: on l'appelait la Rode. 
On voit les ruines de ce moulin à eau , près de la tuilerie de 
Brasse, le long de la grand'route de Limoux. Les arcades, aussi 
élevées que le chemin, indi(i[uent leur destination pour monter les 
eaux à ce niveau, afin d'arroser la plaine de Brasse. On dut trouver 
des inconvénients à ce système, ou bien les inondations renversèrent 
le système de la Rode, puisfjue l'on construisit plus lard im nouvel 
aqueduc, alimenté par une rode, à la chaussée du château de 
Brasse. Cet a(|ucduc, soutenu par des arcades, j)orlait l'eau do la 
rivière jusqu'au grand chemin d'AloI, On l'apercevait des deux 
extrémités de la plaine de Brasse, sur une longueur de 50t) h 600 
mètres. On l'a démoli, vers liJOO, mais on voit encore près de la 
rivière, les pihers debout, au milieu des arbusics qui protègent le 
coté nord du cIkWcjiu de Brasse. 



— 584 — 

armes et sa signature, le testament de Jeanne Argeance, 
qui avait légué tous ses biens pour Fentretien d'une 
I-tégente dans cette localité. Le Prélat fait remarquer 
'( que l'aumône spirituelle qu'on reçoit par l'instruction 
« est préférable à Taumône corporelle ; que d'ailleurs 
« l'église du dit lieu est en très-bon état , ne manquant 
« de rien , et que les pauvres sont bien pourvus. Pour 
« ces motifs , il affecte à perpétuité la dite rente , à 
« Tentretien d'une Régente. » 

Or, il arriva, qu'en 1725, une partie de ces rentes 
n'était plus soldée à la Régente. Sur sa plainte, Mgr de 
Bocaud , trente-quatrième Evêque d'Alet , en cours de 
visite , dans la ville de Saint-Paul-de-Fenouillet , rendit 
une nouvelle Ordonnance , pour lui faire restituer tous 
les biens affectés à son entretien par Mgr Mélian. 

Après ces actes authentiques que nous possédons et 
conservons précieusement , qu'on vienne nous dire que 
l'Eglise a été l'ennemie du progrès , elle qui par ses 
Pontifes a toujours veillé avec le plus grand soin sur 
l'instruction du peuple ? Témoins , ces deux Evoques 
qui ne dédaignent pas de s'occuper par des Ordonnances 
solennelles , d'une pauvre institutrice , perdue dans un 
petit village , au milieu des plus affreuses montagnes. 
Lorsque tous ces grands preneurs d'instruction obligatoire 
nous auront fourni de semblables preuves de dévoûment, 
ils pourront se proclamer les véritables amis du peuple. 
Jusque-là , nous revendiquons cette gloire , dans le 
passé , comme dans l'avenir , pour la sainte Eglise qui a 
reçu du divin Maître , la mission d'enseigner ( Docete 
omnes g entes). 



— 285 — 

Encore une preuve en faveur de notre thèse. Au 
milieu des montagnes du Donaizan , aujourd'hui canton 
de Quérigut (Ariège), l'un des plus pauvres, des plus 
élevés et des plus inaccessibles de France , la piété de 
nos pères , avait bâti une antique église dédiée au 
martyr saint Félix de .Gironne. Ce sanctuaire, situé 
au centre de quatre ou cinq villages du Donaizan , 
leur servait d'église paroissiale. 

En 1731 , Messire Jean de Morteau , seigneur-abbé 
de l'abbaye de Cambolongue , ordre de Prémontrés , au 
diocèse de Couserans , et ancien curé de Saint-Félix, du 
diocèse d'Alet , s'était retiré à la ville de la Bastide de 
Ferou, Comté de Foix, puisqu'en 1727, M. Bort était 
curé de Saint-Félix. Messire de Morteau fait cession 
d'un capital de 3,000 francs, pour l'entretien d'une 
Régente d'Alet , qui devait résider à Saint-Félix , pour 
y faire l'école. Il est fait mention dans cet acte, de 
Jean Petit Roquelaure de Carcanière. Voilà comment 
l'Eglise propageait Tinstruction parmi le peuple, au 
moyen des largesses de ses ministres. 

Grâce à la protection des Evêques et du Clergé , les 
Régentes d'Alet étaient établies en 1752, environ cent 
ans après leur fondation à Alet , Belcaire , Belvis , 
Couiza , Caudiès , Escouloubre , Espéraza , la Tour , 
Quillan , Roquefeuil , Puylaurens , Rouze , Saint-Félix , 
Saint-Paul-de-Fenouillet , Sournia , etc. 

A cette époque , elles avaient conservé les sages règles 
qui leur avaient été tracées par M. Pavillon , comme 
l'atteste le document suivant : 



— 286 



a François de Bocaud , Evoque d'Alct... Certifions que 
« les demoiselles Régentes de notre présente ville, sont des 
(c Sœurs noires , qui n'ont d'autre exercice que celui des 
tt écoles pour les filles , et que nous distribuons dans les 
tt paroisses , selon leurs besoins : qu'elles n'ont aucune 
« patente de Sa Majesté pour leur établissement , qu'elles 
a ne sont pas cloîtrées ; que les écoles qu'elles tiennent sont 
« des écoles de charité , et que ne faisant aucun vœu , elles 
a ont la liberté de quitter leur état pour en prendre un 
« autre » 

On peut inférer de cette pièce , que les Régentes 
avaient alors des ennemis , jaloux peut-être de la pros- 
périté de leur établissement , attestée par les nombreuses 
fondations que nous venons de rapporter. 

Il y avait encore au Couvent d'Alet , un Pensionnat 
où les familles nobles et aisées du pays envoyaient leurs 
filles : on leur donnait une éducation complète pour 
l'époque. Les Régentes recevaient non-seulement les 
jeunes personnes du diocèse d'Alet, mais encore des 
filles venues des diocèses de Narbonne , Carcassonne , 
Perpignan, Mirepoix , etc.. , tant était grande la répu- 
tation de la maison. Tout ceci est constaté par les noms 
inscrits sur les Registres de la Confrérie du Rosaire , 
établie dans l'église paroissiale d'Alet. 

Les Régentes s'occupaient aussi du soin des pauvres. 
Il est vrai que jusqu'en 1774 , l'hôpital était desservi par 
des dames d'Alet , appelées dames de Charité. Mais 
lorsqu'elles vinrent à manquer, on leur substitua les 
demoiselles Régentes qui se firent les humbles servantes 



— 287 — 

des pauvres , jusqu'au moment où sonna l'heure fatale 
de la Révolution. Alors commença cette vaste conjuration 
pour chasser Dieu de nos temples , de nos écoles , de nos 
maisons, de nos âmes mêmes , si l'on avait pu. La 
Révolution voulait faire une France et un monde sans 
Dieu. Les Couvents furent supprimés. Celui des 
Régentes d'Alet subit , hélas ! le triste sort de toutes 
les maisons religieuses de France. Les Sœurs et les 
élèves furent chassées cruellement , jetées à la rue , et 
obligées de se réfugier sous le pont , pour se mettre à 
l'abri d'une pluie torrentielle. Leurs biens furent vendus, 
et le local , acheté par des particuliers , est en partie 
démoli. Et voilà partout l'œuvre satanique de la Révo- 
lution qui n'a su que détruire et entasser ruines sur 
ruines pour le malheur de la France , de la société et 
surtout du pauvre peuple, dépossédé à tout jamais , ou 
du moins pour de longs siècles, des bienfaits sans 
nombre que lui avait ménagés en tous lieux , la main 
maternelle de l'Eglise. 







CHAPITRE XXVI. 

ALET, SOUS LE RAPPORT ECCLÉSIASTIQUE, 
DEPUIS LA SUPPRESSION DE SON ÉVÉGHÉ. 



Après la suppression de TEvêché, du Chapitre, du 
Grand-Séminaire et des Corps Religieux, la ville d'Alet 
se trouva veuve de ses Pasteurs et de ses Prêtres. 
L'illustre Monseigneur de Chantérac, prit le chemin 
de l'exil, plutôt que de prêter un serment sacrilège à 
la Constitution Civile du Clergé. Presque tous ses 
prêtres suivirent un si glorieux exemple, et ces nobles 
Confesseurs de la Foi, partirent pour l'Espagne, avec 
le courage et la générosité des Martyrs, et des exilés de 
la primitive Eglise. prêtres de l'antique église d'Alet, 
quel magnifique spectacle vous avez donné à la terre 
et au Ciel ! Quel exemple pour vos successeurs ! 



— 289 — 

Puissent-ils comme vous, être trouvés fidèles au jour 
de l'épreuve ! 

Bientôt on démolit la dernière cathédrale, dédiée à 
saint Benoit, et qui avait remplacé l'antique cathédrale 
de Notre-Dame depuis 1577, époque de sa ruine par les 
Huguenots. 

On démolit également la Chapelle du Grand-Séminaire 
et plus tard celle de l'Evêché : sur quatre églises que 
possédait Alet, il ne resta plus que l'église paroissiale 
de Saint-André, qui devint un Temple Décadaire. 

D'abord déserte, à cause de la dissidence des opinions 
religieuses, elle fut fermée et dépouillée de tous ses 
ornements par un constitutionnel en mission, Chaudren- 
Rousseau, qui fit brûler jusqu'au Christ du Maitre- 
Autel , considéré par les artistes , comme un chef- 
d'œuvre de peinture. 

A l'époque du Concordat, en 1801, Alet, l'antique 
siège Abbatial et Episcopal, ne fut plus qu'une simple 
succursale, à l'instar du moindre village. Un prêtre, à 
peine au-dessus d'un vicaire, vint s'asseoir sur la 
chaire Pontificale, et remplacer les Archiprôtres de 
Saint- André. 

Un état si humiliant pour une Eglise jadis si illustre, 
ne pouvait pas durer longtemps. 

Lorsque le calme fut rétabli en France, après tant et 
de si sanglantes guerres, les habitants d'Alet portèrent 
leurs justes réclamations jusqu'aux pieds du trône. Ils 
eurent le bonheur d'être appuyés par Mgr de La Porte, 
TEvéque réorganisateur du nouveau diocèse de 
Carcassonne. Alors parut le décret réparateur que voici : 

19 



— m) — 



Loris, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, 
à tous ceux qui ces présentes verront , Salut. 

Sur le rapport de notre Ministre , Secrétaire d'Etat de 
l'Intérieur , Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : 

Article 1". 

La succursale d'Alet , canton et arrondissement de 
Limoux , département de l'Aude , diocèse do Carcassonne , 
est érigée en cure de seconde classe. 

Article 2. 

Nos Ministres Secrétaires d'Etat de l'Intérieur et des 
Finances, sont chargés de l'exécution de la présente Ordon- 
nance. 

Donné en notre château des Tuileries , le 2 février , l'an 
de grâce 1820 , et de notre règne le 25'"^ 

Signé : LOUIS. 

Par le Roi : 
Le Ministr'e Secrétaire cVEtat au département 
de Vlntérieur , 
Signé : Le Comte DECAZES. 

Pour ampliation : 
Le Maître des Requêtes, Secrétaire générait 
du Ministre de Vlntérieur , 
Signé : MIRBEL. 

Le Conseiller de Préfecture , faisant les fonctions 
de Secrétaire général , 
Signé : ROLLAND DE BLOMAC. 



— 291 — 

Quelques jours après parut l'Ordonnance suivante de 
Mgr de La Porte : 

Arnaud-Ferdinand de La Porte , par la grâce de Dieu 
et l'autorité du Saint-Siège apostolique , Evoque de 
Carcassonne , à tous ceux qui la présente Ordonnance 
verront , Salut et Bénédiction en N. S. J.-C. 

Vu l'Ordonnance du Roi , en date du deux février 1820, 
par la(juelle Sa Majesté sur notre demande, érige en cure 
de seconde classe la paroisse de Saint-André d'Alet ; 

Considérant qu'en vertu de cette môme Ordonnance la 
paroisse de Saint-André n'est plus , pour le temporel , 
succursale de Saint-Martin de Limoux ; 

Avons ordonné et ordonnons, statué et statuons ce qui 
suit : 

1° La paroisse de Saint-André d'Alet est et sera dès ce 
moment , érigée , pour ce qui concerne le spirituel , en cure 
de seconde classe ; 

2° La paroisse de Saint-André d'Alet ne sera plus succur- 
sale de la cure de Saint-Martin de Limoux , mais bien 
regardée comme cure de canton , quoiqu'il n'y ait aucune 
succursale qui en dépende. 

Et sera la présente Ordonnance lue et publiée au prône 
de la messe paroissiale le premier dimanche après sa 
réception. 

Donné à Carcassonne , dans notre Palais épiscopal , sous 
notre seing, notre sceau et le contre-seing du Secrétaire de 
l'Evêché , le dix du mois de février de Tan de grâce mil 
huit cent vingt. 

f A. F. , Evêque de Carcassonne. 



Par Monseigneur : 
B. SICARD. Prêtre. 



— 292 — 

Malgré cette double Ordonnance , les deux pouvoirs 
ecclésiastique et civil , comprirent que la Cure d'Alet 
n'était pas suffisamment dédommagée ni à la hauteur de 
son illustre passé. On insista de nouveau auprès du 
Roi , et Mgr Joseph-Julien de Gualy , successeur de 
Mgr de La Porte, eut la gloire de faire ériger Alet , en 
cure de première classe. 



I 



Voici la copie de l'Ordonnance royale que l'Evêque 
de Carcassonne s'empressa de communiquer au Conseil 
de Fabrique de Téglise d'Alet : 

« 

EvÈCHÉ DE Carcassonne. 

Copie de VOrdonnance du Roi. 

Charles , par la grâce de Dieu , Roi de France et de 
Navarre , à tous ceux qui ces présentes verront, Salut. J 

Sur le rapport de notre Ministre Secrétaire d'Etat au 
département des Affaires ecclésiastiques et de l'Instruction 
publique , nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : 

Article l^^ 

La Cure d'Alet , arrondissement de Limoux , départe- 
ment de l'Aude , diocèse de Carcassonne , est érigée en 
Cure de première classe. 

Article 2. 

Nos ministres Secrétaires d'Etat aux départements des 
Affaires ecclésiastiques et de l'Instruction publique et des 



I 



— '2<J3 ~ 

Finances sont chargés , chacun en ce qui les concerne, de 
l'ex^'îcution do hx présente Ordonnance. 

Donné en notre château des Tuileries , le 22 février de 
l'an do grâce 1826 , et de notre règne le second. 

Signé : CHARLES. 

Par le Roi : 
Le Ministre Secrétaire d'Etat au département 
des Affaires ecclésiastiques et de Vlnstruc- 
tion publique ^ 
Signé : -J- D. , Evêquo d'Hermopolis. 

Pour ampliation : 
Le Directeur des Affaires ecclésiastiques, 
l'Abbé de La Chapelle 

Pour copie conforme : 
L'Evoque de Carcassonne , 
Signé : j Joseph Jul. , Evoque de Carcassonne. 

Pour copie conforme : 
Les Membres du Conseil de Fabrique de 
l'église paroissiale d'Alet , 

Labeaute, Maire; P. L. Siméon Martin, curé; 
J. H. Gaida, Bourges, Fabre , Carbou , 

CUGUILLÈRE. 



A rexemple de ses deux illustres prédécesseurs , 
^lonseigneur de La Bouillcrie portait le plus vif intérêt 
à la cure d'Alet. Pour faire revivre le glorieux passé 
do ce siège Episcopal, autant ([u'il dépondait de Lui, et 
que les circonstaneos le pcrniottaieiit, ce Prélat aurait 
voulu ajouter à son titre d'Evôque de Carcassonne, 
celui d'Evèque d'Alct. Espérons que ce pieux et létjritimo 



— 294 — 

dé.sir sera bientôt réalisé par son successeur, comme 
un dédommagement accordé à l'antique siège d'Alet. 



Liste des Curés d'Alet. ,1^ 

Après avoir donné les noms du clergé d'Alet, avant 
1789 , il nous reste à faire connaître ceux des 
archiprêtres d'Alet , que nous avons pu découvrir. 
Malheureusement les Huguenots, maîtres de cette ville 
pendant 10 ans, en 1577, ont détruit tous les documents 
antérieurs à cette époque. 

L'Eglise paroissiale d'Alet, était desservie par un 
Archiprêtre et deux vicaires. L'Archiprêtre prenait une 
partie de la Dime, il était chanoine honoraire-né, et 
il possédait le fief noble do Fels, près de Terroles. 

Avant 1653. — Jean ALPAYEK était Archiprêtre d'Alet. 

Nous lisons aux registres mortuaires de Saint-André : 

« Le 5 juin 1G61 décéda M. Jean Alpayer, prêtre, docteur 
en théol(?gie, âgé d'environ 87 ans, jadis chanoine de la 
Cathédrale et Archiprêtre, après avoir reçu les Sacrements 
et fait son testament, par lequel il fit ses héritiers les 
Eglises Cathédrale, Parochiale, et l'IIospital d'Alet , » leur 
laissant 1200 livres. 



(1) Registres iiiortuaircs de Sainl-xViidré de Kj-jo à 1835, 



_- 295 — 

1G53. — Barthélémy ASTRUC. 

1G54 à 1C58. — LAMEYRET signe les Actes de mariage. 

1658 à 1694. — PELLICÏER Simon, emmené à Alct, par 
Monseigneur Pavillon , qui l'avait tire du séminaire de 
Saint-Nicolas du Chardonnet, à Paris. Il le fit son aumônier, 
l'envoya à Couissan. pendant la peste de 1651, en l'absence 
du Recteur. Pour récompenser M. Pellicier de son zèle, 
Monseigneur Pavillon le nomma Archiprôtre d'Alet. Nous 
trouvons encore sa signature sur les comptes de l'hospice, 
à côté de celle de Monseigneur Mélian. A sa mort, il légua 
ses biens à l'hospice, et en particulier la vigne de la Tour, 
située sur la gare. 

1694.— FURODIN , Archiprôtre d'Alct, signe en 1698, 
les comptes de l'hospice, avec Monseigneur Mélian. 

1712. — Mort de Donat D'OLION, âgé de 46 ans. Il porte 
le titre d'nrchiprctre d'Alet et du Ilaut-Razès. Il est 
enseveli aux pieds de Monseigneur TalTourcau, avec cette 
inscription sur la pierre sépulcrale : « Hic jacet donatus 

d'Olion ArcJiipresbiter Electen, qui obiit die vigesimâ 

priimi inensis octobris, cinno 1 712. » Le registre mortuaire 
signé Pech , prêtre prébende , porte qu'il avait reçu tous 
les Sacrements. 

1712 à 1741. — Le \:) novembre 1712, M. Paul 
FROMILIIAGUE , docteur en Théologie, fut nommé Archi- 
prôtre d'Alet et du Haut-Razès. Les pauvres de la ville furent 
SCS héritiers. Procès-verbal de sa sqpulture : « L'an 1741 et 
le 19 avril . a été enseveli dans l'Eglise de la paroisse . 
M. Paul Fromiihague, Archiprôtre, d'Alet, où il était né. 
Dès son enfance, il donna l'exemple de toutes les vertus, qui 
le firent bientôt admettre à la cléricature. Monseigneur 
TalTourcau le prit auprès de lui. pour le former aux vertus 
sacerdotales, ({ui lui mérilcrcnl ))ienlôt la 2:loirc de devenir 



— 596 — 

archiprêtre d'Alct, paroisse qu'il administra à l'édification 
de ses ouailles et de tout le diocèse. Il établit les confréries 
du Saint-Sacrement et du Rosaire. Ses fatigues pastorales 
lui occasionnèrent, deux ans avant sa mort, une maladie des 
plus douloureuses (ju'il supportait avec une soumission 
parfaite. Après avoir reçu tous les Sacrements, il mourut 
le 18 avril , âgé de 61 ans. Signé, Sabathier, prêtre et 
vicaire. » 

1741 à 1782. — Jkan PRAX, bachelier en théologie, fut 
curé-archiprétrc pendant plus de 40 ans. Il trépassa à 
Toulouse, paroisse Saint-Etienne, le 17 août 1782. 

1782 à 1800 ou 1802. — Le 21 août, il fut remplacé par 
M. Etienne-Lucet de CAMPAGNE, qui partit pour l'Espagne 
avec Monseigneur de Chantérac en 1792. Il assista à la 
mort et à la sépulture de ce prélat en 1793, à Sabadell. Il 
paraît qu'il rentra d'Espagne avant 1800, et qu'il, se cachait 
à Campagne et à Espéraza , où des paroissiens d'Alet 
venaient le visiter, pour se confesser, dans le plus grand 
secret. Alet ayant perdu le titre d'archiprôtre, il fut nommé 
à la cure de Caudics, où il est mort. 



Curés de première classe 

1802 à 1835. — Pierre-Louis-Siméon-Martin DE RIEUX. 
Il légua par son testament, à la fabrique, tous ses orne- 
ments et 400 francs qui servirent à acheter l'ostensoir 
en vermeil du prix de 650 francs. 

1835 à 1809. — PiKRRE CRAUSSE, chanoine lionoraire, 
ancien curé d'Azille. Il donna sa démission en 1869 et 
mourut à Carcassonne le 16 mai 1876. Il fut inhumé dans 
le cimetière de Sainl-Michel. 



-. 297 — 

1869 à 1874. — Jean AUDOUY , natil" de Chalabre, 
nommé à la cure de Lczignan. 

1874 à. 1876. — M. DANJOU , originaire de Chalabre, 
nomme à la cure de Coursan. 

1876. — Joseph-Théodore LASSERRE, de Limoux, et 
vicaire de Saint-Martin de cette ville de 1863 à 1876, a été 
nommé par Monseigneur Leuillieux, le 11 février, curé 
d'Alet, et installé le 27 février par M. Edmond Destrem, 
curé-archiprôtre de Saint-Martin de Limoux , assisté de 
MM. Dariez , cure de Saint- Vincent , à Carcassonne , 
chanoine honoraire ; Pages , curé de l'Assomption de 
Limoux, chanome honoraire ; Gasc , chanoine honoraire ; 
Laffon, curé de Véraza ; Raynier Henri, aumônier du 
Lycée de Carcassonne ; Gironne, vicaire de Saint-Martin ; 
Labenc, vicaire d'Alet; Vidal, prêtre habitué de l'Assomption ; 
Molinier, clcrc-minoré , du clergé de Saint-Martin de 
Limoux. En présence de M. Clercy Robert , maire : de 
MM. les Fabriciens, de MM. les Conseillers municipaux, et 
d'une grande foule de fidèles... [Extrait du procès-verbal 
(le la prise de possession). Le 21 septembre 1876 , 
Monseigneur Leuillieux a nommé l'abbé Lasserre , 
bénéficier de premier ordre , du Chapitre de l'Eglise 
cathédrale de Carcassonne. 




CHAPITRE XXVIl 



VIERGE MIRACULEUSE DU XIF OU D\J XIIl"^ SIECLE, 
RELIGIEUSEMENT CONSERVÉE DANS l'ÉGLISE d'aLET. 



§ I. Historique des différentes manières de représenter 
la Très-Sainte Vierge. 



Avant de raconter l'origine de cette statue miraculeuse 
et sa conservation jusqu'à nos jours, à travers les 
siècles, il sera utile de faire connaître dans un rapide 
exposé historique, les différentes manières de représenter 
^larie, depuis l'origine du Christianisme. 

Chez les Egyptiens, certaines images de la Vierge 
étaient assises sur un siéue. et enveloppées de hî tête 



— -299 — 

aux pieds, comme une momie, de plusieurs bandes 
d'une toile fine et collée sur le bois. Telle est la statue 
de la Vierge Noire de Notre-Dame du Puy, que Ton 
dit avoir été apportée d'Egypte, par saint Louis. Telle 
est encore Tanticfue statue de Notre-Dame du Rosaire 
de Limoux, (|ui est certainement du XIIT' siècle. (1) 

La statue miraculeuse de Notre-Dame de Chartres, 
la vierge noire desCarnutes, devant laquelle les Druides 
se prosternaient déjà , avant Tère chrétienne , était 
a.ssise sur une chaise, tenant un petit enfant sur 
ses genoux et entre ses bras. On avait placé cette 
statue au fond d'une grotte mystérieuse, dans laquelle 
saint Savinian et saint Aventin trouvèrent le» Druides 
Chartrains en adoration devant une vierge qui devait 
enfanter, Vlrgini pariturfe. 

Dans les catacombes de Sainte- Agnès, on voit une 
figure de la vierge assise , ayant sur ses genoux le 
divin Enfant, avec le monogramme du Christ, à droite et 
à gauche. 

Dans le cimetière de Domitilla, la vierge tient son 
Fils sur ses genoux, recevant les dons des Rois-Mages. 
Cette peinture est de la fin du T'" siècle ou du 
commencement du IL". 

Quelquefois hi vierge était représentée , seule , 
tlurant les premiers siècles. Mais à partir du Concile 



(1) C'cMtc .slalue (>nlcvco cmi 17'J.3 do l'IJ^lisc tl(\s Duiiiiniciiiii.s, 
aiijourd'liui j»aroisso de rAssoiiiplioii, est rcli;j:icu.soineiit conscrvcc 
d.'iiis uno fainillt' d<' Linutiix. 



— 300 — 

crEphèse, pour aiïirmer la Maternité divine de Marie; 
on la représenta toujours avec T En faut- Dieu. 

Une mosaïque du tympan de TEglise Saint- Vital à 
Ravenne (VIT' siècle) reproduit la vierge, assise sur une 
sorte de chaise curule, tenant TEnfant-Jésus, presque 
droit, sur son cœur maternel . 

Cette manière de représenter Marie, depuis l'origine 
du Christianisme, découle de son titre de Médiatrice, 
et renferme un profond enseignement. Marie est en 
effet notre intermédiaire puissante auprès de Dieu. Son 
rôle est celui d'Avocate [Advocsita nostra), Auxiliatrice 
divine. Elle est toujours prête à nous assister auprès 
de son Fils , et à nous le montrer. Voilà pourquoi 
Fillustre évêque de Poitiers, Monseigneur Pie, nous 
enseigne que Marie est réellement sur la terre, et sera 
encore dans l'autre vie, V Ostensoir de Dieu : « Et 
Jesuvi, henedictum fructani ventris tui, nobls post 
hoc exilium ostende. « Aussi les anciennes images 
de la Vierge sont-elles toujours conçues d après cette 
idée si juste et si rationnelle. L'enfant est appliqué con- 
tre le sein môme" de sa Mère, qui, par respect, ouvre 
ses bras pour ne pas le toucher. 

. Plus tard, il s'assied sur ses genoux, mais la Vierge 
garde la môme attitude respectueuse. 

Telle est la statue miraculeuse de Notre-Dame d'Alet, 
religieusement conservée dans l'église Saint- André. 
Cette antique statue est assise sur un trône d'un genre 
particulier. Ses bras sont ouverts. La main droite tient 
un sceptre, et la gauche soutient l'Enfant-Dieu, assis 
sur son genou, et appuyé sur son cœur. 



— 301 — 

Au Moyen-Age, on appelait Majesté^ le Christ sur un 
trône, et par analogie, on donna à la Vierge assise, le 
même nom. Jésus-Christ faisant asseoir Marie sur son 
trône, à son couronnement, Lui a communiqué sa 
Majesté. Je lai déjà dit', le haut Moyen- Age, ne représen- 
tait la Vierge ni seule, ni debout. Sa Majesté consistait 
précisément à siéger sur un trône, et à montrer que 
cette gloire, inusitée pour une créature, lui revenait de 
sa Maternité divine. Ce n'est qu'à la fin duXIIP siècle, 
alors que le naturalisme commence à faire invasion 
dans Fart, que la Vierge se relève, au lieu de rester 
assise comme une reine, et permet à TEnfant- 
Jésus de prendre place sur son bras, et môme de 
caresser son visage. 



5 II. — Origine de Notre-Dame d'Alet. 



Cette vierge miraculeuse réunit bien tous les 
caractères historiques qui caractérisent les vierges du 
Moyen-Age. Impossible de le nier. 

Mais à quelle époque appartient-Elle ? au XI P ou au 
XI IT' siècle, d'après les archéologues qui l'ont examinée 
et étudiée avec soin, car elle ressemble à la vierge de 
Strasbourg , que l'éveque Berthold do Leck fit 
représenter pour la première fois , en 1243 , sur la 
bannière de cette ville. La vierge est assise sur un 
trône, les bras étendus, et l'Enfant-Jésus repose sur son 
G-enou gauche. Elle porte une robe bleue, bordée do 



— 30:? — 

rouge, aux manches très-larges : celle de l'Entant- Dieu 
est rouge. (1) 

La vierge miraculeuse d'Alet ressemble encore à 
Tantique statue de Notre-Dame de Uouze, canton de 
Quérigut (Ariége) et dont voici l'historique (2). 

En face des bains d'Usson (Ariége), paroisse de Rouze, 
et de Tautre côté de la rivière d'Aude, qui sépare 
FAriége de l'Aude, sur la paroisse d'Escouloubre, 
diocèse de Carcassonne , on voit les ruines d'une 
ancienne Eglise , dédiée à saint Pierre crucifié 
(Ecclesia Sancti Pétri ad Crucem). Cette Eglise, dont 
on ne connaît pas l'origine, et qui fut restaurée en 880 
par les Comtes de Cerdagne, a été détruite à la fin du 
XP siècle. C'était un prieuré de l'Abbaye bénédictine 
de Saint-Martin-en-Lez, aujourd'hui Saint-Martin-de- 
la- Pierre-Lys, dont on voit les ruines près du village de 
ce nom. Parmi les décombres de l'Eglise de Saint- 
Pierre Crucifié, on trouva, il y a environ 40 ans, la 
statue d'une vierge, faite d'un tronc de chêne, assise sur 
un siège antique, sans dossier. La divine Mère, tient de 
sa main gauche, l'Enfant- Jésus, debout sur son genou 
et appliqué contre son cœur. Sa figure est expressive, 



(1) Cette bannière, conservée dans la l)ibliothèqae de la ville, fat 
détruite avec ce monument, incendié par les bombes prussiennes, 
le 24 août 1870. 

i'I) Note Iburnie par le curé de (.'arcanières(Ariégo),Jean-Baptiste 
de Ro({uclaure, auteur d'un livre intitulé : Tablettes des ancêtres, et 
Histoire (h la Haute- Vallée de l'Aude. 



— 303 — 

les yeux termes, il porte dans la main gauche la boule 
(lu monde appuyée contre son sein. Notre-Dame dont 
les yeux sont fermés et le visage austère, incline 
légèrement la tête vers le divin Entant. Le bras de la 
vierge étendu , .semble indiquer qu'on doit s'adresser 
au Sauveur du Monde. Jésus et Marie sont couronnés 
(Fun diadème à quatre pointes. Cette statue est 
aujourd'hui conservée dans l'antique église Romane 
de Rouze. Il Puisque l'église de Saint-Pierre 
Crucitié a été détruite vers l'an 1100, on doit en 
conclure que la vierge existait avant cette époque 
et il faut avouer qu'Elle paraît plus ancienne que la 
\'ierge miraculeuse d'Alet, de 100 ans environ. 



i^ III. — Conservation de la Statue de Notre-Dame d'Alet. 

A partir du XIIT' siècle, cette statue était conservée 
dans réglise , ou dans le Couvent de l'abbaye. Préservée 
de la destruction , à l'époque du pillage du Monastère et 
de la Cathédrale , par les Huguenots , on la plaça 
dans l'église Saint-André , édifice religieux le plus 
remarquable d'Alet, après la ruine de l'église Notre- 
Dame. On con.struisit à cette époque, la Chapelle de la 
\'ierge, car nous avons rapporté à la page 119 , que la 



ill On admire encore dans cette pjglise, un belle cloche, (jui date 
ilu «'OBimencement du XI» siècle. 



— 304 — 

chapelle de Saint- Roch était la seule qui existât au 
XV siècle , époque de la construction de Saint-André. 
La i^^rande richesse de la chapelle de la Vierge , avant 
1793, ne peut s'expliquer que par la présence de cette 
statue miraculeuse. 

Son autel , en marbre , détruit en partie, après 1793, 
était le plus remarquable de l'église , puisque le maitre- 
autel est celui de la Cathédrale de Saint-Benoit , l'ancien 
maître-autel, ayant été placé, après 1803 , à la chapelle 
de Saint-Biaise. 

Le carrélement de la chapelle de la Vierge est le 
plus distingué. Dans le principe, k sol de l'Eglise était 
couvert de dalles communes, que l'on voit encore dans 
la nef, et une partie du Sanctuaire. Les dons des fidèles, 
à la statue miraculeuse, fournirent les moyens de 
remplacer les dalles primitives, par un carrélement des 
plus riches. Il était composé de briques fines octogones, 
reliées par de petits carrés, vernis de bleu, le tout 
formant mosaïque. On voit encore dans cette seule 
chapelle, ce carrélement qui conserve des traces du 
vernis bleu, etc. Une boiserie remarquable régnait tout 
le tour de la chapelle, et elle arrivait juste, à la base de 
la niche où repose la Vierge du XIP ou du XIIP siècle. 
Les panneaux de ce lambris étaient sculptés , comme 
l'encadrement en saillie, qui environnait la niche. 

Depuis quelques année>s, on a remplacé cette boiserie 
qui était entièrement vermoulue. Cest là une preuve 
évidente que ce lambris était très-ancien, et qu'il avait 
été construit vers 1600, époque où la vierge avait été 
placée dans cette niche. 



— :m — 

En 1793, cette statue fut cachée soigneusement, dans 
un grenier de la maison de M. Loubet, notaire. La 
vierge soigneusement enveloppée dans des étoffes, avait 
été cachée dans un placard de muraille. A l'ouverture 
des églises, on la rapporta dans la chapelle de Notre- 
Dame, où Elle est toujours, comme autrefois, l'objet de 
la vénération des fidèles. 

^ IV. — Description de la Vierge Miraculeuse. 

On raconte que Fra Angélico ne peignait qu'à genoux 
et en priant les têtes du Christ. Il fallait au peintre 
sérapliique, l'inspiration de la prière, qui illuminait son 
intelligence d'un rayon céleste. Et moi aussi, je voudrais 
peindre à genoux, et le cœur tout de feu, le visage 
auguste de cette Vierge miraculeuse, et en empruntant 
les pinceaux de Fra Angélico, ou de l'incomparable 
saint Luc, je vais essayer de donner la description de 
la statue du XI P ou du XI IP siècle. 

Il faut dire tout dabord que cette statue a été 
magnifiquement restaurée, en 1876. Depuis longtemps. 
Elle portait une robe et un voile qui cachaient sa 
vétusté et les sacrilèges mutilations qui avaient enlevé à 
TEnfant-Jésus, la tête et les mains, et à la Vierge, le 
l)ras droit avec le sceptre et le voile. Le dossier du trône, 
sur lequel Elle est assise, avait disparu. Toutes ces 
mutilations ont été artistement réparées , tout en 
conservant à la statue le cachet du moyen-âge, si Ton 
*'xcepte la tète de l'Enfant-Dieu qui est un peu trop 
moderne. Après avoir enlevé les divers badigeons (|ui 
lecouvraient le bois vermoulu, et qui malheureusement 

20 



— 306 — 

avaient fait disparaître la peinture primitive, on a 
ajouté les parties brisées. Toute la statue a été recouverte 
cVune préparation spéciale, destinée à la protéger contre 
les variations de Tair et décorée ensuite d'une riche 
peinture polyclirômée. La robe de TEnfant-Jésus , 
adaptée à son cou par un colier de perles, est blanche, 
avec un semis de fleurs d'or. Celle de la Vierge, terminée 
sur les épaules, par une bordure de pierres fines, est 
rouge. Des aral^esques et des croix au milieu do trèfles 
dorés, brillent sur la couleur de pourpre. Le voile, 
descend de la tête avec une grâce incomparable^ et 
recouvre, comme un manteau aux plis ondulés, les 
genoux de la Vierge , jusqu'aux pieds qui reposent 
sur le socle. Il est bleu d'azur, parsemé de dessins 
variés, qui se terminent par une bordure extra-riche. 
Le sceptre doré, est couvert de perles fines, et surmonté 
d'une fleur de lys. On admire sur le fauteuil des peintures 
variées qui s'harmonisent admirablement avec ce siège 
antique. La partie qui sert de trône, est une demi 
circonférence, terminée par un rebord saillant. Les 
pieds droits du dossier, qui dépassent de chaque côté 
les épaules delà Vierge, sont réunis par des trèfles et des 
quatres feuilles aux lobes percés à jour. La statue et le 
siège reposent sur un socle octogone, autour duquel 
on lit cette inscription : « Vierge du XII P siècle reli- 
gieusement conservée à Alet ( Aude ) ancien Evôclié. » 
Que dire maintenant de l'expression de ce visage 
auguste, dont le type ancien est presque inimitable. On 
est frappé de respect : on contemple avec admiration ! 
Un attrait puissant et mystérieux attire le cœur. Et plus 



'M)l 



on contemple ces linéaments célestes, et plus on est 
saisi (le respect et cramour. C'est bien là le type de la 
figure de la Mère d'un Dieu, c'est l'idéal de la beauté 
bumaine. On y retrouve avec bonbeur une partie des 
traits du portrait de Marie peint par saint Luc , et 
conservé à Bologne. 

Enfin, la divine Mère étend ses bras, et pour montrer 
l'Enfant-Jésus , et pour prier. L'Enfant-Dieu pour 
marquer la distance infinie qui sépare le fils de la Mère 
n'a pas- une attitude suppliante. Ab ! que l'école 
occidentale a été merveilleusement inspirée, en faisant 
de la Sainte \'ierge, le type acbevé de la beauté, 
d'après l'enseignement de saint Ambroise, qui affirme 
« que dans la Mère de Dieu, la beauté du corps avait 
été comme le reflet de la beauté de son âme. » 

\'oilà riiistoire et la description de cette vierge six 
ou sept fois séculaire. Les nombreux miracles qu'Elle a 
opérés l'ont fait regarder comme Miraculeuse. 

Mademoiselle Zélie Saunière, d'Alet, qui soigne depuis 
près de 50 ans, cette Chapelle, nous a déclaré par écrit, 
« qu'il lui serait impossible d'énumérer le nombre de 
personnes qui lui ont apporté des souvenirs , pour 
témoigner leur reconnaissance des bienfaits reçus , par 
l'intercession de cette Vierge miraculeuse. » 

Puissent ces quelques lignes et les photographies que 
nous avons fait tirer de cette statue augmenter la 
dévotion et la confiance envers Marie, et attirer un 
nombre toujours plus considérable de fidèles pour 
continuer le pèlerinage de six siècles, aux pieds de 
l'antique Vierge miraculeuse de Notre-Dame d'Alet! 



■M'il 



CHAPITRE XXVIII. 



VIERGE d'ivoire DE l'ANGIEN CHAPITRE. 

TABLEAUX. — CLOCHES. — OBJETS REMARQUABLES 

CONSERVÉS DANS l'ÉGLISE d'aLET. 



;i-Kfi; 



§ I. — Vierge du Chapitre. 

Cette Vierge en ivoire , composée d'une seule dent 
d'éléphant, est un chef-d'œuvre de sculpture. Elle date 
du règne de François P' , et donne, par sa richesse, une 
idée des splendeurs de la Renaissance. 
j[. Cette magnifique statue, représentant la Vierge-Mère, 
mesure 25 centimètres de haut. Elle repose sur un socle 
de bois noir , de 11 centimètres de hauteur , dont la 



309 



face antérieure est ornée d'un écusson en ivoire , de la 
même époque. Cette œuvre d'art faisait partie du riche 
trésor de la Cathédrale. L'Evoque , environne de son 
Chapitre , la portait en triomphe , le 15 août , à travers 
les rues de la cité. 

Lorsque les membres du district de Limoux vinrent 
enlever les objets pré<;ieux de la Cathédrale , la Vierge 
d'ivoire fut sauvée du pillage. ^L Raynaud, d'Alet, la 
conserva soigneusement cachée dans un trou de lapin , 
et après la Révolution , il se fit un devoir de la rendre 
à M. Martin , Curé d'Alet. Sa valeur intrensèque était 
de 3,000 francs. Malheureusement elle a diminué de 
prix, depuis qu'on l'a laissée tomber. On a bien recolé 
les parties brisées : mais il manque le bras droit de 
rEnfant-Jéfius et un doigt de la main gauche de la 
Vierge. Nous avons fait photographier cette Vierge , 
pour ToiTrir aux visiteurs , qui peuvent d'ailleurs 
l'admirer dans la niche de la chapelle de Notre-Dame, 
à côté^ de la Vierge miraculeuse du XI P ou du 
XII P .siècle. 



5 II. — Statue de saint Benoit. 

Cette «tfttue , qui existe depuis environ dcmx cents 
ans , mesure 75 centimètres de haut. On Tadmire dans 
une niche , à la chap(^lle du Saint , en face d(; celle de la 
Vierge. Elle est en bois doré , avec dessins noirs , dans 
le genre espagnol. Saint Rcnoit est représenté debout , 
revêtu sur sft robe , d'une longue coule , comme d'un 



— 810 — 

surplis , tenant un livre à la main droite. ïSa tète , ornée 
de la couronne monacale , est remar{[uable par son 
attitude. Cette statue, enlevée en 1793, de la Cathédrale, 
où elle était placée probablement dans une chapelle 
dédiée à ce saint, tut portée svir la place d'Alet, pour 
être brûlée avec d'autres objets» religieux. Le visage 
noirci par la fumée , annonce qu'elle était déjà sur 
le bûcher , lorsqu'une personne pieuse , la racheta , et 
en lit don , plus tard , à Téglise Saint- André. 

^ m. — Tableaux. 

Le tableau du sanctuaire ({ui représente le Christ en 
croix , vient de la chapelle de l'Evêché. Il parait très- 
ancien et ne manque pas de mérite , d'après les con- 
naisseurs. 

On admire à la chapelle de la Vierge , deux tableaux 
de prix , TAnnonciation et F Assomption de Notre-Dame. 
Le premier avait été acheté , à Rome , par le supérieur 
du Grand-Séminaire et placé • dans la chapelle de cet 
établissement. Pendant la Révolution , on l'avait trans- 
porté à l'église de Véraza , d'où il a été rapporté à Alet. 
Les connaisseurs ont toujours fort estimé ce tableau. 
L'As.'o:nption de Notre-Dame copiée sur la Vierge de 
Muillo, par un peintre espagnol, est une toile de grand 
mérite. Malheureusement elle a été retouchée et gâtée 
par un pinc€;au mal habile , et elle demande une restau- 
ration intelligente. Ce tableau ornait le Maitre-Autel de 
la CatJiédrale. Nous ignorons comment il a pu être 
sauvé des flammes, en 1793. 



— 311 — 

Un autre tableau fort estimé , qui vient probablement 
de la Cathédrale , est placé dans la chapelle de Saint- 
Benoît. Il représente le bienheureux dans une attitude 
séraphique. Le Moine prie, et un rayon céleste 
illumine son visage. Ce tableau , exécuté par un peintre 
espagnol , porte la date de 1G42. 

D'un côté de la porte d'entrée , on voit le tableau de 
sainte Anne , enseignant la Vierge à lire. Cette toile doit 
venir du couvent des Régentes. De l'autre , on trouve 
un portrait de saint Vincent de Paul d'une ressemblance 
parfaite : une frange jaune borde le bas de la toile , 
et indique la barrière du Grand-Séminaire , dont saint 
Vincent était Tun des patrons. — Sur les fonts baptis- 
maux , on a placé le tableau de saint François de Sales, 
dont la tête est d'une expression remarquable. Du côté 
opposé , on voit un autre Evoque qui semble représenter 
saint Nicolas, patron de Mgr Pavillon. Nous pensons 
que ces deux tableaux ornaient la chapelle 'du Séminaire 
({ui avait aussi pour patron saint François de Sales. 

Il est à regretter que l'autel de cette chapelle remar- 
quable par la richesses des marbres d'Italie qui le com- 
posent , ait été perdu pour Alet. On ladmire 
dans le sanctuaire de l'église d'p]spéraza , dont il fait le 
plus bel ornement. Nous avons déjà dit que le Maître- 
Autel de Saint- André provient de la Cathédrale. L'Auc 
Mririii seulpté au milieu de l'écussun , indique qu'il 
était dédié à Notre-Dame, patronne d'Alet et delà 
première Calhédrale. Mais eet autel n'est i)as complet, 
car le Tabernacle l'ut détruit en 17Î).'). 

liCs balustrades en fer. crui décorent le sanctuaire et 



:^i;> 



les quatre chapelles , .sont Tœuvre de Jusepli Peyrard 
maitre serrurier dWlet , qui les exécuta en 1789. 



^ IV. — Cloches. 

La tour Saint- André renferme trois cloches. La plus 
petite , du poids de deux cent vingt-cinq livres , fut 
enlevée en 1808 du clocher de Véraza , qui en possédait 
trois , tandis que celui de Saint-André n'en renfermait 
aucune, en sorte qu'il était impossible d'appeler les 
fidèles à l'église , pendant la semaine. Les dimanches et 
fête« , on sonnait l'ancien Bourdon de la première 
Cathédrale , suspendu dans la tour Notre-Dame. Sur la 
dernière voûte de ce clocher , se trouvait un beffroi en 
chêne , de plus de dix mètres d'élévation , où l'on voyait 
remplacement de neuf cloches. En 1793 , on ne respecta 
que le Bourdon , sur lequel frappait la marteau de 
l'horloge, depuis plusieurs siècles. Cette cloche, peu 
volumineuse mais très-épaisse , du poids de plus de 
trente quintaux, donnait un son extrêmement remar- 
quable. Une personne qui se trouvait entre le Bésu et 
Saint-Louis de Parahou , nous a alïirmé l'avoir entendue 
un dimanche matin, tandis qu'on la mettait en branle 
à toute volée. La cloche de Notre-Dame semblait jeter 
plus joyeusement ses sons majestueux , à travers les 
douze fenêtres de la tour. Elle avait été baptisée sous le 
nom de Sciint-Jeaii-Sauve-Terre (Sant-Jean-Salbo- 
Terro) , et toutes les fois qu'un orage dévastateur 
menaçait la contrée , on faisait résonner la cloche de 



— 313 — 

Saint- Jean , et toujours, dit la tradition ancienne, 
comme celle des contemporains , le danger était dissipé. 
De là , un culte particulier de toute la paroisse , pour 
cette cloclie protectrice. Aussi, lorsqu'elle se fendit en 
1858 , toute la ville fut dans le deuil. L'année suivante, 
la Fal)rique de Saint-André la lit refondre pour le prix 
de 400 francs , dans le sanctuaire gallo-romain de 
l'ancienne Cathédrale. En la baptisant, on lui donna les 
noms cV André- Anne. Elle eut pour premier parrain , 
L. S. Martin, Ouréd'Alet, qui demanda cette faveur, 
pour imiter Mgr de Chantérac , parrain de la dernière 
cloche , fondue avant la Révolution , et pour première 
marraine Anne Mestre , veuve de Marc Laracle. Lee 
deuxièmes parrains furent Bourges Antoine, Larade 
François , et les deuxièmes marraines Catherine , 
Jeanne, M. Marie-Thérèse Carbou. 

Le nouveau Bourdon de Notre-Dame ne pesa que 
deux mille cent vingt-deux livres , un tiers de moins 
que lancien , par la faute du fondeur. Plus tard, avec 
les cinq quintaux métriques qui restaient , et auxquels 
on ajouta la petite cloche du Prieuré de Saint-Adrien , 
on fondit , pour le prix de J 00 francs , une deuxième 
cloche, du poids de sei)t cent vingt livres. 

Lorsqu'en 1830, la tour Notre-Dame s'écroula pendant 
la nuit , on trouva le lendemain , le Bourdon , avec une 
anse cassée, sur le sol de la vieille église. On le monta 
dans le clocher Saint-André , où il fut sus})endu dans 
de mauvaises conditions. 

Espérons , qu'en reconstruisant la partie haute du 
clocher cfui menacer i-uine . on adoi)tera un système de 



suspension , dont le jeu permettra de mettre en branle 
Taneien Bourdon de Notre-Dame , sans nuire à la soli- 
dité du elocher. 



Urneiiioit de M(jr V^wiUon, 

De tous les ornements qui composaient le riche 
trésor de la Cathédrale , il ne reste plus que les orfrois 
de l'ornement violet, qui appartenait à Mgr Pavillon. 
Ces orfrois , genre tapisserie , représentent des dessins 
variés, sur un fond violet. Grâce à la solidité du tissu, 
ces orfrois sont dans un état pariait de conservation 
quoiqu'ils existent depuis plus de deux cents ans. 

L'église possède encore un tour d'autel , d'un travail 
remarquable , brodé par M"^ de Chantérac , sœur du 
dernier Evêque d'Alet. 






CIIAPITUE XXIX. 



HAMEAU DE SAINT-SALVAIRE. — METAIRIE DE RACOU 
PIERRE DRUIDIQUE. — ÉGLISES CHAMPÊTRES. 



i^ I". — Saint-Salvaire. 

Du doniR' ec iKjiu à un prlil hanu'aUj siUir au LL'vaiit 
(.'ta ciiic{ ou six kiluinètrcs (VAlct, à une' altitude de 
sept cent \in^t mètres. Le Koeliei" de TAi.irle Hoc de 
lAqlo , qui se dresse un ])eu au-dessous de ce hameau, 
était couroimé au Moyen-Auc, i)ai' un ehàteau-rort ({ui 
renlermail une eliapelle. I.e cimetière était (h'.ns les 
envii'oiis. i.es restes d<- nuu'ailles. les nom'oi-euses 
constructions ((ui existent encoi'c , annoncent lui man(iir 
d lUic certaine imnortniice. Sa position . sur un !-<H-her 



— 310 — 

des plus al)riii)tcs , cX (|ui surplombe de trois cotés des 
précipices eiïrayants , se prêtait admirablement à la 
construction d'un château-fort. On voit encore du côté 
des gorges do La Valette , un mur de soutènement qui 
n'a pas moins de dix mètres , avant d'atteindre le sol 
des autres constructions. 

Les propriétaires qui cultivaient les terres voisines , 
avaient bâti leur» demeures dans la campagne , car on 
trouve de nombreux monceaux de pierre accusant çà et 
là, d'anciennes constructions. Le dimanche et les jours 
de fête , ils venaient entendre la messe à l'église du 
Château. 

Lorsque le Château fut abandonné , les propriétaires 
transportèrent leurs maisons à un point central, près 
d'une source abondante , à l'abri des vents glacés du 
Nord , et dans le lieu le plus fertile. Telle fut l'origine 
récente du hameau de Saint-Salvaire. 

Les habitations , par leur aspect extérieur , dénotent 
une même époque de construction , qui ne remonte 
pas au-delà de deux cents ans. L'Eglise , à son tour , 
porte la date de 1685 , gravée sur une des pierres de la 
corniche romane , placée sous les toitures , vers le 
Midi. Sur l'arceau du porche , on trouve bien la date 
de 1448. Mais cette date a été tracée après eoup sur la 
porte du château, qui a été adaptée à la nouvelle église. 
On voit sur cette porte antique, des motifs variés 
d'architecture romane du XI" ou du XI P siècle. A 
droite , en entrant , on remarque un petit bénitier en 
pierre , de style roman , qui provient de la chapelle du 
château. 



>- 317 — 

Le plan do l'église de Saint-Salvaire est tout-à-fait 
original, et peut-être reproduit-il le plan de Fantique 
église. Sa forme est une croix grecque de 12 mètres de 
long sur 10 mètres 60 de large. Le côté du sanctuaire 
est un peu plus long que les trois autres. Pour expli- 
quer la forme particulière de cette église , il faut 
supposer que les anciens ont eu l'idée éminemment 
religieuse et }^yml)olique d'honorer le divin Rédempteur 
Jésus notre Sauveur, en donnant ;i cette église, la 
forme d'une croix. 

L'intérieur est percé de trois fenêtres à plein cintre. 
Sur la porte, on trouve une petite rosace de 70 cent. , 
qui pourrait bien venir de l'église du Château. Elle est 
octogone , même à neuf pans ou côtés , et ornée de 
boudins romans , ce qui lui donne un cachet antique et 
original. 

Les quatre voûtes , qui viennent se réunir au centre 
en formant une croix , sont du style ogival , légèrement 
mauresque. Le sol est pavé en belles pierres de taille 
tirées des murs de l'ancien château , sauf le sanctuaire 
qui est dallé. L'autel , en maçonnerie ordinaire , est 
recouvert par une toile peinte^ encadrée dans une 
boiserie de la Renaissance. On y voit le monogramme 
du Christ , au milieu d'un soleil avec rayons , environné 
de fleurs de toute espèce. Le rétable est en planches , 
recouvertes de peintures , avec un tableau au milieu 
qui représente un Christ en croix. 

Nous pensons c[ue cotte église a dû être dédiée au 
Sauveur du Monde , car on n'y trouve pas (Vautre 
tableau principal. Do cha([ue côté , on admire quatre 



— 318 — 

petits tableaux qui représentent les têtes de Jésus et de 
Marie , rAscension et le Sacré-Cœur recevant les hom- 
mages\lu ciel et de la terre. 

Dans la petite sacristie , à la suite du chœur , on 
remarque Tancien fauteuil curial , deux candélabres en 
fer , une falotte* en fer blanc admirablement ouvragée , 
un ornement qui a plus de deux cents ans , et une 
croix processionnelle qui remonte au-delà de trois 
siècles. La table de Communion est en bois de chêne, 
ornée de quelques motifs d'architecture très-bien 
sculptés. Deux ouvertures , percées dans la voûte, sur 
la porte d'entrée , indiquent qu'il y avait anciennement 
deux cloches , dans les deux fenêtres à plein cintre du 
clocher , où l'on voit encore une fort belle cloche. 

Mais l'extérieur de Téglise présente des singularités 
qui frappent et qui étonnent le visiteur. Ainsi on voit 
sur la porte du XP siècle , quatre chapiteaux romans, 
d'une richesse incomparable. Ils sont jetés sans ordre 
dans les murs, à moitié cachés. Trois chapiteaux sont 
décorés à la base , de la belle corbeille d'achante 
du chapiteau corinthien , avec des volutoe romanes , 
entremêlées de têtes grotesques. Le quatrième est de 
beaucoup le plus remarquable. Sur les deux faces 
visibles , on admire trois chameaux superposés , et les 
trois Mages avec de très-riches costumes , qui accusent 
le milieu du XIV siècle. 

Il est probable que le château formait sous la dépen- 
dance du Couvent d'Alet , un prieuré , où les Moines , 
s'étaient bâti un refuge , pendant les guerres du Moyen- 
Age, pour se mettre à l'abri des incursions de toute 



— 319 — 

sorte , lorsqu'ils cultivaient ces terres si ingrates. De 
plus , les restes de la l)elle arcliitccture romane dont 
nous venons de parler , et qui sont du même style que 
réglise aljbatiale d'Alet , n ont pu provenir que du 
ciseau des Moines-Architectes. 

A l'extérieur de l'église, on est frappé de voir régner 
sous les tuijes saillantes , et aux quatre angles formés 
par l'intersection des deux bras de la croix , une corniclie 
romane, en l^ellc pierre, avec gorges, moulures et 
demi-])oules ou demi-circonlerences , régulièrement 
espacée-^. Ces pierres , mal raccordées , révèlent un 
emprunt à la chapelle primitive ou aux corniches du 
château. Le visiteur remarque , aux huit angles exté- 
rieurs , huit pierres saillantes , appelées , en terme 
d'arcliitecture , Corbeaux. Ces huit pierres , plus longues 
que larges , représentent des têtes d'hommes et d'ani- 
maux, et un personnage en relief. Nous avons cru 
reconnaître la tête du bœuf avec ses cornes , celle du 
lion avec sa crinière , celle du chat avec ses petites 
oreilles. Les trois figures d'hommes, toutes contournées, 
avec de longs clieveux , semblent représenter des têtes 
de guerriers : par leurs attitudes martiales , on dirait 
que leurs yeux respirent le feu des batailles. Le person- 
nage, en relief, a la poitrine et les bras découverts : un 
petit vêtement est ceint autour du milieu du corps , 
juscfuà demi-jambe. Il porte une sorte de tiare, sur sa 
main droite on croit V(^ir une forme de conque ou de 
plat. 

L(î service religieux de l'église de Saint-8alvairc était 
fait a\a'it 1793, par le curé de V(Midémies. Ce villaire 



— :V2() — 

situé sur le versant Nord des montagnes sur lesquelles 
est bâti le hameau de Saint-Salvaire, est plus rappro- 
che qu'Alet. L'église de Saint-Salvaire portait le 
titre de succursale, sur la carte do l'ancien diocèse 
d'Alet. 

Mais les baptêmes, mariages et sépultures des 
habitants de Saint-Salvaire avaient lieu à r*église Saint- 
^ndré d'Alet, comme cure primitive d'où dépendait 
Saint-Salvaire. Les dimanches et fêtes chômées , pour 
ne pas obliger tous les habitants de Saint-Salvaire et 
des campagnes voisines à se rendre à Alet , le curé de 
Vendémies venait célébrer les ofïices à Saint-Salvaire (1). 



§ II. — Métairie de Bacou. 

Cette métairie, à deux kilomètres au-dessus de 
Saint-Salvaire, porte le nom d'une divinité païenne, et 
atteste l'antiquité du culte rendu à Bacchus , sur cette 



(1) IjQ Compoix de la ville d'Alet, pour 17G9, page 1G8, nous 
apprend que M. Majorel-Duillac était curé de Vendémies : que le 
presbytère contenait quatre-vingt-quinze cannes et appartenait à la 
ville d'Alet (page 13G) ; enfin que l'Œuvre de l'église possédait : 
1» Un champ autour de l'église, contenant 2 coups 3/4, payant 1 sol 
3 deniers 15/35, et 2° un champ et une vigne (page 383), payant 
5 sols 7 deniers 1/2. 

D'après le mémo Compoix (page 383), il est dil que le Purga- 
toire de Saint-Salvaire possédait un pré non arrosablc et un 
ferrageal, payant 5 sols 8 deniers 1/2. 



— 321 - 

montagne. Nul doute que les vieilles peuplades celti- 
ques de nos contrées n'aient honoré Bacchus , la divinité 
du vin , que Ton représentait couvert de pampres. 

On trouve encore des noms de divinités celtiques qui 
sont restés attachés dans nos contrées à des hameaux 
ou à des maisons rurales, comme Arce, Véraza, 
Belcastel. Si on ajoute foi aux conjectures de quelques 
étymologies ( 1 ) , le manoir de Belcastel aurait pris la 
place d'un petit temple , en Thonneur de Bel , l'un des 
dieux du polythéisme romain , ou bien de Bélénus 
l'une des divinités de la Mythologie gauloise. 

Pour nous bornera la métairie de Bacou, nous devons 
dire que Ton trouve dans les environs et près de Saint- 
Salvaire, un monument celtique du culte superstitieux 
de ces anciens haljitants de nos contrées. C'est une 
pierre druidique, isolée sur une montagne déserte, à 
720 mètres d'altitude, d'où l'on embrasse un immense 
horizon. Depuis plus de 2000 ans, elle semble protégée 
par un respect religieux de la part des habitants de ce 
pays. 

Cette pierre druidique est un inenhir^ le plus simple 
des monuments gaulois, et peut-être le plus surprenant 
et le plus inexplicable dans son érection. (Men, j)ierre^ 
HiR, longue.) Grossier monolithe, obélisque brut, le 



|t) Notices hislort'ques sur les Chdleaux de l arrondissement de 
Lùnoux, pajxc 83, Château de Belcastel, par L. A. Buzairiea, docteur 
tMi méHccinc. 

21 



— 322 — 

menhir, appelé encore quelquefois i/'ai(ie-6o7"ne, s'élève 
à une hauteur variant de un à 17 mètres. Il est implanté 
verticalement en terre et souvent, par une disposition 
bizarre, l'extrémité supérieureestla plus volumineuse (1). 
Telle est la position de celui de Bacou, qui est un peu 
incliné et qui mesure 1 mètre 45. La tradition dit 
qu'il s'enfonce dans le sol d'un mètre 50. On aperçoit 
au sommet une petite perforation, où Ton avait fixé 
jadis une croix de fer. 

§ III. — Eglises ehampêtres situées dans les environs d'Âlet. 

L'abbaye d'Alet était environnée de petits sanctuaires 
échelonnés sur les crêtes des montagnes, et qui 
formaient autour d'elle , comme les fleurons de sa 
couronne. 

Sur la rive gauche de l'Aude , on trouvait : 

1" L' église de Saint'Eloi à Saint'Gervais. — Extrait 
tiré du Corapoix terrier de la ville d'Alet, fait en 
l'année 1729, et de l'article de M. Cassagnau , Receveur 
à Limoux : 

« Une métairie à Saint-Gervasy , consistant en maisons , 
courtals, patu , en vieilles masures, mu i ailles de l'église 
Saint-Eloy » 

Cette ancienne église dont l'emplacement avec le 



(1) Archéologie chrétienne, par l'abbc Bourrasse, page 37. 



— 323 — 

sol de son ancien cimotière, est maintenant livré à la 
culture, était bâtie à moitié crête de la montagne de 
Saint-Gervais, entre la rivière d'Aude et le Pech de 
Brau. Elle était à un kilomètre environ, au-dessus de 
la nouvelle métairie de Saint-Gervais. Les vieilles 
masures dont il est question dans le Covipoix de 1789, 
situées près de la voie romaine , qui passait au pied 
de Brau , formaient l'ancien hameau de Saint-Gervais , 
qui avait Saint-Eloi pour église paroissiale. Nous pen- 
sons que cette église a dû être ruinée parles Huguenots, 
vers 1577, puisqu'une personne nonagénaire que nous 
avons consultée, en 1877, nous a dit qu'elle a toujours 
habité Saint-Gervais , et que son père avait toujours vu 
les ruines de cette éorlise. 

2^ Eglise SdLint-Rome. — En suivant de Saint- 
Gervais, la voie romaine qui passait sur les crêtes des 
montagnes des détroits d'Alet , on rencontre , à un kilo- 
mètre , au Couchant de cette ville , dans le terroir de 
Saint-Rome, une petite construction champêtre, pro- 
priété de M. Noël Larade, Adjoint. Cette cabane est 
construite sur remplacement de l'ancienne église de 
Saint-Rome, avec une partie des murailles de l'église 
qui étcfit bâtie en belles pierres de taille , comme 
on le voit par les murs intérieurs et tournée vers 
le Levant , avec sa porte au Midi. Elle avait la forme 
d\m carré long. Au bas du rocher à pic , qui supportait 
le sanctuaire, on trouve parmi les pierres bien travaillées, 
un bloc avec une belle croix sculptée , qui supportait le 
bénitier ou la cuve baptismale. Car il est probable que 
cette église servait de paroisse au hameau de Saint- 



— 324 — 

Rome , dont l'existence est attestée par des amiis do 
pierres , bien polies sur certaines faces, qui remplissent 
les environs , et dont on a construit , de toute part , des 
murs de soutènement. La proximité d'une source qui 
ne tarit jamais , fournissait l'eau nécessaire aux habi- 
tants de ce hameau qui devait être considérable. 

3" Eglise Saint- André. — Cette chapelle était située 
au centre du hameau de ce nom : des monceaux de 
pierres marquent son emplacement sur la limite qui 
sépare la commune d'Alet de celle de Roquetaillade , 
au-dessus de la belle métaire de Bardichon. A Fendroit 
où la montagne de Brau semble prendre naissance au 
Couchant d'Alet , et à la source du ruisseau de Grannes, 
on voit les fondements de Téglise Saint- André . qui était 
assez vaste , ce qui donne une idée de l'importance de 
ce hameau. 

4" Le Prieuré de Nouais. — La voie romaine , avant 
de descendre aux roches de Cascabel , passe près d'un 
amas de pierres , appelé la Gleissasso ou Vieille église, 
faisant partie du domaine de Nouais. Cette métairie 
était un ancien Prieuré dépendant du Monastère d'Alet, 
et la Gleissasso était la chapelle du Prieuré , servant 
aux exercices religieux des Moines qui exploitaient la 
ferme de Nouais. Nous pensons que les trois églises de 
Saint- Rome, de Saint-André et de Nouais ont été 
détruites ou abandonnées , comme celle de Saint-Eloi , 
vers 1577, à cause des guerres de religion. 

5*" Eglise Saint-Adrien à Bastide. En partant 
d'Alet, et en côtoyant au Midi , le ruisseau de Grannes, 
on arrive au terroir de Saint-Adrien , où l'on trouve , à 



— 325 — 

un kilomètre, la métairie de Bastide, anciennement 
Saint-Martin-de-Nadès. Là se trouvait l'église de Saint- 
Adrien qui a été détruite pendant la RéTolution, et 
après 1803, on donna la cloche de cette chapelle à 
réglise Saint-André. Lorsqu'on fondit" la deuxième 
cloche, du poids de plus de sept quintaux, on jeta 
dans la l'onte la petite cloche de Saint-Adrien. La cons- 
truction actuelle de Bastide a été faite avec les maté- 
riaux de l'ancienne église , et sur son emplacement , on 
a bâti une bergerie. Pendant la construction de la 
métairie de Bastide, on trouva, à 15 mètres de l'église, 
quatre dalles qui recouvraient un squelette de six pieds 
de haut : les dents étaient parfaitement conservées. A 
'200 mètres de l'église , on voit l'ancien cimetière , sur le 
chemin d'Antugnac. 

Nous pensons que cette église , dédiée à Saint-Adrien 
ou à Saint-Martin , était le Prieuré simple de Saint- 
Adrien dont il est question dans la Vie de Mgr Pavillon^ 
et que ce Prélat donna au chanoine Larade, d'Alet. 
Son titre ecclésiastique de Prieuré simple, annonce un 
bénéfice , sans charge d'âmes , qui , par conséquent, 
ne formait pas une paroisse. Sa proximité d'Alet, 
rendait ce Prieuré facile à desservir. 

Sur la rive droite de l'Aude , on avait bâti : 

1° L Eglise de Ro aines- Basses. — En montant à 
deux ou trois kilomètres , au Nord d'Alet , on rencontre 
les métairies de Rouines-Basses et Hautes. Rouines- 
Basses a remplacé un hameau dont on trouve les 



326 



pierres entassées autour des ruines d'une vieille église, 
située, à 100 mètres environ, au-dessous de la métairie 
actuelle. 

Cette église était bâtie sur le bord d'un petit ruisseau 
et contigue à un cimetière , où l'on trouve des osse- 
ments. Tournée vers l'Orient , elle avait la forme d'un 
carré long, avec la porte au Couchant. Sa longueur 
était de 8 ou 9 mètres sur 3 ou 4 mètres de large. 
Quoique les pans de mur qui subsistent encore n'accu- 
sent aucun style, nous avons trouvé des restes de chapi- 
teaux et de corniches romanes, à l'escalier extérieur , 
qui conduit au premier étage de la bâtisse de Rouines- 
Basses , ce qui ferait remonter cette église au XP ou au 
XIP siècle. Cet édifice religieux servait de paroisse pour 
le hameau de Rouines et celui de Bentail-Iiaut , situé 
à demi-heure de distance , sur les détroits d'Alet , où 
l'on trouve les restes des maisons qui composaient ce 
hameau. 

T Eglise des Aloïs. — Dans le Compoix d'Alet de 
1758 , page 383 , nous lisons : 

« Le Purgatoire des Aloïs (près de Terroles) , possédait 
doux champs , payant 7 sols , denier , 3/8 de denier. » 

Nous ne parlons pas de l'église de Véraza , succur- 
sale de Terroles , et qui devint cure avant la Révolution, 
quoique faisant partie du territoire de la ville d'Alet , 
page 403 du même Compoix. 

Le Purgatoire de cette église possédait un champ 
aui payait de taille 3 sous 9 deniers (page 383). 



— 327 — 

3" Croix du Moulin de Mandoul. — Un peu au- 
dessous des Eaux-Chaudes , en face du moulin de 
Mandoul , on rencontre , sur un pilier en pierres de 
taille, une Croix, avec le millésime de 1718. Cette 
Croix a dû être élevée sur remplacement d'une ancienne 
chapelle. En effet, à 3 mètres de ce pilier, on trouve 
un reste de mur, en magnifiques pierres de taille , où 
Ton voit un chanfrein qui indique une porte , dont le 
seuil est de niveau avec la route. On nous a encore 
attesté qu'en élevant les constructions qui sont en face , 
on a trouvé des décombres , des tuiles , des ossements , 
qui indiquent un cimetière , devant cette église. Enfin , 
de temps immémorial , on se rend en procession à cette 
Croix , le second jour des Rogations , cérémonie reli- 
gieuse qui semble rappeler l'ancienne station que Ton 
faisait à ce petit sanctuaire. 

L'église paroissiale de Saint-André avait un presby- 
tère pour le logement de l'Archiprêtre et de ses deux 
vicaires, qui contenait bâtiments et jardins, 239 cannes, 
d'après le même Compoix. 

Cette église possédait une pièce de terre au-dessous 
de la métairie de Saint-Gervais , comme il conste , 
d'après le Compoix de 1729 , déjà cité. 

On y lit : 

« La métairie de Saint-Gervais de M. Cassagnau con- 
fronte d'Auta , la rivière d'Aude la, pièce de l'Œuvre , 

le grand chemin de Limoux , partie dans la dite 

pièce Midi, la rivière d'Aude, la dite pièce de 

l'Œuvre j» 



CHAPITRE XXX. 



ETABLISSEMENT THERMAL D ALET. 



Les Sources Thermo-Minérales (FAlet furent connues 
des Romains , ainsi que nous l'avons rapporté au 
chapitre II. Pendant la période romaine, on créa les 
premiers Thermes , comme Ta toujours enseigné la 
tradition du pays, et comme le prouvent surabondamment 
des constructions et substructions de cette époque, qui 
sont dans un état parfait de conservation. Que le 
visiteur, ami de la science, demande à pénétrer jusqu'à 
la naissance des sources, et il admirera sous de vastes 
galeries voûtées , des murailles de deux mètres 
d'épaisseur, qui portent le cachet ineffaçable du génie 
constructeur du peuple roi. Il remarquera autour de la 
source primitive, un bassin, environné de marches de 
pierre, en forme d'escalier. Cette disposition permettait 
aux nombreux malades de se baigner assis , selon 
l'usage ancien. Les Bains-de-Rennesf 1 7 kilomètres d'Alet) 



— 329 — 

possèdent un bassin identique à celui d'Alet , dans 
rétablissement du bain-fort. 

Nous allons consacrer plusieurs paragraphes à décrire 
la position do l'Etablissement et se« agréments , les 
sources et leur composition, l'emploi de l'eau d'Alet, ses 
principales propriétés, et les avantages exceptionnels de 
ses bains. 

^ I". — Position topographique et agréments des Bains. 

On arrive aux bains d'Alet, situés à cent mètres des 
remparts de la ville, du côté du Midi, en suivant la 
grand'routo , à travers des jardins potagers, et par une 
belle allée de sycomores. Depuis quelques années, les 
constructions anciennes ont été presque entièrement 
refaites, considérablement augmentées et appropriées 
aux exigences thérapeutiques d'une station thermale. 
Tout le confortable que l'on peut désirer a été ménagé 
dans le nouvel établissement, qui offre aux baigneurs 
un délicieux séjour. Elevée de trois étages, la maison 
se compose d'un grand nombre de chambres, meublées 
avec luxe, d'appartements pour famille, à la portée de 
toutes les bourses, d'une salle à manger, d'un vaste 
salon, d'une salle de jeu et autres dépendances. (1) 



M) Oïl trouve encore dans la ville d'Alcl des logements disposés 
pour recevoir les baigneurs. Malgré cela, les personnes prévoyantes 
feront l)ien décrire, à M. \r direotenr de l'PJtablissemenl, pour 
it)di(juer l'épocpio dr Icwr arrivée, et le nombre de pièces (|ui lour 
sont nécessaires. Toute facilité est accordée aux personnes qui 
désirent faire leur ménage: ri*Jlablissemcnt possède une bonne table 
«l iiu'e, à des prix modérés. 



— :vM) — 

La partie spécialement affectée au service des bains 
compte Tingt cabinets, garnis de trente baignoires, 
alimentées par des sources, qui donnent par vingt- 
quatre heures 600,000 litres d'eau bicarbonatée , 
phosphatée calcique, à 30" centigrades, à Témergence 
des sources. Les cabines sont confortablement installées 
avec un appareil hydrothérapique , de nature à satis- 
faire toutes les prescriptions médicales. 

L'établissement est situé au milieu de jardins potagers 
et d'un vaste parc complanté d'arbres et d'arbustes de 
la manière la plus heureuse. Tantôt ce sont des bouquets 
de verdure ; tantôt des massifs, à travers les chemins 
qui serpentent ; tantôt des allées à perte de vue , 
ombragées par des arbres au feuillage touffu, qui sont 
arrosés, d'un côté par les eaux glaciales du Théron, et 
de l'autre par la rivière d'Aude (1). 

C'est de ce lieu vraiment privilégié au pied d'une 
énorme roche calcaire, que viennent sourdre et s'épancher 
avec abondance ,. des sources thermo-minérales qui 
peuvent fournir chaque jour, plus de 3,000 bains. 

Il résulte de ces conditions climatériques et 
topographiques , un bien être moral et physique pour 
celui qui stationne à Alet, pendant la saison d'été. 



(1) Pour éviter les redites, nous engageons les lecteurs (jui veulent 
se faire une idée exacte des agréments des bains, à lire le Chap. l, 
sur la position topographi(|uc d'Al^t. 



— 331 — 

comme pendant le reste de l'année, et surtout pour les 
enfants, quelques jeunes et délicats qu'ils soient : le 
climat d'Alet a opéré sous ce rapport des cures 
merveilleuses, puissamment aidées par l'efTicacité des 
eaux. 

Quoique les Thermes d'Alet aient été fréquentés par 
les Romains, les sources n'ont été retrouvées, et 
exploitées d'une manière suivie que depuis quelques 
années. L'histoire de ces nouvelles découvertes 
dépasserait les bornes d'un simple chapitre. 



^ II. — Des eaux d'Alet, de leur Composition et de leur Emploi. 



Ces eaux sont tout-à-fait transparentes et limpides. 
Elles se transportent facilement sans aucune altération 
et il s'en fait une grande consommation en France et à 
l'étranger. L'eau d'Alet possède des qualités spéciales 
qui la rendent singulièrement précieuse parmi les eaux 
minérales destinées à être consommées loin des sources. 
Elle se conserve très-longtemps , même pendant 
plusieurs années avec toute la force de ses vertus 
curatives ; il suffit de la mettre à l'abri de la 
chaleur. 

On peut la boire à tous les repas, mêlée ou non avec 
(lu vin. 

Très-légère, limpide et d'une saveur des plus agréables, 



— :m — 

elle est acceptée, par les personnes les plus dilïiciles et 
digérée par les estomacs les plus délicats. On emploie 
l'eau d'Alet, en boisson loin des sources ; en bains, 
douches et en boisson, aux sources mêmes, où leur 
application se fait dans un cercle très-étendu (1). 

Analyses Chimiques. 

Plusieurs analyses des eaux d'Alet ont été pratiquées 
à différentes , époques par M. Oussian Henri, membre 
de l'Académie de médecine de Paris ; par MM. Durand, 
Fardel, médecins des bains de Vichy ; par M. Commaille, 
membre de la société hydrologique de Paris, et par 
MM. Diacou et Moitissier. Enfin par M. Filhol, le savant 
professeur de l'école de médecine de Toulouse, le 
chimiste distingué de la région du sud-ouest de la 
France, dont les travaux scientifiques sur les eaux des 
Pyrénées font autorité. Il résulte de 1" ensemble de ces 
analyses, que l'eau d'Alet renferme en quantités diverses 
les matières suivantes : 



(1) Prix de l'eau d'Alet rendue franco, par caisse de 50 bouteilles, 
en gare des villes ci-aprés : 



Marseille . . . . 


. 34 


fr. 




Dijon 


. . . 37 fr. 


Montpellier . . . 


. 32 






Orléans . . . 


. . . 30 50 


Toulouse .... 


. 31 




50 


Nantes .... 


. . . 37 50 


Bordeaux. . . . 


32 




50 


Paris 


. . 38 


Périgueux . . . 


33 




50 


Rouen .... 


. . 40 


Lyon 


. 35 






Lille 


. . . 41 



Ou. expédie également des caisses de 25 bouteilles. 
?S'adresscr à M. le Directeur de l'Etablissement. 



— 33;^ — 

Les Acides carbonique^ sulfurique, phosphoriciue 
cJdorhy clique j les sels de soude, de potasse, de 
chaux, de magnésie , de l'aluminium ^ de l'iodure 
de fer ^ de lithium, de Varsenic. 

La composition de ces eaux permet de les 
classer parmi les eaux minérales salines thermales , à 
côté de celles d'Ussat , de Bourbonne-les-Bains , de 
Saint- Amand , de Bagnères-de-Bigorre , etc. , car elles 
ont avec les sources de ces établissements, plus d'un 
point de comparaison. 

Nous avons voulu indiquer d'une façon générale la 
composition remarquable de l'eau d'Alet , quoique dans 
la pratique il faille plus s'attacher à la constatation 
clinique des effets thérapeutiques , qu'aux indications 
variables des analyses chimiques. En somme, lorsqu'il 
s'agit d'eaux minérales naturelles , le mieux est de s'en 
tenir aux démonstrations de l'expérience , constatée par 
des médecins honorables et instruits. Comme il est 
démontré que l'eau d'Alet ne produit jamais d'effets 
fâcheux , on peut en boire d'abord une petite dose , et 
augmenter graduellement : les effets seront toujours 
plus ou moins salutaires , selon les tempéraments et le 
genre de la maladie. 

Les baigneurs trouveront à 1 kilomètre , en amont de 
rétablissement, près de l'usine Gabarou, une source 
riche en phosphate ferreux, qui produit d'excellents efTets. 

En résumé , pour bien faire comprendre les avan- 
tages exceptionnels présentés par l'eau d'Alet , nous 
devons insister sur les deux points qui suivent ; 



— 334 — 

1" Prise pendant les repas, elle régularise les fonc- 
tions digestives en facilitant l'assimilation des aliments 
qu'elle permet , même aux estomacs délabrés , d'absor- 
ber progressivement en plus grande quantité ; 

2" Elle rétablit et maintient l'équilibre de toutes les 
fonctions organiques. 

Sa minéralisation légère , mais très-suffisante , 
permet d'en prolonger l'usage pendant plusieurs mois, 
sans jamais fatiguer l'estomac ni débiliter l'organisme. 
Aussi un grand nombre de malades qui n'avaient obtenu 
aucun résultat favorable des eaux de Vais , de Vichy , 
de Saint-Galmier , de Seltz , etc., se sont très-bien 
trouvés de l'emploi de celle d'Alet. 

Avis aux Malades. 

Quant à la manière de boire l'eau d'Alet et de com- 
biner les bains , les lotions ou les injections , il est 
toujours bon de consulter un médecin ; on peut de 
cette façon obtenir des effets plus rapidement décisifs. 

Cependant nous croyons utile d'indiquer que toute 
personne malade ou non , peut en boire sans inconvé- 
nient une bouteille par jour ; mais que pour les estomacs 
très-délicats il vaut mieux la diviser d'abord en petites 
doses souvent répétées ; il est des malades qui en 
prennent jussqu'à deux bouteilles sans être incommodés. 

Généralement les malades peuvent en boire à jeun 
le matin un ou deux verres à 25 minutes d'intervalle , 
sans préjudice de celle qu'ils boiront à tous leurs 
repas. 



— 335 — 

Pendant le traitement, on devra, autant que possible, 
ne boire que de l'eau d'Alet ; ses effets thérapeutiques 
pourraient être contrariés par l'emploi d'eaux minérales 
qui ne seraient pas composées des mêmes éléments. 

Si on ne boit pas de l'eau d'Alet , à tous les repas , il 
faut en prendre un ou deux verres, dans l'après-midi. 



§ III. — Principales Propriétés de l'Eau d'Alet. 

Il a été démontré par des expériences multipliées 
durant plusieurs siècles, et par de nombreux rapports de 
médecins parmi lesquels figurent ceux des célébrités 
contemporaines de la Faculté de médecine et des hôpi- 
taux de Paris , que les effets généraux de l'eau d'Alet 
sont les suivants : 

Elle rétablit l'équilibre dans l'ensemble des fonctions 
organiques. 

Elle a une action élective sur toutes les muqueuses, 
spécialement sur les gastro-intestinales. 

Elle modifie favorablement , c'est-à-dire toujours dans 
le sens utile , les sécrétions générales. 

Elle a un effet évidemment sédatif sur le système 
nerveux , particulièrement sur la partie cérébrale et sur 
la moelle épinière. 

Par son action sédative et antiphlogistique elle 
guérit un grand nombre d'ulcères et de maladies 
cutanées. 

En effet , Tanalyse clinique , qui est la plus impor- 



— 330 — 

tante , nous apprend que les eaux d'Alet , ont : 1" Une 
action élective sur la muqueuse gastro-intestinale ; 
2" Une action éminemment sédative sur le système 
nerveux. 

Ces deux propriétés générales , recueillies à la suite 
d'observations multiples, par M. le Docteur Edouard 
Fournier, de Limoux , ancien Inspecteur de rétablisse- 
ment d'Alet , et aujourd'hui l'une des sommités médi- 
cales de Paris , lui permirent d'employer les eaux 
d'Alet, avec un succès sanctionné par l'expérience de 
tous les jours : 1" Dans la convalescence des maladies 
aiguës ; 2" dans les dyspepsies ; 3^ dans la migraine ; 
4** dans la chlorose ; 5^ dans l'état nerveux. 

Les eaux thermo-minérales d'Alet ont été employées 
avec succès dans les Convalescences des maladies 
aiguës , Gastralgies , Dyspepsies , Vomissements de 
toute nature , Etat nerveux , Chlorose , Diarrhée , 
Dyssenterie , d'après les docteurs Beau , Bope , Dupuis , 
Portarlier , L. Rousseau, Lunel , Rougé-Rieutort , 
Fournier , Payn , Ferrus , Duchesne-Dupary , Moreau , 
Gorgues , Médecin Inspecteur de l'établissement. 

Ces heureux résultats , constatés par les rapports des 
hommes de l'art que nous venons de citer , et qui ont 
été insérés dans la Gazette médicale, la France 
médicale y etc., viennent d'être publiés tians une 
Brochure , qu'il est facile de se procurer , en écrivant 
à M. le Directeur de l'établissement d'Alet-sur-Aude. 



— 337 — 

§ IV. — Avantages exceptionnels des Bains d'AIet 
Promenades — Excursions. 

Nous avons parlé en détail de Tabondance , de la 
nature et des elîets merveilleux des nombreuses sources 
d'Alet , des promenades et des jardins qui environnent 
et qui embellissent l'établissement , de la salubrité du 
climat , de la richesse du sol , de la beauté des sites , 
etc. A tous ces précieux avantages pour les baigneurs, 
viennent se joindre des agréments de toute sorte , qui 
sont les meilleurs auxiliaires du traitement médical , et 
un excellent remède contre l'ennui , pour les malades , 
comme pour les personnes qui les accompagnent par 
devoir ou par affection. Je veux parler des promenades 
dans les environs d'Alet, et des excursions dans le 
pays. 

1" Promenades — Dans les diverses rues de la 
ville , où l'on trouve des maisons du XIIP , XIV* , XV*, 
XVP siècles... , autour des remparts, célèbres par leur 

antiquité , leurs tours, leurs belles portes Visite des 

ruines de Notre-Dame et de la dernière cathédrale de 
Saint-Benoît, de l'ancien Cloître bénédictin, de l'Evêché, 
de l'église Saint-André , où l'on admire la Vierge 
miraculeuse du XII* siècle, du cimetière où Ton voit 
le tombeau de Mgr Pavillon, etc.. de la source du 
Théron , des eaux-chaudes , du pont du Diable , du 
via-duc ou pont en fer suspendu à 16 mètres d'éléva- 
tion au-dessus de l'Aude , sur trois piles , distantes de 
32 mètres chacune... Enfin, visite à la Croix de 
rimpultus, près le via-duc, sur la rive droite 

22 



de l'Aude. Cette Croix fut érigée par Mgr de Pavillon , 
en souvenir d'une chute , où il faillit perdre la vie , et 
dont il fut préservé , comme par miracle. On a gravé 
au bas de la Croix , l'inscription « hnpulsus eversus 
aurrij ut cac/erem, et Dominas suscepit rne^ » paroles 
d'action de grâces , que le Prélat prononça aussitôt 
après sa délivrance. 

La nouvelle Croix de l'impultus a été bénite solen- 
nellement, le 9 mai 1877, troisième jour des Rogations, 
par M. le Curé d'Alet , assisté de M. J.-B. Danguien, 
son Vicaire , en présence d'un grand concours de 
fidèles. Au retour , on fit la station au milieu du pont en 
fer , et la procession s'engagea sous le tunnel , au chant 
des Litanies des Saints et de pieux Cantique». 

2** Excursions dans le pays. — Les montagnes qui 
dominent la ville d'Alet , peu explorées jusqu'à ce jour , 
offrent un vaste champ d'observations pour l'esprit et 
d'exercices propres à fortifier le corps. Le botaniste , le 
chasseur , lantiquaire , le minéralogiste y trouvent 
d'amples moissons à recueillir. De la montagne de 
Brau , élevée de 700 mètres environ , on découvre le 
pic de Bugarach dominant tout le Roussillon , le 
Canigou, toute la chaîne des Pyrénées, de Port-Vendres 
à Bayonne, les montagnes de Bigorre et lo pic du Midi, 
la montagne Noire et la Méditerranée , les villes de 
Limoux , Carcassonne , Toulouse , etc. . . Comme but 
d'excursions rapprochées , nous citerons : Saint-Salvaire, 
le roc de VAglo , où l'on voit les ruines de l'ancien 
château-fort , la pierre druidique , la Grotte de Foss à 
la Valette, près Véraza... 



— 339 — 

Enfin , les nombreuses excursions à faire dans les 
diverses localités qui entourent Alet , et dont Tintérêt 
historique ne le cède en rien à la beauté et à l'originalité 
du paysage, font de cette petite \ille un séjour agréable 
et intéressant pour les baigneurs, comme pour les 
touristes. 

Excursions à faire aux environs d'Alet. 

Limoux-sur-Ai:de. — 9 kil. , chef-lieu d'arrondissement, 
ville de G, 000 habitants , située sur les deux rives de 
TAude , et entourée de coteaux plantés de vignes , qui 
produisent la fameuse Blanquette de Lhnoux. L'église 
à trois nefs de Saint-Martin, date du IX* siècle. 
Elle a été agrandie au XIIP siècle, du côté du 
Couchant. A la môme époque , on construisit les huit 
chapelles de la nef et les piliers. L'abside date du 
XV' siècle. Ce vaste édifice , qui mesure près de 
80 mètres de long est percé de vingt-cinq fenêtres , 
ornées de magnifiques verrières , sorties des ateliers de 
M. Joseph Villiet , de Bordeaux. Le clocher, où l'on 
voit un bourdon du poids de plus de trente quintaux , 
fondu en 1582 , est remarquable par ses trois rangées de 
fenêtres et la hauteur de sa flèche. — L'église de 
l'Assomption , ancienne propriété des Dominicains , 
n'est pas moins remarqua])le par sps vastes proportions. 
On y vénère une Vierge miraculeuse de Notre-Dame 
du Rosaire , dans la chapelle de ce nom , où l'on voit 
deux grands tableaux ex-voto ^ du XVP siècle, qui 
rappellent deux miracles célèbres , opérés par Notre- 
Dame du Rosaire , en faveur de la cité de Limoux, 



— 340 — 

A un kilomètre et demi de la ville , s'élève , sur une 
petite éminence , la chapelle de Notre-Dame de 
Marceille , bâtie au XIV*^ siècle. On y trouve une 
fontaine dont l'eau est miraculeuse. Ce pèlerinage, le 
plus célèbre du diocèse de Carcassonne , attire , chaque 
année, pendant le mois de septembre , un nombre 
incalculable de pèlerins qui viennent vénérer l'antique 
et miraculeuse statue de Notre-Dame de Marceille , dite 
la Vierge-Noire. 

Saint-Polygarpe. — A 6 kilomètres de Limoux , vers 
le Levant , on trouve le village de ce nom , remar- 
quable par l'église Carlovingienne , ancienne église de 
l'abbaye , devenue église paroissiale. On y admire les 
restes du Couvent des Bénédictins , fondé au commen- 
cement du IX*' siècle , comme il a été raconté dans 
VHistolre d'Alet. Après l'église, les objets les plus 
remarquables sont le cloître et le réfectoire du Couvent 
avec sa chaire d'un genre particulier , et l'aqueduc sur 
la rivière. 

CouizA. — Chef-lieu de canton, 960 habitants, à 
7 kilomètres d'Alet. On admire le château bien conservé 
du duc de Joyeuse (Renaissance) flanqué de quatre 
tours rondes , qui était entouré de larges fossés , 
alimentés par la rivière d'Aude. 

Sur une montagne très-élevée , au Midi de Couiza , 
on aperçoit au sommet d'un rocher blanc , le village de 
Rennes-le-Château , ancienne résidence des Comtes du 
Razès. C'était autrefois une ville , et la capitale du 
Haut-Razès. 



I 



^ 341 -^ 

Rennes-les-Bains — A 9 kilomètres de Couiza , en 
remontant la vallée du Sais. Les bains de Rennes , 
comme ceux d'Alet , ont été fréquentés par les Romains. 
Dans réglise, de style byzantin, on lisait autrefois : 
« C. Ponipécus T. A. M. suo. » De nombreux mala- 
des , atteints principalement de rhumathismes plus ou 
moins aicrus , viennent chercher leur guérison aux 
eaux thermales de Rennes , dans les établissements du 
Bain-Fort , du Bain-de-la-Reine et du Bain-Doux. En 
remontant la vallée du Sais , on trouve, à 8 kilomètres, 
le village de Bulgrach , au pied du pic de ce nom , (1,231 
mètres) qui est le sommet le plus élevé des Corbières. 

Campagne-les-Bains. — A 5 kilomètres de Couiza , 
en remontant la rivière d'Aude , on arrive aux Bains- 
de-Campagne , qui possèdent deux sources d'eau 
ferrugineuses très-abondantes. Elles sont visitées 
annuellement par de nombreux malades qui en font 
usage contre les gastralgies. 

A un kilomètre en amont , on trouve le village de 
Campad^e, ancienne Commanderie de Malte. L'antique 
clocher roman , percé de meurtrières , est de même 
forme que celui de Sparguera en Espagne. L'église, 
entièrement reconstruite à neuf , depuis vingt-cinq ans, 
est une des plus belles du pays. Rien de plus fertile et 
de plus pittoresque que le vallon de Campagne. Les 
collines superposées qui l'abritent, du côté du >Jord , 
sont couvertes i\e vignes , d'arbres fruitiers , d'olivierj^ 
ot couronnées de bois , formant une magnifique cein- 
ture , de 4 ou 5 kilomètres de longueur. 

Ql'jllan. — Chef-lieu de canton '*2,600 hal)itant.s, . à 



— 342 — 

5 kilom('tres de Campai^ne, dominé par les ruines d'un 
Château, fait un grand commerce de bois. Les hautes 
montagnes qui le protègent du côté du Couchant , sont 
couvertes de belles forêts de sapins, visitées pendant 
Tété , par de nombreux touristes. 

GiNOLES. — A 1,500 mètres de Quillan , au pied des 
montagnes , jaillissent deux sources d'eaux froides 
salines sulfurées , calciques , utilisées dans un charmant 
établissement , environné de plantations. 

Saint-Martin de la Pierre- Lys — A 8 kilomètres 
au-dessus de Quillan , en remontant la rivière d'Aude. 
Pendant 5 kilomètres la route est resserrée entre la rivière 
et des rochers perpendiculaires de plusieurs centaines de 
mètres de hauteur. C'est l'une des gorges les plus 
sauvages et les plus pittoresques de France. Cette route 
a été tracée par labbé Félix Armand , curé de Saint- 
Martin. Au-delà de la Pierre-Lys , on voit les ruines 
d'un ancien Couvent de Bénédictins, et presqu'en face, 
sur la montagne de Granit, le Trou du Curé, où 
M. Armand se cacha après 1793. Le tombeau de ce 
saint prêtre, qui fut un homme de génie, placé dans 
le cimetière de Saint-Martin , mérite d'être salué de 
tous les visiteurs. ( Voir V Appendice IL ) 

Axât et le défilé de Saint-Georges. — Axât, chef- 
lieu de canton , à 12 kilomètres de Quillan , est renommé 
pour ses prunes. 

A peu de distance , en amont , dans un défilé plus 
grandiose encore que celui de la Pierre-Lys , on trouve 
les gorges do Saint-Georges , qui dominent de chaque 
côté , des montagnes granitiques taillées à pic , à une 



— 343 -> 

hauteur vertigineuse , portant sur leurs terrasses supé- 
rieures de magnillques forêts de sapins. On a dû 
prendre sur la rivière et sur le flanc de la montagne , 
pour tracer la route , au fond de ces gorges , où Ton ne 
voit le soleil qu'un instant, en plein midi. Plus loin , la 
vallée s'élargit un peu. Une nouvelle route qui suivra 
le cours de TAude, e.st en construction jusqu'aux bains 
d'Escouloubre et de Carcanière où jaillissent de nom- 
breuses sources thermales, sulfureuses, alcalines, etc.. 
Ces eaux bienfaisantes sont employées avec succès 
contre les maux de gorge , les maladies de la peau et 
les affections rhumatismales. En aval de ces bains , on 
trouve les Eaux-Chaudes , le château d'Usson aux ruines 
gigantesques. Ce château-fort , qui n'a jamais été pris 
par les ennemis , est l'ancien manoir des seigneurs du 
Donaizan. Des vandales-révolutionnaires l'ont malheu- 
reusement détruit en 1793. Peu après, on arrive aux 
bains d'Usson , dont les sources sont saturées d'arsenic. 
En face de ces bains , et dans le terroir d'Escouloubre, 
on voit les ruines de l'ancien Prieuré de Saint-Pierre 
en croix {Sanctt Flétri ad Cruceni) qui dépendait de 
Tabbaye Bénédictine de Saint-Martin-en-Ly». 

La Providence qui a fait jaillir ces nombreuses 
sources dans Tétroite vallée de l'Aude , Tun dos 
sites les plus effrayants des Pyrénées , a voidu ainsi 
dédommager ce pays , dépourvu des autres dons de 
la nature. 11 en est peu qui soient aussi richement 
dotés de sources thermales. 



APPENDICE I. 

HISTOIRE DE l'aBBAYE DE SAINT-POLYGARPE 
PRÈS LIMOUX (780 A 1773). 



Attila , seigneur cspaprnol , quitta sa patrie occupée 
par les Sarrazins , pour venir se réfugier en France , 
amenant avec lui des 8erfs et des Affranchis. Il se fixa 
dans un lieu fort désert , et environné de montagnes à 
une lieue de la ville de Limoux. Il y jeta les fondements 
de réglise et du Monastère dont il fut le premier abbé. 
Protégé par (^harlemagne , il défricha insensiblement 
les terres voisines , avec le concours de ses serviteurs. 
La fondation de ce Monastère eut lieu en 780 , selon le 
]\Ma])illr)n: en 787, d'après un Mviiioiro du dernier 
l^rieur, et m 81 1 , selon les lettres de Charlemagne , 
datées de la ({uarantc-cpudriènn' année de sr»n rèL^nc 



-- 346 — 

Dans VIIi>>toire de la Catalogne françaif^e, page 65, 
on lit qu'en Tannée 1644 , il y avait à rArchevêché de 
Narbonne , deux Chartes de Charlemagne , données 
en laveur des Espagnols réfugiés. Parmi les 
nombreuses personnes de condition qui sont citées dans 
l'une de ces Chartes, on lit le nom iV Ailla Miles, 
Chevalier. Il est bien permis de supposer que quelque 
copiste a changé une lettre , et qu'il est question dans 
cette Charte , du Chevalier Atala , fondateur de Tabbaye 
de Saint-Polycarpe. 

A partir du troisième successeur d'Atala, vers l'année 
885 , les Religieux qui vivaient sous la règle de Saint- 
Benoit , eurent le privilège de se choisir un Abbé régu- 
lier , comme fut Bernard qui assista au Concile de Pise , 
en 1405. Ses successeurs continuèrent à porter le titre 
d'Abbés réguliers , jusqu'à l'introduction des Abbés 
commandataires , époque où l'abbaye passa sous la 
juridiction des Archevêques de Narbonne. 

La Réforme janséniste fut introduite dans cette 
abbaye, en 1705. A cette époque, les Religieux, Novices 
et Frères couverts ne dépassaient pas en tout le nombre 
de quinze ou vingt personnes. Les pénitences et les 
austérités jansénistes furent si grandes , que la plupart 
des Frères mouraient coup sur coup , même avant la 
fin de leur noviciat. Pour ce qui regardait la Communion 
et l'Absolution , on les différait le plus possible , toujours 
sous le faux prétexte de dispositions plus parfaites pour 
la réception de ces Sacrements. 

En retour , on avait déposé dans Téglise des reliques 
du fameux diacre Paris, de TEvêquc d'Alet Pavillon, 



— :U7 — 

et les restes trautres personnafçes jansénistes auxquels 
on adressait des neuvaines. Les Archevêques de Nar- 
bonne , après avoir employé inutilement tous les moyens 
de douceur et de persuasion , pour convertir ces fanati- 
ques , se décidèrent à supprimer cette abbaye en réunis- 
sant ses revenus à ceux du Grand-Séminaire de 
Narbonne , dirigé par MM. de Saint-Lazare, ce qui fut 
sanctionné par lettres patentes du Roi , le 14 août 1771. 
L'Ordonnance royale portait que Téglise abbatiale pour- 
rait être affectée à la paroisse de Saint-Polycarpe , dont 
la modeste église paroissiale était contigue à celle de 
r Abbaye, du côté du Nord. 

On effectua ce changement , et depuis lors cet antique 
édifice sert d'église paroissiale. Les trois derniers 
Moines résistèrent par tous les moyens possibles. Enfin, 
deux se retirèrent au Couvent de La Grasse , dans le 
diocèse de Carcassonne , et le dernier fut assassiné le 
6 avril 1773, par le jardinier du Monastère, le Mardi- 
Saint , à deux heures du matin , comme il allait à 
l'église réciter son office. 

Ainsi finit fabbaye de Saint-Polycarpe , par l'obsti- 
nation hérétique de ses derniers religieux qui refusèrent 
opiniâtrement de se soumettre aux décisions de la 
sainte Eglise romaine et à leurs Supérieurs hiérar- 
chiques. 

Notre but , en parlant de fabbaye de Saint-Polycarpe, 
a été d'intéresser le lecteur, et de conserver le souvenir 
de cet antique Monastère , placé , un certain temps , 
sous la juridiction de FAbbaye d'Alet , comme il a été 
rapporté. Nous allons essayer de faire la description des 



— 348 — 

bâtiments du Monastère de Saint-Polycarpe , ne serait- 
ce que pour donner une idée de l'Abbaye autrement impor- 
tante d'Alet , dont les plans sont tout à jamais perdus. Ce 
récit , que le lecteur pourra compléter en relisant au 
Chapitre V , les exercices prescrits aux Moines par la 
règle de Saint-Benoit , lui permettra d'avoir pour ainsi 
dire sous les yeux, comme un tableau fidèle de l'Abbaye 
d'Alet et des trois cents Religieux qui l'habitaient au 
Moyen-Age. 



Description du Monastère de Saint-Polycarpe. 

Cet antiqiie et célèbre Monastère est situé dans un 
vallon fort désert , à l'extrémité du village de ce nom , 
qui comptait, en 1775, une trentaine de maisons 
pauvres, et une église pour la paroisse. Des montagnes 
l'entourent presque de toutes parts. Celles qui sont au 
Midi , et qui se terminent au pied du Monastère , sont 
les plus hautes, et elles ont à leur suite plusieurs 
autres chaînes de montagnes , qui vont toujours en 
«'élevant jusques aux Pyrénées. 

L'Abbaye était composée de quatre grands corps de 
bâtiments , disposés en carré , pour former le cloitre du 
Monastère. Le premier est l'église, au Nord. Au-dessus 
des voûtes, on admire une galerie où les Religieux faisaient 
sécher le linge. Le second , à l'Orient , comprenait le 
Chapitre, la chambre des outils pour le travail, la 
cuisine et le réfectoire. Le troisième, au Midi, étai* 
l'appartement abbatial , comj^renant une salle fort 



— 349 — 

spacieuse , une f^rande chambre et un cabinet , ayant 
au-dessus les greniers , le dortoir et l'infirmerie des 
Frères con verts , et au-dessous des granges. Enfin , le 
quatrième, au Couchant , comprenait la chambre des 
exercices , la bibliothèque , l'intirmerie et pharmacie, 
ayant au-dessus le dortoir des Religieux , et une salle 
au fond, ouverte par une arcade sans porte pour y faire 
apprendre le plain-chant. 

Outre cela , il y avait l'appartement des étrangers , 
au Nord , à l'entrée du Couvent , un fort bel aqueduc , 
qui portait ses eaux dans un grand bassin de pierre , où 
les Religieux lavaient la lessive , et quatre ou cinq 
jardins qui entouraient presque le Couvent , et qui 
étaient arrosés tant par les eaux de l'aqueduc , que par 
celles d'un torrent. 

Les eaux de l'aqueduc venaient d'une source qui 
jaillissait sur les montagnes méridionales , et les portait 
au Couvent en passant sur la petite rivière. Cet aqueduc 
était très-élevé vers le milieu , à cause de la profondeur 
du torrent , et il était supporté par une série d'arcades 
au style légèrement mauresque. 

Les murs de cette église romane qui supportent une 
voûte de même style sont d'une épaisseur énorme. 
Cet édifice , tourné vers le Levant , est éclairé par 
trois fenêtres romanes , au chevet , qui est semi- 
circulaire. Les autres fenêtres, percées symétriquement 
dans le haut de l'église , répandent un jour mystérieux 
dans la nef, qui a la forme d'un carré long. Le saint 
ciboire était suspendu à une Crosse, et on lisait au- 
dessus : Sali FJeo. 



— 350 — 

Sous Tautel principal étaient renfermées plusieurs 
châsses de corps saints qui étaient vues des religieux , 
en ouvrant l'autel , aux jours de solennité. C'était le 
seul ornement remarquable qu'il y eût. Excepté ces 
châsses et ces vases sacrés , il n'y avait pas d'argenterie. 

Les chasubles étaient de laine , et les stalles du 
chœur avec le lutrin de bois. A droite et à gauche , il y 
avait une chapelle. Le chœur était séparé de la nef par 
une grille de fer , mais la porte de bois était surmontée 
d'un Christ tout à fait frappant. Enfin , l'église était- 
pavée en briques, comme le cloitre, qui était d'une 
moyenne grandeur. 

Les colonnes qui le soutenaient étaient solides et 
sculptées avec goût. Au milieu du cloître était un 
préau avec un puits qui fournissait l'eau à la cuisine. 
Tout le long des murs , on voyait des images des Pères 
du désert , des croix de boLs espacées , pour marquer la 
tombe des Frères décédés , car on n'enterrait personne 
dans l'église, mais dans le cloître. A partir de 1724, 
on les ensevelit dans un cimetière contigu à l'église. 

La salle du Chapitre était belle quoique petite , bâtie 
et voûtée en pierres de taille. 

La bibliothèque était assez vaste. A côté des Pères de 
l'Eglise et des Traités monastiques, on trouvait tous les 
ouvrages jansénistes de Port-Royal. 

Le dortoir avait un parquet , et les cellules étaient 
fermées par des cloisons de bois, hautes de six à sept 
pieds, avec un rideau devant, de serge grise. Une lampe 
commune , allumée pendant la nuit , éclairait toutes les 
cellules. 



:-;:] 



Le réfectoire était propre et fort éclairé. 

La tour qui servait de clocher et dont la base était 
devant la grande porte de l'église , n'avait qu'une 
cloche. 

Tout dans le Monastère avait un air d'antiquité , qui 
portait au recueillement et à la prière. 

Tel était l'état des lieux au XVIIP siècle , sous la 
Réforme janséniste qui y fut introduite l'année 1705 , 
et qui fut la cause de la suppression de cette antique 
abbaye, en 1773. 






APPENDICE II. 



FÉLIX ARMAND, CURÉ DE SAINT-MARTIN-LYS (AUDE). 



Félix Armand naquit à Quillan, le 20 août 1742, de 
parents pauvres, mais sincèrement religieux. Son père 
remplissait les modestes fonctions de carillonneur. 
Apràs avoir fait ses études théologiques au Grand- 
Séminaire d'Alet, M. Armand fut ordonné prêtre le 
28 mai 1768, et nommé vicaire de Quillan, où il se fit 
remarquer par ses talents oratoires. 

Le jeune vicaire aimait à diriger ses promenades vers 
rentrée de la Pierre-Lys, étroit et profond défilé, d'où 
les flots de la rivière d'Aude se précipitent dans le i 
vallon de Quillan, Assis, de longues heures, sur un 
rocher solitaire, le jeune prêtre interrogeait de l'œil, 
les sombres détours formés par les montagnes de rochers 
qui s'élèvent comme une muraille cyclopéenne , à l'entrée 
de cette gorge , l'une des plus affreuses et des plus 



— 353 — 

pittoresques de France. Le défilé de la Pierre-Lys ne 
mesure que deux kilomètres et demi , et cependant il 
fallait , à cette époque , presqu'une journée , pour 
franchir la montagne du Quirbajou , au milieu de mille 
périls. 

Pendant que le jeune vicaire cherche, sous l'inspi- 
ration du ciel , le moyen de remédier à ee triste état de 
choses , Mgr de Chantérac , Evoque d'Alet , lui confie , 
dans le pays de Sault, la petite paroisse de Galinagues, 
dont les habitants gardent encore un précieux souvenir 
de son court passage et de la sainteté de sa vie. 

Mais le nouveau pasteur apercevait le Quirl3ajou de 
son poste élevé , et cette vue réveillait dans son âme le 
désir, chaque jour plus ardent, de tracer sur ses flancs 
une route plus facile. Enfin , après trois ans de séjour 
à Galinagues , il obtint , à force d'instances , d'être 
nommé à la Cure de Saint-Martin-en-Lys , dépourvue 
de titulaire depuis longtemps. 

Saint-Martin est un petit village , situé sur la rive 
droite de l'Aude , entre Axât et la Pierre- Lys , qui doit 
son origine aux travailleurs dispersés du Prieuré de 
Saint-Martin, détruit par les Huguenots , comme nous 
Favons déjà rapporté ( 1 ). 



(1) On voit encore au milieu des ruines du Couvent, du côté du 
^Hdi , l'arceau du sanctuaire, et dans la nef, il y a quatre ouver- 
tures en vuùte, du coté du Couchant, où étaient des chapelles. 
Lancien Monastère est converti en champs. Le cimetière , où l'on 
a trouvé beaucoup d'ossements, était en deçà du chœur. 

Il y avait encore, sur une montagne, au Levant, une chapelle de 
Saint-Michel, avec un cimetière. 



— 354 — 

Depuis cette époque, le hameau de Saint-Martin ne 
fit partie d'aucune paroisse, jusqu'au moment où 
Mgr Pavillon Férigea en Cure , vers Tannée 1643. Mais 
après la mort de ce Prélat , cette Cure fut réunie à 
l'église de Belvianes , annexe de Quillan. En 1775, 
Mgr de Chantérac rétablit le titre de cette Cure , en 
faveur de M. Félix Armand qui en prit possession le 
15 novembre delà môme année, comme l'atteste le 
Catalogue des Curés du diocèse d'Alet, publié à la 
page 240 (1). 

A la vue des misères de ses nouveaux paroissiens , 
les entrailles du pasteur sont émues de compassion. 

M. Armand demande dans la prière les lumières et 
les secours du ciel. Poussé par une inspiration irrésis- 
tible, qui vient d'en Haut, il se remet nuit et jour à 
rétude du difficile problème de la rectification de la 
route du Quirbajou. Enfin le nouveau chemin est trouvé. 
La charité , en exaltant le génie du modeste Curé de 
Saint-Martin , Ta rendu ingénieur. Cette route , qui 
semble impossible , doit longer la rivière d'Aude , pour 



(1) C'est par erreur que M. L, Amiel, auteur d'une excellente 
Monographie sur M. Armand, nous apprend, à la page 31, qu'il fut 
d'abord Cure de Belvianes, et en 1774, Curé de Saint-Martin 
(page 32). Car le volume des Visites de Mgr de Chantérac, commencé 
en 1780, indique à la page 5, que T'Evcque d'Alet se rendit le 
24 avril, à Belvianes, annexe de Quillan, où il fut reçu par 
M. Fourié, vicaire de Quillan. Donc Belvianes n'était pas cure, 
mais église-annexc de Quillan, desservie par les vicaires de cette 
ville. 



— 355 — 

supprimer et les longueurs et les périls de la traversée 
par le Quirbajou. 

L'abbé Félix Armand était à peine âgé de trente-cinq 
ans, lorsqu'il commença de réaliser ce gigantesque 
projet. Non , il n'est pas donné à une plume humaine de 
raconter les prodiges surhumains accomplis par la 
loi et le courage de cet humble prêtre , dans le tracé 
de la nouvelle route. Qu'il nous suffise de dire qu'un 
jour il se fit passer une corde sous les bras , et qu'il 
ordonna à trois de ses plus vigoureux paroissiens de le 
descendre sur le gouffre , à une profondeur vertigineuse, 
pour tracer le point précis de la route. Pendant six 
ans , que dura la première ébauche du nouveau chemin, 
la prodigieuse activité du Curé de Saint-Martin ne se 
démentit pas un seul instant. Il implore la charité à 
Alet, Quillan , Axât, Limoux , etc.. Il est partout, 
frappant à toutes les portes des châteaux , des Monas- 
tères, des maisons opulentes... pour tendre la main , en 
faveur de sa pauvre paroisse , et pour la continuation 
de la nouvelle route , destinée à tirer de la plus 
profonde misère ses infortunés paroissiens. 

Mais de toutes les sympathies , il en est une qu'il 
n'invoque jamais en vain : c'est celle de Mgr de 
Chantérac , occupé lui aussi à l'exécution du projet do 
la grand'route de Limoux à Quillan, œuvre gigantesque 
qui Ta fait surnommer par la reconnaissance de ses 
contemporains , « T Evoque des chemins. » 

Citons quelques pages de la belle Vie de M. Armand^ 
[)i\X' M. L. Amiel : 



a Tous les ans , à la belle saison , pendant la tenue des 
conférences ecclésiastiques , à Alet , M. Armand faisait 
appel à la charité bien connue de M. de Ghantérac. 

« Eh bien , mon cher Curé , lui dit un jour l'Evéque, 
comment vont vos paroissiens ? — Fort mal , Monseigneur. 
Vous le savez , Saint-Martin est la paroisse la plus misé- 
rable de votre diocèse. — Que faudrait-il pour secourir vos 
paroissiens? — Un chemin, Monseigneur, un chemin. — Mais 
ce chemin est impraticable , dit-on , et exigerait des sommes 
considérables. — Je m'en charge , si on me donne quelques 
mille livres : je commencerai, d'autres achèveront. 

« Alors le Prélat, ayant pris dans sa poche unebourse, dit 
à M. Armand : Je veux vous aider dans votre entreprise ; 
tenez , et glissant dans la main droite de M. Armand un 
louis d'or (24 francs) , puis un second , un troisième , un 
quacrième, il dit: Est-ce assez? — Continuez, Monsei- 
gneur , puisque vous y êtes , et le Prélat continua à 
compter cinq , six , sept. . . quand M"*^ de Chantérac , placée 
à côté de son frère, pinça la soutane du bienfaiteur , qui eut 
besoin de cet avertissement muet , pour serrer les cordons 
de sa bourse. » 



Aussi , M. Armand ne quitte-t-il jamais le Palais 
épiscopal sans emporter quelques pièces d'or , qui , 
réunies à ses autres collectes, vont répandre un peu 
d'aisance à Saint-Martin , et ranimer les bras des 
travailleurs. Le lendemain, l'aube le retrouve à leur tête, 
sur les pentes de la Pierre-Lys , comme s'il n'avait pas 
fait la veille , dix grandes lieues. 

Ainsi marchent les travaux, au milieu de tous les 
obstacles , sans que la persévérance de M. Armand bu 



soit ébranlée. Enfin , après cinq ans d'elîorts , on arrive 
aux masses de rochers qui ferment l'entrée des gorges, 
du côté de Belvianes. 

A cette vue, tous les bras tombent découragés. Seul , 
le Pasteur ne perd pas confiance ; il fait une dernière 
violence au ciel. Toute la population de Saint-Martin , 
jeunes et vieux, femmes et enfants le suivent proces- 
sionnellement , la croix en tête, vers le Roc maudit, 
appelé depuis par la Reconnaissance publique le Trou 
du Curé. Là , après une courte et énergique allocution, 
dans laquelle il leur rappelle que leur vie et celle de 
leurs familles dépendent de ce suprême effort , il 
implore la bénédiction du ciel , saisit un pic , et frappe 
le premier coup. Tous les assistants l'imitent avec un 
nouveau courage , la tranchée est ouverte. 

Enfin, le roc est vaincu , et le soleil de mai de l'an 
1781, pénètre dans ses flancs restés clos depuis la 
création. Désormais un muletier, assis sur sa monture, 
en passant sous cette voûte , peut faire en moins d'une 
heure et presque sans péril, le même trajet, qui 
demandait auparavant une demi-journée , au milieu de 
mille dangers. 

Nous lisons à la page 108 du Registre des visites de 
Mgr de Chanter ac « que le 9 mai 1774, l'Eveque 
d'Alet , après être parti d'Axat , vint faire sfti visite à 
Saint-Martin de la Pierre-Lys. » 

Le procès-verbal de la visite se termine ainsi : 

< Après quoi, nous aurions témoigné au dit Cure notre 
^satisfaction de Tordre et de la dcccnce (pi'il a mis dans son 



— 358 -. 

église et dans sa paroisse. Nous l'avons exhorté de continuer 
de tenir par sa vigilaaicc et par son zèle, toutes choses dans 
les règles » 

La vérité nous oblige à dire que nous avons rarement 
trouvé de semblables éloges dans ce volume in-folio. 

M. Amiel rapporte au sujet de cette visite pastorale, 
que Mgr de Chantérac s'arrêta frappé d'admiration , en 
contemplant ce gigantesque travail. Il saisit vivement 
la main du jeune Curé : « Mon fils , lui dit-il , faisant 
allusion au peu d'or qu'il avait donné , comme notre 
divin Maître , vous avez multiplié les pains. » 

Le même volume des Visites , nous apprend que le 
Curé de Saint-Martin jouissait de toute la confiance de 
son Evêque qui le délégua le 29 mai 1789 , pour visiter 
en son nom , la cure de Cailla. Nous possédons le 
procès- verbal de cette visite écrit de sa main , avec la 
signature Armand , commissaire. 

Le Curé de Saint-Martin continuait à être la Provi- 
:dence visible de ses paroissiens , par les secours de 
toute espèce que son intelligente charité leur procurait. 
Le premier de tous dans la contrée , malgré le préjugé 
qui repoussait la pomme de terre , récemment intro- 
duite par Parmentier , il en propagea la culture à 
Saint-Martin. Sa récolte, soigneusement emmagasinée 
au presbytère , devenait pendant l'hiver , un puissant 
auxiliaire contre la disette. 

Mais hélas ! le règne de la Terreur sur la France , 
l'arracha bientôt à son cher troupeau', dont il était le 
père bien-aimé. L'émigration avait commencé. Placé 



— 359 — 

entre son serment devant Dieu, ou une abjuration 
solennelle , M. Armand n'avait pas hésité. A l'exemple 
de Mgr de Chantérac, il s'était rendu en Espagne, 
à Sabadell , où il eut la gloire d'être compté au nombre 
des vingt-un prêtres du diocèse d'Alet , qui eurent le 
bonheur d'assister à la mort et à la sépulture de leur 
saint Evoque, mort Confesseur de la Foi, le 27 avril 1793. 

M. Armand arrosait de ses larmes le pain de l'exil; 
le cœur lui saignait d'être séparé de son troupeau et de 
sa route inachevée , lorsqu'un des meilleurs ouvriers , 
celui que le Curé de Saint-Martin affectionnait le plus , 
fut député au nom de ses compagnons et de toute la 
paroisse , pour lui porter une lettre qui contenait 
Tcxpression naïve des regrets de tout le pays , le 
suppliant de revenir au milieu de son troupeau. Ce 
touchant message était couvert de signatures et ceux 
qui ne savaient pas écrire , avaient tracé une croix à la 
place de leur nom. 

Le noble proscrit n'hésita plus à rentrer en France , 
à l'époque du Directoire , en mai 1797. 

Ce fut dans cette période de si triste mémoire qu'il 
put apprécier la grandeur de dévouement que sa 
charité avait fait éclore autour de lui. Tous les 
émissaires de la llépuljlique seraient venus à Saint- 
Martin , (|uc pas un seul n'eût pu découvrir sa 
retraite, tant il était l)icn gardé par l'amour et le 
dévouement de ses paroissiens, qui tous auraient donné 
leur vie , pour conserver les jours si précieux de leur 
insigne bienfaiteur. Les autorités révolutionnaires du 
District étaient de connivence avec la population , et on 



— 360 — 

ne manquait jamais de le prévenir à ravance des visites 
inquisitoriales quelles étaient chargées de diriger contre 
sa personne. Aussitôt M. Armand, suivi d'un paroissien, 
chargé de quelques provisions et familiarisé avec l'inex- 
tricable dédale des rochers qui s'élèvent sur la rive droite, 
en face des ruines du Monastère , allait se réfugier dans 
une grotte cachée entre leurs pointes aériennes , et dont 
on aperçoit l'entrée , en passant sur la nouvelle route. 

Le dimanche , les habitants de Saint-Martin et des 
villages voisins, se dirigeaient furtivement par petits 
groupes , vers une chapelle en ruines de Saint-Michel, 
située au-dessous de l'emplacement du Monastère : là , 
sur un autel improvisé au milieu des décombres , le 
prêtre proscrit offrait le saint Sacrifice , élevait dans 
les airs le Calice du Salut , comme les Confesseurs de 
la Foi de la primitive Eglise ! ! ! 

Lorsque les jours sanglants de la Révolution furent 
passés, M. Armand reprit son œuvre interrompue. Au 
mois d'août 1800, il se distingua au-dessus de tout 
éloge, dans le terrible incendie qui brûla 35 hectares de 
la forêt des Fanges. Sa noble conduite lui mérita une 
lettre de félicitation du Préfet de l'Aude, et un secours 
pour continuer la route. Pendant ces travaux, on avait 
mis le feu à une mine pour faire sauter un rocher que 
le nouveau chemin contournait brusquement. Soudain, 
on aperçoit un muletier sur sa monture, de l'autre 
côté du sentier. Les cris redoublés des travailleurs l'invi- 
tent à fuir : le muletier hésite épouvanté ; encore une 
seconde et c'est fait de lui. Aussitôt un liomme s'élance 
et bondit sur la mèche enflammée qu'il étouffe du pied. 



— 361 — 

Cet homme, on la deviné, c'est M. Félix Armand, 
rillustre curé de Saint-Martin. 

En apprenant que l'œuvre colossale était presque 
accomplie, malgré le manque absolu de tous moyens 
Jiumains, Bonaparte écrivit à M. Armand de sa propre 
main, honneur qu'il n'accordait que rarement aux têtes 
couronnées. Sa lettre était accompagnée d'un bon sur sa 
cassette. Dans une autre circonstance, Napoléon, qui 
était bon juge, disait : « Dommage que cet homme soit 
prêtre, j'en aurais fait un Général d'armée ! » 

Comme Napoléon , Louis XVIII adressa à l'humble 
Curé, une lettre de félicitations, accompagnée d'un 
secours considéjable, qui permit de terminer la route, 
et en novembre 1814, ce chemin que, quarante ans aupa- 
ravant le jeune vicaire de Quillan, traçait par la 
pensée, se déployait en pente douce, le long des 
abîmes, sur les flancs domptés du terrible Quirbajou. 
En vain le nouvel Evoque de Carcassonne, Monseigneur 
de La Porte, qui était aussi fier du curé de Saint-Martin 
que Monseigneur de Chantérac , le presse-t-il , 
maintenant que son œuvre est terminée , de venir 
prendre place dans son Chapitre. On était au milieu du 
défilé de la Pierre-Lys et l'Evoque donnait la main à 
M. Armand. Pour toute faveur, le modeste Curé prie le 
Prélat de le laisser mourir au milieu de son troupeau, 
en Lui disant avec un sentiment d'orgueil paternel : 
« Monseigneur, je ne changerais pas ma Cure contre 
votre Evéché. » 

Enlin, en 1821, le chemin tracé par M. Armand fut 
classé parmi les routes départementales. Ce classement 



— 362 — 

eut lieu à la suite du rapport d'un des plus célèbres 
ingénieurs du département, M. Destrem (1), déclarant 
que l'homme le plus habile dans son art n'aurait pas 
mieux fait. 

M. Armand après avoir légué à ses paroissiens le 
reste de son chétif patrimoine, reçut la croix d'honneur 
sur son lit de mort, arrivée le 17 décembre 1823. Ce 
bon pasteur voulut reposer au milieu de son troupeau, 
dans le petit cimetière de Saint-Martin. Espérons qu'un 
jour, le pays reconnaissant, élèvera une statue, ou au 
moins une colonne, au milieu des gorges si sauvages de la 
Pierre-Lys, à la gloire de cet homme de génie, de ce 
charitable Pasteur dont la mémoire comme celle du 
Juste , sera éternellement bénie dans nos contrées ! ! ! 



(1) M. Deslrcm é(ai( le père de M. Eilmond Destrem. curé- 
archiprêtre de ^ainl-Marlin de l>iinoiix. 



APPENDICE III. 

l'abbé JEAN d'eSPÉRONNAT , CURÉ d'eSGOULOUBRE (aUDE). 



Le sillon lumineux trace au milieu des inaccessibles 
montagnes des Pyrénées par le célèbre Curé de Saint- 
Martin-Lys , a été noblement continué de nos jours , 
par le saint Curé d'Escouloul)re , TAbbé d'Espéronnat , 
digne émule de M. Félix Armand. 

Après avoir lait à Belcaire son pays natal , son 
noviciat pastoral, sous la sage direction de M. Bonnerie , 
TAbbé d'Espéronnat fut nommé, enl85'"2. Curé d'Escou- 
loubre , à Tàge de vingt-sept ans. A cette époque , par 
suite de circonstances malheureuses , la paroisse 
d'Escouloubre était réputée Tune des plus mauvaises. 



— 364 — 

Mais après quinze années d'un labeur incessant , dont 
Dieu et ses Anges ont pu seuls apprécier le mérite, 
le nouveau Curé eut la consolation d'avoir complète- 
ment transformé son troupeau. 

Il commença la réforme de sa paroisse , en gagnant 
l'affection et l'estime de son peuple , par ses vertus , sa 
parole éloquente et une charité sans bornes. 

Il entreprit ensuite la restauration de la pauvre et 
vieille église d'Escouloubre : son zèle pour la beauté de 
la maison de Dieu en fit bientôt le temple le plus riche 
de la contrée. L'infatigable pasteur eut avant tout à 
lutter contre les émigrations périodiques d'une partie 
de son troupeau. La pauvreté du sol obligeait tous les 
hivers , un certain nombre d'habitants à quitter leurs 
chaumières , pour aller demander Taumône dans des pays 
plus riches. Or une triste expérience a malheureusement 
prouvé que cette absence du foyer paternel est peu 
favorable aux bonnes mœurs et à la pratique des 
devoirs religieux. Le zélé pasteur demandait à Dieu 
dans la prière et la méditation, un moyen , une inspira- 
tion pour remédier à un mal si invétéré , qui menaçait 
de grandir chaque année , et d'envahir la partie la plus 
robuste de la paroisse , séduite par l'aspect tentateur 
d'une vie plus commode. 

Sur ces entrefaites , l'Abbé d'Espéronnat entend dire 
d'améliorer le triste sort des habitants d'Escou- 
loubre serait la construction d'un canal d'irrigation , 
pour féconder ce terrain granitique brûlé par les 
ardeurs du soleil de l'été. 

Ce fut là pour le (Juré d'Escouloubre , comme 



— 365 ^ 

un trait de lumière venu du ciel. Héritier du 
caractère entreprenant de Félix Armand et de ces 
anciens Moines du Moyen-Age qui ont porté 
partout avec le flambeau de la Foi , les progrès de la 
véritable civilisation , le jeune et infatigable pasteur , se 
mit sans retard à Tétude , et bientôt , avec la sûreté du 
coup d'œil de l'ingénieur le plus expérimenté , il recon- 
nut la possibilité de l'exécution de ce gigantesque projet. 

Quelques jours après , le lundi de Pâques 1856 , Tabbc 
d'Espéronnat entraînait à sa suite , la population tout 
entière d'Escouloubrc, électrisée par son éloquence. On le 
suit avec enthousiasme à plusieurs lieues du village , à 
peu près vers le milieu du parcours du canal projeté 
par riiumble pasteur , devenu tout-à-coup ingénieur 
hors ligne , sous le souffle divin de la Foi et du dévoue- 
ment. L'homme de Dieu , toujours inspiré par des 
pensées surnaturelles , plante d'abord la croix en ce lieu 
sauvage , et offre le saint Sacrifice , comme jadis Félix 
Armand dans les gorges de la Pierre-Lys , pour attirer 
les bénédictions du ciel sur cette œuvre éminemment 
civilisatrice. Alors commencèrent les premiers travaux 
du canal d'Escouloubrc, continués sans interruption 
jusqu'à la mort de l'Abbé d'Espéronnat , arrivée malheu- 
reusement avant la fin de cette grande entreprise , 
destinée à immortaliser sa mémoire. 

D'autres plus éloquents ont raconté le genre de vie , 
presque incroyable , de l'Abbé d'Espéronnat, pendant 
ces dix longues années. Qu'il nous suffise de rappeler 
en peu de mots , que le Curé d'Escouloubrc se levait 



— 366 — 

avant le jour , pour prier et dire la sainte Messe , qu'il 
était toujours le premier au travail, et qu'il donnait 
partout l'impulsion , se réservant les postes périlleux , 
comme de charger les mines, de les allumer de ses 

propres mains En un mot , il était l'âme de cette 

œuvre qui semble impossible. Mortifié comme un 
anachorète , il partageait la modeste nourriture des 
travailleurs , et couchait comme eux , sur la paille , à 
l'étage supérieur d'une bergerie , partagée en deux par 
un rideau. Avec l'approbation de TEvôque de Pamiers , 
car cette construction était située dans l'Ariége , il 
offrait tous les matins le saint Sacrifice dans ce réduit , 
plus que modeste , afin de puiser à Tautel , la force de se 
dépenser dans ce rude labeur quotidien. Et c'est ainsi 
que s'écoulait la semaine tout entière , du lundi matin 
au samedi soir , comme le bon Curé se plaisait à nous 
le raconter dans des entretiens intimes. 

L'Abbé d'Espéronnat avait jeté un si vif éclat dès les 
premières années de son ministère , à Escouloubre , que 
Mgr de Bonnechose, excellent juge en fait de mérite, 
voulait l'attacher à sa personne , pour Télever aux plus 
hautes dignités ecclésiastiques. L'humble Curé sut 
modestement décliner tous les honneurs , disant avec 
une simplicité digne d'un saint : « Je me sauverai plus 
facilement à Escouloubre que dans un poste plus 
élevé ! . . . . » 

Enfin , un ordre formel de Mgr de La Bouillerie , 
l'arracha d' Escouloubre , en 1866. La Providence l'avait 
préparé à cette séparation , par les tribulations de toutes 



i 



— 367 — 

sortes qu'il avait eu à supporter depuis quelques 
années. Son Ev;cque le plaçait à la teto de 
l'importante maison de Saint-Joseph de Cluny , 
à Limoux , avec la permission formelle de continuer 
Tocuvre de son cher canal. Malgré les multiples occupa- 
tions de son nouveau ministère , TAbbé d'Espéronnat 
trouvait le moyen de faire, tous les ans, plusieurs 
ascensions à Escouloubre. Ce fut au retour d'un 
voyage au canal , où il avait contracté une maladie 
mortelle , qu'il décéda au bout de trois jours , 
au Couvent de Saint- Joseph , le 9 mars 1874 , à l'âge de 
49 ans , avec la réputation d'un saint prêtre. Ainsi 
mourut l'Abbé Jean d'Espéronnat , Chanoine honoraire, 
l'une des gloires les plus pures du Clergé du diocèse de 
Carcassonne , après avoir édifié par des vertus héroïques 
la Communauté si fervente des Sœurs de Saint-Joseph 
de Cluny , et la ville de Limoux , comme il avait 
embaumé du parfum de ses vertus sa chère paroisse 
d' Escouloubre, où la mémoire de ce Juste vivra éternel- 
lement. 

Nous devons ajouter, à la gloire de l'Abbé d'Espéronnat, 
que Mgr Leuillieux , appréciant , comme ses deux 
illustres prédécesseurs , les mérites de l'ancien Curé 
d' Escouloubre , était au moment do le nomm.er Vicaire- 
Général du diocèse de Carcassonne. 

Plaise au ciel que le canal d'irrigation d' Escouloubre 
soit un jour terminé pour le triomphe de la Religion 
qui l'a inspiré, pour le bien-être de cette commune et 
pour la gloire de Thumblc pasteur qui a eu le courage 



— 368 — 

héroïque de Tentrcprendre. Nul doute que le pays recon- 
naissant ne donne à ce canal le nom bien mérité « de 
Canal de l'Abbé d'Espéronnat , à Escouloubrc » (1). 




(1) Le canal d'irrigation d'Escouloubrc mesure 15,720 mètres de 
longueur. Il doit fournir dix hectolitres d'eau par seconde pour l'arro- 
sage de quatre cents hectares de terres arides, brûlées par le soleil. 
L'excédant du revenu annuel de ces quatre cents hectares sera, 
d'après l'évaluation donnée par MM. les Ingénieurs des ponts-et- 
chaussées, de 2G,000 francs, et la plus value foncière de 570,000 
francs. Avec deux petites rigoles supplémentaires de 5,800 mètres, 
on pourra fertiliser six cents autres hectares auxquelles on étendra 
plus tard le bienfait de l'irrigation. Cette dernière étendue offrira 
annuellement 41,000 francs de plus de revenu et une valeur foncière 
de 845,000 francs. En total : 1,415,000 francs de valeur nouvelle 
acquise par l'effet du canal, et 07,000 francs de revenu nouvellement 
créé. 



TABLE DES MATIERES 



Pages. 

Approbation de l'Ordinaire. 

Chapitre I. — Description topographique d'Alet : 
Climat. — Productions. — Statistique. — 
Armoiries 1 

Chapitre II. — Alet pendant les périodes gauloise 

et romaine 5 

Chapitre III. — Temple païen d'Alet dédié à 

Diane 10 

Chapitre IV. — Le temple de Diane converti en 
temple chrétien , dès les premiers siècles de 
t'Eglise 18 

Chapitre V. — Fondation de l'Abbaye d'Alet 27 

Chapitre VI. — Restauration de l'Abbaye d'Alet, 
sous Charlemagne , par Héra 1'% comte du 
Razès 34 

Chapitre VII. — Noms des Abbés d'Alet il 

Chapitre VIII. — Importance de rAb))aye d'Alet 

llOOUà 1:^18) U) 

•n 



— 370 — 

Pa^ços. 

Chapitre IX. — .Construction de l'Eglise romane 

(XP siècle) 52 

Chapitre X. — Description des parties principales 
de l'Eglise romane : Le Sanctuaire gallo- 
romain. — Les Transsepts. — Les fenêtres. — 
Les voûtes. — Les tours ou clochers. — Les 
portes. — Les peintures. — Résumé du Cha- 
pitre X 59 

Chapitre XL — Evcché d'Alet (1318). — Noms des 

trente-cinq Evoques d'Alet 91 

Chapitre XII. — Abside orientale ajoutée à l'Eglise 

romane ( fin du XIV siècle ) 103 

Chapitre XIII. — Construction de l'Eglise Saint- 
André (XV*^ siècle) 110 

Chapitre XIV. — Alet pendant les guerres de 

religion (1573-1596) 120 

Chapitre XV. — Administration civile, judiciaire 
et financière de la ville d'Alet. — Armoiries 
des villes formant les diocèses civils d'Alet et 
de Limoux , représentées par des députés à 
l'Assemblée de l'Assiette 125 

Chapitre XVI. — Etienne de Polvcrel, 28^ Evoque 

d'Alet (1G07-1G37) 141 

Chapitre XVII. — Nicolas II Pavillon , 29^ Evoque 

(1637-1677) Ii9 

Chapitre XVIII. — Alphonse de Valbelle, 30''Evêque. 
— Victor Mélian, 31^' Evoque. — Nicolas III 
Tafïoureau de Fontaines , 32'" Evê({ue. — 
Jac(|ues Maboul , 33*^ Evoque. — l'ranrois de 
Bocaud , 3 V" Evoque IGi 

Chapitre XIX. — Charles de la Cropte de Chantcrac, 
35*^ cl dernier Evoque d'Alet. mort en odeur 



— 371 — 

Pa!,'os. 

de sainteté à Sabadell. en Espagne (1763- 
1793) \ 187 

Chapitre XX. — La dernière Cathédrale de Saint- 
Benoît. — L'ancien Cloître Bénédictin. — Le 
Chapitre d'Alet 215 

Chapitre XXL — Division ecclésiastique du diocèse 

d'Alet. — Etat du Clergé en 1784 et 1789 231 

CR.4.PITUE XXIL — Palais épiscopal. — Chapelle de 
l'Evcché. — Revenus de l' Evoque et emploi 
de ces biens 246 

CH.A.PITRE XXIÎI. — Grand-Séminaire d'Alet 258 

Chapitre XXIV. — Hôpital d'Alet 267 

Chapitre XXV. — Les Régentes ou institutrices 

d'Alet 278 

Chapitre XXVL — Alct, sous le rapport ecclésias- 
tique , depuis la suppression de l'Evcché 298 

Chapitre XXVII. — Vierge miraculeuse du XIP ou 
XIIP siècle, religieusement conservée dans 
l'église d'Alet 298 

Chapitre XXVIII. — Vierge d'ivoire de l'ancien 
Chapitre d'Alet. — Tableaux. — Cloches. — 
Objets remarquables conservés dans l'Eglise 
d'Alet 308 

Chapitre XXIX. — Hameau de Saint-Salvairc. — 
Métairie de Bacou. — Pierre di'uidique. — 
Eglises champêtres 315 

Chapitre XXX. — Etablissement thermal d'Alet. — 
Position lopographi({ue et agréments des 
bains. — Composition et emploi des eaux 
d'Alet. — Principales propriétés de l'eau d'Alet. 

— Avanta'jes exceptionnels des bains d'Alet. 

— Promenades et Excursions 128 



— 37-2 — 

Appendice I. — Histoire de l'Abbaye de Saint- 

Polycarpe de 780 à 1773 345 

Appendice IL — Félix Armand, Cure de Saint- 
Martin-Lys 352 

Appendice IIL — L'Abbé d'Espéronnat et le Canal 

d'Escouloubrc 363 

Table des Matières 369 




La Bibliothèque 
Université d'Ottawa 
Echéance 



The Library 
University of Ottawa 
Date due 



a39 




00 3 00 13092 19 



CE ce C611 
.AC23L3 1877 
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